0325 Un été, un voyage et des retours.

- Par l'auteur HDS Fab75du31 -
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Récit libertin : 0325 Un été, un voyage et des retours. Histoire érotique Publiée sur HDS le 25-05-2023 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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0325 Un été, un voyage et des retours.
Dimanche 17 août 2003.

Le lendemain de la nuit passée en compagnie de Giovanni, le beau spécimen florentin, nous prenons la direction de Siena. La radio Lattemiele nous fait découvrir « Maledetta primavera » de Lorella Goggi.

https://www.youtube.com/watch?v=bzkuaZnEVQ8

Siena.



A l’instar de Firenze, Siena est un bijou d’architecture d’une rare beauté. Une autre ville chargée d’une histoire riche et flamboyante dont chaque pierre, chaque brique, chaque pavé, chaque tuile semble se souvenir. En écoutant bien, il semblerait qu’ils se souviennent aussi des ouvriers et artisans qui ont laissé la santé ou même la vie dans ces chantiers pharaoniques à la gloire des puissants et de leurs folies de grandeurs. Oui, la beauté traîne des casseroles elle aussi.

Entre la Toscane et le Latium, Lattemiele nous apporte le son de l’Italie avec :

Nessuno de « Mina ».
https://www.youtube.com/watch?v=4nHEqcRjVm8
Et :
Sarà perché ti amo, des « Ricchi e Poveri ».
https://www.youtube.com/watch?v=8wA_0lSxkG8

Roma.



Nous arrivons dans la capitale del Bel Paese en fin d’après-midi. Et pour la première fois depuis le début de notre périple transalpin, nous avons un peu de mal à trouver une chambre pour la nuit. Le temps de nous loger, il est l’heure du dîner, sans que nous n’ayons eu le temps de visiter quoi que ce soit.
Ce soir, c’est salade avec mozzarella di bufala. C’est la vraie, celle préparée à base de lait de bufflonne, celle qui a du goût, et qui nous régale ce soir.
Pour la suite, ce sera bucatini (des gros spaghettis creux à l’intérieur) all’amatriciana, une sauce tomate légèrement pimentée (au peperoncino) et garnie de lardons.
Ainsi, lorsque nous sortons du restaurant nous n’avons encore rien visité des beautés de Rome. Mais nous n’allons pas tarder à en visiter une, faite non pas de pierre et de bois, mais de chair et de charme.
Ironie du sort, c’est dans un bar tout près du Vatican que le regard d’un jeune Romain, la vingtaine tout juste, accroche les nôtres. Il est assis en compagnie de quelques potes à une table non loin de la nôtre. Et il a l’air de s’ennuyer ferme. Notre présence semble constituer pour lui une diversion intrigante.
Ses regards sont timides. Et néanmoins insistants. J’ai l’impression qu’il se pose des questions pour Jérém et moi, sans pour autant arriver à faire confiance à son intuition. Il a l’air coincé avec ses amis, ce soir, à cette table. Je me dis que c’est peut-être le cas aussi dans sa vie en général.
Dans son regard, il me semble retrouver les questionnements que je me posais plus jeune, lorsque je croisais le regard d’un garçon qui semblait s’attarder sur moi : Es-tu comme moi ? Voudrais-tu m’amener loin d’ici, et m’offrir le bonheur d’un instant, d’une heure, d’une vie ?
— Il est mignon, me glisse Jérém.
J’adore notre complicité, celle de nos regards, de nos ressentis, cette façon de nous comprendre au quart de tour.
— C’est clair !
— Il me fait penser à toi, il ajoute.
— A moi ?
— Oui, à toi avant nos « révisions ». Il a l’air si timide et si mal dans sa peau…
— Autrement dit, tu penses qu’il est puceau ? je m’avance.
— Je ne sais pas, mais il n’a pas dû en voir beaucoup ! Blagues à part, il a l’air tout timide et hésitant. Il est craquant ! Comme toi !

Moi qui pensais qu’en dehors de moi Jérém n’était attiré que par des gars plutôt virils, je découvre qu’il est aussi, tout comme moi, sensible à la douceur de ce genre de « ragazzo ». Et je comprends par la même occasion ce qui l’a touché en moi, au-delà de l’occasion facile de baiser comme il en avait envie.
Quelques minutes plus tard, nous nous levons de notre table et nous nous apprêtons à quitter l’établissement. Jérém cherche le regard du type, le trouve, le ferre. Il lui sourit et lui balance un signe de la tête pour lui montrer la direction que nous allons emprunter.
— Et maintenant, il ne reste qu’à attendre, fait Jérém, en s’asseyant sur le capot d’une voiture à quelques dizaines de mètres du bar, tout en s’allumant une clope.
— Tu crois qu’il va venir ?
— Il crève d’envie de coucher avec nous.
— Mais il est avec ses potes…
— Il trouvera un moyen de partir…
Jérém ne s’y trompe pas. Quelques minutes plus tard, le petit mec sort à son tour du bar et nous cherche du regard. Il vient vers nous, il nous sourit. Il n’a pas vraiment l’air à l’aise.
— Ciao… il nous glisse, l’air gêné.
— Ciao, nous lui répondons en cœur.
— Scusa, hai una sigaretta ? demande le petit mec.
— Certo ! fait Jérém en lui tendant son paquet de clopes et son briquet.
— Mi chiamo Gianluca.
— Io siamo Jérémie, et lui Nicolas…
— Francesi ?
— Si…

Avec l’adorable Gianluca, c’est un tout autre plan qu’avec le Giovanni de Firenze qui s’engage. Le mec n’est pas contre un peu de tendresse, et il semble particulièrement affectionner les câlins.
Le petit gabarit se laisse volontiers enfiler par Jérém, qui se montre beaucoup plus doux et attentionné qu’avec Giovanni. Le jeune Romain me suce longuement, et me fait gicler en me branlant.
Gianluca n’est pas contre le fait de passer la nuit avec nous, et d’engager la conversation au sujet de la situation des gays en Italie. Il nous explique que dans son pays, encore trop imprégné de préjugés, de machisme et d’influence religieuse, ce n’est pas tous les jours facile d’être différent. Le poids du regard des autres, famille, amis, collègues est encore très important. Et la stigmatisation des minorités sexuelles très ancrée dans les mentalités.
Gianluca n’est pas contre non plus le fait de recommencer à sucer Jérém dans la nuit. Et Jérém n’est absolument pas contre le fait de se laisser sucer. Et après s’être bien fait chauffer la queue par notre amant d’un soir, c’est entre mes fesses que le bobrun vient jouir.

Lundi 18 août 2003.

Après avoir dit au revoir à l’adorable Gianluca, nous rentrons dans le vif de la découverte de la Ville Eternelle. Nous nous dirigeons en priorité vers les grands sites, les Fori Imperiali, le Colosseo, les Terme di Caracalla, le Panthéon.
Au fil des visites, je repense à Ruben et à son récit de son voyage ici-même, en compagnie d’Andréas, le frère de sa copine, dont il était secrètement amoureux. J’essaie d’imaginer comment ça a dû être dur pour lui de partager les chambres avec Andréas, dont il était amoureux, et de se contenter des bribes de sensualité dont ce dernier avait bien voulu lui laisser profiter.
Je ne regrette pas d’avoir quitté Ruben pour m’occuper de Jérém. Je regrette le mal que je lui ai fait, en le laissant espérer en quelque chose que je ne saurais lui donner. J’espère qu’il a trouvé, ou qu’il va bientôt trouver, quelqu’un qui le rendra heureux. Je devrais prendre de ses nouvelles. Ou pas. Peut-être que le mieux, c’est de le laisser tranquille.

Mardi 19 août 2003.

Après avoir visité la Rome des touristes pendant un jour et demi, cet après-midi nous suivons le conseil que nous a donné Gianluca. Celui de mettre de côté nos plans et nos guides et de nous laisser flâner dans la ville sans but précis. De nous surprendre par les découvertes surgissant au gré du hasard.
Nous nous laissons happer par les petits quartiers de Transtevere où la « dolce vita » prend le visage bienveillant de petites places bordées de restaurants et de bars familiaux. Des petits coins sympas en pleine ville mais bien à l’écart de la circulation chaotique et du bruit des grands axes. Des quartiers extrêmement vivants, à l’allure de petits villages en fête, fréquentés par une foule de personnages bruyants mais foncièrement avenants. Ici les Romains se retrouvent pour bavarder, prendre un verre, rigoler, manger un bout, danser, flirter.

Ce soir, le menu au restaurant est constitué par d’autres spécialités de la ville, les calamars frits et les saltimbocca.
Ce soir encore, en rentrant à l’hôtel avec Jérém, je suis comme enivré par le bonheur de la journée passée en sa compagnie. Fatigué, mais tellement heureux ! Notre sérénité, notre bien-être, notre insouciance n’ont jamais été si grands. Ils l’ont été peut-être à Campan, entourés de gens bienveillants et ouverts d’esprit. Mais jamais lorsque nous n’étions que tous les deux entourés d’inconnus, jamais comme pendant ces jours magiques.
Il me semble que le fait de nous autoriser à voyager ensemble, comme un petit couple, même si incognito, nous procure une sensation de liberté un brin sulfureuse qui est tout bonnement grisante.
Malgré la fatigue, nous faisons l’amour. Jérém a retrouvé sa fougue de jeune mâle, et il semble bien parti pour rattraper les longs mois d’hibernation de sa sexualité.

Mercredi 20 août 2003.

Aujourd’hui, avant de reprendre la route vers le sud, nous sortons de Rome pour aller découvrir un endroit qui plonge le visiteur deux mille ans en arrière. C’est un endroit où le temps semble s’être figé à tout jamais. En marchant à pied le long de l’ancienne voie romaine qui conduisait vers Naples, Pompei, et jusqu’aux Pouilles, je repense aux mots de Ruben.



Comme cela a été le cas pour lui, la via Appia est l’un des sites de la Rome Ancienne qui m’a le plus bouleversé. Moi aussi, dans ce décor silencieux et plongé dans la nature, j’ai l’impression de ressentir l’écho des siècles qui se sont écoulés depuis l’Empire Romain. En foulant les grands pavés de cette ancienne voie bordée de pins, de cyprès et de tombes anciennes, j’ai l’impression de marcher dans les pas de cent générations d’hommes et de femmes. Quand on y pense, ça file un sacré vertige.

Le temps d’avaler un plat de gnocchi alla Romana et de poster quelques cartes postales (à cette époque on envoyait des souvenirs de vacances qui survivaient à un changement de téléphone), nous prenons la route vers Napoli.
Au détour d’une conversation, Jérém revient sur ses inquiétudes au sujet du renouvellement de son contrat au Stade Français.
— Je ne sais pas ce que je vais faire s’ils me laissent à la rue.
— Tu vas postuler dans une autre équipe !
— Avec mon dossier médical, ils vont me rire au nez ! Autant que je j’aille directement distribuer des CV dans les restos et brasseries !
— Tu l’auras ton contrat, sois patient.

Entre le Latium et la Campanie, Lattemiele délecte nos oreilles avec « Pensiero Stupendo » de Patty Pravo.

https://www.youtube.com/watch?v=yettCU9dJBM

Et avec « Riderà » de Little Tony.

https://www.youtube.com/watch?v=jlYQDtIopdc

Napoli.



Nous arrivons dans la ville aux 500 églises en fin de journée. Et pour la première fois depuis notre voyage, nous n’avons pas à nous occuper de trouver une piaule pour la nuit. En effet, c’est dans la famille de Jérém que nous sommes hébergés. Si j’avais cru que cela arriverait un jour !
Carmelo, le cousin de Jérém, nous accueille en bas de l’immeuble du quartier de Poggioreale. Carmelo est un garçon à peine plus âgé que Jérém et moi. A l’instar de son cousin toulousain, il est très brun, il a la peau très mate, et il a un putain de sourire à te faire tomber raide dingue. Les gènes ne mentent pas. L’air de famille avec Jérém est flagrant.
Deux choses le différencient cependant de mon bobrun. Un physique un brin enrobé, qu’il semble d’ailleurs assumer parfaitement, et qui n’a rien de rédhibitoire dans le charme de sa personne. Mais aussi un caractère plutôt extraverti. Le jeune Napolitain parle fort, et gesticule beaucoup. Il est d’un naturel drôle, bon vivant, il est plein de joie de vivre. Il appelle Jérém « campione di rugby ». Carmelo nous témoigne son plaisir de nous accueillir avec un enthousiasme qui met de suite à l’aise.
Les parents de Carmelo, dont le père n’est autre que le cousin germain de Mr Tommasi, le papa de Jérém, nous accueillent comme des rois. Jérém me présente comme un « compagno di scuola » (camarade d’école), et ça passe comme une lettre à la poste. Je n’arrive pas encore à croire que Jérém m’amène dans sa famille, même s’il s’agit d’une branche éloignée. Si on m’avait dit ça, à l’époque des « révisions » dans l’appart de la rue de la Colombette, j’aurais cru à une blague cruelle. Et pourtant, c’est devenu une magnifique réalité. Putain, Jérém, tu es vraiment incroyable !
En tant que camarade d’école, j’ai le droit de partager le lit avec mon amoureux. Je doute fort que ce serait le cas en tant que petit-ami. Définitivement, la vie est truffée de paradoxes, de contre-sens et d’injustices.
Au menu du repas du soir, des spaghetti « salsa puttanesca », littéralement « une sauce de fille aux mœurs légères ». Cette sauce, qui est une saveur typique de Napoli, est relevée par l’ajout d’un piment genre Espelette.
Cœurs sensibles (et surtout papilles sensibles), s’abstenir. La première bouchée semble inoffensive. Ça met en confiance. Mais ce n’est que du bluff ! C’est à partir de la deuxième que l’incendie se déclenche en arc dans le palais. Et pour l’éteindre, je vous souhaite bonne chance !
Pendant le repas, il est longuement question de souvenirs liés à l’enfance de Jérém et de Carmelo, et des bêtises qu’ils pouvaient accomplir lorsqu’il se retrouvaient pendant l’été. En connaître davantage sur les origines et l’histoire du garçon que j’aime, c’est fascinant. Mais la barrière de la langue est pour moi insurmontable.
J’ai vraiment du mal à suivre les conversations, et ça me frustre terriblement. Jérém s’efforce de traduire dans les deux sens, mais il fatigue vite, d’autant plus qu’il cherche souvent les mots en italien. Aussi, les parents de Carmelo parlent un dialecte, le napolitain, qui n’a pas grand-chose à voir avec l’italien.
Lorsque les parents parlent, Carmelo traduit à Jérém, en italien, mais avec un bon accent du sud. Jérém essaie de comprendre ce que lui raconte son cousin et tente de me le traduire en français. C’est un joyeux téléphone arabe qui amène toute sorte de quiproquos bien marrants.

Jeudi 21 août 2003.

Cernée par la silhouette imposante du Vésuve, tel un fauve prêt à bondir sur sa proie à chaque instant, Naples a des allures de ville sous menace perpétuelle.
Malgré quelques désagréments – la circulation chaotique, le bruit, la pollution, beaucoup de déchets qui traînent, des tags partout, et pas tous d’un très bon goût – Napoli a énormément de beauté à offrir. L’ordure y côtoie le sublime, la pauvreté l’ostentation de richesse, le faste des édifices anciens, bien que parfois très dégradés, la misère des quartiers pauvres. Si Napoli est si particulière, c’est parce qu’elle a connu plus d’une domination étrangère, et en a retiré une pluralité de visages.
Les habitants sont tout aussi hauts en couleur que leur ville. Bruyants et charmants, avec le sang chaud. Ça parle fort, ça parle avec les mains, ça siffle et ça chante parfois, y compris dans la rue.
Côté sécurité, ce n’est pas non plus la ville la plus tranquille du monde. Il arrive que les balles fusent. Ce sont des règlements de comptes entre clans.
— Mais si tu ne fourres pas le nez là où il ne faut pas, tu ne risques rien, résume Carmelo.

Le marché de quartier où nous amène le cousin de Jérém ressemble au chaînon manquant entre une braderie et un souk arabe. Les contrefaçons de grandes marques, vêtements, montres, chaussures, sac à main s’exposent sans vergogne sur les étals plantés en pleine rue, au su et au vu de tout le monde, y compris les « Guardie Municipali » qui patrouillent avec une allure flemmarde sans inquiéter personne.
Naples est une ville impressionnante. Les rues bouillonnent d’une activité intense, et on peut se sentir mal à l’aise dans cette effervescence.
Oui, ici les habitants sont hauts en couleur. Mais aussi hauts en bogossitude. Jamais de ma vie je n’ai vu autant de mâles typés, bien bruns et à la peau mate, allant du petit con de 17 ans qui se prend pour un caïd, jusqu’au trentenaire bien macho, bien sexy, en passant par le kéké un tantinet bourrin.

Vendredi 22 août 2003.

Cet après-midi, Carmelo nous conduit à Pompéi. La visite de ce lieu si particulier est tout aussi saisissante, si ce n’est plus encore, que celle de la via Appia. Là aussi, le temps semble s’être figé. Avec la différence que là, c’est au sens propre.
Car c’est exactement ce qui s’est produit en cette nuit de l’an 79 de notre ère. L’éruption du Vésuve a été très soudaine. Elle a laissé derrière elle une impressionnante tranche de vie stoppée nette par la fureur de la nature.
Marrante cette plaque avec une bite sculptée en relief qui signalait a priori l’entrée d’une maison close.

Le soir même, le cousin de Jérém nous amène à une fête dans un village de l’arrière-pays. La soirée est très animée et les potes de Carmelo sont avenants avec nous, « i francesi ». Le cousin semble connaître un paquet de monde et nous finissons par le perdre de vue, comme s’il avait été aspiré par la foule.
Il est presqu’une heure du matin lorsque Jérém et moi nous laissons attirer par l’une de ces machines débiles où il faut ajouter des jetons pour faire tomber d’autres jetons, sur lesquels sont posés des bons cadeaux en plastique qui ne tombent jamais. Le genre de machine qui finit par te faire dépenser une fortune pour gagner une babiole que tu aurais payée dix fois moins cher dans le commerce. Mais il faut admettre que ce petit jeu peut être bien marrant à faire à deux.
Nous nous y amusons depuis un petit moment déjà, lorsque je remarque le mec. Il est en train de jouer seul à une machine un peu plus loin. Il doit bien avoir une trentaine d’années, il est brun, poilu, la peau mate, des gros biceps et un regard de braise.
Il est très viril et vraiment typé. Il n’y a pas de doute, c’est un mâle napolitain dans toute sa splendeur. Il l’est dans ses gênes, mais aussi dans son look. Ses cheveux sont fixés au gel, sa chemise blanche est à moitié ouverte, et une chaînette dorée à grandes mailles se balade entre ses pecs bien saillants et bien montrés. Tout est ostentation désinvolte et insolente d’une mâlitude conquérante. C’est plutôt renversant.
Le mec ne tarde pas à me griller. Son regard est très brun, terriblement charmant, pénétrant. Il est empli d’une sensualité animale. T’as l’impression que le mec te baise rien qu’en enfonçant ses yeux dans les tiens. Il a aussi l’air un tantinet macho, un peu bourrin sur les bords. Le gars qui pourrait ne pas être commode, et dangereux, si on le cherche. Et ça le rend sexy à mort.
Même si je pressens que je prends à chaque regard le risque de l’importuner un peu plus, et de le pousser à venir m’alpaguer violemment (le Napolitain a le sang chaud), sa présence est tellement magnétique que je n’arrive pas à arrêter de le mater.
— Ça va, tu mates bien ? j’entends Jérém me lancer.
— Tu l’as vu aussi ?
— Il faudrait être aveugle pour ne pas le voir. Il est canon !
— C’est clair ! j’admets.
— Tu veux qu’on se fasse un plan avec ?
— Je ne sais pas trop…
— Il te fait bander, non ?
— Oh oui !
— Moi aussi !
— Mais tu crois qu’il serait partant ?
— Pour le savoir, il faut aller lui demander.
— Moi je ne m’en sens pas le courage. Je trouve qu’il fait très hétéro, et un tantinet macho. Il n’a pas l’air commode. Il me semble qu’il pourrait être très chatouilleux sur le sujet. J’ai peur que s’il n’aime pas ce qu’on lui propose, il pourrait devenir violent.
— Il faut y aller avec assurance.
— Admettons, et on fait quoi de ton cousin ?
— Je ne sais pas où il est. Avec l’une de ses copines sans doute. Il m’a laissé un double des clefs de l’appart, au cas où nous ne rentrerions pas au même moment.
— Et tu veux faire ça où ?
— Peut-être que le type peut nous recevoir…
Autant avec Giovanni et Gianluca, je sentais bien le plan. Autant ce soir, ce gars me fait un peu peur. Jérém doit remarquer mon hésitation car il me questionne :
— T’as peur de quoi ?
— Qu’il nous casse la gueule ! Qu’il pète un scandale qui remonte jusqu’aux oreilles de ton cousin !
— Il ne se passera rien de tel, fait Jérém avec un aplomb impressionnant.
Sur ce, il pousse son dernier jeton dans la fente. Puis, il sort son paquet de cigarettes de la poche de son short, il en allume une, et pose son regard sur le mâle napolitain. Ce dernier le capte aussitôt. Jérém s’avance dans sa direction et lui tend le paquet de cigarettes. Le type allonge le bras et en saisit une. Jérém allume son briquet, l’approche pour que le mec puisse allumer sa clope. L’assurance de mon beau brun m’impressionne.
Un instant plus tard, les deux mâles bruns sont en train de discuter. Le regard intimidant du mec disparaît lorsque son sourire ravageur fait son apparition fracassante.
— Viens, Nico, m’appelle Jérém.
— Voilà Salvatore.
— Ciao, me glisse le mec.
— Io sono Nicolas.
Jérém avait raison, le mec peut nous accueillir chez lui. Nous le suivons dans un dédale de rues étroites et sommairement illuminées. De temps en temps nous croisons des mecs, à l’allure peu recommandable. Certains nous proposent de nous vendre de la drogue. Le quartier ne m’a pas l’air bien sûr. Pendant un instant, je me surprends à craindre que le sexy Salvatore soit en train de nous attirer dans un guet-apens.
Mais ce n’est pas le cas. Quelques minutes plus tard nous sommes dans son appart. Et nous y sommes pour un bon match de jambes en l’air.
Au début de la première mi-temps, les deux mâles bruns se tiennent debout devant moi, les queues bien tendues pointant le zénith. Je les suce et je les branle à tour de rôle.
Dans une autre action de jeu, Jérém est à genoux devant le dieu mâle Salvatore et le pompe avec vigueur.
Dans la suivante, nous sommes tous les trois sur le lit, je suce Jérém qui est toujours en train de sucer Salvatore.
Dans la suivante encore, je suce le mâle napolitain, alors que Jérém est en train de me tringler par derrière.
La pause dure le temps de fumer un bon joint.
A la reprise de jeu, Salvatore passe une capote et s’enfonce lentement mais assurément entre les fesses de mon Jérém. Il baise avec une attitude sauvage, animale. Jérém semble bien prendre son pied lui aussi. Que de chemin parcouru en deux ans !
Action suivante, Jérém vient en moi et jouit entre mes fesses.
Dans la troisième mi-temps (dans ce genre de match, il n’y a rien de règlementaire, surtout pas la durée de jeu), Salvatore passe une nouvelle capote et me baise à son tour. Et je kiffe un max. Ce n’est que de la baise, mais c’est terriblement bon.
Salvatore me rappelle un gars que Jérém et moi avions levé une nuit au On Off à Toulouse, un beau gosse brun, barbu et terriblement viril prénommé Romain. Il est tout aussi charmant et charmeur, tout aussi intimidant, et tout aussi fougueux en tant qu’amant.
Nous quittons l’appart du mâle napolitain au milieu de la nuit. Dans la cage d’escalier, Jérém me pousse contre le mur délabré et m’embrasse fougueusement.
— C’était marrant… il me glisse, alors que nous quittons l’immeuble.
— C’est clair.
— Et ce qui est encore meilleur, c’est de rentrer avec toi, il ajoute.
Ce n’est pas encore un « je t’aime », mais ça lui ressemble quand-même. Et ça me touche profondément.
Je sais que Jérém a des besoins, je sais que pour les satisfaire il aura des aventures, que son corps exultera avec d’autres garçons. Mais je sais aussi que ce qu’il y a entre nous est désormais tellement fort que personne ne pourra nous l’enlever. Je sens que ma jalousie s’évapore. En regardant Jérém baiser avec les quelques gars que nous avons levés au cours de notre voyage, je me dis qu’avec aucun d’entre-eux, même pas avec un gars comme Gianluca par qui il a été drôlement touché, il est comme il est avec moi.
Autour de ces plans « récréatifs », Jérém et moi faisons l’amour presque chaque soir. Le plaisir se mélange avec la tendresse et cela donne un feu d’artifice avec des couleurs qu’aucun plan ne sait offrir. Nous sommes Ourson et P’tit Loup, et je sens qu’il n’y en aura pas d’autres dans notre vie.

Pendant le trajet pour rentrer à l’appart des oncles de Jérém, je pense au fait que nos vacances touchent à leur fin. Dans trois jours, nous serons rentrés. Je sens que ça va être dur de redescendre du petit nuage sur lequel j’ai voyagé depuis deux semaines.
Je me projette encore plus loin, quand Jérém aura terminé sa rééducation à Capbreton, quand il recommencera à jouer à Paris. A ce moment-là, il n’aura plus besoin de moi, et je n’aurai plus qu’à rentrer à Bordeaux. Nous serons à nouveau séparés, souvent, trop souvent.

Samedi 23 août 2003.

Après un petit déjeuner et des adieux à rallonge avec Carmelo et ses parents, nous reprenons la route en direction de la dernière étape de nos vacances.
Nous arrivons à l’hôtel que Carmelo nous a réservé à Sorrento en début d’après-midi. Et la première chose que nous faisons après avoir posé nos valises, c’est l’amour. C’est un besoin soudain, violent. Et, surtout, partagé. Jérém ouvre ma braguette, me fait m’allonger sur le lit, sur le ventre. Il descend mon boxer et mon short, puis les siens. Il crache sur ma rondelle et il glisse sur moi, en moi. Il me pilonne pendant une poignée de minutes et il jouit profondément enfoncé en moi, son souffle chaud caressant mes oreilles et mon cou.



Une heure plus tard, nous embarquons sur un ferry pour Capri. Les notes festives et estivales du tube « Dolce vita » résonnent dans les enceintes du bateau.

https://www.youtube.com/watch?v=EXmABxvHTG4

Elles me donnent la mesure de mon bonheur présent avec ce garçon, un garçon qui vient de me faire l'amour et qui me regarde avec des yeux aimants. Quand je pense qu’il y a deux ans, jour pour jour, nous venions de nous disputer violemment chez mes parents et de nous taper dessus, je me dis qu’il ne faut vraiment jamais perdre espoir.

La promenade sur la corniche est un incontournable du tourisme de l’île. Le paysage entre terre et mer y est époustouflant.
Et c’est dans ce lieu enchanteur qu’une magie d’un tout autre genre se produit. Nous venons de prendre place à la table de notre dîner lorsque la sonnerie du téléphone de Jérém retentit.
Le bobrun regarde l’écran et soudain son visage s’illumine.
— Putain, c’est mon agent ! il me lance, l’air déboussolé.
— Réponds !
Jérém décroche. Et la bonne nouvelle tombe enfin. Le jeune ailier est reconduit au Stade Français. Et même si ce n’est que jusqu’à la fin de la saison, en attendant d’apprécier sa récupération, c’est déjà une immense victoire.
— Je suis tellement content pour toi ! Je te l’avais dit que ça arriverait !
— Je pensais que seul un miracle aurait pu me faire retrouver ma vie d’avant.
— Le miracle est accompli, tu l’as accompli !
— Non, c’est toi qui l’as accompli, Nico. Ma cheville, mon genou, mon énergie pour me battre et revenir au top, tout ça, c’est à toi que je le dois. En fait, je te dois ma vie tout entière.
— Jérém… je tente de l’arrêter, alors que je sens l’émotion monter en moi.
— Sans toi, je n’aurais pas réussi. Sans toi, j’aurais tout balancé, il continue sur sa lancée. Je n’aurais pas réussi non plus sans ce chirurgien que tu as sorti de nulle part comme un magicien. Quel exploit, putain ! Chapeau, l’artiste ! Merci, merci mille fois, merci un million de fois !
— Tu sais, j’ai été tellement heureux d’être à tes côtés…
— J’ai été horrible avec toi, et tu es resté !
— Jamais je n’aurais pu partir quand tu avais le plus besoin de moi.
— T’es un sacré bonhomme, toi !
— Merci P’tit Loup !
— Et désolé pour les horreurs que je t’ai dites à l’hôpital, il continue, tout en prenant ma main dans la sienne, je ne le pensais pas, j’étais juste en colère. Et j’avais une trouille terrible.
— Je sais, je sais. Ça fait longtemps que j’ai oublié ce que tu m’as dit quand tu étais au plus mal.
— Tu es la plus belle chose qui me soit arrivée, Ourson !
— Et toi, alors, mon P’tit Loup !

Non, à Capri, rien n’est fini pour nous. Bien au contraire, je sens que je vis ici, dans ce cadre magnifique, quelque chose de fabuleux. Je crois que je n’ai jamais été aussi amoureux de mon beau brun.

En regardant en arrière, je réalise que pendant un temps j’étais amoureux non pas de Jérém, mais du plaisir sensuel qu’il m’apportait, et de la stabilité affective que j’espérais il pourrait m’apporter.
Je crois que je l’aime désormais pour ce qu’il est, avec ses qualités et ses défauts, ses craintes, ses angoisses, ses hauts, ses bas. Certes, ce garçon sait m’apporter un immense bonheur. Et ce bonheur, je le prends tout entier. Mais ce dont je suis certain désormais, c’est que la chose au monde qui me rend le plus heureux c’est de le savoir heureux, lui. Et quand je vois dans son regard et ses attitudes qu’il en est de même pour lui, je me considère comme un garçon chanceux, très chanceux.
Je n’ai jamais été aussi heureux que de pouvoir être à ses côtés pour l’aider à remonter la pente, pour l’encourager, le soutenir, même si ça n’a pas été évident tous les jours. Je suis content de l’entendre dire à quel point ça l’a touché.

Dimanche 24 août 2003.

Aujourd’hui, nous remontons la Botte en direction de la France. Et voilà, nous sommes déjà sur le retour. Ces deux semaines ont filé si vite ! Heureusement, je vais passer encore quelques jours à Capbreton avant de rentrer à Bordeaux pour la reprise des cours.
Ça, c’est ce que je pensais jusqu’à midi, en gros jusqu’à hauteur de Rome. Car le téléphone de Jérém sonne à nouveau à ce moment-là. A l’autre bout des ondes, un dirigeant de son club. Il appelle pour lui annoncer qu’il a été décidé qu’il terminerait sa rééducation dans un centre spécialisé à Paris. Le type lui rappelle que son contrat n’est renouvelé pour l’instant que jusqu’à la fin de la saison, dans l’attente de voir comment les choses évoluent. En gros, il faut que sa rééducation soit terminée mi-novembre, date à laquelle il devra avoir retrouvé le chemin du terrain de jeu. En clair, il est en sursis. Soit, ça passe, soit, ça casse. Et si ça casse, c’est le rebut. Une belle pression sur ses épaules, l’ambiance idéale pour terminer la rééducation dans de bonnes conditions.
— Tu crois que ça va aller ? je le questionne. C’est pas un peu court comme délai ?
— Je vais y arriver, t’inquiète ! Je suis motivé à bloc !
— Ne fais pas de bêtises, Jérém, ne te mets pas en danger pour vouloir aller trop vite !
— Je ferai attention.
— De toute façon, je vais être là pour te surveiller.
Et là, après quelques instants de silence, j’entends Jérém émettre une hypothèse inattendue qui me déstabilise comme un coup de massue sur la tête.
— Pourquoi tu ne rentrerais pas à Bordeaux pour te consacrer au rattrapage des examens que tu as ratés en juin ?
— Tu en as déjà assez de moi ? je m’entends lui répondre, sonné par ses mots.
— Non, pas du tout, au contraire. Mais ça fait près de six mois que tu t’occupes de moi. Je crois qu’il est temps que tu t’occupes un peu de toi. Tu n’as pas passé d’exams en juin, tu peux les rattraper en septembre. Rattrape ton semestre, Nico.
— Mais c’est trop court !
— Si moi je peux arriver à rejouer, toi tu peux arriver à rattraper ton année. Nous pouvons y arriver tous les deux !
Je sais qu’il a raison, mais l’idée de me séparer de lui dans quelques heures à peine me rend infiniment triste.

A l’instant où nous avons quitté l’hôtel ce matin pour prendre la route du retour, j’ai ressenti au fond de moi un immense coup de blues. Mais j’avais trouvé de quoi m’apaiser avec la perspective de passer encore quelques jours à ses côtés. Désormais, cette perspective s’est évaporée. Laissant à sa place une immense désolation.
Borne après borne, ma tristesse ne fait que grandir. Je sais que je devrais être heureux pour ce qui arrive à Jérém, enfin sur la bonne voie pour renouer avec son rêve. Je le suis, vraiment. Mais l'idée d'être séparé de lui si brusquement après ces jours magiques me semble excessivement cruelle.
Désormais, tout ce qui me reste pour prolonger le bonheur de ce voyage est cette radio qui amène à moi le son de l’Italie. Comme avec la chanson, Zingara d’Iva Zanicchi.

https://www.youtube.com/watch?v=Nu5EbVpOZLQ

Nous décidons de ne pas passer la frontière ce soir. L’un comme l’autre, consciemment ou inconsciemment, avons besoin de rester encore quelques heures en Italie pour nous préparer à lui dire au revoir. A nous dire au revoir.
Nous trouvons notre salut dans une petite pension à une demi-heure de Vintimille, sur les hauteurs. Le logement est situé dans un corps de ferme rustique entouré d'oliviers. Depuis la cour, nous apercevons, entre deux pentes contraires, un petit triangle d’eau bleue. Nous sommes accueillis par un couple de trentenaires d’une gentillesse exquise. Le repas méditerranéen concocté par nos hôtes est un régal.
Ce soir, nous sommes les seuls clients de cette petite pension qui ne compte que deux chambres à louer au total. Nos hôtes sont également producteurs d’huile d’olive, qu’ils vendent aux clients, entre autres. A table, malgré leur connaissance sommaire de la langue française, ils essaient de nous faire la conversation. Jérém se prête au jeu, il est avenant et drôle, et nous finissons par sympathiser avec ce couple charmant. Nous passons une très agréable soirée.
Pourtant, au fond de moi, j’ai l’impression que Jérém est tout aussi triste que moi, et qu’il surjoue sa bonne humeur pour essayer de me remonter le moral. Pendant quelques instants, l’illusion fait effet, et j’en arrive presque à oublier que dans quelques heures nous serons séparés.
Mais ma tristesse revient dès que nous quittons nos hôtes, lorsque je me retrouve seul avec Jérém, et que le silence s’installe à nouveau entre nous. Au lit, ce sont les baisers et les caresses qui prennent la place des mots qui ne sauraient certainement rien ajouter de plus. Nous faisons l'amour dans cette petite chambre de cette petite masure au milieu des oliviers. C'est un petit adieu, du moins c'est ainsi que je le ressens.

Lundi 25 août 2003.

Malgré le petit déjeuner copieux et varié préparé par nos hôtes, malgré leur bonne humeur matinale, je quitte ce petit coin du Paradis au milieu des oliviers avec le cœur bien lourd.
C’est toujours un petit déchirement que de quitter un endroit si beau. De plus, c’est notre dernière étape avant Capbreton. C'est la dernière scène avant le générique de fin. Ou peut-être que c’est déjà le générique de fin. Quoi qu’il en soit, c’est la dernière journée en compagnie de Jérémie. C’est surtout ça qui rend mon cœur lourd.
Nous approchons de Vintimille lorsque Lattemiele nous apporte la douce mélancholie de « Una lacrima sur viso » de Bobby Solo.

https://www.youtube.com/watch?v=T4JhV0-jI6w

Nous passons la frontière, nous changeons de pays, et j’ai envie de pleurer à l’idée de quitter cette terre qui m’a offert tous ces moments inoubliables avec le garçon que j’aime. Au revoir, Italie, terre de mon bonheur avec Jérém. Il n’y a qu’à Campan où j’ai été si heureux.
Nous changeons de pays, mais je ne change pas de radio. Je reste sur Lattemiele jusqu’à ce que son signal se dissolve en un bruit de fréquence perdue. Lorsque la radio recommence à parler et à chanter en français, je sais que ces vacances sont terminéesw pour de bon.
Une partie de moi est toujours sur un petit nuage, et refuse catégoriquement d’en redescendre. Et pourtant, c’est bien ce qui est en train de se produire, borne après borne. Le nuage se dissipe, je tombe. C’est violent, insupportable.
Les larmes coulent de mes yeux, des sanglots incontrôlables secouent mon corps.
— Eh, qu’est-ce qu’il y a, Ourson ? me questionne Jérém, inquiet et touché.
— C’était tellement bien ce voyage ! Merci, merci Jérém de m’avoir offert tout ça ! Merci pour ce cadeau !
— C’est toi le cadeau, Nico ! il me répond du tac-au-tac, en posant sa main sur ma cuisse.
— Je ne veux plus qu’on soit séparés !
— Moi non plus !
— Je pourrais réviser à Paris ! je réfléchis soudain à haute voix.
L’idée me paraît lumineuse, imparable. Mais Jérém n’est pas de cet avis.
— Tu as besoin de te concentrer sur tes rattrapages. Et si tu restes à Paris, tu n’y arriveras pas, parce que tu ne feras que t’occuper de moi.
— J’adore m’occuper de toi !
— Je sais, Ourson, je sais. Tu m’as déjà tellement aidé ! Mais maintenant je peux y arriver seul. Toi aussi tu as des choses importantes à faire. Il n’y a pas que ma carrière au rugby qui compte. Tes études et ton avenir comptent tout autant.
— Tu seras à Paris et moi à Bordeaux, je considère avec tristesse.
— Oui, mais on va se revoir. Tu vas monter à Paris et je vais venir te voir à Bordeaux.
— Mais moi j’ai envie d’être avec toi tout le temps !
— Je te promets que nous nous reverrons plus souvent qu’avant !
— Maintenant que tu es de plus en plus connu, ça va être de plus en plus compliqué pour toi !
— Je m’en fous ! Je ne veux pas te perdre, et je ne veux pas non plus être loin de toi. On trouvera le moyen, je te le promets !

En France, non ne faisons plus que des étapes physiologiques. Toilettes, repas, cigarettes. Lors d’une halte près de Montpellier, après avoir écrasé son mégot, Jérém me lance :
— C’est la dernière, tout en me montrant son paquet vide.
— On trouvera un bureau de tabac, je fais, arrangeant.
— Pas besoin. C'était ma dernière. Ma toute dernière cigarette.
— Quoi ?
— Je crois que je n’ai plus besoin de ça.
— Tu es sérieux ?
— Je n'ai jamais été aussi heureux qu'aujourd'hui. Et c'est grâce à toi, Nico.

Mardi 26 août 2003.

Ce matin, je me sens terriblement triste. Je voudrais arriver à prendre sur moi, je voudrais pouvoir ne pas lui saper le moral. Mais je n’ai pas très bien dormi, et j’ai du mal à cacher ma morosité.
Pendant que je ramasse mes affaires à l’appart de Capbreton, j’ai envie de crever. J’ai du mal à retenir mes larmes. Je réalise que nos vacances ensemble sont finies pour de bon. Je réalise que le petit nuage sur lequel je planais depuis quelques semaines s’est dissipé pour de bon. J’ai l’impression que j’en suis redescendu tellement brutalement que me suis cassé quelque chose. Mon cœur, certainement.
Mes sanglots éclatent à nouveau, comme la veille, pendant que je ferme mon sac de voyage. Ses bras passent autour de ma taille, son torse enveloppe le mien, ses baisers se posent sur mon cou. Même si je sais que demain j’aurai encore envie de pleurer, et qu’il ne sera plus là pour me prendre dans ses bras, ça me fait un bien fou.
Je passe régler mes dernières semaines de location et nous allons au Centre pour récupérer les affaires de Jérém et accomplir les formalités de sortie. Cette dernière étape prend un certain temps, et nous ne repartons qu’à midi.

Nous arrivons à Bordeaux dans l’après-midi. J’aurais tellement envie que Jérém reste avec moi cette nuit, mais il ne peut pas. Il doit être à Paris demain matin, et il a besoin de faire la route calmement. Ça me déchire le cœur de le voir partir. Je le serre très fort contre moi et je le couvre de bisous. Dès qu’il quitte l’appart, je m’effondre en larmes.

Les jours d’après.

Les jours qui suivent ce voyage et cette nouvelle séparation, sont difficiles. L’éloignement de Jérém me pèse, surtout après un voyage comme celui que nous avons partagé. J’ai vraiment du mal à revenir mon quotidien. Mais je finis par retrouver le chemin des bouquins et des notes.
Jérém m’aide beaucoup en cela. Il m’appelle presque chaque soir, et je le sens très proche. Il me pousse à réviser comme je l’ai poussé à suivre son programme de rééducation, malgré les difficultés de la tâche. Il m’aide à surmonter mon découragement, à aller de l’avant.
Le beau brun me raconte ses nouveaux exercices, ses petites victoires quotidiennes. C’est le récit de progrès continus, d’un objectif de reprise de sa carrière de sportif professionnel qui se rapproche de jour en jour. Et ça me fait un plaisir fou.
Pour moi aussi la préparation des examens semble bien avancer. Les premiers jours ça paraissait une chimère. Au bout d’une semaine, ça me paraît faisable.

Chaque soir, je regarde les photos que j’ai fait développer après notre retour d’Italie. 36 poses, dont un quart de ratées, dans lesquelles est fixée à tout jamais la magie de ce voyage. Apricale, Cinque Terre, Firenze, Siena, Roma, Napoli, Capri, Sorrente, autant de noms qui défilent sous mes yeux et m’apportent des souvenirs mêlés de nostalgie.
Je suis assez fier de ma collection de photos de Jérém avec toute sorte de fonds de paysage de rêve (j’ai fini par le saouler en lui demandant de prendre la pose). Jérém devant la mer des Cinque Terre, photo prise depuis la corniche. Jérém devant la Cathédrale de Firenze. Jérém juste à côté de la statue de David piazza de la Signoria, essayant de prendre la pose de David, avec un sourire à tomber par terre (je me souviens de sa réponse de petit con quand je lui avais dit qu’il avait bien réussi son essai : « Mais moi je suis mieux monté que David ! »). Jérém devant le Colisée, Jérém dans une perspective de la Via Appia, Jérém dans une pose prise à Capri depuis la corniche.
A Napoli nous avons les deux seules photos où nous sommes tous les deux, grâce à Carmelo. Je me suis demandé à un moment s’il s’était douté de quelque chose pour Jérém et moi. Il n’a jamais posé la moindre question, et la complicité avec Jérém n’a jamais changé, mais j’ai eu parfois l’impression qu’il avait capté. C’est bien lui qui nous a proposé de nous prendre en photo, à deux occasions différentes.
Il n’y a que deux photos de moi, prises par Jérém, l’une devant le Colisée aussi, l’autre à Capri.
Je rangé religieusement toutes ces photos à la suite de celles que m’avait données Thibault et celle de Campan, dans cet album qui constitue à mes yeux un trésor inestimable.

Lundi 15 septembre 2003.

La veille de mes examens, Jérém me manque tout particulièrement. Car aujourd’hui c’est aussi le jour de mon anniversaire. Et je le passe seul dans mon appart à réviser. Et même si mes adorables voisins ont prévu un apéro pour l’occasion, passer cette journée loin de Jérém s’avère vraiment triste. D’autant plus qu’il semble avoir oublié qu’aujourd’hui est un jour spécial pour moi. Parmi les quelques SMS ou appels qui sont arrivés tout au long de la journée, aucun ne vient en effet de mon bobrun.
Je réalise que ça fait déjà trois semaines que nous sommes rentrés d’Italie, trois semaines que je n’ai pas pu le serrer dans mes bras. J’ai beau regarder les photos pour me souvenir des bons moments passés ensemble. Je suis à Bordeaux, Jérém à Paris. Je crains que nous reprenions notre train-train d’avant, qui consiste à nous voir une fois par mois, ou moins encore.

Il est 18 heures quand la sonnette de mon appart retentit. J’ouvre la porte et Jérém est là, habillé d’une chemise bleu clair et d’un jeans, beau comme un Dieu. Je me jette à son cou, fou de joie. L’espoir que j’ai secrètement nourri pendant toute la journée est finalement devenu réalité.
— Bon anniversaire, Ourson !

Mardi 16 septembre 2003.

Ce matin, Jérém repart de bonne heure. Faire l’amour avec mon bobrun, dormir dans ses bras, me réveiller à ses côtés m’a fait un bien fou. Ça m’a reboosté le moral et je me sens d’attaque pour tout déchirer.
Et en effet, ma semaine d’examens se passe plutôt bien. J’ai la moyenne partout et ma deuxième année de fac est validée.
— Je n’aurais jamais cru que j’y arriverais ! je lance à Jérém lorsqu’il me félicite pour ma réussite.
— Moi je l’ai toujours cru !
— Il en faut bien un qui y croit !
— Tu as cru en moi pendant des mois !

Jeudi 16 octobre 2003.

Aujourd’hui, Jérém a 22 ans.
Je monte voir mon beau brun à Paris le week-end après son anniversaire. La date de son retour sur le terrain se précise. Ce sera pour le match du 29 novembre. Le compte à rebours est enclenché.
Mon beau brun a l’air en pleine forme. Il est de très bonne humeur. La musculation sans réserve et les entraînements en situation réelle ont commencé depuis deux semaines et tout se passe bien. Tout a tenu bon, sa cheville, son genou, et il n’y pas de douleurs.
D’ailleurs, la muscu lui réussit à merveille. Son corps a retrouvé la tonicité d’avant l’accident. Ses biceps, ses pecs, ses abdos sont à nouveau merveilleusement saillants.
— Je suis comme neuf ! il me lance, l’air heureux comme un gosse, lorsque je le lui fais remarquer.
— Là aussi je suis comme neuf ! il me glisse, lorsque j’avale sa queue bien tendue.
Et c’est ce que je constate lorsque ses giclées brûlantes percutent mon palais avec une délicieuse puissance.
Il est vrai que mon beau rugbyman est chaud comme une patate. J’ai l’impression, une impression qui est fondée sur rien, certes, mais qui s’impose avec force dans ma tête, que depuis que nous sommes revenus d’Italie, il n’a pas eu d’aventures à Paris.

Vendredi 14 novembre 2003.

Le premier match de Jérém est dans moins de deux semaines. Au téléphone, j’ai l’impression qu’au fur et à mesure que la date se rapproche, mon beau brun recommence à stresser à bloc. J’ai l’impression qu’il doute à nouveau.
C’est pourquoi ce week-end je remonte à Paris pour passer du temps avec lui. Je me charge de l’encourager, de chasser les doutes de son esprit. Mais aussi de le détendre. Je le fais jouir autant de fois qu’il faut pour que les endorphines libérées par les orgasmes le fassent planer très loin.

Samedi 29 novembre 2003.

Aujourd’hui, c’est le grand jour. Jérém va jouer son premier match de championnat, huit mois après son accident et ses blessures multiples. Après un long parcours de soin et de rééducation. Après beaucoup de souffrance. Je prie pour que tout se passe bien, pour qu’il n’y ait pas d’autres blessures, pour que Jérém redevienne le champion qu’il était avant.
Evidemment, je fais le déplacement pour assister à son grand retour. Pour veiller sur lui. Bien sûr, ma présence ne va le préserver de rien. Mais je me persuade que si je ne le quitte pas des yeux, il ne peut rien lui arriver. Ou alors, je me libère au moins de la peur qu’il puisse lui arriver quelque chose si je suis loin. Ce ne sont que des superstitions, bien entendu.
De toute manière je ne pourrais pas rater cette journée si importante pour Jérém. D’autant plus que j’ai senti que c’était important pour lui que je sois présent à son premier match.

Le stade se remplit peu à peu et l’effervescence monte en pression. C’est beau un stade qui vibre, qui acclame, un public qui s’agrège autour d’une passion, d’un amour, d’un partage. J’ai connu ça lors du concert de Madonna il y a deux ans. J’ai connu ça lors de la finale du Top16 en juin dernier. Mais jamais l’émotion que j’ai ressentie n’a été aussi forte que celle que je ressens aujourd’hui. Je suis à la fois impatient et mort de trouille à l’idée de voir Jérém débouler sur le terrain.
Le stade est presque plein. Les deux commentateurs du match, qui est télévisé, égrainent des statistiques des deux équipes et de leurs joueurs respectifs.
— Aujourd’hui, c’est un jour important, lance l’une des voix diffusées par les enceintes du stade.
— Nous avons appris que Jérémie Tommasi va faire son grand retour après son terrible accident au printemps dernier.
— Nous lui souhaitons la bienvenue, avec les meilleurs vœux d’une reprise sur les chapeaux de roues !
— Il me semble qu’on dit tout simplement un mot qui commence par « m » dans ce genre d’occasions… fait son acolyte.
— C’est vrai. Alors, un grand « m » pour toi, Tommasi !
Le stade, du moins une grosse moitié, rugit sa liesse. Ça produit une onde de choc qui ont fait tout vibrer, les tribunes, les sièges, tout mon corps, et mon cœur avec.
Les joueurs débarquent sur le terrain. L’enceinte remplie à ras-bord réitère sa ferveur lorsque la belle petite gueule de Jérém apparaît sur les écrans géants. Mon beau brun a l’air touché, ému, et un tantinet perdu. Son expression me rappelle celle qu’il avait lors de son tout premier match en championnat, un an plus tôt. D’une certaine façon, c’est à nouveau son premier match, ses débuts. Aujourd’hui comme alors, il doit se demander s’il va être à la hauteur.
Il a perdu l’assurance effrontée qu’il avait pendant les derniers matches avant l’accident, lorsque tout lui réussissait et qu’il se croyait invincible. Depuis son accident, il a pris conscience qu’il est vulnérable. Qu’il est fait de chair et de sang. Que tout peut arriver lors d’un match.

Une poignée de minutes après le début du match, Jérém reçoit son premier ballon. Il a l’air surpris. Un joueur fonce sur lui. Il a l’air effrayé. Après une courte hésitation, il fait une passe à un coéquipier. Il en fait de même quelques minutes plus tard. Puis, une troisième fois. Lorsqu’il reçoit le ballon, il s’en débarrasse aussitôt, comme si ça lui brûlait les doigts.
Ça, ce n’est pas le Tommasi que je connais, celui qui marquait essai sur essai lors des matches de la saison dernière. Le Jérém d’avant aurait esquivé l’adversaire, et il aurait foncé vers la ligne de but, sans se préoccuper des obstacles qui se seraient posés sur son chemin.
Le Jérém d’aujourd’hui a visiblement peur du contact physique. Il a peur de se faire mal.
Le ballon est récupéré par l’équipe adverse, qui marque un essai. Jérém a l’air déçu et frustré.
Les actions se succèdent, et Jérém ne va jamais au but. Il n’a pas l’air dans son assiette. La fin de la première mi-temps approche, le Stade est mené par 6 à 11. Jérém reçoit le ballon suite à une passe d’Ulysse. Il fonce vers la ligne de but. Un joueur de l’équipe adverse fonce sur lui et le percute. Il tombe, il perd le ballon.
Oh non ! Pas encore ! Pas d’autres blessures !
Heureusement, Jérém se relève aussitôt, et c’est un grand soulagement. Mais le ballon est déjà loin, et l’autre équipe marque à nouveau. 6-14. La cata.
L’entraîneur du Stade demande un temps mort. Sur le bord du terrain, je le vois gesticuler, s’énerver, discuter de façon très animée avec un autre membre du staff. Je devine qu’il n’est pas content, et qu’il n’est pas content tout particulièrement de la prestation de Jérém. Je devine qu’il envisage de le faire sortir et de le remplacer.
L’entraîneur fait un signe à l’un des joueurs assis sur le banc de touche. Ce dernier se lève et commence à faire des petits exercices d’échauffement.
Non, non, non ! Il ne faut pas qu’il fasse ça, pas maintenant ! Jérém a besoin d’un peu de temps encore pour reprendre confiance. S’il est remplacé maintenant, il va prendre ça comme une punition, un désaveu, un manque de confiance. Et ça va lui foutre le moral plus bas que terre. Son corps est guéri, il faut que son moral guérisse aussi. Je repense aux mots qu’Ulysse m’avait dits lorsque je l’avais croisé à l’hôpital à Paris juste après l’accident de Jérém, comme quoi les blessures au moral sont les plus difficiles et les plus longues à guérir. S’il vous plaît, Monsieur l’entraîneur, donnez-lui le temps de panser cette blessure, faites-lui confiance ! N’aggravez pas la situation, n’hypothéquez pas son avenir sportif en le remplaçant maintenant !
Je voudrais quitter ma place, courir vers l’entraîneur, lui dire d’attendre, de ne pas faire l’immense bêtise qu’il s’apprête à faire. Mais je me sens impuissant. Je suis conscient que je n’ai aucune autorité pour aller souffler quoi que ce soit à un professionnel qui a l’habitude de gérer ses joueurs et qui a de surcroît un match très mal engagé à redresser.
Non, moi je n’ai pas cette autorité, ni ce cran. Mais Ulysse, lui, il les a.
Le boblond quitte le terrain et fonce sur son entraîneur. Il s’entretient avec lui. L’échange a l’air très animé. Mais lorsque le demi de mêlée revient sur le terrain, le joueur qui s’apprêtait à remplacer Jérém est à nouveau assis sur le banc de touche. L’entraîneur a l’air toujours en pétard, mais un brin plus calme, comme rassuré. Visiblement, les arguments du beau blond, et j’aime bien penser que ce sont les mêmes que ceux qui ont traversé mon esprit, ont fait le poids.
Ulysse se dirige alors vers Jérém, lui glisse quelque chose à l’oreille. D’un geste rapide, mais extrêmement émouvant, il pose une main sur son cou, puis sur son épaule.
Le jeu reprend. Au bout d’une poignée de minutes, Jérém reçoit une nouvelle passe d’Ulysse. Et là, je vois que quelque chose a changé dans son attitude. Exit la posture craintive et démissionnaire des actions précédentes. Dans son attitude et dans son regard, je retrouve enfin cette flamme qui l’animait avant son accident. Jérém se tape un sprint qui surprend ses adversaires. Le vent n’a qu’à bien se tenir. Il a retrouvé son maître. Le lapin Duracell est de retour. Il court, il court, il court, il évite deux adversaires, il se fait percuter par un troisième, mais il ne tombe pas, il fonce droit vers la ligne de but. Et il pose le ballon juste au-delà.
Jérém vient de marquer le premier essai depuis son retour en championnat. Une grosse moitié du stade exulte de joie. Ulysse se précipite sur mon bobrun, le serre fort dans ses bras et lui glisse quelque chose à l’oreille. Jérém est visiblement touché. Les écrans montrent son visage ému, et moi qui le connais bien je sais que les larmes sont retenues de justesse.
La fin de la première mi-temps est sifflée.

Dès le début de la deuxième, Jérém marque un nouvel essai. Mais il semble fatiguer. Il est finalement remplacé à la 21ème minute de jeu. Mais là, son remplacement ne se fait pas sur un échec, mais sur une réussite. C’est la sauvegarde d’un joueur qui reprend peu à peu le jeu après un grave accident et non pas un désaveu.
D’ailleurs, lorsque Jérém quitte le terrain, l’entraîneur lui met une tape sur l’épaule qui montre son bonheur d’avoir retrouvé son ailier vedette.
Le match est finalement remporté de justesse par le Stade. Un score de 18-20, dans lequel le poids des points marqués par Jérém est de 30%. Pas mal du tout pour un premier match après huit mois loin de la pelouse.
La caméra s’attarde sur mon bobrun qui a regagné la pelouse pour partager la joie de ses coéquipiers, tandis que l’assistance fait trembler l’enceinte de sa vibration puissante. La joie de Jérém à cet instant précis me donne envie de pleurer tellement c’est beau.
Entre démonstrations de liesse des gagnants et accolades viriles, les équipes s’apprêtent à quitter le terrain. Je quitte mon siège, et grâce à mon badge passe-partout, je peux accéder à la pelouse. A côté des entrées des vestiaires, je retrouve les Tommasi, père et fils cadet.
Ils ont l’air tout aussi émus l’un que l’autre. Maxime vient me faire la bise et me prendre dans ses bras.
Quant à monsieur Tommasi, il me serre la main très fort. Il me regarde droit dans les yeux. Les siens sont humides. Les larmes sont retenues. Un bonhomme ne pleure pas. C’est ce qu’il a appris à Jérém depuis toujours.

[Tu aperçois ton père sur le bord du terrain. Son seul regard brise les restes de ton armure. Lui qui t’a appris qu’un bonhomme ne pleure jamais, aujourd’hui il a les larmes aux yeux. Lui par qui tu t’es longtemps senti rejeté, a l’air enfin fier de toi. Lui qui ne t’a jamais dit le moindre mot d’encouragement, par qui tu n’as jamais reçu la moindre félicitation pour ta carrière naissante, est désormais ton premier fan. Lui qui t’a dit que tu le dégoûtais et qu’il ne voulait plus te voir quand il a compris pour Nico et toi, il est là pour fêter ton retour sur le terrain de jeu. Ton père te montre enfin son amour et c’est comme si un poids immense cessait d’écraser ton esprit].

Mais un bonhomme qui voit son enfant renouer avec ses rêves après qu’il a cru les avoir perdus à tout jamais, peut craquer quand-même. Lorsque Jérém s’approche de lui, Mr Tommasi fond en larmes. Il le serre très fort dans ses bras, et il plonge son visage dans le creux de son épaule. Les deux hommes pleurent ensemble, de joie.

Quelques instants plus tard, alors que Maxime n’en finit plus de féliciter son grand frère, Mr Tommasi s’approche de moi et me lance :
— Merci, Nicolas, merci infiniment. Tout ça, c’est à toi qu’il le doit.
— C’est à lui qu’il le doit, il s’est battu comme un lion !
— Je sais ce que tu as fait pour mon fils.
— J’ai fait ce que je devais faire.
— Non, tu as fait beaucoup plus. Tu as été à la hauteur même quand je ne l’ai pas été. Et je t’en serai reconnaissant à tout jamais.

Et puis, c’est enfin à mon tour de féliciter le champion qui a retrouvé sa forme. Jérém me saute littéralement au cou. Il est si heureux et je suis si heureux pour lui ! Mon beau brun pleure de joie. Il me serre très fort contre lui, il plonge son visage dans le creux de mon cou. Dans cette étreinte, il n’y a pas de place pour les mots. Mais je ressens toute sa joie, et toute la reconnaissance qu’il me porte. Je suis aux anges.

Ulysse prend Jérém dans ses bras et l’embrasse sur le front, sur les joues. Quelques instants plus tard Jérém est soulevé par les bras puissants de ses coéquipiers dans une scène de liesse touchante et merveilleusement virile.

[Aujourd’hui, après ce premier match, tu sens en toi tellement de choses trouver leur place, se ranger, s’apaiser. Tu ne t’es jamais senti si bien dans tes baskets de toute ta vie.
Tu en arrives même à te dire que finalement cet accident, malgré toute la souffrance que tu as dû endurer, a été le déclencheur de quelque chose de merveilleux. La découverte d’à quel point tu comptais pour tant de monde.
C’est grâce à cet accident, que tu as renoué avec ta mère, et que tu t’es rapproché de ton père. C’est aussi grâce à cet accident que l’amour de Maxime, ainsi que l’amitié de Thibault et d’Ulysse t’ont sauté à la figure comme jamais auparavant. Que les retrouvailles avec tes coéquipiers et tes supporteurs ont été si chaleureuses et émouvantes.
Et c’est encore grâce à cet accident que l’amour de Nico t’a bouleversé. Tu savais que tu comptais pour lui. Mais là, il te l’a montré au-delà de toutes tes attentes. Tu sais désormais que ce petit mec à les couilles d’un grand. Qu’il a la patience, l’endurance, l’intelligence du cœur. Tu sais que sans lui, tu ne serais pas sur ce terrain aujourd’hui. Et tu sens que tu l’aimes comme tu n’as jamais aimé personne.
Un journaliste se jette sur toi avec son micro, son opérateur te braque avec sa caméra épaule avec torche ultrapuissante. Sa voix résonne dans les enceintes du stade, ton image s’affiche sur les écrans. Tu sais que tu ne vas pas y échapper.
— Alors, Tommasi, satisfait de votre retour dans le Top16 ?
— Très satisfait !
— Vous revenez de loin…
— Je reviens de loin, et…
Puis, après un instant d’hésitation, tu trouves la force de continuer, d’exprimer ce qui te tient à cœur :
— Et je ne serai pas là aujourd’hui sans le soutien de tout le personnel hospitalier qui s’est occupé de moi. Je pense bien sûr au Professeur Dupuy, mais aussi à tous les infirmiers, infirmières, aides-soignants, médecins, kinés, toutes ces personnes qui fait un travail formidable. Un merci de tout cœur, mon retour sur le terrain est le fruit de votre travail. Cette victoire, est votre victoire.
— C’est gentil à vous de penser à eux, lance le journaliste. Et qu’est-ce que vous avez ressenti en marqua…
— Il y a aussi d’autres gens qui m’ont soutenu, tu le coupes net.
Car tu as envie de remercier d’autres personnes, et une en particulier. Tu ressens le besoin de le faire, après tout ce qu’il a fait pour toi. Mais comment le faire, sans que ça se retourne contre toi ?
— Votre famille, j’imagine.
— Ma famille, oui, et les amis… et… et…
Tu as envie de prononcer son prénom, mais la première lettre reste coincée entre le bout de ta langue et tes incisives].

Jérém est submergé par l’émotion. Je sens qu’il n’arrivera pas à terminer sa phrase, mais je sais pertinemment quel est le mot qui n’a pas pu sortir de sa bouche après ces « et » répétés. C’est un prénom, le mien, qu’il n’ose pas prononcer devant la France entière.
— L’émotion est là, coupe court le journaliste, c’est l’émotion d’un retour triomphal. On vous souhaite le meilleur pour la suite.
Oui, Jérém est submergé par l’émotion, mais aussi par la frustration. Une frustration qu’il trouve pourtant le moyen d’évacuer. Au dernier instant avant que la caméra et le micro ne se détournent de lui, je le vois glisser ses doigts dans le col de son maillot, et en sortir la chaînette que je lui ai offerte, et l’embrasser.

Novembre et décembre 2003.

Les matches suivants sont les chapitres d’une histoire de récupération fulgurante. Très vite, Jérém retrouve sa niaque, et recommence à marquer à tout va. Quant à moi, je ne rate pas un seul match. Je suis souvent présent dans les tribunes, et quand ce n’est pas possible, je suis devant ma télé.
Jérém tient sa promesse. La porte de son « chez lui » est désormais grand ouverte pour moi. Je peux y aller quand je veux, comme je veux. Non seulement mon bobrun m’a payé un abonnement de train à l’année, mais il m’a même filé une clé de son appart.
Bien entendu, la discrétion fait toujours partie du deal. Pas question de sortir dans Paris main dans la main ou de nous afficher devant ses coéquipiers, exception faite pour Ulysse. Mais je sais que Jérém est heureux de me retrouver après sa semaine d’entraînement, après son match du samedi, de passer le dimanche à se reposer et à faire l’amour avec moi.

Mi-décembre, la bonne nouvelle tombe. Le contrat de Jérém est renouvelé non seulement jusqu’à la fin de la saison 2003-2004, mais pour deux saisons supplémentaires, jusqu’en août 2006. L’avenir sportif de Jérém n’a jamais été aussi radieux. Jérém n’a jamais été aussi radieux, aussi bien dans sa peau, dans ses baskets, dans sa vie. Tout semble lui sourire.

Mercredi 31 décembre 2003.

Pour le réveillon de fin d’année, le choix de Campan s’est imposé comme une évidence. C’est là que Jérém retrouve ses racines, c’est là qu’il est le plus heureux. Tous les cavaliers sont au rendez-vous. Thibaut, Maxime et même Ulysse sont de la partie. Jérém est chaleureusement félicité pour son grand retour dans le Top16. Nous sommes entourés par la bienveillance et la bonne humeur habituelles, nous sommes bercés par la guitare de Daniel qui nous fait voyager, chanter, rêver. C’est une soirée riche en émotions, une soirée qui réchauffe le cœur. Comme toutes celles passées en ce lieu, avec cette compagnie.

Jeudi 01 janvier 2004.

La nouvelle année est déjà âgée de trois bonnes heures lorsque le joyeux comité se disperse. Les adieux sont comme toujours touchants, émouvants. Nous nous sommes retrouvés comme si nous nous étions quittés hier. Nous nous disons au revoir comme si nous devions nous revoir le lendemain, mais sans savoir quand nous allons nous retrouver. Ce que nous savons en revanche, c’est que quand le moment des retrouvailles viendra, que ce soit dans une semaine, dans un mois, dans un an, elles seront toujours aussi chaleureuses. Nous savons que notre amitié perdurera malgré la course du temps et la distance. Et ce genre d’amitié est celle qui réchauffe le cœur avec la plus belle flamme. Car elle nous fait oublier la course du temps. Car, dans une vie où tout change en permanence, ce genre d’amitié pose des repères sacrement rassurants.

De retour à la petite maison, Jérém et moi faisons l’amour devant le feu. Le plaisir se mélange à une tendresse débordante. J’ai l’impression de flotter, de m’envoler vers une dimension de bonheur total où les incertitudes de l’avenir, et même la sensation du temps qui passe, sont des notions dont j’ai perdu toute conscience. Certains appelleraient cela le Paradis.
Je ne peux m’empêcher de comparer ce réveillon à celui d’il y a un an, ce triste 31 décembre passé loin de Jérém. Mais aussi, et surtout, à celui d’il y a deux ans, à ce merveilleux 31 décembre passé ici même, dans cette petite maison isolée du reste du monde par une importante chute de neige. Ce 31 décembre où pour la toute première fois, à la tombée de minuit, Jérém m’a dit « Je t’aime ».

A minuit, cette année, nous étions encore au relais.
A minuit, cette année, Jérém m’a pris dans ses bras, il m’a regardé droit dans les yeux et il m’a lancé, devant tout le monde :
— Tu peux pas savoir à quel point je t’aime !
La joie que m’a procurée le retour de ces trois petits mots entre ses lèvres est tout bonnement indescriptible.
— Je t’aime comme un fou ! j’ai répondu, fou de joie.
Et là, sous les quolibets bienveillants de l’assistance, il m’a embrassé longuement.

Non, il ne faut jamais perdre espoir. L’année 2003 qui avait si mal commencé, se termine de la plus belle des façons. Et l’année 2004 s’annonce sous les meilleurs auspices.

Les avis des lecteurs

Histoire Erotique
Je sais la 0324 a été postée mais hds ne l'a pas publiée, il y a eu un quack
Merci pour ton appréciation

Histoire Erotique
Bonjour
Toujours un grand plaisir de te lire !
Ce message simplement pour te signaler qu'il manque l'histoire 324...
Cordialement
Jean-Pierre



Texte coquin : 0325 Un été, un voyage et des retours.
Histoire sexe : Une rose rouge
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