Après le tsunami
Récit érotique écrit par Laetitia sapho [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 10-12-2021 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Après le tsunami
Ça fait drôle de se retrouver dans ce nouvel appartement, après avoir vécu toutes ces années dans la même maison. Ma maison en plus, celle où j’ai passé avec ma famille huit années de ma vie.
Il va falloir que j’y trouve mes marques. Pour le moment, ce n’est pas chez moi.
Les quelques amis qui ont aidé au déménagement sont partis. Les enfants sont chez mes parents.
Je me retrouve seule dans la semi-pénombre assise sur mon canapé dans ce nouveau salon.
Je viens de quitter le domicile conjugal. Peut-être pas définitivement, je ne sais pas. J’ai au moins besoin de prendre du recul, de voir où tout ça nous mène, enfin me mène surtout. Parce que là, je ne sais vraiment plus trop où j’en suis. Enfin si, je mesure bien là où j’en suis, ce que je ne sais pas, c’est où je vais.
Si, en fait, je crois que je sais. C’est définitif. Il n’y aura pas de retour en arrière.
Je suis Charlène, j’ai 35 ans, cadre comptable dans une entreprise de travaux publics.
Mon mari m’a trompée. Je l’ai découvert il y a un mois. Après treize ans de vie commune, dix ans de mariage, deux enfants, il m’a fait ça.
Le coup classique, la collègue de travail. Je l’ai découvert par hasard, enfin j’avais quelques doutes, mais rien de plus. Je ne lui en avais pas parlé à l’époque, je me persuadais que je faisais ma crise de parano.
J’ai commencé à avoir ces fameux doutes quand il a commencé à rentrer plus tard du boulot, avec des excuses bidons à chaque fois. Il faut savoir qu’une femme amoureuse et jalouse (si, un peu, je l’avoue), enquête dix fois mieux que le FBI et Interpol réunis. Quand on cherche, on trouve et un jour, j’ai trouvé. J’ai eu les preuves sous les yeux. Sa boite mail laissée ouverte par inadvertance sur l’ordinateur. Une boite mail, que je ne connaissais pas. Elle contenait des dizaines de messages, suffisamment explicites et éloquents, des envois de photos, des planifications de rendez-vous dans des hôtels, et le pire des échanges de mots doux et de « je t’aime ». En plus, ces messages remontaient sur une période de deux ans.
Je me suis d’abord effondrée, normal non ?
Celui que je pensais connaitre, avec qui je vivais depuis si longtemps, le père de mes enfants, qui me poignarde dans le dos.
Après l’effondrement, la colère. J’ai cassé des trucs à la maison. Après la colère, l’abattement, doublé d’une rage plus contenue, plus glaciale, plus profonde aussi.
Il est rentré, je l’ai confronté. Il a nié d’abord. Même pas le courage d’assumer, quand je lui ai mis les preuves sous le nez, les dizaines de pages de mails imprimées que je lui ai jetées à la figure, il a enfin avoué. A demi-mot seulement.
Il s’est effondré à son tour. Paraît-il, il a fait une connerie. Il ne l’aime pas. C’est moi qu’il aime.
Il ne l’aime pas, mais pourtant, il lui a écrit, il lui a dit aussi surement.
Il a juré qu’il arrêtait tout. D’ailleurs, il avait l’intention de le faire. Bientôt !! Il n’en pouvait plus de cette situation parait-il. Il le vivait trop mal ! Il allait me l’avouer de lui-même de toute façon. Qu’est- ce qu’il était mal ! Je ne pouvais même pas imaginer à quel point !
Est-ce que je l’ai cru ? Je me suis forcée à le croire, je pense.
Il est redevenue attentionné, des mots gentils, des bouquets de fleurs, à nouveau des projets, comme un week-end en amoureux programmé.
Et puis il y a eu les tentatives d’explications, on faisait moins de choses ensemble, la routine, nos boulots, je m’occupais plus des enfants que de lui, j’étais plus une mère qu’une épouse. Et puis avec le temps, nos rapports sexuels s’étaient espacés aussi. Le temps de notre fougueuse jeunesse était derrière nous, c’est certain, mais nous faisions encore l’amour régulièrement malgré tout.
En clair, il ne me voyait uniquement que comme la mère de ses enfants et non plus comme sa femme. En fait, même pas, c’est moi qui agissais comme la mère de ses enfants ! S’il m’a trompée, finalement, c’est de ma faute. C’est ce que je devais en déduire de ses explications, même s’il ne l’a pas dit comme ça.
Bon déjà, qu’il y ait des problèmes dans notre couple au niveau communication, j’accepte une certaines responsabilité. 50% au plus. Il n’a pas communiqué sur son ressenti, mais moi non plus. Je dois l’avouer. Nous nous sommes tous les deux enfermés dans notre confort, notre train-train, notre routine. J’ouvre les yeux là-dessus aujourd’hui. J’accepte cette responsabilité-là à 50%, pas plus.
Après, le responsable du reste c’est lui et personne d’autre. Ce n’est pas moi qui ai couché avec un collègue de travail. C’est lui qui l’a fait avec sa pouffe. Pour en arriver là, il y a eu des étapes. A chacune de ses étapes, une réflexion, des doutes surement. Ils ne se sont pas sautés dessus d’un seul coup. Il y a eu un jeu de séduction mis en place, des rendez-vous, avant qu’il ne couche ensemble. Il pouvait tout arrêter à chacune de ses étapes. Il pouvait aussi très bien ne pas commencer. Il pouvait surtout dire non, la faiblesse est humaine parait-il, la force aussi ! Moi aussi, j’ai eu des occasions, des sollicitations, je n’y ai pas répondu. Je me suis sentie flattée certes, mais la notion de fidélité dans le couple, pour moi, est importante. La notion de respect aussi et surtout.
Après, la société d’aujourd’hui glorifie presque la tromperie, au mieux la minimise. Elle pousse à la consommation. Je veux ? Je prends ! L’amour est devenu un produit de consommation. Regardez les sites de rencontres, le nombre de personnes en couple qui s’y inscrivent. C’est devenu un marché, un business.
Nous les épouses ou époux trompés, dans les films, dans les livres, nous sommes toujours stigmatisés. Même si on n’a rien demandé à personne. Nous sommes présentés comme des gens ennuyeux, pas dignes d’intérêt, aigris aussi. Et l’autre garce arrive en paillonnant, avec un charisme de dingue, un regard mélancolique qui se targue d’être romantique. « Que veux-tu que je te dise ! Je l’aime ! Nous étions faits pour nous rencontrer, elle est si différente ! Je me dois d’être heureux, au moins une fois dans ma vie, avec toi ce n’est plus possible ». Et nous dans le film à la con, on passe de l’amour de leur vie à l’erreur de casting et tout le monde applaudit l’happy-end, car l’amour a triomphé.
Marre de ces clichés pourris. Allez-vous faire foutre ! Ça ne devrait pas être ça la vie !
J’ai essayé de repartir, de reconstruire notre couple. Parce que je l’aimais malgré tout.
Et puis trois semaines après, je me suis rendue compte qu’il la voyait toujours. Au moins qu’ils échangeaient toujours des SMS. La double peine.
Là, j’ai décidé de tout plaquer et de me barrer, avec les enfants. Je voulais faire un break, faire le point. M’éloigner temporairement. Aujourd’hui que c’est fait, je ne reviendrai pas en arrière. Je le sais maintenant.
Il a beaucoup pleuré, à genoux devant moi, me demandant pardon … Et moi devant ce spectacle, je me disais « Mais c’est qui ce mec ? Elle est où ma vie ? Rendez-moi ma vie …. »
C’est curieux de découvrir certaines facettes de la personne avec qui on a partagé tant de temps, de choses. Avec qui on a partagé tant de joie, avec qui on a affronté ensemble tant de problèmes.
Des moments doux, mais aussi des épreuves, dont on dit qu’elles soudent un couple. Apparemment, pas tant que ça, faut croire !
Et cette impression qui ne me lâche pas, celle de n’avoir vu que la face apparente de l’iceberg, et que malheureusement, la face cachée est beaucoup moins engageante. Cette impression que les zones floues, d’un seul coup, deviennent bien plus nettes.
Il s’est lassé de notre vieux couple, mais n’a pas voulu se l’avouer, et n’a pas voulu non plus assumer le rôle du salaud qui abandonne la mère de ses enfants.
Tout cela aboutit à un véritable traumatisme. Ça, c’est ce que m’a expliqué le psy que j’ai commencé à voir. Aller chez un psy, il y a encore quelques mois, j’aurais trouvé ça insensé. J’y vais depuis peu, au rythme d’une séance par semaine et ça m’aide bien. J’arrive à mettre des mots sur ma peine grâce à ça.
Ce dont je me suis rendue compte, par contre, c’est qu’en comparaison, les petits tracas de la vie paraissent insurmontables à ceux qui trompent. Parait-il c’est pour ça qu’ils éprouvent le besoin jouer au docteur avec leur maitresse dans leurs « jardins secrets » ou sur leur « terrain de chasse », selon les termes utilisés sur les forums où ces gens témoignent, souvent pour se glorifier de leur infidélité. Les soucis et les tracas du quotidien sont trop lourds pour eux ! Il leur faut des échappatoires, aux pauvres biquets et biquettes !
Ma meilleure amie m’aide aussi. Elle m’a dit « Normal que tu te sentes mal, tu as un cœur, tu es faite de chair et de sang, tu n’es pas en béton armé. Et puis tu l’aimais ». Eh oui, je l’aimais. Seuls ceux qu’on aime peuvent nous faire vraiment mal. C’est toute l’ironie de l’amour.
L’amour rend aveugle et au pays des aveugles, les cocufieurs sont rois. Ils profitent de la naïveté des personnes amoureuses. Quand on croit à l’amour avec un grand A, on n’imagine à aucun moment qu’un jour ça va s’écrire avec un grand M comme mensonge.
Aujourd’hui, je le hais. Enfin, je crois. Peut-être que je l’aime encore aussi, surement même, sinon pourquoi aurais-je si mal ?
La haine ? Je n’en suis pas fière. C’est un sentiment médiocre, mais c’est le sentiment qui m’anime. Enfin, c’est comme une protection, une armure. Ça aide aussi la haine. Le souci, c’est qu’on n’a pas en soi un bouton « J’aime/J’aime pas », un truc genre « On/Off », la vie serait plus facile. Alors on hait. Si seulement on pouvait décider qui et quand aimer, comment désaimer, ça serait tellement plus simple.
La nuit est tombée maintenant. Etre seule dans cet appartement, dans la pénombre à laisser défiler tout ça dans ma tête, c’est un peu glauque. Enfin déstabilisant plutôt. Je vais revisiter la déco, histoire de m’approprier les lieux, puisque c’est décidé, je ne suis pas là provisoirement. Je vais m’installer, trouver mes marques. Ça va aussi me permettre de penser à autre chose, d’occuper mes mains et surtout mon esprit.
Il m’a dit qu’il regrettait de m’avoir rendue malheureuse ! Il n’a pas regretté le fait que je sois malheureuse. Vous saisissez la nuance ? C’est le comble de l’égoïsme ça ? Non ? Moi, moi, moi, je …
Il m’a dit qu’il me respectait. Son respect ? Il peut le mettre où je pense ! Déjà, drôle de notion du respect. Je n’ai que faire du respect des gens non respectables.
Voilà, je disais il y a deux minutes que je vais penser et passer à autre chose et me voilà à ressasser à nouveau.
Ce qui est en train de m’arriver, c’est l’épreuve d’une vie. L’épreuve de ma vie. Je vais beaucoup apprendre, sur les gens, sur moi aussi et surtout. Je vais faire le tri sur mes connaissances, mon entourage. Je vais apprendre à être solide, je vais apprendre à m’endurcir. Je vais apprendre à me relever, je vais apprendre le recul.
En attendant, ma vie est bouleversée. Je ne sais pas quand elle m’a échappée ma vie, mais ce que je sais, c’est qu’elle coule entre mes doigts là. C’est comme du sable. J’assiste en spectatrice à la mort de mon couple, à la mort de la confiance, de l’insouciance, à la fin de la naïveté. A la fin de tout ce que je pensais normal et évident avant.
Ce qui est difficile dans une histoire de tromperie, c’est d’être prise pour une conne. En plus de l’infidélité en elle-même, qui est déjà compliquée à accepter, s’ajoutent les mensonges et la trahison de celui qu’on aime. Je pense que j’aurai accepté qu’il craque un soir, bourré dans une fête et qu’il finisse la soirée avec quelqu’un, qu’il s’en morde les doigts juste après, rentre en pleurant et s’excuse en m’avouant tout. C’est certainement dur à vivre sur le moment, mais ça reste dans le domaine du surmontable. On peut passer outre avec un peu de temps, je pense.
Non, ce qui est terrible, c’est que la personne qu’on aime, à qui on a confié sa vie, ses secrets, sa santé, ses blessures intimes, son numéro de carte de crédit, avec qui on a fondé une famille, que cette personne puisse autant se foutre de notre gueule, nous rabaisser et nous marcher dessus ainsi.
Que cette personne puisse nier les yeux dans les yeux, même face à des preuves flagrantes, qu’il puisse monter des plans dignes d’un opus de James Bond pour aller voir sa maitresse et en arrive à accuser l’autre de paranoïa. Ça fait froid dans le dos.
C’est le double coup de poignard en fait.
Refaire confiance ? Non ! Dix ans plus tard, on ne saura toujours pas si un retard en rentrant du boulot n’est pas le signe d’une liaison (alors qu’il n’y a rien). Pourquoi ? Parce que dorénavant les « je te jure », « je t’assure, il n’y a rien » n’auront plus aucune crédibilité. Cette vie-là, je n’en veux pas. C’est pour ça que je me suis barrée. La confiance, c’est comme une allumette, c’est à usage unique. Une fois que c’est brulé, c’est foutu, on la jette. Comme disait Friedrich Nietzsche, « Ce qui me bouleverse, ce n’est pas que tu m’aies menti, c’est que je ne pourrais plus te croire ».
Et puis, je n’ai pas envie d’être en perpétuelle compétition avec d’autres femmes. Parce que rien ne pourra empêcher que ça se reproduise. Rien sauf sa volonté, celle qui lui a permis de céder à l’autre pendant deux ans, parce que c’est comme ça qu’il est, je le sais maintenant. Parce qu’il a mis son plaisir et son bien-être au-dessus de tout le reste et surtout au-dessus de moi, de ses enfants, de sa famille.
C’est la destruction de la crédibilité de la parole, alors que le ciment du couple se trouve être la communication et la confiance.
Encore une fois, je n’idéalise pas l’Amour, le grand avec un grand A. Ce n’est pas un crime de se lasser de quelqu’un qu’on a aimé, de désirer une autre personne. Mais à un moment donné, on prend son courage à deux mains, on explique à l’autre et on opte pour une séparation. On ne trompe pas, on ne ment pas.
Aux infidèles qui avanceraient « je trompe, mais je préfère ne rien dire, parce qu’il ou elle va avoir mal », je réponds juste que quand ça va se savoir, parce que ça se sait toujours, ça fera beaucoup plus mal. Les dégâts vont être terribles et souvent irréparables.
Tromper c’est toujours la plus conne des solutions à tous les problèmes que rencontre un couple.
J’ai voulu la vérité, mais je ne l’aurais jamais vraiment. Lui-même ne la connait pas. Il sait ce qu’il a fait, mais ne sait probablement pas pourquoi il l’a fait. J’ai eu droit à des mots comme « perdu », « désir », « irrésistible », « rencontre », « quotidien », « habitudes », « routine », « vivre pleinement » et j’en passe, dans l’ordre ou le désordre, selon ce qu’il a eu envie de croire ou de laisser croire au moment où il les a prononcés. Certains de ces mots font mal, un mal de chien même. Faut croire que lui et moi on ne pouvait plus « vivre pleinement » des trucs !
Je ne pense pas me tromper en disant qu’actuellement il se raconte une histoire, une version dans laquelle il n’a pas eu le choix, où il ne serait pas vraiment coupable et au fond il ne regrette pas vraiment. Il regrette surement de m’avoir fait du mal, mais c’est tout.
Maintenant, devant le fait accompli, il commence à réfléchir, à analyser. Il ne veut pas tout gâcher, ni tout perdre, « tout ce qu’on a construit ensemble », la maison, les enfants, le crédit immobilier, la voiture, les amis, la façade sociale.
Sur son amour pour moi ? J’alterne entre peut-être et surement. Mais comment peut-on aimer quelqu’un sans le respecter ?
Il a surtout la trouille de vivre sans moi, de changer ses habitudes ! Mais est-ce vraiment de l’amour ?
En fait, tout ce que j’ai eu, c’est une version culpabilisante, où j’aurais eu la plupart des torts, où en filigrane, sa maitresse est la plus belle, la plus désirable, la plus sexy, sensible, ouverte au monde, plus excitante quoi. Il ne me l’a pas dit, bien sûr, mais c’est ce qui ressort de ses propos.
C’est tellement plus facile d’être l’amante plutôt que l’épouse. De n’être là que pour les bons moments, de ne pas connaitre la routine et d’éviter les soucis du quotidien. Une relation « interdite », avec des rendez-vous espacés, l’absence d’habitudes, tout ça accentue la force des sentiments entre les amants. C’est comme les premiers moments d’un couple, on se voit peu au début, on se découvre. Dès qu’on est ensemble, c’est pour des instants forts. Dans ce genre de situation la maitresse a un rôle facile parce que le poids de la routine, des problèmes à régler ne pèse pas dans cette relation. Tout ça, ça reste au foyer et il se les prend en plus en plein face en rentrant. Ça estompe même surement son sentiment de culpabilité, ça le renforce dans ses positions. Il a vécu l’excitation de cette rencontre, comme quand il avait seize ans. Je ne pouvais rien faire, je ne luttais pas à armes égales. La maitresse n’a que des qualités, l’épouse que des défauts.
Sous l’effet de la passion, il est aveuglé par le rayonnement de sa pouffe. Il boit ses paroles, tout ce qu’elle fait c’est génial et cette femme est un parfait mélange de Mère Theresa et d’Angelina Jolie. Ils n’ont que des points communs en plus.
Tout ce que j’aurais pu dire ou faire n’aurait de toute façon pas eu d’influence. J’étais comme la mère qui voit sa gamine de quinze ans faire le mur tous les soirs pour rejoindre un camé sans avenir. Et tout ce que je peux faire pour le ramener à la raison, est voué à l’échec, argumentation logique, appel à plus de responsabilités, sermons, menaces, punitions, etc.
Nous avons-nous aussi été comme ça un jour ou l’autre. Ados, si nos parents nous avaient interdit ou même simplement déconseillé de fréquenter telle ou telle personne que nous aimions, nous serions passés outre de leur avertissement, et ce quelles qu’en soient les conséquences. Sauf qu’on est plus ados. On est adultes, on a le recul pour analyser. On connait la vie surtout.
Ce qui fait mal aussi, c’est que mon intimité a été racontée par celui en qui j’avais confiance à une autre personne qui n’a rien du tout à voir avec moi.
J’ai été désavouée en tant que compagne, désavouée en tant que partenaire sexuelle, désavouée en tant que confidente, amie, support, tout ce qui faisait le couple pour moi.
Mon intimité a été jetée aux orties, racontée à l’autre. Ils en ont peut-être rigolé ensemble. Rien ne sera plus jamais comme avant, ils l’ont fait, c’est tout. Il a menti, trahi, dit des mots réservés à sa conjointe à une autre, échangé des secrets, des confidences, été tendre, dit « je t’aime » à une autre …
En principe, l’amour le vrai protège de ça. En principe ! L’honnêteté, la vraie empêche tout cela …
Par contre, moi, j’ai été conservée à la maison, parce que j’étais devenue une institution, une incontournable de la vie pépère, une pure routine. J’avoue mon ego en a pris un sacré coup.
Moi, j’ai toujours eu l’habitude de me mettre au service des autres, de lui notamment. J’ai toujours eu la démarche de chercher à lui plaire. D’attendre son amour comme une récompense, ou plutôt comme une reconnaissance, comme la preuve que je suis digne d’être aimée, c'est-à-dire, assez belle, assez intéressante, assez douée pour faire l’amour, assez gentille, assez attentionnée, assez je ne sais pas trop quelle connerie encore …
Je relis en boucle ce texte de Musset, « Tous les hommes sont des menteurs, inconstants, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels. Toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées. Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange. Mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour souvent blessé et malheureux. Mais on aime et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit, j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu et non un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » (Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour. Acte II scène V).
Je l’aime toujours, mais je le quitte, ça peut paraitre idiot à dire. Mais en vérité, c’est assez logique. En effet, la personne que j’aime toujours n’est pas celle qui me fait face. J’aime un souvenir, presque un fantasme, un idéal, celui que j’ai adulé pendant tant d’années. Le plus dur c’est d’admettre que l’homme actuel, celui qui a pu faire ce qu’il a fait, je ne l’aime plus. En fait, même pas, ce n’est pas que je ne l’aime plus, c’est que je ne l’aime pas. S’il avait dès le départ présenté ce visage-là, je ne serais certainement pas tombée amoureuse de lui.
J’ai en fait découvert que le plus dur dans ma situation n’a pas été d’admettre son désamour à lui, je pense sincèrement qu’à partir du moment où l’on trompe sur la durée, l’amour envers l’autre tel que je le conçois n’est plus. Le plus dur disais-je, est d’admettre que mes sentiments à moi se sont brulés aux feux de la tromperie et du mensonge. Maintenant, je dois apprendre à me glisser dans ma nouvelle peau, mon choix est de partir. Alors j’apprends à ne plus l’appeler mon mari, mon chéri, ou mon homme. J’apprends à changer mon regard, ma perception, à tirer un trait sur notre passé heureux en commun, j’apprends à le voir comme un étranger. En un mot, j’apprends à le juger. Les infidèles détestent ça qu’on les juge. Moi, c’est ma meilleure arme, l’arme de l’innocent, c’est ce qui permet de le dépouiller des derniers oripeaux de mari aimé.
Oublier la douleur, toute naissance passe par une douleur intense, toute renaissance aussi surement.
La séparation, il y aura des conséquences. Les enfants déjà. Il est leur père, nous nous dirigeons vers une garde alternée. Je dois m’y résoudre, même si je n’ai jamais voulu perdre mes enfants une semaine sur deux. Et cela parce qu’il a fauté. Ce n’est pas ma faute, je n’ai pas à subir les conséquences de ses agissements, alors que je n’ai pas pris part à ses choix. Il m’oblige à faire des choix que je n’avais pas l’intention de faire.
Dernière petite humiliation pour lui. Je reste persuadée qu’ils ont baisé sans protection (Bah non, superwoman, elle est géniale, elle est forcément clean …). Je me suis faite tester, VIH, IST tout le tintouin. Heureusement ça a été négatif, mais j’ai laissé traîner les résultats à la maison, pour qu’il puisse les voir. En plus il a joué avec ma santé ce con …
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Un an plus tard :
Voilà, nous sommes divorcés. Ça a été assez rapide. C’est ce que je voulais. On a la garde alternée des enfants. C’est aussi ce que je voulais. Malgré ce qu’il m’a fait, je n’ai pas voulu lui retirer ses enfants. C’est un père attentionné. Et puis les enfants ont aussi besoin de leur père.
Je pense avoir pris la bonne décision. Rester pour les enfants est une mauvaise raison de rester. Même à leur âge, ils se rendent compte de tout. Ils sont bien plus heureux ainsi. Ils profitent de leur mère et de leur père. Si on était restés ensemble, avec une ambiance à la maison complètement délétère, ils auraient été bien plus impactés. Il a juste fallu leur expliquer les choses, calmement, sereinement, avec des mots qu’ils appréhendent.
La maison a été vendue aussi. J’ai perçu un petit pactole. Bon, je n’en avais pas forcément besoin. Mon salaire plus la pension qu’il me verse me suffisent pour subvenir à mes besoins et à ceux des enfants une semaine sur deux.
Nous ? Ben, on se parle. J’arrive à lui faire face. Je ne l’aime plus. L’amour s’est évaporé avec le temps, au même rythme que ma peine d’ailleurs. Comme mes cicatrices, l’amour s’est refermé. Bon, je ne peux pas m’empêcher de lui faire des allusions et de lui balancer des vannes de temps en temps. Il l’accepte, et puis je le fais avec un sourire en coin. Il perçoit le second degré. Finalement, on a retrouvé une certaine complicité perdue. Pas celle d’avant, une autre complicité, différente. Si j’ai fait mon introspection, lui aussi. Il a mesuré sa faute, ses erreurs. Vraiment mesuré, pas les paroles qu’il m’a dites sans réfléchir, ses soi-disant regrets au moment de la crise. Pour ça, je lui en suis reconnaissante. Il a essayé après notre séparation de se mettre en couple avec la pouffe. Ça n’a pas marché. Elle est passée du rôle de maitresse, de femme parfaite, de princesse en quelque sorte à celle de concubine, avec ses défauts. La fin de ses illusions. S’il avait réfléchi deux secondes à ce moment-là …. Bon, on ne va pas insister …
Je reste persuadée que si aujourd’hui j‘entrouvre la porte, il s’engouffre et il revient. Il m’a testée au début, l’air de rien, pour voir s’il était possible de recoller les morceaux. Non, plus de mon côté, je le lui ai vite fait comprendre. Mais j’ai réussi à mettre en place une relation apaisée avec lui.
Aujourd’hui, je crois que je vais mieux que lui. Ce n’est pas un théorème mathématique, mais les personnes trompées s’en sortent généralement mieux sur le long terme, une fois la crise passée, que les trompeurs. Car nous, nous avons des principes, un cadre de référence et notre conscience pour nous. Elle est là ma vengeance, finalement.
J’ai recommencé à avoir une vie sociale à nouveau. Quand on se sépare, surtout de cette façon-là, on perd la plupart des relations communes que l’on avait. Après ça, il ne me restait qu’une poignée de vrais amis et la famille. Au fur et à mesure, je suis ressortie. J’ai renoué des liens avec des personnes perdues de vue, je me suis rapprochée de certaines collègues. La garde partagée des enfants, ça aide aux sorties évidemment. Une semaine sur deux, je suis libre. Il y a deux mois, j’ai rencontré un homme dans une soirée. On s’est vus plusieurs fois et au bout d’un certain temps, on a couché ensemble. C’était la première fois depuis ma séparation. Je n’étais vraiment pas à l’aise, tendue, stressée. J’ai été très passive et je n’ai pas pris beaucoup de plaisir. Il a dû penser que je n’étais pas un « bon coup », comme on dit, puisque les nouvelles qu’il m’a données par la suite se sont espacées de plus en plus et finalement se sont arrêtées.
La vérité, c’est que je crois que je ne suis pas encore passée complètement à autre chose. La douleur s’est apaisée, mais il y a encore des séquelles. Est-ce que j’y arriverais ? Quand ?
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Encore une année plus tard :
Je viens de déménager. L’argent de la vente de la maison m’a permis d’acheter un appartement qui me convient parfaitement et répond complètement à mes besoins. Trois chambres, les enfants qui grandissent ont chacun la leur, moi j’ai la mienne avec une petite salle d’eau privative. Un beau séjour, pas une pièce à vivre, j’ai horreur de ce terme « pièce à vivre », qu’on entend pourtant partout et qui me hérisse à chaque fois. Est-ce qu’il y a des pièces à vivre et des pièces pour y mourir ? C’est idiot ! Je vais en faire un endroit bien cocooning, canapé, coussins. Ah ! Et il y a aussi une jolie petite terrasse sans vis-à-vis, où je pourrai mettre une table et des chaises pour des repas avec les enfants ou des apéros avec les copines.
Au moment de la séparation, j’ai pris ce que j’ai trouvé, j’ai fait au mieux et au plus rapide. Je ne me m’y suis jamais sentie à l’aise. Et puis c’était l’appartement où j’ai vécu la crise, des moments pas vraiment heureux.
Ce nouveau lieu d’habitation, c’est une nouvelle étape qui commence en quelque sorte. En fait c’est MON appartement, plus qu’une nouvelle phase, c’est bel et bien un renouveau. Je vais renaître de mes cendres ici.
Les enfants ? Ils ont trouvé leurs marques. Ils ont passé assez facilement le cap de notre séparation. La vie d’enfants de parents divorcés n’a pas été trop compliquée à appréhender pour eux. Avec leur père, je pense qu’on a fait les choses plutôt correctement. Explications, implication chacun de notre côté, toujours avec concertation malgré tout. C’est d’ailleurs quasiment la seule chose que l’on fait encore ensemble aujourd’hui, à distance, tacitement souvent, instinctivement presque. Le bien-être de nos enfants est notre préoccupation première à tous les deux. Et puis les enfants apprennent très vite à jouer sur les deux tableaux, ce sont de vrais opportunistes. Ça sert aussi à ça la concertation, à déjouer les pièges et les chausse-trappes posés par notre progéniture pour nous beurrer les lunettes et obtenir ce qu’ils veulent.
Leur père a rencontré quelqu’un. Il est en couple depuis trois mois avec elle. D’après les enfants, ça se passe bien. Elle est adorable avec eux. Elle a su les apprivoiser sans problème. Je suis contente pour eux, et finalement, un peu pour lui aussi. Oh là, il faut que je me surveille, je deviens à nouveau bienveillante avec lui ! Je suis invitée à diner chez eux, mardi soir. J’ai longtemps hésité, mais j’ai décidé d’y aller. Et puis je brûle d »’envie de faire la connaissance de sa nouvelle compagne. Aucun sentiment de jalousie de ma part, c’est plutôt bon signe.
Côté relation, j’ai connu deux hommes cette année. Ça c’est mieux passé que la première fois. Bon, ça n’est pas allé très loin non plus. Manifestement, ce n’était pas les bons. Mais au moins, je l’ai fait par envie et j’en ai tiré un certain plaisir.
J’avance donc. Je suis presque complètement reconstruite maintenant.
Aujourd’hui, je commence une formation de trois jours où mon employeur m’a inscrite. Quelle galère …
Un stage de management. Comment motiver son équipe. Depuis le temps que je suis cadre, je crois savoir faire. En général, si on ne sait pas, on se plante rapidement. Ça ne pardonne pas. Mais non, il faut régulièrement qu’on nous colle dans ce genre de stage de formation. Il faut qu’on s’approprie les dernières théories managériales à la mode et un vocabulaire tout neuf. Avec ça, on va exploser nos objectifs et être encore plus performants.
« Appréhender le feedback et la communication positive comme un outil d’accélération pour les managers et les collaborateurs » que ça s’appelle !! Tout un programme, on va bien se marrer je crois. Rien que l’intitulé me saoule déjà. Et puis, ce n’est pas comme si je n’avais pas entendu au moins dix fois ces conneries. Au moins, j’ai échappé à la formation digitale, à distance. En groupe, il peut y avoir des moments sympas, si les autres stagiaires le sont aussi. Ce qui arrive parfois. Quelle perte de temps tout de même. Ce n’est pas comme si je n’avais pas du travail par-dessus la tête. Enfin bref …
Pour couronner le tout, moi qui ai horreur de ça, je suis en retard le premier jour. C’est confuse et un peu essoufflée d’avoir marché vite que j’entre dans la salle, l’ayant enfin trouvée dans le labyrinthe de couloirs :
- Pas de soucis, on venait à peine de commencer, me dit l’animatrice. On a juste débuté un tour de table de présentation.
« Bravo Charlène, idéal pour te faire remarquer » pensais-je en enlevant mon manteau et en m’asseyant à une place libre.
Pendant qu’une femme décline son identité et son cursus, je reprends un peu mon souffle et retrouve mes esprits.
J’écoute à peine celle qui parle et laisse dériver mon regard sur les autres stagiaires que je découvre.
Mon regard s’arrête sur l’homme assis en face de moi. Sa tête me dit vaguement quelque chose. Par contre … Qui c’est ? Impossible de me rappeler, de mettre un nom sur ce visage. Ni un nom, ni une circonstance d’ailleurs. Il a à peu près mon âge. Rien ne me vient … Et pourtant, je le connais, c’est évident. Peut-être un commercial d’une entreprise partenaire que j’ai été amenée à rencontrer … Bel homme par contre … Enfin à mon goût quoi …
Lui aussi me regarde avec insistance, le front plissé. J’ai comme l’impression qu’il a aussi le sentiment de me connaître.
On se connaît, donc …
Son tour de se présenter arrive :
- Bonjour, moi c’est Franck Barthélémy, je suis …
« Franck Barthélémy, bon sang !!! Mais oui ! Je savais bien que je le connaissais, ce n’est pas possible … Franck ! Mais oui, c’est bien lui. Oh là là …»
Je dois avoir l’air complètement ridicule, limite idiote, à le fixer la bouche ouverte. Ça plus mon retard, franchement, je ne dois surement pas me montrer à mon avantage pour ce début de formation.
Franck Barthélémy ! Si je m’attendais à ça …
- C’est à vous Madame … me dit la formatrice.
- Pardon ?
- A vous de vous présenter.
- Ah ! Euh oui … Charlène Picard, responsable du service comptabilité chez Topex, une entreprise de …
Au fur et à mesure que je débite mon discours, un sourire illumine le visage de Franck. Il ne me quitte pas des yeux. Il hoche légèrement la tête en semblant me dire « Mais oui, c’est bien toi Charlène ! Oui, c’est moi aussi, je suis bien Franck, le Franck Barthélémy que tu connais»
On s’est reconnus. Un flot de souvenirs m’envahit d’un seul coup.
Je ne vous fais pas plus languir. Franck, c’est mon premier petit ami. Mon tout premier amour. Vous savez celui qu’on embrasse du bout des lèvres quand on a une dizaine d’années, après l’école, en douce sur le chemin du retour.
En clair, c’était mon amoureux, j’étais son amoureuse. Mon amoureux caché, celui dont on ne parle à personne, mon secret.
Franck, c’était le meilleur copain de mon grand frère Cédric. Il avait presque deux ans de plus que moi. Il venait jouer avec Cédric à la maison le mercredi après-midi. Il ne s’occupait pas de moi en général. J’aurais bien aimé m’amuser avec eux, mais ils jouaient à des jeux de garçons, et puis ils ne voulaient pas trop de moi.
Et puis un jour Cédric était malade et devait rester dans sa chambre et Franck est resté avec moi. C’est avec moi qu’il a joué. Aux barbies. J’ai imposé mes jeux à moi. Bon prince, il n’a rien dit, et sûrement pour me faire plaisir, il a joué le jeu. C’est comme ça que c’est venu, notre premier baiser sur les lèvres, c’est ce jour-là qu’il a eu lieu. On l’a refait plusieurs fois, en cachette toujours. Il ne fallait pas que ça se sache. La honte ! On ne parle pas d’un amoureux secret à cet âge-là.
Franck Barthélémy ! Que de souvenirs, La nostalgie de mes premiers émois m’envahit doucement.
Parfois, à la sortie de l’école, il sortait une pièce de un franc, économisée sur son argent de poche. Une fortune, un trésor ! « On va chez le boulanger s’acheter des bonbons » m’annonçait-il tout fier. Des bonbecs comme on disait. Car en Sac, malabars, réglisses enroulés à vingt centimes.
Bon après, ça c’est un peu tari le coup de la pièce d’un franc. Il la réservait souvent pour acheter en douce un paquet de Marlboro à la menthe qu’il fumait avec Cédric.
Bon, pour être vraiment honnête, on n’a pas fait que se faire des bisous sur la bouche. On était à l’âge où on commençait à appréhender le fait qu’il y avait de sacrées différences entre les filles et les garçons. Si avant, en tant que fille, je détestais les garçons et inversement pour lui, à cet âge, l’attirance mutuelle émergeait. On savait qu’il y avait un truc, mais on ne savait pas trop quoi. On s’est donc aussi un peu découvert mutuellement. Un après-midi, J’ai baissé ma culotte et je lui ai montré mon minou, qu’il a regardé d’un air interloqué.
Comment c’est venu ? Surement en déshabillant une Barbie ou un Ken !
Il regardait ébahi comment c’était fait une fille. Je me souviens bien de son regard posé sur cette petite fente. Il observait, jusqu’au moment où je lui ai dit en rigolant « c’est fini » en baissant ma jupe et en remontant ma culotte de coton.
Aucune mauvaise pensée derrière tout ça, on ne s’est jamais touché. Un jour en échange il m’a montré sa zigounette.
Puis, nous avons déménagé, changé de ville, je ne l’ai plus revu. Mon tout premier chagrin d’amour ! J’ai eu par la suite d’autres « amoureux », mais ce n’était plus pareil. Le premier reste le premier.
Enfin si, on s’est revus, mais quelques années plus tard. Nous étions adolescents. Nous sommes revenus dans notre ville d’origine. Je l’ai revu de loin au collège. Enfin lui était au lycée déjà, dans le même établissement. J’aurais bien aimé sortir avec lui, comme on disait à cet âge-là, c’est sûr. Mais ces deux ans de différence à cet âge étaient un véritable barrage infranchissable. C’était un grand du lycée, moi j’étais une troisième au collège. Inimaginable pour lui ! Impossible. En plus, il tricotait avec une blondasse de sa classe. En clair, il m’ignorait complètement. Moi j’étais à nouveau transie d’amour. Nous nous sommes à nouveau éloignés. C’est ses parents à lui qui ont déménagé.
A la pause, nous nous sommes rapprochés et avons discuté.
Franck habite Nantes, il est à Paris le temps de cette formation. Nous avons décidé de déjeuner ensemble le midi.
Attablés, après m’avoir demandé des nouvelles de mon frère Cédric, nous avons fait le tour de nos vies depuis que nous nous étions perdus de vue. Franck est toujours célibataire, même s’il a eu apparemment quelques histoires plus ou moins longues. Je lui ai fait part de mon divorce et du bout des lèvres, un peu honteuse, des circonstances de ce divorce :
- Certains hommes aiment tellement leur femme, que pour ne pas l’user, ils utilisent celles des autres ! Me lâche-t-il un sourire au coin des lèvres.
- Ahahahah …. Bon, pour moi, la pouffiasse était célibataire, donc à personne. Ou à tout le monde peut-être. Non, je suis méchante là !
- La femme de tout le monde est souvent la femme de personne. Pour les mecs, on va dire que si on est un vrai mec, les femmes, c’est comme la parole, on en a qu’une seule. Bon après, un de perdu …- Dix de retrouvés c’est ça ? Il est idiot ce proverbe.
- Ah oui ? Pourquoi ?
- Personnellement, je n’ai jamais vu dix mecs débarquer, sonner chez moi et me dire « On est les dix mecs du proverbe, fais ton choix Charlène ».
Ça me faisait vraiment du bien de me lâcher à nouveau avec quelqu’un. Surtout de rire de ce qui m’a fait pleurer trop longtemps. Le vin rosé aidait aussi à ça. Puis nous nous sommes remémorés notre petite histoire d’amour. J’étais malgré tout un peu gênée, malgré mes 37 ans, en repensant au jour où j’ai baissé ma culotte devant lui. Que voulez-vous, on reste pudique.
Le serveur s’est approché avec la carte des desserts :
- Hmmm, je vais prendre un truc au chocolat… tant pis !
- Tant pis ? Mais tu peux te le permettre largement, tu as une ligne de jeunette.
- Flatteur va … Mais tu as raison, depuis deux ans, je m’épuise dans une salle de sport, histoire de décompresser. En plus, le chocolat vient du cacaotier. Le cacaotier est un arbre, donc une plante, enfin un végétal. Donc le chocolat, c’est un peu comme la salade, quasiment un légume vert.
- Tout à fait, c’est comme la viande ! Les végétariens qui mangent des plantes qui fabriquent l’oxygène, ne se rendent pas compte du mal qu’ils font à la planète. Alors que nous, on se dévoue en mangeant des vaches qui flatulent du méthane qui va ensuite détruire la couche d’ozone.
- Complètement, ajoutais-je au bord du fou rire. De toute façon, pour en finir avec le chocolat, il est notre ennemi, mais c’est lâche de fuir devant l’ennemi.
- Au fait ? on dit cacaotier ou cacaoyer ?
- On peut dire les deux, comme chocolatine et pain au chocolat.
Cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas amusée comme ça. Quelques fois avec les copines, mais je ne m’étais pas lâchée ainsi avec un mec depuis belle lurette. Que c’est bon de se laisser un peu aller. Nous étions vraiment sur la même longueur d’onde. La complicité était tellement évidente.
On ne va pas se mentir, notre amourette enfantine, aujourd’hui bien des années plus tard s’est transformée en véritable coup de foudre, là, tout de suite.
On a deux ou trois grandes amours dans une vie, parait-il. Bon, il semble que parfois ce soit avec la même personne.
L’après-midi de formation a été dure. Nous n’étions pas concentrés, mais alors pas du tout. Pour ma part, je n’ai rien écouté du charabia de la formatrice. Ses schémas avec des flèches dans tous les sens, des émetteurs, des récepteurs, des interférences et des filtres, n’ont que moyennement éveillé mon intérêt. Le modèle de Shannon, Wiener ou Weaver, quelle plaie ! Rien ne nous sera épargné, voilà maintenant Gerbner et Riley & Riley …
Franck est toujours installé en face de moi. On a passé le temps à se sourire et à se jeter des œillades.
Le soir, je ne lui ai pas laissé le choix :
- Tu viens chez moi, boire un verre. Les enfants sont chez leur père. C’est ma semaine libre.
- Euh … oui …
A peine dans l’entrée, il m’a embrassée, cette fois, pas du bout des lèvres. Ce n’était plus un baiser enfantin. Un vrai baiser comme au cinéma, tendre, langoureux, puis plus appuyé encore. Ses mains sont passées de mes épaules à mes hanches et mon dos, puis à mes fesses. La température a grimpée en flèche dans mon vestibule. Je l’ai entrainé vers la chambre et il s’est passé ce à quoi j’avais pensé tout l’après-midi.
On a fait l’amour.
Ça a duré longtemps, il a été tendre, avant que mon côté animal, séquestré depuis si longtemps (plus de deux ans, une éternité !) puisse sortir de sa cage et se libérer. Libérée, délivrée (quand on a une fille de sept ans, on a certaines références), la chatte ronronnante est devenue lionne.
Notre étreinte, de sensuelle est donc passée à animale, puis bestiale. Mes soupirs et gémissements sont devenus râles puis cris aigus. Le tout s’est achevé en apothéose. En explosion ! Le bord de la couette que j’ai agrippé et serré, les phalanges blanches, a dû le sentir passer. Il m’a laissée essoufflée, peinant à reprendre mes esprits. Je me suis lovée contre lui, mon dos contre son torse :
- Ça nous mène où tout ça, lui dis-je doucement.
- On ne peut pas rattraper le temps perdu, mais on peut arrêter de perdre notre temps.
- C'est-à-dire ?
- Ça te dit un plan à trois ?
- Quoi ? Ça va pas non !
- Ben quoi ?
- Ben quoi ? T’es sérieux là ?
- Ben si, à trois. Toi, moi et le bonheur … Tu es libre, je suis libre, pourquoi se priver ?
- C’est compliqué, tu es à Nantes, moi ici à Paris. Les relations à distance, ce n’est pas simple. Je ne suis pas certaine de vouloir ça … Je ne suis même pas certaine d’y croire.
- Au début, oui, ça sera un peu compliqué. Mais dans ma boite, il y a un poste en région parisienne qui se libère .On me l’a proposé, je n’étais pas chaud, j’ai dit non. Je suis bien à Nantes, j’aime cette ville, mais je suis prêt à tout maintenant que je t’ai retrouvée. Nantes, Paris, ça n’a plus aucune importance. Aujourd’hui je suis plus que bouillant pour le prendre ce poste. Dans trois mois, je peux m’installer ici. Tu n’as qu’un mot à dire, un seul : oui.
Je l’avoue, j’ai pleuré à ce moment-là. Les larmes coulaient sur ma joue. Les dernières frustrations accumulées depuis plus de deux ans s’évacuaient.
Il a essuyé mes larmes du bout de son pouce. Je l’ai embrassé :
- Ça veut dire oui alors ? M’a-t-il demandé.
- Oui, un grand Ouiiiiiiiii. Par contre …- Oui ?
- Si un jour, tu me trahis, tu dégages manu militari. Toi, tes affaires, retour à Nantes, par le premier TGV.
- Oui, ça je l’ai bien compris. Mais ça n’arrivera pas, ce n’est pas mon genre.
- Chat échaudé craint l’eau froide ! Si ça arrive, avant de dégager, je t’arracherai surement un œil en plus.
- Oui, bon, alors là … je suis complètement convaincu. De toute façon, je suis sûr de moi. Ce n’est pas seulement un souvenir que j’aime. j’aime ce que tu es devenue, j’aime la femme que tu es aujourd’hui, j’aime ton humour, j’aime … Euh … J’aime tout quoi. Tu ne parlais pas de chatte échaudée toute à l’heure ? Et si on remettait ça ?
- Non, on va prendre ce fameux verre avant. On a toute la nuit pour recommencer, on dormira pendant la formation demain.
Je me suis levée, j’ai passé un peignoir. :
- Attends !
- Quoi- Passe-moi ma veste au pied du lit- Pourquoi faire ?
Il a fouillé dans la poche de sa veste. Il a sorti une pièce et l’a posé sur la table de nuit :
- Nous sommes passés à l’euro depuis, mais je te paye des bonbons demain. Et tous les jours suivants aussi.
FIN (happy-end, larmichettes et tout).
Il va falloir que j’y trouve mes marques. Pour le moment, ce n’est pas chez moi.
Les quelques amis qui ont aidé au déménagement sont partis. Les enfants sont chez mes parents.
Je me retrouve seule dans la semi-pénombre assise sur mon canapé dans ce nouveau salon.
Je viens de quitter le domicile conjugal. Peut-être pas définitivement, je ne sais pas. J’ai au moins besoin de prendre du recul, de voir où tout ça nous mène, enfin me mène surtout. Parce que là, je ne sais vraiment plus trop où j’en suis. Enfin si, je mesure bien là où j’en suis, ce que je ne sais pas, c’est où je vais.
Si, en fait, je crois que je sais. C’est définitif. Il n’y aura pas de retour en arrière.
Je suis Charlène, j’ai 35 ans, cadre comptable dans une entreprise de travaux publics.
Mon mari m’a trompée. Je l’ai découvert il y a un mois. Après treize ans de vie commune, dix ans de mariage, deux enfants, il m’a fait ça.
Le coup classique, la collègue de travail. Je l’ai découvert par hasard, enfin j’avais quelques doutes, mais rien de plus. Je ne lui en avais pas parlé à l’époque, je me persuadais que je faisais ma crise de parano.
J’ai commencé à avoir ces fameux doutes quand il a commencé à rentrer plus tard du boulot, avec des excuses bidons à chaque fois. Il faut savoir qu’une femme amoureuse et jalouse (si, un peu, je l’avoue), enquête dix fois mieux que le FBI et Interpol réunis. Quand on cherche, on trouve et un jour, j’ai trouvé. J’ai eu les preuves sous les yeux. Sa boite mail laissée ouverte par inadvertance sur l’ordinateur. Une boite mail, que je ne connaissais pas. Elle contenait des dizaines de messages, suffisamment explicites et éloquents, des envois de photos, des planifications de rendez-vous dans des hôtels, et le pire des échanges de mots doux et de « je t’aime ». En plus, ces messages remontaient sur une période de deux ans.
Je me suis d’abord effondrée, normal non ?
Celui que je pensais connaitre, avec qui je vivais depuis si longtemps, le père de mes enfants, qui me poignarde dans le dos.
Après l’effondrement, la colère. J’ai cassé des trucs à la maison. Après la colère, l’abattement, doublé d’une rage plus contenue, plus glaciale, plus profonde aussi.
Il est rentré, je l’ai confronté. Il a nié d’abord. Même pas le courage d’assumer, quand je lui ai mis les preuves sous le nez, les dizaines de pages de mails imprimées que je lui ai jetées à la figure, il a enfin avoué. A demi-mot seulement.
Il s’est effondré à son tour. Paraît-il, il a fait une connerie. Il ne l’aime pas. C’est moi qu’il aime.
Il ne l’aime pas, mais pourtant, il lui a écrit, il lui a dit aussi surement.
Il a juré qu’il arrêtait tout. D’ailleurs, il avait l’intention de le faire. Bientôt !! Il n’en pouvait plus de cette situation parait-il. Il le vivait trop mal ! Il allait me l’avouer de lui-même de toute façon. Qu’est- ce qu’il était mal ! Je ne pouvais même pas imaginer à quel point !
Est-ce que je l’ai cru ? Je me suis forcée à le croire, je pense.
Il est redevenue attentionné, des mots gentils, des bouquets de fleurs, à nouveau des projets, comme un week-end en amoureux programmé.
Et puis il y a eu les tentatives d’explications, on faisait moins de choses ensemble, la routine, nos boulots, je m’occupais plus des enfants que de lui, j’étais plus une mère qu’une épouse. Et puis avec le temps, nos rapports sexuels s’étaient espacés aussi. Le temps de notre fougueuse jeunesse était derrière nous, c’est certain, mais nous faisions encore l’amour régulièrement malgré tout.
En clair, il ne me voyait uniquement que comme la mère de ses enfants et non plus comme sa femme. En fait, même pas, c’est moi qui agissais comme la mère de ses enfants ! S’il m’a trompée, finalement, c’est de ma faute. C’est ce que je devais en déduire de ses explications, même s’il ne l’a pas dit comme ça.
Bon déjà, qu’il y ait des problèmes dans notre couple au niveau communication, j’accepte une certaines responsabilité. 50% au plus. Il n’a pas communiqué sur son ressenti, mais moi non plus. Je dois l’avouer. Nous nous sommes tous les deux enfermés dans notre confort, notre train-train, notre routine. J’ouvre les yeux là-dessus aujourd’hui. J’accepte cette responsabilité-là à 50%, pas plus.
Après, le responsable du reste c’est lui et personne d’autre. Ce n’est pas moi qui ai couché avec un collègue de travail. C’est lui qui l’a fait avec sa pouffe. Pour en arriver là, il y a eu des étapes. A chacune de ses étapes, une réflexion, des doutes surement. Ils ne se sont pas sautés dessus d’un seul coup. Il y a eu un jeu de séduction mis en place, des rendez-vous, avant qu’il ne couche ensemble. Il pouvait tout arrêter à chacune de ses étapes. Il pouvait aussi très bien ne pas commencer. Il pouvait surtout dire non, la faiblesse est humaine parait-il, la force aussi ! Moi aussi, j’ai eu des occasions, des sollicitations, je n’y ai pas répondu. Je me suis sentie flattée certes, mais la notion de fidélité dans le couple, pour moi, est importante. La notion de respect aussi et surtout.
Après, la société d’aujourd’hui glorifie presque la tromperie, au mieux la minimise. Elle pousse à la consommation. Je veux ? Je prends ! L’amour est devenu un produit de consommation. Regardez les sites de rencontres, le nombre de personnes en couple qui s’y inscrivent. C’est devenu un marché, un business.
Nous les épouses ou époux trompés, dans les films, dans les livres, nous sommes toujours stigmatisés. Même si on n’a rien demandé à personne. Nous sommes présentés comme des gens ennuyeux, pas dignes d’intérêt, aigris aussi. Et l’autre garce arrive en paillonnant, avec un charisme de dingue, un regard mélancolique qui se targue d’être romantique. « Que veux-tu que je te dise ! Je l’aime ! Nous étions faits pour nous rencontrer, elle est si différente ! Je me dois d’être heureux, au moins une fois dans ma vie, avec toi ce n’est plus possible ». Et nous dans le film à la con, on passe de l’amour de leur vie à l’erreur de casting et tout le monde applaudit l’happy-end, car l’amour a triomphé.
Marre de ces clichés pourris. Allez-vous faire foutre ! Ça ne devrait pas être ça la vie !
J’ai essayé de repartir, de reconstruire notre couple. Parce que je l’aimais malgré tout.
Et puis trois semaines après, je me suis rendue compte qu’il la voyait toujours. Au moins qu’ils échangeaient toujours des SMS. La double peine.
Là, j’ai décidé de tout plaquer et de me barrer, avec les enfants. Je voulais faire un break, faire le point. M’éloigner temporairement. Aujourd’hui que c’est fait, je ne reviendrai pas en arrière. Je le sais maintenant.
Il a beaucoup pleuré, à genoux devant moi, me demandant pardon … Et moi devant ce spectacle, je me disais « Mais c’est qui ce mec ? Elle est où ma vie ? Rendez-moi ma vie …. »
C’est curieux de découvrir certaines facettes de la personne avec qui on a partagé tant de temps, de choses. Avec qui on a partagé tant de joie, avec qui on a affronté ensemble tant de problèmes.
Des moments doux, mais aussi des épreuves, dont on dit qu’elles soudent un couple. Apparemment, pas tant que ça, faut croire !
Et cette impression qui ne me lâche pas, celle de n’avoir vu que la face apparente de l’iceberg, et que malheureusement, la face cachée est beaucoup moins engageante. Cette impression que les zones floues, d’un seul coup, deviennent bien plus nettes.
Il s’est lassé de notre vieux couple, mais n’a pas voulu se l’avouer, et n’a pas voulu non plus assumer le rôle du salaud qui abandonne la mère de ses enfants.
Tout cela aboutit à un véritable traumatisme. Ça, c’est ce que m’a expliqué le psy que j’ai commencé à voir. Aller chez un psy, il y a encore quelques mois, j’aurais trouvé ça insensé. J’y vais depuis peu, au rythme d’une séance par semaine et ça m’aide bien. J’arrive à mettre des mots sur ma peine grâce à ça.
Ce dont je me suis rendue compte, par contre, c’est qu’en comparaison, les petits tracas de la vie paraissent insurmontables à ceux qui trompent. Parait-il c’est pour ça qu’ils éprouvent le besoin jouer au docteur avec leur maitresse dans leurs « jardins secrets » ou sur leur « terrain de chasse », selon les termes utilisés sur les forums où ces gens témoignent, souvent pour se glorifier de leur infidélité. Les soucis et les tracas du quotidien sont trop lourds pour eux ! Il leur faut des échappatoires, aux pauvres biquets et biquettes !
Ma meilleure amie m’aide aussi. Elle m’a dit « Normal que tu te sentes mal, tu as un cœur, tu es faite de chair et de sang, tu n’es pas en béton armé. Et puis tu l’aimais ». Eh oui, je l’aimais. Seuls ceux qu’on aime peuvent nous faire vraiment mal. C’est toute l’ironie de l’amour.
L’amour rend aveugle et au pays des aveugles, les cocufieurs sont rois. Ils profitent de la naïveté des personnes amoureuses. Quand on croit à l’amour avec un grand A, on n’imagine à aucun moment qu’un jour ça va s’écrire avec un grand M comme mensonge.
Aujourd’hui, je le hais. Enfin, je crois. Peut-être que je l’aime encore aussi, surement même, sinon pourquoi aurais-je si mal ?
La haine ? Je n’en suis pas fière. C’est un sentiment médiocre, mais c’est le sentiment qui m’anime. Enfin, c’est comme une protection, une armure. Ça aide aussi la haine. Le souci, c’est qu’on n’a pas en soi un bouton « J’aime/J’aime pas », un truc genre « On/Off », la vie serait plus facile. Alors on hait. Si seulement on pouvait décider qui et quand aimer, comment désaimer, ça serait tellement plus simple.
La nuit est tombée maintenant. Etre seule dans cet appartement, dans la pénombre à laisser défiler tout ça dans ma tête, c’est un peu glauque. Enfin déstabilisant plutôt. Je vais revisiter la déco, histoire de m’approprier les lieux, puisque c’est décidé, je ne suis pas là provisoirement. Je vais m’installer, trouver mes marques. Ça va aussi me permettre de penser à autre chose, d’occuper mes mains et surtout mon esprit.
Il m’a dit qu’il regrettait de m’avoir rendue malheureuse ! Il n’a pas regretté le fait que je sois malheureuse. Vous saisissez la nuance ? C’est le comble de l’égoïsme ça ? Non ? Moi, moi, moi, je …
Il m’a dit qu’il me respectait. Son respect ? Il peut le mettre où je pense ! Déjà, drôle de notion du respect. Je n’ai que faire du respect des gens non respectables.
Voilà, je disais il y a deux minutes que je vais penser et passer à autre chose et me voilà à ressasser à nouveau.
Ce qui est en train de m’arriver, c’est l’épreuve d’une vie. L’épreuve de ma vie. Je vais beaucoup apprendre, sur les gens, sur moi aussi et surtout. Je vais faire le tri sur mes connaissances, mon entourage. Je vais apprendre à être solide, je vais apprendre à m’endurcir. Je vais apprendre à me relever, je vais apprendre le recul.
En attendant, ma vie est bouleversée. Je ne sais pas quand elle m’a échappée ma vie, mais ce que je sais, c’est qu’elle coule entre mes doigts là. C’est comme du sable. J’assiste en spectatrice à la mort de mon couple, à la mort de la confiance, de l’insouciance, à la fin de la naïveté. A la fin de tout ce que je pensais normal et évident avant.
Ce qui est difficile dans une histoire de tromperie, c’est d’être prise pour une conne. En plus de l’infidélité en elle-même, qui est déjà compliquée à accepter, s’ajoutent les mensonges et la trahison de celui qu’on aime. Je pense que j’aurai accepté qu’il craque un soir, bourré dans une fête et qu’il finisse la soirée avec quelqu’un, qu’il s’en morde les doigts juste après, rentre en pleurant et s’excuse en m’avouant tout. C’est certainement dur à vivre sur le moment, mais ça reste dans le domaine du surmontable. On peut passer outre avec un peu de temps, je pense.
Non, ce qui est terrible, c’est que la personne qu’on aime, à qui on a confié sa vie, ses secrets, sa santé, ses blessures intimes, son numéro de carte de crédit, avec qui on a fondé une famille, que cette personne puisse autant se foutre de notre gueule, nous rabaisser et nous marcher dessus ainsi.
Que cette personne puisse nier les yeux dans les yeux, même face à des preuves flagrantes, qu’il puisse monter des plans dignes d’un opus de James Bond pour aller voir sa maitresse et en arrive à accuser l’autre de paranoïa. Ça fait froid dans le dos.
C’est le double coup de poignard en fait.
Refaire confiance ? Non ! Dix ans plus tard, on ne saura toujours pas si un retard en rentrant du boulot n’est pas le signe d’une liaison (alors qu’il n’y a rien). Pourquoi ? Parce que dorénavant les « je te jure », « je t’assure, il n’y a rien » n’auront plus aucune crédibilité. Cette vie-là, je n’en veux pas. C’est pour ça que je me suis barrée. La confiance, c’est comme une allumette, c’est à usage unique. Une fois que c’est brulé, c’est foutu, on la jette. Comme disait Friedrich Nietzsche, « Ce qui me bouleverse, ce n’est pas que tu m’aies menti, c’est que je ne pourrais plus te croire ».
Et puis, je n’ai pas envie d’être en perpétuelle compétition avec d’autres femmes. Parce que rien ne pourra empêcher que ça se reproduise. Rien sauf sa volonté, celle qui lui a permis de céder à l’autre pendant deux ans, parce que c’est comme ça qu’il est, je le sais maintenant. Parce qu’il a mis son plaisir et son bien-être au-dessus de tout le reste et surtout au-dessus de moi, de ses enfants, de sa famille.
C’est la destruction de la crédibilité de la parole, alors que le ciment du couple se trouve être la communication et la confiance.
Encore une fois, je n’idéalise pas l’Amour, le grand avec un grand A. Ce n’est pas un crime de se lasser de quelqu’un qu’on a aimé, de désirer une autre personne. Mais à un moment donné, on prend son courage à deux mains, on explique à l’autre et on opte pour une séparation. On ne trompe pas, on ne ment pas.
Aux infidèles qui avanceraient « je trompe, mais je préfère ne rien dire, parce qu’il ou elle va avoir mal », je réponds juste que quand ça va se savoir, parce que ça se sait toujours, ça fera beaucoup plus mal. Les dégâts vont être terribles et souvent irréparables.
Tromper c’est toujours la plus conne des solutions à tous les problèmes que rencontre un couple.
J’ai voulu la vérité, mais je ne l’aurais jamais vraiment. Lui-même ne la connait pas. Il sait ce qu’il a fait, mais ne sait probablement pas pourquoi il l’a fait. J’ai eu droit à des mots comme « perdu », « désir », « irrésistible », « rencontre », « quotidien », « habitudes », « routine », « vivre pleinement » et j’en passe, dans l’ordre ou le désordre, selon ce qu’il a eu envie de croire ou de laisser croire au moment où il les a prononcés. Certains de ces mots font mal, un mal de chien même. Faut croire que lui et moi on ne pouvait plus « vivre pleinement » des trucs !
Je ne pense pas me tromper en disant qu’actuellement il se raconte une histoire, une version dans laquelle il n’a pas eu le choix, où il ne serait pas vraiment coupable et au fond il ne regrette pas vraiment. Il regrette surement de m’avoir fait du mal, mais c’est tout.
Maintenant, devant le fait accompli, il commence à réfléchir, à analyser. Il ne veut pas tout gâcher, ni tout perdre, « tout ce qu’on a construit ensemble », la maison, les enfants, le crédit immobilier, la voiture, les amis, la façade sociale.
Sur son amour pour moi ? J’alterne entre peut-être et surement. Mais comment peut-on aimer quelqu’un sans le respecter ?
Il a surtout la trouille de vivre sans moi, de changer ses habitudes ! Mais est-ce vraiment de l’amour ?
En fait, tout ce que j’ai eu, c’est une version culpabilisante, où j’aurais eu la plupart des torts, où en filigrane, sa maitresse est la plus belle, la plus désirable, la plus sexy, sensible, ouverte au monde, plus excitante quoi. Il ne me l’a pas dit, bien sûr, mais c’est ce qui ressort de ses propos.
C’est tellement plus facile d’être l’amante plutôt que l’épouse. De n’être là que pour les bons moments, de ne pas connaitre la routine et d’éviter les soucis du quotidien. Une relation « interdite », avec des rendez-vous espacés, l’absence d’habitudes, tout ça accentue la force des sentiments entre les amants. C’est comme les premiers moments d’un couple, on se voit peu au début, on se découvre. Dès qu’on est ensemble, c’est pour des instants forts. Dans ce genre de situation la maitresse a un rôle facile parce que le poids de la routine, des problèmes à régler ne pèse pas dans cette relation. Tout ça, ça reste au foyer et il se les prend en plus en plein face en rentrant. Ça estompe même surement son sentiment de culpabilité, ça le renforce dans ses positions. Il a vécu l’excitation de cette rencontre, comme quand il avait seize ans. Je ne pouvais rien faire, je ne luttais pas à armes égales. La maitresse n’a que des qualités, l’épouse que des défauts.
Sous l’effet de la passion, il est aveuglé par le rayonnement de sa pouffe. Il boit ses paroles, tout ce qu’elle fait c’est génial et cette femme est un parfait mélange de Mère Theresa et d’Angelina Jolie. Ils n’ont que des points communs en plus.
Tout ce que j’aurais pu dire ou faire n’aurait de toute façon pas eu d’influence. J’étais comme la mère qui voit sa gamine de quinze ans faire le mur tous les soirs pour rejoindre un camé sans avenir. Et tout ce que je peux faire pour le ramener à la raison, est voué à l’échec, argumentation logique, appel à plus de responsabilités, sermons, menaces, punitions, etc.
Nous avons-nous aussi été comme ça un jour ou l’autre. Ados, si nos parents nous avaient interdit ou même simplement déconseillé de fréquenter telle ou telle personne que nous aimions, nous serions passés outre de leur avertissement, et ce quelles qu’en soient les conséquences. Sauf qu’on est plus ados. On est adultes, on a le recul pour analyser. On connait la vie surtout.
Ce qui fait mal aussi, c’est que mon intimité a été racontée par celui en qui j’avais confiance à une autre personne qui n’a rien du tout à voir avec moi.
J’ai été désavouée en tant que compagne, désavouée en tant que partenaire sexuelle, désavouée en tant que confidente, amie, support, tout ce qui faisait le couple pour moi.
Mon intimité a été jetée aux orties, racontée à l’autre. Ils en ont peut-être rigolé ensemble. Rien ne sera plus jamais comme avant, ils l’ont fait, c’est tout. Il a menti, trahi, dit des mots réservés à sa conjointe à une autre, échangé des secrets, des confidences, été tendre, dit « je t’aime » à une autre …
En principe, l’amour le vrai protège de ça. En principe ! L’honnêteté, la vraie empêche tout cela …
Par contre, moi, j’ai été conservée à la maison, parce que j’étais devenue une institution, une incontournable de la vie pépère, une pure routine. J’avoue mon ego en a pris un sacré coup.
Moi, j’ai toujours eu l’habitude de me mettre au service des autres, de lui notamment. J’ai toujours eu la démarche de chercher à lui plaire. D’attendre son amour comme une récompense, ou plutôt comme une reconnaissance, comme la preuve que je suis digne d’être aimée, c'est-à-dire, assez belle, assez intéressante, assez douée pour faire l’amour, assez gentille, assez attentionnée, assez je ne sais pas trop quelle connerie encore …
Je relis en boucle ce texte de Musset, « Tous les hommes sont des menteurs, inconstants, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels. Toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées. Le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange. Mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour souvent blessé et malheureux. Mais on aime et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit, j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu et non un être factice créé par mon orgueil et mon ennui. » (Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour. Acte II scène V).
Je l’aime toujours, mais je le quitte, ça peut paraitre idiot à dire. Mais en vérité, c’est assez logique. En effet, la personne que j’aime toujours n’est pas celle qui me fait face. J’aime un souvenir, presque un fantasme, un idéal, celui que j’ai adulé pendant tant d’années. Le plus dur c’est d’admettre que l’homme actuel, celui qui a pu faire ce qu’il a fait, je ne l’aime plus. En fait, même pas, ce n’est pas que je ne l’aime plus, c’est que je ne l’aime pas. S’il avait dès le départ présenté ce visage-là, je ne serais certainement pas tombée amoureuse de lui.
J’ai en fait découvert que le plus dur dans ma situation n’a pas été d’admettre son désamour à lui, je pense sincèrement qu’à partir du moment où l’on trompe sur la durée, l’amour envers l’autre tel que je le conçois n’est plus. Le plus dur disais-je, est d’admettre que mes sentiments à moi se sont brulés aux feux de la tromperie et du mensonge. Maintenant, je dois apprendre à me glisser dans ma nouvelle peau, mon choix est de partir. Alors j’apprends à ne plus l’appeler mon mari, mon chéri, ou mon homme. J’apprends à changer mon regard, ma perception, à tirer un trait sur notre passé heureux en commun, j’apprends à le voir comme un étranger. En un mot, j’apprends à le juger. Les infidèles détestent ça qu’on les juge. Moi, c’est ma meilleure arme, l’arme de l’innocent, c’est ce qui permet de le dépouiller des derniers oripeaux de mari aimé.
Oublier la douleur, toute naissance passe par une douleur intense, toute renaissance aussi surement.
La séparation, il y aura des conséquences. Les enfants déjà. Il est leur père, nous nous dirigeons vers une garde alternée. Je dois m’y résoudre, même si je n’ai jamais voulu perdre mes enfants une semaine sur deux. Et cela parce qu’il a fauté. Ce n’est pas ma faute, je n’ai pas à subir les conséquences de ses agissements, alors que je n’ai pas pris part à ses choix. Il m’oblige à faire des choix que je n’avais pas l’intention de faire.
Dernière petite humiliation pour lui. Je reste persuadée qu’ils ont baisé sans protection (Bah non, superwoman, elle est géniale, elle est forcément clean …). Je me suis faite tester, VIH, IST tout le tintouin. Heureusement ça a été négatif, mais j’ai laissé traîner les résultats à la maison, pour qu’il puisse les voir. En plus il a joué avec ma santé ce con …
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Un an plus tard :
Voilà, nous sommes divorcés. Ça a été assez rapide. C’est ce que je voulais. On a la garde alternée des enfants. C’est aussi ce que je voulais. Malgré ce qu’il m’a fait, je n’ai pas voulu lui retirer ses enfants. C’est un père attentionné. Et puis les enfants ont aussi besoin de leur père.
Je pense avoir pris la bonne décision. Rester pour les enfants est une mauvaise raison de rester. Même à leur âge, ils se rendent compte de tout. Ils sont bien plus heureux ainsi. Ils profitent de leur mère et de leur père. Si on était restés ensemble, avec une ambiance à la maison complètement délétère, ils auraient été bien plus impactés. Il a juste fallu leur expliquer les choses, calmement, sereinement, avec des mots qu’ils appréhendent.
La maison a été vendue aussi. J’ai perçu un petit pactole. Bon, je n’en avais pas forcément besoin. Mon salaire plus la pension qu’il me verse me suffisent pour subvenir à mes besoins et à ceux des enfants une semaine sur deux.
Nous ? Ben, on se parle. J’arrive à lui faire face. Je ne l’aime plus. L’amour s’est évaporé avec le temps, au même rythme que ma peine d’ailleurs. Comme mes cicatrices, l’amour s’est refermé. Bon, je ne peux pas m’empêcher de lui faire des allusions et de lui balancer des vannes de temps en temps. Il l’accepte, et puis je le fais avec un sourire en coin. Il perçoit le second degré. Finalement, on a retrouvé une certaine complicité perdue. Pas celle d’avant, une autre complicité, différente. Si j’ai fait mon introspection, lui aussi. Il a mesuré sa faute, ses erreurs. Vraiment mesuré, pas les paroles qu’il m’a dites sans réfléchir, ses soi-disant regrets au moment de la crise. Pour ça, je lui en suis reconnaissante. Il a essayé après notre séparation de se mettre en couple avec la pouffe. Ça n’a pas marché. Elle est passée du rôle de maitresse, de femme parfaite, de princesse en quelque sorte à celle de concubine, avec ses défauts. La fin de ses illusions. S’il avait réfléchi deux secondes à ce moment-là …. Bon, on ne va pas insister …
Je reste persuadée que si aujourd’hui j‘entrouvre la porte, il s’engouffre et il revient. Il m’a testée au début, l’air de rien, pour voir s’il était possible de recoller les morceaux. Non, plus de mon côté, je le lui ai vite fait comprendre. Mais j’ai réussi à mettre en place une relation apaisée avec lui.
Aujourd’hui, je crois que je vais mieux que lui. Ce n’est pas un théorème mathématique, mais les personnes trompées s’en sortent généralement mieux sur le long terme, une fois la crise passée, que les trompeurs. Car nous, nous avons des principes, un cadre de référence et notre conscience pour nous. Elle est là ma vengeance, finalement.
J’ai recommencé à avoir une vie sociale à nouveau. Quand on se sépare, surtout de cette façon-là, on perd la plupart des relations communes que l’on avait. Après ça, il ne me restait qu’une poignée de vrais amis et la famille. Au fur et à mesure, je suis ressortie. J’ai renoué des liens avec des personnes perdues de vue, je me suis rapprochée de certaines collègues. La garde partagée des enfants, ça aide aux sorties évidemment. Une semaine sur deux, je suis libre. Il y a deux mois, j’ai rencontré un homme dans une soirée. On s’est vus plusieurs fois et au bout d’un certain temps, on a couché ensemble. C’était la première fois depuis ma séparation. Je n’étais vraiment pas à l’aise, tendue, stressée. J’ai été très passive et je n’ai pas pris beaucoup de plaisir. Il a dû penser que je n’étais pas un « bon coup », comme on dit, puisque les nouvelles qu’il m’a données par la suite se sont espacées de plus en plus et finalement se sont arrêtées.
La vérité, c’est que je crois que je ne suis pas encore passée complètement à autre chose. La douleur s’est apaisée, mais il y a encore des séquelles. Est-ce que j’y arriverais ? Quand ?
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Encore une année plus tard :
Je viens de déménager. L’argent de la vente de la maison m’a permis d’acheter un appartement qui me convient parfaitement et répond complètement à mes besoins. Trois chambres, les enfants qui grandissent ont chacun la leur, moi j’ai la mienne avec une petite salle d’eau privative. Un beau séjour, pas une pièce à vivre, j’ai horreur de ce terme « pièce à vivre », qu’on entend pourtant partout et qui me hérisse à chaque fois. Est-ce qu’il y a des pièces à vivre et des pièces pour y mourir ? C’est idiot ! Je vais en faire un endroit bien cocooning, canapé, coussins. Ah ! Et il y a aussi une jolie petite terrasse sans vis-à-vis, où je pourrai mettre une table et des chaises pour des repas avec les enfants ou des apéros avec les copines.
Au moment de la séparation, j’ai pris ce que j’ai trouvé, j’ai fait au mieux et au plus rapide. Je ne me m’y suis jamais sentie à l’aise. Et puis c’était l’appartement où j’ai vécu la crise, des moments pas vraiment heureux.
Ce nouveau lieu d’habitation, c’est une nouvelle étape qui commence en quelque sorte. En fait c’est MON appartement, plus qu’une nouvelle phase, c’est bel et bien un renouveau. Je vais renaître de mes cendres ici.
Les enfants ? Ils ont trouvé leurs marques. Ils ont passé assez facilement le cap de notre séparation. La vie d’enfants de parents divorcés n’a pas été trop compliquée à appréhender pour eux. Avec leur père, je pense qu’on a fait les choses plutôt correctement. Explications, implication chacun de notre côté, toujours avec concertation malgré tout. C’est d’ailleurs quasiment la seule chose que l’on fait encore ensemble aujourd’hui, à distance, tacitement souvent, instinctivement presque. Le bien-être de nos enfants est notre préoccupation première à tous les deux. Et puis les enfants apprennent très vite à jouer sur les deux tableaux, ce sont de vrais opportunistes. Ça sert aussi à ça la concertation, à déjouer les pièges et les chausse-trappes posés par notre progéniture pour nous beurrer les lunettes et obtenir ce qu’ils veulent.
Leur père a rencontré quelqu’un. Il est en couple depuis trois mois avec elle. D’après les enfants, ça se passe bien. Elle est adorable avec eux. Elle a su les apprivoiser sans problème. Je suis contente pour eux, et finalement, un peu pour lui aussi. Oh là, il faut que je me surveille, je deviens à nouveau bienveillante avec lui ! Je suis invitée à diner chez eux, mardi soir. J’ai longtemps hésité, mais j’ai décidé d’y aller. Et puis je brûle d »’envie de faire la connaissance de sa nouvelle compagne. Aucun sentiment de jalousie de ma part, c’est plutôt bon signe.
Côté relation, j’ai connu deux hommes cette année. Ça c’est mieux passé que la première fois. Bon, ça n’est pas allé très loin non plus. Manifestement, ce n’était pas les bons. Mais au moins, je l’ai fait par envie et j’en ai tiré un certain plaisir.
J’avance donc. Je suis presque complètement reconstruite maintenant.
Aujourd’hui, je commence une formation de trois jours où mon employeur m’a inscrite. Quelle galère …
Un stage de management. Comment motiver son équipe. Depuis le temps que je suis cadre, je crois savoir faire. En général, si on ne sait pas, on se plante rapidement. Ça ne pardonne pas. Mais non, il faut régulièrement qu’on nous colle dans ce genre de stage de formation. Il faut qu’on s’approprie les dernières théories managériales à la mode et un vocabulaire tout neuf. Avec ça, on va exploser nos objectifs et être encore plus performants.
« Appréhender le feedback et la communication positive comme un outil d’accélération pour les managers et les collaborateurs » que ça s’appelle !! Tout un programme, on va bien se marrer je crois. Rien que l’intitulé me saoule déjà. Et puis, ce n’est pas comme si je n’avais pas entendu au moins dix fois ces conneries. Au moins, j’ai échappé à la formation digitale, à distance. En groupe, il peut y avoir des moments sympas, si les autres stagiaires le sont aussi. Ce qui arrive parfois. Quelle perte de temps tout de même. Ce n’est pas comme si je n’avais pas du travail par-dessus la tête. Enfin bref …
Pour couronner le tout, moi qui ai horreur de ça, je suis en retard le premier jour. C’est confuse et un peu essoufflée d’avoir marché vite que j’entre dans la salle, l’ayant enfin trouvée dans le labyrinthe de couloirs :
- Pas de soucis, on venait à peine de commencer, me dit l’animatrice. On a juste débuté un tour de table de présentation.
« Bravo Charlène, idéal pour te faire remarquer » pensais-je en enlevant mon manteau et en m’asseyant à une place libre.
Pendant qu’une femme décline son identité et son cursus, je reprends un peu mon souffle et retrouve mes esprits.
J’écoute à peine celle qui parle et laisse dériver mon regard sur les autres stagiaires que je découvre.
Mon regard s’arrête sur l’homme assis en face de moi. Sa tête me dit vaguement quelque chose. Par contre … Qui c’est ? Impossible de me rappeler, de mettre un nom sur ce visage. Ni un nom, ni une circonstance d’ailleurs. Il a à peu près mon âge. Rien ne me vient … Et pourtant, je le connais, c’est évident. Peut-être un commercial d’une entreprise partenaire que j’ai été amenée à rencontrer … Bel homme par contre … Enfin à mon goût quoi …
Lui aussi me regarde avec insistance, le front plissé. J’ai comme l’impression qu’il a aussi le sentiment de me connaître.
On se connaît, donc …
Son tour de se présenter arrive :
- Bonjour, moi c’est Franck Barthélémy, je suis …
« Franck Barthélémy, bon sang !!! Mais oui ! Je savais bien que je le connaissais, ce n’est pas possible … Franck ! Mais oui, c’est bien lui. Oh là là …»
Je dois avoir l’air complètement ridicule, limite idiote, à le fixer la bouche ouverte. Ça plus mon retard, franchement, je ne dois surement pas me montrer à mon avantage pour ce début de formation.
Franck Barthélémy ! Si je m’attendais à ça …
- C’est à vous Madame … me dit la formatrice.
- Pardon ?
- A vous de vous présenter.
- Ah ! Euh oui … Charlène Picard, responsable du service comptabilité chez Topex, une entreprise de …
Au fur et à mesure que je débite mon discours, un sourire illumine le visage de Franck. Il ne me quitte pas des yeux. Il hoche légèrement la tête en semblant me dire « Mais oui, c’est bien toi Charlène ! Oui, c’est moi aussi, je suis bien Franck, le Franck Barthélémy que tu connais»
On s’est reconnus. Un flot de souvenirs m’envahit d’un seul coup.
Je ne vous fais pas plus languir. Franck, c’est mon premier petit ami. Mon tout premier amour. Vous savez celui qu’on embrasse du bout des lèvres quand on a une dizaine d’années, après l’école, en douce sur le chemin du retour.
En clair, c’était mon amoureux, j’étais son amoureuse. Mon amoureux caché, celui dont on ne parle à personne, mon secret.
Franck, c’était le meilleur copain de mon grand frère Cédric. Il avait presque deux ans de plus que moi. Il venait jouer avec Cédric à la maison le mercredi après-midi. Il ne s’occupait pas de moi en général. J’aurais bien aimé m’amuser avec eux, mais ils jouaient à des jeux de garçons, et puis ils ne voulaient pas trop de moi.
Et puis un jour Cédric était malade et devait rester dans sa chambre et Franck est resté avec moi. C’est avec moi qu’il a joué. Aux barbies. J’ai imposé mes jeux à moi. Bon prince, il n’a rien dit, et sûrement pour me faire plaisir, il a joué le jeu. C’est comme ça que c’est venu, notre premier baiser sur les lèvres, c’est ce jour-là qu’il a eu lieu. On l’a refait plusieurs fois, en cachette toujours. Il ne fallait pas que ça se sache. La honte ! On ne parle pas d’un amoureux secret à cet âge-là.
Franck Barthélémy ! Que de souvenirs, La nostalgie de mes premiers émois m’envahit doucement.
Parfois, à la sortie de l’école, il sortait une pièce de un franc, économisée sur son argent de poche. Une fortune, un trésor ! « On va chez le boulanger s’acheter des bonbons » m’annonçait-il tout fier. Des bonbecs comme on disait. Car en Sac, malabars, réglisses enroulés à vingt centimes.
Bon après, ça c’est un peu tari le coup de la pièce d’un franc. Il la réservait souvent pour acheter en douce un paquet de Marlboro à la menthe qu’il fumait avec Cédric.
Bon, pour être vraiment honnête, on n’a pas fait que se faire des bisous sur la bouche. On était à l’âge où on commençait à appréhender le fait qu’il y avait de sacrées différences entre les filles et les garçons. Si avant, en tant que fille, je détestais les garçons et inversement pour lui, à cet âge, l’attirance mutuelle émergeait. On savait qu’il y avait un truc, mais on ne savait pas trop quoi. On s’est donc aussi un peu découvert mutuellement. Un après-midi, J’ai baissé ma culotte et je lui ai montré mon minou, qu’il a regardé d’un air interloqué.
Comment c’est venu ? Surement en déshabillant une Barbie ou un Ken !
Il regardait ébahi comment c’était fait une fille. Je me souviens bien de son regard posé sur cette petite fente. Il observait, jusqu’au moment où je lui ai dit en rigolant « c’est fini » en baissant ma jupe et en remontant ma culotte de coton.
Aucune mauvaise pensée derrière tout ça, on ne s’est jamais touché. Un jour en échange il m’a montré sa zigounette.
Puis, nous avons déménagé, changé de ville, je ne l’ai plus revu. Mon tout premier chagrin d’amour ! J’ai eu par la suite d’autres « amoureux », mais ce n’était plus pareil. Le premier reste le premier.
Enfin si, on s’est revus, mais quelques années plus tard. Nous étions adolescents. Nous sommes revenus dans notre ville d’origine. Je l’ai revu de loin au collège. Enfin lui était au lycée déjà, dans le même établissement. J’aurais bien aimé sortir avec lui, comme on disait à cet âge-là, c’est sûr. Mais ces deux ans de différence à cet âge étaient un véritable barrage infranchissable. C’était un grand du lycée, moi j’étais une troisième au collège. Inimaginable pour lui ! Impossible. En plus, il tricotait avec une blondasse de sa classe. En clair, il m’ignorait complètement. Moi j’étais à nouveau transie d’amour. Nous nous sommes à nouveau éloignés. C’est ses parents à lui qui ont déménagé.
A la pause, nous nous sommes rapprochés et avons discuté.
Franck habite Nantes, il est à Paris le temps de cette formation. Nous avons décidé de déjeuner ensemble le midi.
Attablés, après m’avoir demandé des nouvelles de mon frère Cédric, nous avons fait le tour de nos vies depuis que nous nous étions perdus de vue. Franck est toujours célibataire, même s’il a eu apparemment quelques histoires plus ou moins longues. Je lui ai fait part de mon divorce et du bout des lèvres, un peu honteuse, des circonstances de ce divorce :
- Certains hommes aiment tellement leur femme, que pour ne pas l’user, ils utilisent celles des autres ! Me lâche-t-il un sourire au coin des lèvres.
- Ahahahah …. Bon, pour moi, la pouffiasse était célibataire, donc à personne. Ou à tout le monde peut-être. Non, je suis méchante là !
- La femme de tout le monde est souvent la femme de personne. Pour les mecs, on va dire que si on est un vrai mec, les femmes, c’est comme la parole, on en a qu’une seule. Bon après, un de perdu …- Dix de retrouvés c’est ça ? Il est idiot ce proverbe.
- Ah oui ? Pourquoi ?
- Personnellement, je n’ai jamais vu dix mecs débarquer, sonner chez moi et me dire « On est les dix mecs du proverbe, fais ton choix Charlène ».
Ça me faisait vraiment du bien de me lâcher à nouveau avec quelqu’un. Surtout de rire de ce qui m’a fait pleurer trop longtemps. Le vin rosé aidait aussi à ça. Puis nous nous sommes remémorés notre petite histoire d’amour. J’étais malgré tout un peu gênée, malgré mes 37 ans, en repensant au jour où j’ai baissé ma culotte devant lui. Que voulez-vous, on reste pudique.
Le serveur s’est approché avec la carte des desserts :
- Hmmm, je vais prendre un truc au chocolat… tant pis !
- Tant pis ? Mais tu peux te le permettre largement, tu as une ligne de jeunette.
- Flatteur va … Mais tu as raison, depuis deux ans, je m’épuise dans une salle de sport, histoire de décompresser. En plus, le chocolat vient du cacaotier. Le cacaotier est un arbre, donc une plante, enfin un végétal. Donc le chocolat, c’est un peu comme la salade, quasiment un légume vert.
- Tout à fait, c’est comme la viande ! Les végétariens qui mangent des plantes qui fabriquent l’oxygène, ne se rendent pas compte du mal qu’ils font à la planète. Alors que nous, on se dévoue en mangeant des vaches qui flatulent du méthane qui va ensuite détruire la couche d’ozone.
- Complètement, ajoutais-je au bord du fou rire. De toute façon, pour en finir avec le chocolat, il est notre ennemi, mais c’est lâche de fuir devant l’ennemi.
- Au fait ? on dit cacaotier ou cacaoyer ?
- On peut dire les deux, comme chocolatine et pain au chocolat.
Cela faisait tellement longtemps que je ne m’étais pas amusée comme ça. Quelques fois avec les copines, mais je ne m’étais pas lâchée ainsi avec un mec depuis belle lurette. Que c’est bon de se laisser un peu aller. Nous étions vraiment sur la même longueur d’onde. La complicité était tellement évidente.
On ne va pas se mentir, notre amourette enfantine, aujourd’hui bien des années plus tard s’est transformée en véritable coup de foudre, là, tout de suite.
On a deux ou trois grandes amours dans une vie, parait-il. Bon, il semble que parfois ce soit avec la même personne.
L’après-midi de formation a été dure. Nous n’étions pas concentrés, mais alors pas du tout. Pour ma part, je n’ai rien écouté du charabia de la formatrice. Ses schémas avec des flèches dans tous les sens, des émetteurs, des récepteurs, des interférences et des filtres, n’ont que moyennement éveillé mon intérêt. Le modèle de Shannon, Wiener ou Weaver, quelle plaie ! Rien ne nous sera épargné, voilà maintenant Gerbner et Riley & Riley …
Franck est toujours installé en face de moi. On a passé le temps à se sourire et à se jeter des œillades.
Le soir, je ne lui ai pas laissé le choix :
- Tu viens chez moi, boire un verre. Les enfants sont chez leur père. C’est ma semaine libre.
- Euh … oui …
A peine dans l’entrée, il m’a embrassée, cette fois, pas du bout des lèvres. Ce n’était plus un baiser enfantin. Un vrai baiser comme au cinéma, tendre, langoureux, puis plus appuyé encore. Ses mains sont passées de mes épaules à mes hanches et mon dos, puis à mes fesses. La température a grimpée en flèche dans mon vestibule. Je l’ai entrainé vers la chambre et il s’est passé ce à quoi j’avais pensé tout l’après-midi.
On a fait l’amour.
Ça a duré longtemps, il a été tendre, avant que mon côté animal, séquestré depuis si longtemps (plus de deux ans, une éternité !) puisse sortir de sa cage et se libérer. Libérée, délivrée (quand on a une fille de sept ans, on a certaines références), la chatte ronronnante est devenue lionne.
Notre étreinte, de sensuelle est donc passée à animale, puis bestiale. Mes soupirs et gémissements sont devenus râles puis cris aigus. Le tout s’est achevé en apothéose. En explosion ! Le bord de la couette que j’ai agrippé et serré, les phalanges blanches, a dû le sentir passer. Il m’a laissée essoufflée, peinant à reprendre mes esprits. Je me suis lovée contre lui, mon dos contre son torse :
- Ça nous mène où tout ça, lui dis-je doucement.
- On ne peut pas rattraper le temps perdu, mais on peut arrêter de perdre notre temps.
- C'est-à-dire ?
- Ça te dit un plan à trois ?
- Quoi ? Ça va pas non !
- Ben quoi ?
- Ben quoi ? T’es sérieux là ?
- Ben si, à trois. Toi, moi et le bonheur … Tu es libre, je suis libre, pourquoi se priver ?
- C’est compliqué, tu es à Nantes, moi ici à Paris. Les relations à distance, ce n’est pas simple. Je ne suis pas certaine de vouloir ça … Je ne suis même pas certaine d’y croire.
- Au début, oui, ça sera un peu compliqué. Mais dans ma boite, il y a un poste en région parisienne qui se libère .On me l’a proposé, je n’étais pas chaud, j’ai dit non. Je suis bien à Nantes, j’aime cette ville, mais je suis prêt à tout maintenant que je t’ai retrouvée. Nantes, Paris, ça n’a plus aucune importance. Aujourd’hui je suis plus que bouillant pour le prendre ce poste. Dans trois mois, je peux m’installer ici. Tu n’as qu’un mot à dire, un seul : oui.
Je l’avoue, j’ai pleuré à ce moment-là. Les larmes coulaient sur ma joue. Les dernières frustrations accumulées depuis plus de deux ans s’évacuaient.
Il a essuyé mes larmes du bout de son pouce. Je l’ai embrassé :
- Ça veut dire oui alors ? M’a-t-il demandé.
- Oui, un grand Ouiiiiiiiii. Par contre …- Oui ?
- Si un jour, tu me trahis, tu dégages manu militari. Toi, tes affaires, retour à Nantes, par le premier TGV.
- Oui, ça je l’ai bien compris. Mais ça n’arrivera pas, ce n’est pas mon genre.
- Chat échaudé craint l’eau froide ! Si ça arrive, avant de dégager, je t’arracherai surement un œil en plus.
- Oui, bon, alors là … je suis complètement convaincu. De toute façon, je suis sûr de moi. Ce n’est pas seulement un souvenir que j’aime. j’aime ce que tu es devenue, j’aime la femme que tu es aujourd’hui, j’aime ton humour, j’aime … Euh … J’aime tout quoi. Tu ne parlais pas de chatte échaudée toute à l’heure ? Et si on remettait ça ?
- Non, on va prendre ce fameux verre avant. On a toute la nuit pour recommencer, on dormira pendant la formation demain.
Je me suis levée, j’ai passé un peignoir. :
- Attends !
- Quoi- Passe-moi ma veste au pied du lit- Pourquoi faire ?
Il a fouillé dans la poche de sa veste. Il a sorti une pièce et l’a posé sur la table de nuit :
- Nous sommes passés à l’euro depuis, mais je te paye des bonbons demain. Et tous les jours suivants aussi.
FIN (happy-end, larmichettes et tout).
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1 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
Belle histoire trop longue mais très instructive , son mari ayant fauter et dever arrêter cette relation car il a un statut de père de famille et ne pas s entete de vouloir continuer donc sa femme avait raison on ne peut jouer avec le sort de sa famille