0331 Jérém&Nico, L’effet domino (partie 1).

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Récit libertin : 0331 Jérém&Nico, L’effet domino (partie 1). Histoire érotique Publiée sur HDS le 21-11-2023 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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0331 Jérém&Nico, L’effet domino (partie 1).
Après l’agression homophobe dont nous avons été les cibles, je reviens voir Jérém chaque après-midi à l’hôpital. Jour après jour, je constate avec une immense tristesse que ce que je redoutais est bel et bien en train de se produire. Jérém est distant, absent, amorphe. Et notre parfaite complicité des derniers mois semble s’être envolée.
J’essaie de me dire que c’est l’effet du choc, et aussi que le fait de se refermer sur lui-même dans l’adversité est un réflexe typique de mon beau brun, et que tout reviendra bientôt comme avant. J’essaie de me dire également que le milieu hospitalier, où l’intimité est presque impossible, doit provoquer en lui un certain malaise, une certaine réticence à se montrer proche de moi.
Mais au fond de moi, j’ai peur que nous ayons perdu la connexion qui nous liait. Et de ne pas arriver à la retrouver de sitôt.
Au bout d’une semaine d’hospitalisation, Jérém est autorisé à rentrer chez lui. Avec toute une panoplie de consignes.
Déjà, celle d’éviter toute activité physique pendant six semaines, ceci afin de permettre à ses côtes cassées de guérir. Mais aussi pour prévenir le moindre coup à son nez encore fragile, ce qui pourrait aggraver son état. Bon, le repos, ça ne devrait pas être trop compliqué à tenir, vu la douleur visiblement provoquée chez mon Jérém par le moindre mouvement.
Autre consigne, celle d’avoir quelqu’un à ses côtés pour l’aider au quotidien, comme pour se lever du lit ou du canapé, pour se déplacer en toute sécurité. Je me suis évidemment porté candidat, et Jérém a validé ma candidature sans broncher.
Et, dernière consigne, ou plutôt une chaude recommandation, d’aller voir un professionnel qui pourrait l’aider à surmonter le traumatisme de l’agression.
D’ailleurs, j’ai moi aussi reçu cette recommandation à l’occasion de ma sortie. Et je l’ai suivie. J’ai pu ainsi me rendre à une première séance chez un psy indiqué par l’hôpital. Et ça m’a fait du bien.
Le type ne m’a pas demandé de parler de l’agression. Il m’a juste demandé comment je me sentais. J’ai parlé pendant une heure. Je me suis laissé aller à un long monologue, ponctué de temps en temps par une question, un commentaire, un simple mot de mon interlocuteur. Une sorte de tutorat verbal et mental. Au bout de la séance, une fatigue vertigineuse s’était emparée de mon corps et de mon esprit. Comme si un rouleau compresseur m’était passé dessus.
Ce qui était vrai, dans un certain sens. Pour aller mieux, il faut laisser s’exprimer ce qui fait mal. Pour retrouver le sourire, il faut parfois passer par les larmes.

Le lendemain de la sortie de Jérém de l’hôpital, Maxime retourne lui aussi dans le Sud-Ouest, M. Tommasi et Alice ayant quitté Paris depuis quelques jours déjà, appelés par leurs obligations professionnelles respectives. Maxime est rassuré par le fait que je puisse passer quelques jours à côté de son grand frère. Ça me rassure aussi, même si je redoute la lourdeur de la tâche. L’expérience me rappelle qu’il n’est pas aisé de s’occuper de Jérém quand il ne va pas bien.
L’expérience ne se trompe pas.
De retour à l’appart, Jérém est en plein dans le déni. Il n’admet pas qu’il va mal, et il se renferme comme une huître. Les maux de tête sont à nouveau là, avec les insomnies. Et les angoisses dont il ne veut pas me parler, dont il nie l’existence même.

— Je vais bien, très bien même, arrête de me casser les couilles tout le temps avec tes questions !

Bien évidemment, il ne veut même pas entendre parler d’aller voir un psy.
Je sens que c’est parti comme il y a trois ans, je vais devoir endurer de longues journées à essayer de passer entre ses sautes d’humeur, outre sa morosité hostile, d’éviter le clash et l’épuisement. Je sais qu’il va mal, et je vais tout faire pour être là pour lui. Je vais prendre sur moi, je vais être aux petits soins
Oui, Jérém va mal. Déjà, physiquement. Je partage avec lui la douleur sourde des coups reçus, dont nos visages et nos corps sont toujours marqués. Mais aussi psychologiquement. Je partage également avec lui le traumatisme d’avoir été agressés en raison de notre orientation sexuelle. C’est-à-dire, gratuitement, sans raison valable. Nous n’avons pas mérité ce qui nous est arrivé, nous n’avons rien fait de mal. Nous avons été les cibles d’une violence inouïe, injustifiée, intolérable.
Oui, nous avons vécu la même agression. Mais Jérém est plus mal en point que moi. Il a enduré plus de violence que moi. Ses côtes lui rendent la vie impossible, le rendent invalide. Et alors que je m’en sors relativement à bon compte, Jérém risque de porter de lourdes séquelles de cette agression.
Six semaines d’immobilisation, ce sont autant de semaines de rugby perdues, sans compter le temps de remise en forme avant de revenir sur le terrain. Et quand je vois ce gros pansement qui défigure sa belle gueule et qui ne doit pas être facile à supporter non plus, je ne peux m’empêcher de me demander si son nez va guérir correctement.
Toutes ces questions, Jérém doit se les poser en boucle H24. Alors, je peux comprendre qu’il n’aille pas bien du tout.

Jours après jour, les bleus évoluent, changent de couleur, se résorbent peu à peu. Le temps calme les douleurs, la chair efface les traces des coups. Mais le traumatisme reste. Je suis persuadé que Jérém est lui aussi hanté par les images de notre agression. Son sommeil est agité, ponctué par des spasmes, peuplé de cauchemars. Ses réveils en sursaut au beau milieu de la nuit sont courants. Je ne peux même pas le prendre dans mes bras, au risque de lui provoquer des souffrances intolérables. Je me blottis tout doucement contre lui, mais je sens qu’il ne supporte pas que je sois témoin de sa souffrance.
L’alcool revient dans son quotidien. Tout comme la cigarette, abandonnée plus d’un an auparavant lors de notre retour du voyage en Italie, moment si heureux. Tout comme le joint, abandonné depuis sa récupération au centre de Capbreton, au moment où il retrouvait espoir dans son avenir.
Je reconnais cette attitude, c’est la même qu’il avait adoptée lors de son accident au rugby. Comment le sortir de cette spirale autodestructrice ?
J’essaie de lui dire que ça nous ferait peut-être du bien de parler de ce qui s’est passé. Mais il balaie ça du revers de la main, avec un agacement agressif.
Jérém est de plus en plus taciturne, de plus en plus distant, de plus en plus irritable, de plus en plus négatif, de plus en plus hostile à mes attentions. Ce qui me rassure, c’est que malgré tout, il accepte ma présence, il accepte que je m’occupe de lui.
Mais jusqu’à quand ? Je sais que je ne suis pas à l’abri du fait qu’il me demande de partir sur un coup de sang. En attendant, j’ai demandé à retarder ma prise de poste à Toulouse de deux mois et cela a été accepté. Ça me laisse du temps pour rester aux côtés de Jérém. Même si j’ai l’impression de le regarder aller de plus en plus mal, et que je me sens impuissant pour l’aider à aller mieux.

Les séances chez le psy m’aident à tenir le coup. C’est surtout le fait de me sentir pris en charge qui me fait du bien. Et d’avoir quelqu’un qui m’aide à remettre de l’ordre dans mes pensées désordonnées et perturbées. J’ai pu me voir dans le regard de ce professionnel comme dans un miroir, un miroir m’obligeant à me regarder tel que je suis, dans mon plus simple appareil psychique.
Je sais que le chemin va être long pour retrouver la sérénité, mais je sais désormais qu’un chemin existe et que je l’ai emprunté. Je ne peux m’empêcher de vanter les bienfaits de la thérapie auprès de Jérém, et de l’inviter à entreprendre cette démarche fortement conseillée aux victimes d’agression.
Mais mon beau brun se montre très agacé :
— Arrête de me les briser avec ton psy ! Tu peux aller en voir dix si ça te chante, je n’irai pas !

Fin octobre, le pansement au nez de Jérém est enfin retiré. Ce que je craignais se confirme. Son arête nasale est désormais légèrement mais définitivement cassée, ce qui lui confère un profil typiquement « rugbyman ». C’est un détail qui n'enlève rien du tout à sa superbe beauté. C’est un détail qui n’aurait presque pas d’importance, et qui ajouterait presque un charme supplémentaire s’il n’était que la conséquence d’un accident au rugby.
Mais ce n’est pas le cas. Car ce détail, au beau milieu de sa belle petite gueule, est la conséquence de notre agression. Alors, c’est un détail qui change tout. Jérémie va porter à vie les stigmates de ce qui nous est arrivé. Il va les avoir sous les yeux chaque fois qu’il se regardera dans une glace, chaque jour de sa vie. Moi aussi je vais les avoir sous les yeux, chaque fois que je vais le regarder.
— Je vais me faire opérer, il annonce solennellement au médecin qui tente de le convaincre en vain que cette petite cassure est presque imperceptible.
— Pour ça, il faudra attendre quelques mois que tout soit bien cicatrisé. D’ici là, vous vous y serez peut-être fait…
— Ça ne risque pas !

Le constat de ce changement physique plonge un peu plus Jérém dans sa morosité. J’ai beau essayer de le réconforter, de lui dire qu’il est toujours aussi beau, je n’y gagne que plus d’agacement de sa part.
Dans cette ambiance étouffante, un rayon de soleil se pointe tous les deux ou trois jours. Ulysse vient régulièrement à l’appart avec des pizzas ou des plats de traiteur.
Lors de l’une de ses visites, le beau blond amène une copie du calendrier et du DVD. La photo de couverture me frappe comme à la première découverte. La beauté, l’insolence, l’assurance et la sensualité bouillantes dégagées par ce garçon qui étire l’élastique de son boxer comme pour inviter à plonger le regard dedans sont juste insoutenables.
J’ai envie de pleurer. Je donnerais tout pour retrouver cette attitude, cette assurance, cette insolence, pour retrouver ce Jérém là, un Jérém conquérant. Je donnerais tout pour retrouver le Jérém qu’on voit sur les images filmées, le Jérém qui fait le con avec ses coéquipiers, qui blague avec les techniciens du studio, qui a un fou rire en essayant de prendre la pose devant l’objectif. Dans ces images filmées, Jérém a l’air si épanoui, si heureux, et ça me fait mal au cœur qu’on l’ait privé de tout ça.
Devant ces images filmées quelques semaines plus tôt, mais appartenant presque à une autre vie, devant le Jérém « d’avant », le Jérém « d’après » a l’air de plus en plus triste et dégoûté. A un moment, il s’arrache du canapé en se contorsionnant, tout en refusant que je l’aide, et disparaît dans le couloir. L’imaginant aux toilettes, Ulysse et moi attendons son retour pendant de longues minutes. Ne le voyant pas revenir, je l’appelle. N’ayant pas de réponse, je pars à sa recherche, Ulysse à mes baskets. Nous le retrouvons au lit, dans le noir.
— Eh, Jérém, ça va pas ? l’interroge Ulysse.
— Je suis fatigué, laissez-moi dormir !
— Tu n’es pas fatigué, tu es blessé, tu es en colère, tu as peur. C’est normal après ce qui t’es arrivé.
— Occupe-toi de ton cul !
— Arrête de te torturer l’esprit, Jérém ! Dans quelque temps, tu vas rejouer, et quand tu retrouveras le bruit du stade, tout ça ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
— Je ne rejouerai pas.
— Ne dis pas de bêtises. Tes blessures ne sont pas si graves. En tout cas, beaucoup moins que celles de l’accident au match il y a trois ans. Ta convalescence ne va pas être aussi longue, d’ici le printemps tu pourras rejouer.
— Non, je n’y arriverai pas.
— Et pourquoi, ça ?
— Parce que je n’y arriverai pas ! Fiche-moi la paix !
— C’est dur ce que tu as vécu, et il faut du temps pour s’en remettre. Mais c’est pas en restant enfermé chez toi que tu vas aller mieux. Tu es fait pour fouler les pelouses, pour marquer des points. C’est là que tu es heureux ! Tu n’as pas pu oublier ça ! Et si tu l’as oublié, compte sur moi pour te le rappeler !
— Est-ce que ça jase dans les vestiaires ?
— De quoi tu parles ?
— Est-ce que tout le monde a cru à cette histoire de vol ?
— Je pense que oui…
— Tu me caches quelque chose, Uly, je le sais !
— Ok, il y a des bruits qui courent. Mais personne n’y croit. Et je travaille dur pour les faire taire.
— Tu vois, c’est foutu pour moi.
— Tu dois revenir. L’équipe a besoin de toi et tu as besoin de l’équipe. Repose-toi bien, et reviens plus fort qu’avant. Quand tu marqueras à nouveau des points, personne n’osera te casser les couilles.
— Je n’y arriverai pas, je te dis, ils ne m’en laisseront pas l’occasion.
— Concentre-toi sur toi-même et sur ta récupération, et ignore le reste.
Soudain, je repense aux mots d’Ulysse après l’accident de Jérém lors du match contre Biarritz :
— Les blessures les plus difficiles à guérir ce sont celles qui ne se voient pas, celles à l’intérieur.
Et la blessure que Jérém porte à l’intérieur semble vraiment profonde, et pas prête de cicatriser.

— Tu es si beau sur la couverture du calendrier, tu es à tomber, tu es le plus beau de tous ! je lui glisse après le départ d’Ulysse.
— Je l’étais…
— Tu l’es toujours !
— Non, je ne le suis plus. Et je ne le serai plus jamais.

Novembre 2006.

Un mois après l’agression, Jérém passe une journée à l’hôpital pour un check-up complet. D’après les médecins, son corps récupère vite et bien. L’épaule démise guérit correctement, les côtes et le nez aussi. On lui annonce qu’il pourra reprendre la musculation dans une quinzaine de jours, et même des entraînements aménagés. Mais Jérém ne semble pas plus ravi que ça. Sa réaction ressemble plutôt à de la peur.
Quelque chose semble s’être brisé au plus profond de lui. Je préférerais de loin le voir éructer sa rage, sa colère, plutôt que de le voir si apathique, si démissionnaire.

Un soir, au lit, j’ai envie de lui donner du plaisir. Mais je ne peux même pas glisser ma main dans son boxer. Dès que mes doigts effleurent son pubis, son corps a une réaction immédiate et violente. Il bondit carrément, comme un ressort. Action, réaction, sa main attrape la mienne et l’éloigne aussitôt.
— Je n’ai pas envie.
— C’est pas grave. Je peux au moins te prendre dans mes bras ?
— Ouais…
La tendresse est tout ce que j’aurai ce soir, et ceux qui suivront. Mais une tendresse à sens unique, sans retour de sa part. Je tente de faire bonne figure, mais j’ai envie de pleurer.

Début décembre 2006.

Les jours passent, et son abattement est de plus en plus flagrant. Ça me fait un mal de chien de le voir dans cet état et de ne rien pouvoir faire pour l’aider à aller mieux. J’ai pensé à une nouvelle excursion à Campan, mais il a refusé catégoriquement.
Puis, un jour, ce que je redoutais depuis des semaines se produit.
— Tu devrais rentrer à Toulouse, il me balance sur un coup de colère, au beau milieu d’une dispute.
Un accrochage parti d’une réflexion que je n’ai pas pu me retenir de lui balancer sur sa façon de se laisser aller, de se fermer en boule et de refuser de l’aide.
— Tu plaisantes, j’espère !
— Pas du tout !
— Mais qui va s’occuper de toi ?
— L’aide-soignante.
— Mais elle ne vient qu’une heure !
— Ça suffit !
— Une heure, ça suffit ? Et le reste du temps, si tu as besoin de…
— Non, toi, ça suffit ! il me coupe net.
— Tu en as marre de moi ?
— J’en ai marre que tu me voies comme ça.
— Pourquoi tu refuses de te faire aider ?
— Parce que je ne suis pas prêt.
— Tu ne le seras jamais ! C’est justement parce que tu n’es pas prêt qu’il faut y aller.
— Arrête, Nico !
— Tu veux vraiment que je parte ?
— Oui. J’ai besoin d’être seul. J’ai besoin de faire le point…
— Le point… sur quoi ? je m’inquiète.
— Sur tout !
— Et sur moi aussi ?
— Va-t’en, Nico ! ce sera son dernier mot.

Quand il va mal, Jérém se renferme sur lui-même et fait le vide autour de lui. Et dans ce ménage radical, Nico est dégagé avec tout le reste. C’est son mode de fonctionnement et je sais que je ne pourrais pas m’y opposer, car ça ne servirait à rien. J’essaie de me rassurer en me disant qu’il y a eu d’autres clashes, d’autre séparations, d’autres moments où Jérém n’allait pas bien. Et qu’il a toujours fini par revenir vers moi.
Et pourtant, quelque chose au fond de moi me dit que cette fois-ci, c’est plus grave, beaucoup plus grave.
C’est un déchirement de partir et de le laisser dans cet état. L’idée qu’il se retrouve seul me terrorise. Il me semble que des idées noires tournent par moments dans sa tête. Pourvu qu’il ne fasse pas de bêtises. Si ça arrivait, je ne me le pardonnerais pas.

Toulouse, décembre 2006.

Comme je l’avais imaginé, Jérém n’est pas vraiment assidu au téléphone. Heureusement, j’arrive à avoir de ses nouvelles par Ulysse qui a intensifié la cadence de ses visites depuis mon départ. Il passe désormais voir son coéquipier chaque soir. Ce gars est vraiment adorable.
A Toulouse, je me fais un sang d’encre. Je ne suis pas bien. A la tristesse et à la frustration engendrées par la distance de Jérém s’ajoute le fait d’avoir de fait interrompu la thérapie avec le psy parisien. Je n’ai pas envie d’aller voir un autre psy, de devoir tout recommencer.
Heureusement mes parents, ma cousine, Thibault et Julien, le beau moniteur d’auto-école, sont là pour me soutenir.
Cependant, ce mois de décembre semble passer au ralenti, plombé par l’inquiétude et la morosité. Noël approche, les illuminations éclairent la ville, le marché éphémère se déploie sur la place du Capitole, l’ambiance de Noël s’installe. L’ambiance est à la fête, mais pas dans mon cœur. Le silence de Jérém m’inquiète horriblement.

Mercredi 20 décembre 2006.

Quelques jours avant le réveillon, sans nouvelles de Jérém depuis près d’une semaine, je suis à deux doigts de prendre le train pour aller le rejoindre à Paris.
Mais le jour même où cette résolution s’impose dans ma tête, le beau brun m’appelle enfin. Il m’appelle pour m’annoncer qu’il va passer Noël chez son père et pour m’inviter à aller le rejoindre.
En voilà une bien bonne nouvelle ! Je suis si heureux. Peut-être que ces dernières semaines n’ont pas été inutiles, peut-être qu’il avait vraiment besoin d’être seul, de faire le point, de se retrouver. Peut-être que ça lui a fait du bien. Peut-être que nous allons enfin retrouver cette complicité que nous avons perdue depuis l’agression.

Samedi 23 décembre 2006.

Je débarque au vignoble l’avant-veille de Noël. Jérém a l’air content de me voir. Il vient m’accueillir dans la cour, il me serre très fort dans ses bras, il m’embrasse. Quant à moi, je suis tellement ému que j’ai du mal à retenir mes larmes.
Les bleus sur son visage ont enfin disparu. Mais son nez a gardé cette légère cassure.
Depuis mon départ de Paris, Jérém a repris la musculation, mais toujours pas les entraînements. Au premier abord, il semble aller mieux.
Pourtant, au fil des heures, je réalise que ce n’est toujours pas ça. Après le sursaut des retrouvailles, Jérém redevient très vite taciturne, distant. J’ai l’impression que s’il m’a fait venir, c’est parce qu’il espérait que ma présence l’aiderait à aller mieux. Visiblement, ce n’est pas le cas.
En attendant, je ne fais rien pour le brusquer, et je m’associe à la bonne humeur de Maxime pour créer l’ambiance la plus festive et décontractée possible.
Le réveillon de Noël arrive, et c’est plutôt un bon moment. Sophie, la belle-mère de Jérém, a mis les petits plats dans les grands, elle nous a concocté un repas raffiné. La conversation à table est riche, amusante. Maxime a toujours quelque chose de drôle à raconter, il est vraiment marrant.
Tout le monde semble se régaler, s’amuser. Tout le monde, sauf Jérém. Mon beau brun semble complètement ailleurs. Il ne décroche pas un mot, et il sourit encore moins. Quand il parle, c’est vraiment parce qu’il y est obligé, parce qu’on le questionne directement. Et le plus souvent, ses réponses sont laconiques. Quand il sourit, c’est pour faire bonne figure. Mais on voit bien que le cœur n’y est pas. Sa morosité m’affecte énormément. Et ça me gâche mon réveillon. Je suis inquiet pour lui. On dirait que la joie des autres le rend d’autant plus triste.

Minuit n’est passé que depuis quelques minutes lorsque mon bobrun annonce son intention d’aller se coucher. Maxime le charrie, lui dit qu’il l’a connu plus fringant, plus fêtard, « avant ».
— Avant, c’était avant, lâche tristement Jérém, avant de disparaître dans l’escalier.
— Je me fais du souci pour ce garçon, j’entends Sophie glisser à M. Tommasi.
— Moi non plus je n’aime pas le voir comme ça, admet ce dernier. Mais ça va lui passer. Il va surmonter ça.
— Ce qu’il a vécu est trop dur, il ne s’en sortira pas tout seul ! considère Maxime avec inquiétude.
— Et toi, Nico, comment ça va ? m’interroge M. Tommasi.
— Pas trop mal. J’ai toujours des flashes de ce qui s’est passé, il m’arrive d’en faire des cauchemars. Mais ça m’a fait du bien d’aller voir un psy.
— Tu peux pas essayer de lui en toucher deux mots ? Il t’écoute, toi !
— Il m’écoute quand il en a envie ! Je n’ai jamais pu le convaincre de faire quelque chose dont il n’avait pas envie.
— Tu veux essayer ?
— Je peux. Mais il va se braquer, et c’est tout ce que je vais obtenir.

Un quart d’heure après le forfait de Jérém, je m’éclipse à mon tour. Je monte l’escalier pour aller rejoindre P’tit Loup dans sa chambre d’enfant.
— Tu dors ?
— Oui !
— Oui, c’est ça ! je le charrie.
— Pourquoi t’es monté si tôt ? il me demande, la voix traversée par un certain agacement.
— Je pourrais te poser la même question !
— J’avais sommeil !
— Eh ben, moi aussi !
— C’est ça, oui…
— Je suis monté parce que je m’inquiète pour toi… tout le monde s’inquiète pour toi…
— Arrêtez de vous inquiéter, vous me cassez les burnes !
— Ok, ok, je suis monté parce que j’avais envie d’être avec toi, si tu préfères.
— Je peux dormir seul.
— Je sais. Mais moi j’ai envie de dormir avec toi. Et j’ai envie de te serrer contre moi. Je peux ?
— Viens…
Son corps musclé emplit mes bras de chaleur, mon esprit de bonheur.
— Je suis content que tu m’aies demandé de venir fêter Noël ici.
Un instant plus tard, mes lèvres se promènent doucement sur son cou, ma langue titille ses oreilles. Mes mains se baladent lentement sur son torse, mes doigts se laissent enchanter par le relief toujours aussi impressionnant de ses pecs, par la délicieuse douceur de sa peau, se perdent dans la contemplation tactile de ses poils, se laissent longuement happer par ses merveilleux tétons saillants. Puis, ils redescendent, parcourent à l’aveugle la gravure de ses abdos, s’amusent à les compter, à en mesurer les creux et les reliefs. Mon beau brun semble apprécier. Il me semble que sa respiration a changé, que son souffle est celui d’un garçon excité.
Je m’enhardis alors. Je laisse le bout de mes doigts se glisser entre l’élastique de son boxer et ses poils pubiens, je les laisse effleurer la naissance de sa queue. Et là, je constate qu’elle est bien chaude, bien tendue.
Je me glisse entre ses cuisses musclées et je pose mon nez et mes lèvres par-dessus le coton élastique, je cherche et je trouve le gland en tâtonnant avec ma langue, je titille le frein à travers le tissu fin. J’ai envie d’exciter mon beau brun, de le faire un brin s’impatienter, de le chauffer, j’ai envie de marquer le coup à l’occasion de nos retrouvailles sensuelles.
Mais ce soir, Jérém n’est pas d’humeur à faire durer les préliminaires.
— Suce-moi ! je l’entends me lancer sèchement.
Je m’exécute sur le champ, avec un bonheur infini. J’attrape l’élastique de chaque côté de son bassin, je fais glisser le boxer le long de ses cuisses. J’avale sa queue bien raide, à nouveau magnifiquement insolente. Je le pompe avec entrain, impatient de lui offrir enfin du plaisir. Quelques minutes plus tard, je suis si heureux de l’entendre me glisser :
— Je vais jouir…
Et je reçois aussitôt dans ma bouche la première d’une belle série de bonnes giclées chaudes, les premières dont il me fait cadeau depuis notre agression.

Entre Noël et le Jour de l’An.

Les jours suivants sont accaparés et quelque part égayés par le travail de la vigne. C’est l’époque de la taille, et tout le monde met la main à la pâte. M. Tommasi et Sylvie, Maxime et sa copine, mais aussi Jérém. Bien évidemment, je suis le mouvement. Au grand air, occupé par une activité physique, Jérém semble plus serein. Toujours aussi taciturne, mais serein. Et toujours aussi furieusement sexy, même avec une cotte de travail.
Le reste du temps, pendant les pauses, durant les repas, sa morosité est toujours aussi présente. Chaque soir, j’ai désormais droit de lui faire une pipe. Et ça, ça fait du bien. Mais ces petits moments de complicité sensuelle ne sont suivis d’aucune avancée de notre complicité affective. Jérém n’a pas envie de parler, et s’endort aussitôt après avoir joui.

Cette année encore, nous passons le réveillon du 31 à Campan. Cette année, Thibault est là aussi, accompagné de son adorable Arthur.
— Mais c’est pas possible, vous allez tous nous les piquer ! fait Satine, dépitée, en contemplant le joli couple de pompiers.
Les Cavaliers ont la délicatesse de croire, ou de faire semblant de croire, ce qu’ont raconté les journaux au sujet de l’agression de Jérém. De ne pas poser trop de questions sur ce qui s’est passé en cette horrible nuit parisienne. Et de ne pas faire de commentaires sur le petit changement de profil de Jérém.
L’ambiance est celle des soirées de fête, une folle ambiance faite de vannes potaches, de rires sonores, d’amitié. Mais même la bonne humeur et la bienveillance des cavaliers n’ont pas raison de la morosité de Jérém. Comme lors du réveillon de Noël, Jérém est taciturne, absent, et il ne se mélange pas à la fête. Il passe quasiment plus de temps à côté de la grande cheminée à griller des cigarettes qu’assis à table.
— Il ne va pas bien, hein ? me questionne discrètement Charlène lorsque Jérém part pisser dehors.
— Non, il ne va pas bien, j’admets, touché et attristé.
— C’est violent ce qu’il a vécu. Il voit quelqu’un ?
— Il ne veut pas. J’ai essayé de lui faire changer d’avis, mais il n’y a rien à faire. Il est têtu comme une mule.
— On dirait que quelque chose a cassé en lui, l’élan de sa jeunesse, son insouciance, sa joie de vivre, avance le sage Jean-Paul.
J’en ai les larmes aux yeux. Parce qu’en une seule phrase, JP a mis le doigt exactement là où le bât blesse.
De retour de sa pause pipi, Jérém est questionné par Martine au sujet de ses entraînements. Je l’entends lui mentir, lui dire que ça fait trois semaines qu’il a repris.
La nuit s’étire comme d’habitude sur les notes de la guitare de Daniel et sur le chœur à trop de voix toutes les unes plus fausses que les autres qui tentent de l’accompagner.

Cette nuit, ça fait cinq ans que Jérém m’a dit « Je t’aime » dans la petite maison. C’était après avoir fait l’amour et c’était la première fois qu’il me disait « je t’aime ».
Cette nuit, nous ne dormons pas à la petite maison, mais chez Charlène. Nous ne faisons pas l’amour. Et Jérém ne me dit pas « je t’aime » non plus. Je lui dis, moi.
— Je t’aime, P’tit Loup !
Pour toute réponse, il attrape mon bras, celui qui l’enlace et m’attire un peu plus contre son dos.
Depuis notre agression, Jérém ne m’a jamais encore pris dans ses bras. Mais il a souvent accepté que je le prenne dans les miens. Il fut un temps où dans ses bras puissants j’avais l’impression que rien ne pouvait m’arriver. Maintenant, c’est à mon tour d’offrir les miens pour le faire se sentir protégé. Je suis heureux qu’il se sente bien dans mes bras.
— Je suis désolé, Nico… je l’entends me glisser à mi-voix.
— Désolé de quoi ?
— De ne pouvoir te donner plus.
— Tu es là, tu es en bonne santé, et c’est tout ce qui compte.
— Je ne suis pas bien, Nico.
— Je sais. Mais je suis là. Tu entends ? Je suis là !

Lundi 1er janvier 2007.

C’est le lendemain que je gaffe. Au détour d’une conversation, j’évoque ma sortie de l’hôpital. Ce qui ne colle pas du tout avec la version officielle de l’accident de Jérém. Dès lors, Charlène nous oblige à lui dire la vérité sur l’agression.
— Cinq mecs pour en agresser deux ? Parce que vous êtes pédés ? Il y en a vraiment qui sont venus au monde juste parce que leurs parents ont oublié de mettre une capote !
— C’est clair ! je confirme.
— Pourquoi vous ne m’en avez pas parlé avant ?
— On ne voulait pas te faire de la peine. Tu n’aurais pas profité du réveillon, lui glisse Jérém.
— C’est pas faux. Mais quand-même !
— Maintenant, tu sais. Le sujet est clos.
— A te regarder, on dirait que ce n’est pas vraiment le cas.
— T’occupe ! Et surtout, tu n’en parles à personne.
— Tu sais que tu peux compter sur moi.
— Même pas à Martine, ok ?

Mardi 02 janvier 2007.

C’est ce matin que nous quittons la maison de Charlène, Campan et les Pyrénées. Cette nuit, Jérém n’a pas bien dormi. Il s’est levé toutes les heures pour fumer. Le fait que Charlène soir désormais au courant, le tracasse. Il a peur qu’elle s’inquiète. Au petit déjeuner, il porte sur lui les traces de la nuit presque blanche, le teint pâle, de beaux cernes.
— Ça n’a pas l’air d’aller, lui glisse la maîtresse de maison.
— Je n’ai pas bien dormi.
— Je ne te parle pas de ce matin, je te parle du fait que tu ne vas pas bien du tout en ce moment.
— Fiche-moi la paix de bon matin ! ! Je vais bien, ok ?
— Non, tu vas mal, tu vas même très mal. Et si tu continues comme ça, tu vas aller de plus en plus mal et tu n’arriveras pas à remonter la pente.
— Tu me casses les couilles à la fin !
— Je sais, j’imagine. Mais je m’en voudrais de te voir déraper sans t’avoir parlé franchement.
— J’ai pas besoin de leçons. Allez, on se casse, me lance Jérém en se levant de sa chaise d’un bond.
Charlène se lève d’un bond elle aussi.
— Assieds-toi ! Tu vas m’écouter cinq minutes, petit con !
— Qu’est-ce qu’il y a encore… fait Jérém, en changeant soudainement de ton.
— Tu t’es vu seulement ?
— Quoi ?!
— Tu as la gueule d’un déterré ! Tu as 25 ans, tu es dans la fleur de l’âge, bordel ! Tu es beau comme un Dieu, tu es en bonne santé, et tu as de l’or dans tes mains et tes pieds.
— Mais je n’ai plus envie de jouer !
— Tu as vécu quelque chose d’horrible et…
— Tu ne sais rien de ce que j’ai vécu !
— C’est vrai, mais je vais te dire les choses telles que je les vois.
— Je t’écoute ! lui lance Jérém sur un ton de défi.
— Oui, tu t’es fait tabasser parce que tu es pédé. Oui, c’est injuste. Et alors ? Tu crois que c’est pire que d’avoir un accident de voiture ? Il y en a qui ont été amochés bien pire que toi et qui se sont relevés et ont su remonter la pente. Il faut que tu t’accroches, il faut que tu te bouges le cul, sinon, tu vas rater le train de ta vie !
— Je n’y arrive pas ! J’ai pas envie de me lever le matin, j’ai même plus envie de baiser ! Je n’ai plus goût à rien.
Ça me fait de la peine de l’entendre exprimer enfin si clairement son mal-être, et ça me fait de la peine aussi de l’entendre l’exprimer de cette façon, parce que Charlène l’a acculé, parce qu’elle l’a obligé à le faire, alors qu’il n’a jamais voulu m’en parler. Mais l’important c’est que ça sorte enfin, d’une façon ou d’une autre.
— Si tu n’y arrives pas seul, va voir quelqu’un qui peut t’aider.
— Personne ne peut m’aider !
— Ne sois pas con, putain ! Je sais qu’au fond de toi tu as l’énergie pour rebondir, tu as juste besoin d’un petit coup de pouce.
— Non, je n’ai pas cette énergie, je ne l’ai plus !
— Il faut au moins que tu essaies, sinon tu finiras par le regretter toute ta vie. Ne te laisse pas couler, Jérém.
— J’ai l’impression de me noyer…
— Les bateaux ne coulent pas à cause de l’eau autour d’eux. Ils coulent à cause de l’eau qui rentre à l’intérieur. Ne laisse pas cette nuit pénétrer ton esprit et te faire couler.

L’année 2007.

En ce début d’année, je suis à Toulouse et Jérém à Paris. Je commence mon taf à Montaudran. Je commence par faire des photocopies et mettre à jour des listings. Pour l’instant, je suis loin de la Garonne. Il me tarde que la saison d’irrigation démarre pour pouvoir enfin être sur le terrain.
Quant à Jérém, il accepte enfin d’aller voir un psy. Les mots de Charlène ont fait leur effet. Sacrée Charlène.
Séance après séance, je sens au téléphone qu’il semble aller mieux. Ce n’est peut-être pas un hasard s’il reprend enfin les entraînements.
Je voudrais être avec lui pour l’encourager au quotidien, pour être le témoin de ses progrès. Au bout de trois longues semaines, l’occasion se présente enfin.

Samedi 27 janvier 2007.

C’est une fois de plus au Stade de France que se joue le choc des Titans, Stade Français contre Stade Toulousain. Hélas, les deux équipes sont privées de deux de leurs meilleurs joueurs. Jérém n’est toujours pas prêt pour revenir sur le terrain. Et Thibault a mis un terme à sa carrière.
Mais l’un et l’autre ne peuvent se priver de se rendre dans les tribunes pour assister au match. Et moi non plus. Je fais la route depuis Toulouse avec Thibault et Arthur. Mon impression au sujet de ce dernier se confirme pendant ce voyage de plusieurs heures. Le compagnon de Thibault est un sacré bonhomme, profondément gentil et attentionné. Et il est vraiment fou amoureux de l’ancien mécano. C’est tellement beau à voir ! Ils sont tellement beaux à voir !
Dans les tribunes, nous assistons à un match intense. Jérém et Thibault sont assis côte à côte et vivent le jeu à fond. C’est la première fois depuis l’agression que je vois Jérém aussi intéressé par quelque chose, aussi passionné. Et ça me fait tellement plaisir !
Le match se termine sur un score de 22 à 20 en faveur des Parisiens qui tiennent enfin une « revanche » face aux Toulousains après les déconvenues à répétition des derniers mois.
— Il a suffi que je me tire, et c’est la débâcle ! se marre l’ancien demi de mêlée.
— Il a suffi que je ne joue pas pour qu’ils gagnent, c’est tout aussi vexant ! fait Jérém.
— Ne dis pas de bêtises, Jé !
— Ça te fait pas quelque chose de voir tes coéquipiers jouer sans toi ?
— Bien sûr que ça me fait quelque chose. Mais je ne regrette rien. Je suis vraiment bien dans ma nouvelle vie, comme un poisson dans l’eau.
— Je suis heureux pour toi.
— Merci, Jé. Continue de te battre, et tu vas vite retrouver tes potes sur le terrain.
— J’espère…
Entendre Jérém « envisager » enfin un retour sur le terrain emplit mon cœur de joie.

Après le match, nous allons tous les quatre dîner en ville. Un peu plus tard dans la soirée, nous nous retrouvons tous à l’appart. Il est prévu que les deux beaux pompiers dorment dans la chambre d’amis cette nuit, avant de repartir demain pour la ville Rose. Je vais devoir repartir avec eux. Si j’étais encore étudiant, je pourrais sécher quelques cours et rester quelques jours. Mais désormais j’ai un travail, et mes obligations m’appellent. Que c’était beau d’être étudiant !
Je n’ai que cette nuit pour profiter de mon Jérém. Alors, je n’ai même pas envie de dormir. J’ai envie de profiter de sa présence, chaque instant.
La soirée s’étire tard dans la nuit, les discussions ponctuées de bières sont agréables. Les souvenirs communs des deux anciens coéquipiers font peu à peu surface dans la conversation. Le degré d’alcoolémie général augmente doucement.
A un moment, je vois le Lieutenant chercher les lèvres de l’ancien demi de mêlée et se lancer dans un baiser aussi doux que passionné. Un baiser qui dure, qui s’étire, et qui ne semble jamais devoir s’arrêter. Les bras enlacent, les mains caressent, cherchent le contact physique, insatiables.
Mais qu’est-ce qu’ils sont beaux ! Et comment je les envie ! J’aimerais tellement retrouver cette fougue avec Jérém. Je l’ai eue, et je l’ai perdue. Est-ce que je vais la retrouver, un jour ?
Lorsque ce long baiser prend fin, les deux pompiers ont l’air dans tous leurs états. Un instant plus tard, ils s’embrassent à nouveau. Lorsque les lèvres se séparent, les regards ne le peuvent toujours pas. Et le petit sourire qui illumine leurs visages donne la mesure du désir réciproque qui les consume. C’est beau, le désir, quand il est aussi brûlant, aussi manifeste.
Tous leurs mouvements sont harmonieux, fluides, animés par une complicité et une fébrilité qui crèvent les yeux. Ils ont envie l’un de l’autre, c’est flagrant.
— Si vous avez envie, ne vous gênez pas, j’entends Jérém lancer.
— On n’est pas des bêtes, on peut attendre, plaisante Arthur.
— Vous ne devriez pas… insiste Jérém.
Arthur sourit, un peu décontenancé par la proposition de Jérém. Mais Thibault saisit son bel Arthur par l’avant-bras, l’attire contre lui et l’embrasse à son tour. Un baiser fougueux, très sensuel.
Un instant plus tard, les deux beaux pompiers disparaissent dans la chambre. Ils vont faire l’amour.
J’ai envie d’en faire de même avec mon Jérém. Moi aussi j’ai envie de faire l’amour avec le gars que j’aime. Je l’embrasse, doucement. Longuement. Mais ses lèvres ne répondent que faiblement à mes sollicitations.
Je tente alors le tout pour tout, je l’embrasse avec plus de fougue. Mais il n’est pas d’humeur non plus.
C’est dur de réaliser à quel point, entre la parfaite fusion des corps et des esprits que partagent nos invités et ce qui est en train de se passer entre Jérém et moi, il y a un monde.
— Je ne sais même plus si j’ai envie de continuer, ou si seulement ça servirait à quelque chose de continuer. Suce-moi ! je l’entends me commander, alors que je suis sur le point de tout arrêter, et de pleurer.
Un instant plus tard, je me glisse entre ses cuisses, et je commence à le pomper. J’aimerais sentir son excitation monter, la vibration du plaisir traverser son corps et le faire exulter. J’ai tellement envie de lui faire plaisir !
Mais rien de tel ne se produit. J’ai l’impression que Jérém ne prend même pas vraiment son pied. Pas de soupirs, pas de ahanements, pas de frémissements de son corps qui traduiraient son excitation. Non, rien de tout ça.
Je l’ai senti lors des quelques pipes que j’ai pu lui faire depuis Noël. Si Jérém me laisse parfois lui offrir du plaisir, notre complicité n’est pas revenue pour autant. Et j’ai l’impression que là aussi quelque chose a cassé pour de bon.
J’essaie de faire bonne figure, mais mon esprit pleure à chaudes larmes.
— Ah, les deux pompiers sont en train de baiser ! je l’entends constater, alors que la cloison laisse passer et venir jusqu’à nous des petits bruits de l’amour.
— J’ai envie de toi, je lui glisse alors.
Une fois encore, je tente le tout pour tout. C’est quitte ou double. Je prends tous les risques. A ma grande surprise, Jérém est partant.
Un instant plus tard, après avoir craché dans sa main et sur ma rondelle, il se laisse glisser entre mes fesses. C’est la première fois que Jérém vient en moi depuis cette baise fougueuse dans le sous-sol de l’immeuble où habite Ulysse. Ça devrait être un moment magique.
Mais ça ne l’est pas. Ce n’est qu’une déception de plus dans une soirée où, décidemment, rien ne va plus.
Jérém me fait l’amour, mais son regard semble perdu dans le vide. Il semble ailleurs, il n’a pas l’air dans son assiette. Ses gestes sont brusques, précipités, presque maladroits. Tout semble forcé, dissonant. Comme si Jérém n’avait pas vraiment envie de me faire l’amour, et qu’il s’était juste laissé entraîner par l’envie de me faire plaisir. Pour faire semblant qu’il y a encore une complicité entre nous. Alors que ce n’est plus le cas. Peut-être qu’en acceptant ma proposition, il a voulu tenter de faire bonne figure, de s’éviter une longue discussion. Peut-être qu’il s’est laissé entraîner par la passion de nos invités. Comme s’il voulait les imiter. Comme s’il voulait se montrer, nous montrer, que c’était encore possible entre nous. Mais visiblement, ça ne l’est pas, ça ne l’est plus.
Car il y a un monde entre la fougue et la tendresse de toutes les fois où nous avons fait l’amour du temps où nous étions Ourson et P’tit Loup, ou même entre la bonne baise le soir de son anniversaire, et cet accouplement où tout paraît mécanique.
Nos corps sont emboîtés, mais nos esprits sont complètement déconnectés. Le plaisir que j’ai retiré de ses premiers coups de reins s’estompe peu à peu, laissant la place à une douleur grandissante. Je ne veux surtout pas priver Jérém de son orgasme, mais je me surprends à souhaiter qu’il ne tarde pas trop à venir. C’est triste.
Je repense à Thibault et Arthur, en train de faire l’amour dans la pièce d’à côté. Certainement en train de prendre leur pied comme des fous. Il n’y a rien de plus beau que deux êtres qui vibrent à l’unisson pour rendre l’autre heureux.
Leur bonheur me rend heureux. Thibault le mérite mille fois, et Arthur m’a l’air de le mériter tout autant.
Mais leur bonheur met aussi en évidence, par contraste, celui que Jérém et moi avons perdu.
Jérém continue de me pilonner, de plus en plus fort, en transpirant à grosses gouttes, comme si son orgasme lui échappait. Quand il arrive enfin à le rattraper, il jouit vite, il jouit seul.
Un instant plus tard, il se déboîte de moi, il repasse son boxer et file à la fenêtre s’allumer une clope, sans rien tenter pour me faire jouir à mon tour. De toute façon, je n’y suis plus, mon plaisir s’est évaporé, mon excitation aussi, et j’ai débandé.
Je repense aux fois où l’amour entre Jérém et moi était un pur feu d’artifice. Je me souviens de son regard excité et amoureux. Je me souviens de ses gestes, de son attitude, de cette envie, de ce besoin viscéral que nous partagions, ceux de s’offrir à l’autre, de nous affairer pour le plaisir de l’autre. Je me souviens de la dernière fois où nous avons fait l’amour, l’après-midi avant de fêter son anniversaire chez Ulysse.
Je me souviens qu’après l’amour, nous étions défaits, épuisés, et heureux. Si heureux.
A cet instant précis, après avoir joui, Jérém a l’air davantage perdu qu’heureux.
Quant à moi, je me sens envahi par une solitude immense, par une tristesse infinie. J’ai l’impression que mon cœur est un trou béant que rien ni personne ne saura plus jamais combler.

Les avis des lecteurs

Le traumatisme, le déni, le renfermement, la fatigue apparemment fréquente après la séance, la trace que J verra tous les matins dans le miroir… Sans connaitre, perso, ça semble blindé de petits détails qui font un peu douter que ce soit entièrement de la fiction, j’espère me tromper.
Le sexe mécanique, le plaisir non-partagé, comme pour se persuader que sa virilité n’est pas qu’un souvenir, c’est triste, et ça éloigne plus que ça ne rapproche :/



Texte coquin : 0331 Jérém&Nico, L’effet domino (partie 1).
Histoire sexe : Une rose rouge
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