Confidences 2 - En terrasse à Paris 1/2
Récit érotique écrit par Misa [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 09-02-2013 dans la catégorie Entre-nous, les femmes
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Confidences 2 - En terrasse à Paris 1/2
Confidences 2 - En terrasse à Paris
( 12/2012 ) - Misa
1ère partie
Jamais je n’aurais imaginé faire ça ! Jamais !
Ces choses-là, de tout temps, m’ont toujours fait froid dans le dos. Pas vraiment le problème de la douleur, enfin un peu, si, mais ce n’est pas l’essentiel. C’est un problème de symbole, ce que ça implique.
Et pourtant pas un instant je n’ai pensé à dire non. Je crois que je suis restée muette très longtemps.
Ce qui me traversait l’esprit ? Rien ! Je crois que je ne pensais à rien.
Surprise ? Sans doute, je ne sais plus, vraiment …
… par la proposition ? peut-être … mais surtout parce que dans l’instant, j’avais l’absolue certitude que j’allais dire oui. C’était une évidence.
— Le même que moi … de l’autre côté … symétrique … là … tu veux ?
Et j’ai dit oui.
Peur ? Vous plaisantez ! J’étais terrorisée !
… Par la boutique, d’abord, qui m’a paru minable, si loin de ce que j’avais imaginé. Par le type, ensuite, un grand bonhomme barbu et bedonnant. C’était sombre, encombré.
Et puis je l’ai suivi vers le fond dans un couloir, comme une automate.
… Par la pièce dans laquelle je suis entrée ensuite. Celle-là ressemblait tout-à-fait à ce que j’avais imaginé, des murs blancs, quelques photos, un lieu froid, et ça, c’était terrifiant !
… Par le barbu quand il est revenu : bonnet vert sur la tête, masque sur le visage, une grande chasuble par-dessus ses vêtements, un plateau dans les mains.
J’ai vu les instruments sur le plateau, j’ai préféré détourner les yeux.
— Eh … c’est peut-être pas une bonne idée …
— Si, je veux le faire. Elsa … je veux le faire. Tu seras là, dis ?
— Oh … bien sûr, Carole, bien sûr ! Viens … viens-là …
C’était un vendredi de juillet, le premier des vacances scolaires.
J’ai enlevé ma jupe et mes chaussures, ma petite culotte, et je me suis installée sur le lit couvert du même papier vert que la chasuble du bonhomme qui nous avait rejointes. J’ai relevé mon t-shirt sous mes seins. Elsa me tenait la main, pressait mes doigts glacés.
Je m’étais attendue à des étriers, comme chez mon gynéco, mais c’était un simple lit, très haut et large.
Le coton avec lequel il m’a désinfectée était froid. Je n’en suis pas sûre, moi je crois aussi que c’était un produit pour atténuer la douleur, endormir un peu la zone, sinon ça aurait été plus douloureux. Je me sentais moins gênée que je n’avais imaginé de l’être, allongée nue et les jambes ouvertes devant un inconnu qui ouvrait mon sexe à deux doigts et me frottait les lèvres d’une lingette. Elsa se penchait sur moi, sourire un peu tremblant et les yeux bien rouges ; elle m’embrassait sur le front.
C’est elle qui m’avait rasée la veille, assise au fond de la baignoire et moi assise sur le rebord, d’abord au ciseau, puis avec un rasoir, avec des lingettes de cire froide à la fin.
Elsa aussi avait baissé son string puis relevé sa jupe :
— … exactement à la même hauteur, mais de l’autre côté.
— D’accord.
Il la regardait debout à côté du lit, me regardait ensuite.
— Vous vous ressemblez, des sexes jumeaux !
Il a marqué l’emplacement avec une sorte de crayon feutre, pinçait ma lèvre en l’étirant entre ses doigts ; il a fermé une pince qui écrasait ma chair, l’a rouverte et déplacée, refermée, très fort, je me souviens de la douleur, comme une morsure … il l’avait vraiment serrée très fort … c’était froid, je tremblais un peu.
— Prête ?
… La douleur, violente, en deux temps, puis plus rien, et ensuite une impression de brûlure où l’aiguille traversait ma lèvre… La douleur encore, plus longue, l’étirement … les baisers d’Elsa … Je n’avais pas crié. J’étais fière de moi parce que je n’avais pas crié.
J’ai à mi-hauteur de ma grande lèvre droite un anneau de métal de deux millimètres de fil, douze millimètres de diamètre fermé d’une bille qui pèse sur mon sexe et bat contre lui quand je marche en tenant la main d’Elsa, qui porte à mi-hauteur de sa grande lèvre gauche …
On s’est rencontrées un vendredi, début juin, à la terrasse d’un café … j’y repense aujourd’hui à cause d’une femme assise à une table proche de la mienne, ce n’est pas un hasard si sa jupe remonte, si elle croise et décroise ses jambes … Elsa … Elsa aussi … il faisait beau, je m’étais installée dans un coin de la terrasse, je mettais à jour un dossier sur mon micro …
J’observais le manège des deux jeunes gens depuis quelques minutes en levant de temps en temps les yeux de mon ordinateur. Toutes les tables étaient occupées en ce vendredi de début juin et chaque fois que l’une d’elles se libérait vers l’extrémité de la terrasse où je m’étais installée, ils se dépêchaient de se rapprocher en faisant suivre leurs consommations. En les surveillant, j’avais remarqué mi-agacée mi amusée qu’ils riaient et parlaient trop fort, que très souvent ils regardaient dans ma direction. Ils étaient jeunes, ressemblaient plus à des lycéens friqués qu’aux étudiants de la Sorbonne qui fréquentaient habituellement les lieux.
Ils avaient déjà changé deux fois de table quand je me suis aperçue que ce n’était pas moi qui les intéressait mais la jeune femme assise à la table à côté de la mienne.
Contrairement à tous les autres clients du café, assis soit face à la circulation sur le boulevard et au ballet des piétons sur le trottoir comme moi, soit de trois quart et face au soleil comme la jeune femme qu’ils couvaient de leurs yeux, eux tournaient le dos au soleil, et à l’ensemble de la terrasse pour faire face à la jeune femme.
Elle ne levait les yeux du paquet de copies posées sur la table devant elle qu’elle raturait de rouge que pour boire une gorgée de son jus de fruit. Curieuse en raison de l’intérêt évident des deux garçons, hypocritement cachée derrière la main où j’appuyais mon front, j’ai moi aussi observé ma voisine en plein travail de correction.
J’avais bien sûr remarqué qu’elle était jolie lorsqu’elle s’était installée et m’avait souri en me demandant si elle pouvait prendre le fauteuil tourné vers ma table. Pendant qu’elle y posait sa sacoche de cuir brun, je n’avais pu résister à regarder ses jambes fines haut découvertes sous sa robe de lin noir boutonnée sur toute la hauteur et le bracelet serpent sur son bras.
A chaque fois qu’elle semblait réfléchir en fronçant le nez, elle levait le crayon et l’agitait entre deux doigts, elle peignait des doigts de sa main gauche ses cheveux épais derrière son oreille, comme un tic de réflexion, découvrant un brillant piqué dans le lobe de l’oreille et deux petits anneaux plus haut sur le pourtour de l’oreille.
Je me suis remise au travail sur les tableaux que j’étais en train de corriger et je ne faisais plus attention aux deux jeunes gens jusqu’au moment ou distraite par le passage d’un voiture de police toute sirène hurlante j’ai de nouveau levé les yeux et vu l’un des garçons qui avait reculé sa chaise et se tenait penché en avant, les yeux baissés sur son téléphone portable qu’il tenait sous la table entre ses jambes. Intriguée, parce qu’il tenait son appareil dans une position inconfortable pour lui, j’ai regardé plus attentivement ce qu’il faisait, et en voyant les rapides coups d’œil qu’il levait vers ma voisine avant de baisser à nouveau les yeux j’ai deviné qu’il était en train de photographier ou filmer ce qu’il voyait sous la table.
Je n’ai pu m’empêcher de rire en portant la main à ma bouche, tout en ressentant une pointe de colère, par solidarité pour celle qui ne se rendait compte de rien. Elle venait de croiser les jambes en se décalant légèrement et le garçon s’est redressé, s’est penché vers son ami en lui tendant son portable.
Aucun doute ! A leurs échanges à voix basse et à la mine du second qui regardait l’écran du téléphone, il regardait à l’évidence les photos prises, et ce qu’il voyait lui plaisait beaucoup.
J’hésitais à les interpeler ou à prévenir ma voisine de leur conduite quand elle s’est levée, et s’est approchée de ma table :
— Excusez-moi, ça ne vous dérange pas de jeter un œil sur mes affaires quelques minutes ?
— Moi non, je vous en prie !
En son absence, les deux jeunes gens ont perdu une part de leur discrétion. Ils se passaient le téléphone l’un à l’autre et riaient beaucoup. Je me demandais comment alerter discrètement ma voisine lorsque j’ai sursauté en sentant une main se poser sur mon épaule :
— Je suis de retour, merci …
Elle s’est penchée en s’appuyant plus fort sur mon épaule ; elle regardait l’écran de mon portable :
— Je crois que je vais investir dans une machine comme ça, moi aussi, ça me simplifierait la vie …
Sa main a glissé de mon épaule à mon bras comme une caresse quand elle est retournée vers sa table. Pour m’être assez souvent trouvée ridicule à me tromper sur l’intérêt de mes sœurs, je me suis forcée à ne rien penser de son geste, si ce n’est qu’il était agréable, et elle décidément bien jolie ! Et quant à la chaînette à sa cheville, il y a bien longtemps que ça ne signifiait plus rien, si tant est que ça ait jamais été un quelconque signe de ralliement !
Je m’en voulais de n’avoir rien dit des deux jeunes gens, dont l’un reprenait position comme avant qu’elle ne parte.
Assise du bout des fesses au bord de sa chaise, et un bouton défait au bas de sa robe, ma voisine avait replié une jambe sous sa chaise et l’autre, dressée sur la pointe du pied s’agitait d’un mouvement nerveux quand elle a repris ses corrections. Je ne pouvais deviner précisément ce que seraient les images volées, mais je devinais qu’elles seraient très indiscrètes.
Je ne savais pas quoi faire. Quelle que soit la réserve que j’y mettrais, lui conseiller de mieux se tenir n’était pas une très bonne idée et ne pourrait que la mettre dans l’embarras. Attirer, mais comment, l’attention des deux jeunes aurait certainement le même effet.
En riant de moi-même à l’avance, j’ai décidé de me ridiculiser une nouvelle fois, tout en me préparant à une fuite honteuse. J’ai rangé toutes mes affaires, et je me suis levée, me préparant à partir. Déjà rougissante de l’éclat de rire que je récolterais peut-être, ou d’une répartie cinglante, au pire d’un cou d’œil glacé, je me suis arrêtée devant la table de ma voisine, m’interposant entre les jeunes-gens et elle :
— Excusez-moi à mon tour … je … Je peux vous parler ?
— Oui, bien sûr ! attendez !
Déjà elle libérait le fauteuil à côté d’elle de son sac et le repoussait vers moi :
— Asseyez-vous !
Je n’ai jamais été très douée pour ça … La prévenir ? oui, bien sûr ! mais comment lui dire aussi que je la trouvais jolie sans passer pour une idiote ? Mais j’en avais pris mon parti en me décidant à lui parler, certaine d’être éconduite, et je lui dirais en partant ce qu’était le jeu des deux garçons en face d’elle … éconduite et ridicule, mais sympa !
Elle avait posé son crayon, fait un tas de ses copies et les avait repoussées. Elle me souriait, les sourcils levés d’interrogation :
— Vous me sauvez d’un travail ennuyeux !
Elle appelait le serveur du bras, commandait un nouveau jus de fruit :
— Je peux vous offrir quelque chose ?
— Euh … non, merci.
— Mais si, vous allez devoir m’expliquer tous les avantages de votre ordinateur, moi je n’y connais rien. Si vous avez un peu de temps, j’ai plein de questions ! Mais vous vouliez quelque chose …
— Eh bien … je vous regardais depuis un moment et …
— Moi aussi, vous savez !
— Pardon ?
— Moi aussi je vous regardais ! Qu’est-ce que vous aviez l’air sérieuse ! Et puis j’aime bien vos lunettes de vue ! Votre petit pull, aussi, j’aime beaucoup !
— Ah ! Sans lunettes je ne vois pas ce que j’écris.
— Je n’en ai pas besoin, mais je devrais en porter aussi, mes élèves me prendraient plus au sérieux !
— Ce n’est pas le cas ?
— Pas tous les jours ! Donc vous me regardiez …
— Oui …
Elle riait plus qu’elle ne souriait. Elle avait avancé la main pour rouler entre ses doigts la maille de mon pull sur mon bras, retiré la main encore, comme plus tôt, avec une caresse sur mon bras, ses yeux comme interrogateurs ou je me faisais des idées ? Je prends trop souvent mes désirs pour des réalités, et ça me joue des tours. Je ne savais plus trop quoi lui dire.
Elle avait remonté ses lunettes de soleil dans ses cheveux, et me regardait dans les yeux. Le serveur m’a donné le temps de retrouver le fil de ce que je pensais lui dire en s’approchant de la table avec nos consommations, mais elle m’a devancée une nouvelle fois :
— Je crois que les deux jeunes derrière vous sont en train de vous maudire !
— Ah … je voulais vous le dire !
— Je m’en doutais, j’ai vu que vous les surveilliez, vous aviez l’air sévère et … vous rougissiez très bien.
Elle s’est penchée sur la table en posant sa main sur la mienne, m’invitant à m’approcher pour parler plus bas :
— Je crois qu’ils auront un bon souvenir …
Elle riait. Et moi j’avais bien du mal à détourner le regard de son décolleté :
— Un souvenir ?
— Mmm mmm ! C’est d’eux que vous vouliez me parler ?
— Non … oui !
— Tiens, ils s’en vont ! Alors ? un peu oui, et un peu non …
Toujours penchée, la tête appuyée sur une main , le coude planté sur la table, elle pianotait de l’index sur ma main en me regardant :
— C’est rien, vous savez !
— Je crois qu’ils prenaient des photos avec leur téléphone.
Elle riait franchement cette fois :
— Je sais. Et ils auront de belles photos. Je leur ai un peu facilité la tâche ! Vous rougissez encore ! J’aime bien ces joues rouges ! Vous savez, je m’en étais aperçue avant d’aller aux toilettes, après … c’était autant pour vous que pour eux. Je m’imaginais que vous alliez intervenir, d’une manière ou d’une autre, tel le chevalier défendant sa belle ! Oh ! Vous rougissez encore !
Elle s’est redressée, a abandonné ma main. J’étais déconcertée qu’elle ait joué avec ces garçons, troublée qu’elle ait continué ce jeu en toute connaissance de cause, et pour me faire réagir ? moi ? Elle jouait avec moi ! tel un chevalier pour sa belle ! Je n’ai rien d’un chevalier, mais c’est vrai qu’elle est belle !
— C’est ce que vous avez fait, non ?
— Un peu …
— Vous avez l’air gênée …
— Je ne me voyais pas en chevalier … mais, le rôle de belle vous va très bien …
Elle a avancé à nouveau la main vers la mienne, jouant du bout de l’index sur mes doigts. Elle avait les sourcils levés pour une question muette et j’ai pris sa main sur la table, pour une brève pression. Ce sourire qu’elle a eu ! Elle n’a rien dit cette fois, mais je sentais mes joues me brûler, et mon cœur battait à une vitesse folle.
A son invite, j’avais déplacé mon fauteuil à côté du sien et sorti l’ordinateur de mon sac. Je savais son bras dans mon dos sur le dossier de mon fauteuil, je sentais le frôlement de sa robe contre mon bras quand elle se penchait pour voir l’écran, son genou contre ma cuisse. Je me perdais en explications inutiles, elle posait des questions sans attendre de réponses, pour que le temps passe, pour être proches l’une de l’autre, pour un contact furtif, ce jeu lent de la découverte où les gestes sont mesurés, attendus, où le moindre contact devient un frisson, où les soupirs contenus disent tout de l’attente indécise.
Il a fallu partir et quitter cette terrasse.
Les yeux qui se croisent et se baissent, se détournent. La question est là, lourde, retenue, différée : « et maintenant ? ».
On attendait que le feu interrompe le flux des voitures. Elle a pris ma main pour traverser, et j’ai croisé mes doigts aux siens, souri de la pression fugitive de ses doigts.
Sur le trottoir d’en face, j’ai resserré mes doigts pour garder sa main dans la mienne. On descendait le boulevard St Michel, sans savoir si c’était son chemin ou le mien, simplement pour marcher et ne pas poser la question de l’après.
On échangeait quelques commentaires sans importance sur une paire de chaussures ou une robe, sur un livre, et nos regards se croisaient dans les vitrines.
Arrivées sur les quais, elle a lâché ma main et s’est placée face à moi.
Je crois qu’on savait toutes les deux que c’est elle qui choisirait de la suite :
— Je t’emmène avec moi, tu me suis ?
J’avais la gorge nouée, je n’ai rien dit, juste acquiescé de la tête et je l’ai retenue du bras comme elle allait se retourner et je l’ai embrassée sur la joue. Je vous ai déjà dit qu’elle a un sourire magnifique ? qui étire ses lèvres et soulève ses joues, qui plisse ses yeux d’un noir profond ? elle mordait son sourire en posant une main sur ma joue.
J’ai abandonné mon sac dans l’entrée et à son exemple je me suis déchaussée. Elle préparait un thé, rangeait un blouson, remettait en place les coussins du canapé et ramassais un magazine ouvert sur la petite table de verre. Le soir tombait. Le soleil venait de disparaître derrière l’immeuble d’en face où quelques lumières apparaissaient aux fenêtres. Accoudée au balcon, j’écoutais le bruit de ses pas amortis par le plancher de bois, ses allées et venues dans l’appartement, le bruit d’une porte de placard, d’un tiroir fermé, son métallique contre la faïence, le ronronnement d’un micro-ondes. J’avais écarté le rideau de la porte fenêtre qu’elle avait ouverte en arrivant pour aller sur la terrasse où trois pots de géraniums rouges étaient suspendus au balcon de fer doublé de canisses. La terre dans les pots était sèche et je suis allée chercher l’arrosoir posé près du vitrage opaque isolant le balcon de l’appartement voisin. En passant devant la seconde porte-fenêtre, je l’ai vue tirer les draps du lit pour les remettre en ordre, s’arrêter devant le miroir de l’armoire pour discipliner ses cheveux à deux mains plongées dans ses boucles brunes, lisser sa robe sur ses hanches, puis s’adresser une grimace en serrant les poings avant de quitter la chambre en courant en réponse à la sonnerie du four. Avoir surpris ces petits gestes m’a fait sourire : elle n’était pas aussi calme et sûre d’elle qu’elle le montrait.
L’arrosoir était à demi-plein, et j’ai arrosé les géraniums. J’ai entendu son rire dans mon dos en sentant l’eau qui coulait de sous les pots venir éclabousser mes pieds.
— C’est à cause de ça que je les ai pas arrosés en partant, à chaque fois c’est pareil ! viens !
— Je vais salir ton plancher.
— Bon, attends ici !
Elle est revenue en riant avec une serviette de toilette :
— Donne un pied !
Je me tenais d’un bras sur son épaule, de l’autre contre le mur pendant qu’elle soutenait mon mollet d’une main, essuyait mon pied de l’autre. Elle avait un grand sourire amusé en se redressant avant de m’essuyer l’autre pied. Je n’ai rien fait pour empêcher ma jupe de découvrir mes jambes.
Elle s’est relevée en se tenant d’une main sur ma hanche, mon bras sur son épaule … nous étions si proches … le premier baiser, d’un effleurement des lèvres, son souffle chaud, ses yeux clos, sa main sur ma hanche et l’air frais du soir de juin. Pourquoi est-ce si difficile ? Pourquoi autant de détours ? Trois si longues heures pour ce baiser. Une éternité. Trois heures que je voudrais revivre et faire durer. C’est trop long et trop court.
Sentir la peau se piquer d’un regard, mes seins se tendre et se crisper d’un doigt qui effleure ma main, mon ventre durcir du bras dans mon dos à rêver qu’il se ferme sur ma taille, des heures à essayer de surprendre un éclair dans ses yeux, un signe, un encouragement que moi je n’ose pas montrer, à détourner les yeux d’un décolleté, à sentir d’un regard la douceur de la peau, les yeux fermés sur mon rire aux toilettes en trouvant mon sexe imprégné de désir.
C’est elle qui a donné tous les signes, elle qui m’a entraînée ici. Qu’aurais-je fait, moi ?
C’est moi qui suis allée vers elle et qui l’ai embrassé à l’arrêt de bus, moi qui ai goûté ses lèvres sur la terrasse. Qu’aurait-elle fait, elle ?
Et c’est elle qui ferme les yeux. C’est sa main qui tremble et se ferme en poing sur mon pull à la caresse de mes lèvres, quand je voudrais sa main sous mon pull, sa main sur ma peau. C’est si bon d’attendre, encore un peu de cette attente et des frissons, des soupirs de désir, de mon ventre qui s’inonde pour elle.
Je sais son désir à son souffle. Je sais. Je voudrais tout de suite et je veux attendre.
Je voudrais le plaisir et je veux l’avant, tous ces instants d’avant où l’attente donne envie de crier.
Il faudrait revivre ces heures, en faire mille variations.
Et puis il y a l’urgence du moment, le désir trop fort, qui accélère tout.
Mon front contre son front et nos ventres collés, la finesse de sa taille, son dos tendu et creusé, l’arrondi de ses hanches, ses mains qui brûlent à mes joues et ses cuisses dures quand nos bouches se trouvent et qu’elle se dresse sur la pointe des pieds en s’accrochant à mon dos à déchirer mon pull comme je veux qu’elle griffe ma peau.
Je veux sa peau, moi ! Pourquoi cette robe qui m’empêche ? Elle, a trouvé un chemin, soulevé le pull, et caresse, légère sur le sillon profond de mon dos où je veux qu’elle griffe, où j’aime sa douceur. Je veux sa peau, elle sait, elle s’écarte bouche collée à la mienne, et nerveuse, brusque, tire mon bras entre nous et déboutonne avec moi sa robe que je repousse pour fermer un bras puis l’autre autour d’elle, trouve l’humidité d’impatience de son dos, les os saillants de ses épaules sous la bretelle du soutien gorge. Elle mord ma lèvre et gémit, se dresse encore contre moi suspendue à mon cou en écho à ma main sur ses reins que je fais légère en passant, vite, timide, au creux juste au milieu, naissance du sillon de ses fesses, revient sur la hanche, où je cherche, étonnée ? non, je savais, je savais depuis la terrasse du café, je cherche en sachant que je ne vais rien trouver, descendant de la hanche à la cuisse sur la peau lisse et chaude :
— … je savais … cet après-midi je savais …
Elle rit contre mes lèvres.
— Tu l’as enlevée pour eux ?
— J’en avais peut-être pas …
— Je l’ai vue dans ton sac, quand tu rangeais tes copies, en partant du café …
— C’était pas pour eux … un prétexte … pour moi … pour toi …
— Pour moi ?
— Tu me regardais souvent … tu rougissais, t’avais l’air en colère … et tu hésitais, je voyais tout ça …
— Pourquoi tu dis que c’était pour moi ?
— Avant … avant les garçons, tu regardais mes jambes et tu rougissais en détournant la tête … et tes seins pontaient sous ton pull …
— C’est pas vrai !
— Si ! … je savais … mais je savais pas comment te dire que je te trouvais belle … je voulais que toi tu fasses quelque chose …
— En allumant les garçons ?
— Mais tu bougeais pas … j’ai fait plus … je t’ai montré la première … en revenant des toilettes …
— T’as enlevé ta culotte ! j’y crois pas !
— Tu fais jamais ?
— Non !
— Ça a marché ! T’es venue me protéger !
— Si j’étais pas venue ?
— … je sais pas … t’es venue … mais t’es timide, t’osais rien dire …
— Non …
— Toi, elle est blanche avec des fleurs bleues … je l’ai vue en essuyant tes pieds !
— Voyeuse !
Vous seriez étonnés si je vous disais qu’on n’a pas bu le thé qu’elle avait préparé ?
En s’écartant de moi, elle a resserré sur elle la robe qu’elle m’avait aidé à déboutonner en jetant un œil vers les fenêtres de l’autre côté de la rue. Elle avait déjà refermé deux boutons en entrant dans le salon dont j’écartais le rideau pour elle, a pris ma main au passage pour m’entraîner à sa suite. Elle s’est arrêtée entre la table ronde où attendait deux mugs fumants et le canapé ; elle hésitait, pas moi. Déjà la douceur de sa peau manquait à ma main. D’une main dans le dos je l’ai poussée vers le coin du canapé où s’ouvrait une porte, celle de sa chambre où je l’avais surprise à s’adresser une grimace dans le miroir d’une armoire. J’ai vu un sourire fugitif faire trembler ses lèvres ; sa main serrait la mienne plus fort en franchissant la porte pour ne s’arrêter qu’au pied du lit où elle s’est retournée.
Ce moment … celui où j’allais découvrir une autre que moi, où j’allais me donner, j’en avais souvent rêvé, si souvent, tellement plus souvent que ça ne m’est arrivé réellement.
J’avais imaginé … de notre premier baiser sur la terrasse au moment où elle s’est redressée en écartant le drap qui nous protégeait de la fraîcheur de la nuit qui entrait par la porte fenêtre, échappant à mes bras pour allumer la lampe de chevet, j’avais perdu la notion du temps.
Une heure ? deux heures ? plus ? peu importe, je n’ai gardé qu’un souvenir diffus, d’émotions, de chaleur, quelques images floues, isolées …
… je revois ses yeux noirs écarquillés et le pli à son front quand j’ai ouvert sa robe et dégrafé son soutien-gorge, le très bref étirement de ses lèvres et ses yeux qui se fermaient, tête rejetée en arrière quand j’ai pris ses seins dans mes mains. Je me souviens de la fièvre, la mienne et la sienne, du soupir d’une respiration longtemps retenue quand nous avons basculé sur le lit, mais je ne sais plus si c’est elle qui m’a déshabillée, ou si c’est moi. Je sais que très longtemps nos mains sont restées timides, que nos corps s’apprenaient lentement pendant nos baisers, de sa cuisse entre mes jambes pour la première caresse, de la douceur de ses seins sur mes seins. Qui d’elle ou moi, la première … peu importe … Le chaud de son sexe, la douceur onctueuse, la perle de transpiration sur sa tempe et les soubresauts de son ventre qui montait vers ma main, qui effleurait à peine, et déjà son plaisir. Le mien ? oui, bien sûr, mais je ne me souviens pas, ni quand ni comment, après elle, ça je sais, j’étais trop occupée d’elle pour me souvenir.
Plusieurs fois je sentais sous mes doigts l’anneau froid qui perçait sa lèvre, j’y revenais souvent, intriguée et curieuse au début, et le ventre crispé, ça je me souviens, d’une brusque excitation à découvrir ce métal froid qui martyrisait sa lèvre épaisse et lisse, du frisson aussi au contact de ma cuisse à son ventre, à la deviner si nue où moi je me gardais naturelle.
Je me souviens aussi qu’au début j’ai eu un instant d’inquiétude à essayer de retrouver la dernière image de moi nue, dans ma salle de bains, la première image qu’elle aurait de moi, de mon corps, flash d’inquiétude, aussi, que l’exubérance de ma toison ne lui déplaise quand elle se préférait lisse.
Elle s’est levée pour fermer la porte fenêtre et dans la petite lumière de la lampe de chevet, je l’ai vue nue loin de moi pour la première fois. Elle s’est figée sous mon regard, et avec un petit rire s’est cachée des ses deux mains. Je me suis assise au bord du lit pour prendre ses mains dans les miennes, et découvrir de mes yeux cet anneau que mes doigts avaient découvert. Sa peau mate, ses petits seins, l’arrondi de ses hanches, le bombé du ventre et le large triangle de son sexe au mont de Vénus saillant, les lèvres charnues, la petite dentelle plus sombre des petites lèvres où ses cuisses se serraient, à peine entrevues, et l’anneau, piqué à mi-hauteur de la fente des lèvres, les maintenant entrouvertes et laissant apparent le petit bourrelet de chair rose à leur naissance … mes yeux ne pouvaient se détacher de cet anneau et mon ventre se crispait à sa vue. J’avais déjà vu des images, qui m’avaient déplu, et sur elle, cet anneau me procurait de longs frissons d’excitation.
Je l’ai attirée vers moi, j’ai embrassé son ventre, embrassé sa lèvre percée et l’anneau. Je l’ai attirée sur ma bouche en m’allongeant sur le lit et j’ai goûté son sexe, bu sa liqueur blanchâtre, épaisse qui venait à mes lèvres par lentes coulées. Elle a joui sur ma bouche en tremblant de ses cuisses et de son ventre, et souvent, abandonnant son bouton et le repli qui le cachait ma langue revenait sur l’anneau qui perçait sa lèvre.
Sans doute à cause de cet anneau, les caresses que je voulais, que j’ai demandées de pression de ma main sur ses doigts, réclamées de murmures à son oreille quand le plaisir montait, étaient plus dures, plus profondes, plus intimes aussi dès cette première nuit d’amour. Je voulais ses doigts en moi, dans mon ventre et entre mes reins, je voulais être forcée, malmenée.
Jamais à aucune avant elle, par pudeur, par honte aussi, je n’avais osé demander cela, et je ne connaissais de ces plaisirs cachés, que ceux que je me donnais en solitaire.
C’est le lendemain de notre rencontre qu’elle m’a dit :
— Le même que moi … de l’autre côté … symétrique … là … tu veux ?
On ne se connaissait que de la fièvre de notre première nuit, et elle ne pouvait pas savoir que ce que je lui avais montré de moi dépassait de loin ma réserve habituelle.
Notre première nuit … je crois que cette nuit-là, j’ai reçu d’elle et je lui ai donné plus que je n’avais osé l’imaginer pour une vie.
(une suite ? oui bientôt la 2ème partie!)
( 12/2012 ) - Misa
1ère partie
Jamais je n’aurais imaginé faire ça ! Jamais !
Ces choses-là, de tout temps, m’ont toujours fait froid dans le dos. Pas vraiment le problème de la douleur, enfin un peu, si, mais ce n’est pas l’essentiel. C’est un problème de symbole, ce que ça implique.
Et pourtant pas un instant je n’ai pensé à dire non. Je crois que je suis restée muette très longtemps.
Ce qui me traversait l’esprit ? Rien ! Je crois que je ne pensais à rien.
Surprise ? Sans doute, je ne sais plus, vraiment …
… par la proposition ? peut-être … mais surtout parce que dans l’instant, j’avais l’absolue certitude que j’allais dire oui. C’était une évidence.
— Le même que moi … de l’autre côté … symétrique … là … tu veux ?
Et j’ai dit oui.
Peur ? Vous plaisantez ! J’étais terrorisée !
… Par la boutique, d’abord, qui m’a paru minable, si loin de ce que j’avais imaginé. Par le type, ensuite, un grand bonhomme barbu et bedonnant. C’était sombre, encombré.
Et puis je l’ai suivi vers le fond dans un couloir, comme une automate.
… Par la pièce dans laquelle je suis entrée ensuite. Celle-là ressemblait tout-à-fait à ce que j’avais imaginé, des murs blancs, quelques photos, un lieu froid, et ça, c’était terrifiant !
… Par le barbu quand il est revenu : bonnet vert sur la tête, masque sur le visage, une grande chasuble par-dessus ses vêtements, un plateau dans les mains.
J’ai vu les instruments sur le plateau, j’ai préféré détourner les yeux.
— Eh … c’est peut-être pas une bonne idée …
— Si, je veux le faire. Elsa … je veux le faire. Tu seras là, dis ?
— Oh … bien sûr, Carole, bien sûr ! Viens … viens-là …
C’était un vendredi de juillet, le premier des vacances scolaires.
J’ai enlevé ma jupe et mes chaussures, ma petite culotte, et je me suis installée sur le lit couvert du même papier vert que la chasuble du bonhomme qui nous avait rejointes. J’ai relevé mon t-shirt sous mes seins. Elsa me tenait la main, pressait mes doigts glacés.
Je m’étais attendue à des étriers, comme chez mon gynéco, mais c’était un simple lit, très haut et large.
Le coton avec lequel il m’a désinfectée était froid. Je n’en suis pas sûre, moi je crois aussi que c’était un produit pour atténuer la douleur, endormir un peu la zone, sinon ça aurait été plus douloureux. Je me sentais moins gênée que je n’avais imaginé de l’être, allongée nue et les jambes ouvertes devant un inconnu qui ouvrait mon sexe à deux doigts et me frottait les lèvres d’une lingette. Elsa se penchait sur moi, sourire un peu tremblant et les yeux bien rouges ; elle m’embrassait sur le front.
C’est elle qui m’avait rasée la veille, assise au fond de la baignoire et moi assise sur le rebord, d’abord au ciseau, puis avec un rasoir, avec des lingettes de cire froide à la fin.
Elsa aussi avait baissé son string puis relevé sa jupe :
— … exactement à la même hauteur, mais de l’autre côté.
— D’accord.
Il la regardait debout à côté du lit, me regardait ensuite.
— Vous vous ressemblez, des sexes jumeaux !
Il a marqué l’emplacement avec une sorte de crayon feutre, pinçait ma lèvre en l’étirant entre ses doigts ; il a fermé une pince qui écrasait ma chair, l’a rouverte et déplacée, refermée, très fort, je me souviens de la douleur, comme une morsure … il l’avait vraiment serrée très fort … c’était froid, je tremblais un peu.
— Prête ?
… La douleur, violente, en deux temps, puis plus rien, et ensuite une impression de brûlure où l’aiguille traversait ma lèvre… La douleur encore, plus longue, l’étirement … les baisers d’Elsa … Je n’avais pas crié. J’étais fière de moi parce que je n’avais pas crié.
J’ai à mi-hauteur de ma grande lèvre droite un anneau de métal de deux millimètres de fil, douze millimètres de diamètre fermé d’une bille qui pèse sur mon sexe et bat contre lui quand je marche en tenant la main d’Elsa, qui porte à mi-hauteur de sa grande lèvre gauche …
On s’est rencontrées un vendredi, début juin, à la terrasse d’un café … j’y repense aujourd’hui à cause d’une femme assise à une table proche de la mienne, ce n’est pas un hasard si sa jupe remonte, si elle croise et décroise ses jambes … Elsa … Elsa aussi … il faisait beau, je m’étais installée dans un coin de la terrasse, je mettais à jour un dossier sur mon micro …
J’observais le manège des deux jeunes gens depuis quelques minutes en levant de temps en temps les yeux de mon ordinateur. Toutes les tables étaient occupées en ce vendredi de début juin et chaque fois que l’une d’elles se libérait vers l’extrémité de la terrasse où je m’étais installée, ils se dépêchaient de se rapprocher en faisant suivre leurs consommations. En les surveillant, j’avais remarqué mi-agacée mi amusée qu’ils riaient et parlaient trop fort, que très souvent ils regardaient dans ma direction. Ils étaient jeunes, ressemblaient plus à des lycéens friqués qu’aux étudiants de la Sorbonne qui fréquentaient habituellement les lieux.
Ils avaient déjà changé deux fois de table quand je me suis aperçue que ce n’était pas moi qui les intéressait mais la jeune femme assise à la table à côté de la mienne.
Contrairement à tous les autres clients du café, assis soit face à la circulation sur le boulevard et au ballet des piétons sur le trottoir comme moi, soit de trois quart et face au soleil comme la jeune femme qu’ils couvaient de leurs yeux, eux tournaient le dos au soleil, et à l’ensemble de la terrasse pour faire face à la jeune femme.
Elle ne levait les yeux du paquet de copies posées sur la table devant elle qu’elle raturait de rouge que pour boire une gorgée de son jus de fruit. Curieuse en raison de l’intérêt évident des deux garçons, hypocritement cachée derrière la main où j’appuyais mon front, j’ai moi aussi observé ma voisine en plein travail de correction.
J’avais bien sûr remarqué qu’elle était jolie lorsqu’elle s’était installée et m’avait souri en me demandant si elle pouvait prendre le fauteuil tourné vers ma table. Pendant qu’elle y posait sa sacoche de cuir brun, je n’avais pu résister à regarder ses jambes fines haut découvertes sous sa robe de lin noir boutonnée sur toute la hauteur et le bracelet serpent sur son bras.
A chaque fois qu’elle semblait réfléchir en fronçant le nez, elle levait le crayon et l’agitait entre deux doigts, elle peignait des doigts de sa main gauche ses cheveux épais derrière son oreille, comme un tic de réflexion, découvrant un brillant piqué dans le lobe de l’oreille et deux petits anneaux plus haut sur le pourtour de l’oreille.
Je me suis remise au travail sur les tableaux que j’étais en train de corriger et je ne faisais plus attention aux deux jeunes gens jusqu’au moment ou distraite par le passage d’un voiture de police toute sirène hurlante j’ai de nouveau levé les yeux et vu l’un des garçons qui avait reculé sa chaise et se tenait penché en avant, les yeux baissés sur son téléphone portable qu’il tenait sous la table entre ses jambes. Intriguée, parce qu’il tenait son appareil dans une position inconfortable pour lui, j’ai regardé plus attentivement ce qu’il faisait, et en voyant les rapides coups d’œil qu’il levait vers ma voisine avant de baisser à nouveau les yeux j’ai deviné qu’il était en train de photographier ou filmer ce qu’il voyait sous la table.
Je n’ai pu m’empêcher de rire en portant la main à ma bouche, tout en ressentant une pointe de colère, par solidarité pour celle qui ne se rendait compte de rien. Elle venait de croiser les jambes en se décalant légèrement et le garçon s’est redressé, s’est penché vers son ami en lui tendant son portable.
Aucun doute ! A leurs échanges à voix basse et à la mine du second qui regardait l’écran du téléphone, il regardait à l’évidence les photos prises, et ce qu’il voyait lui plaisait beaucoup.
J’hésitais à les interpeler ou à prévenir ma voisine de leur conduite quand elle s’est levée, et s’est approchée de ma table :
— Excusez-moi, ça ne vous dérange pas de jeter un œil sur mes affaires quelques minutes ?
— Moi non, je vous en prie !
En son absence, les deux jeunes gens ont perdu une part de leur discrétion. Ils se passaient le téléphone l’un à l’autre et riaient beaucoup. Je me demandais comment alerter discrètement ma voisine lorsque j’ai sursauté en sentant une main se poser sur mon épaule :
— Je suis de retour, merci …
Elle s’est penchée en s’appuyant plus fort sur mon épaule ; elle regardait l’écran de mon portable :
— Je crois que je vais investir dans une machine comme ça, moi aussi, ça me simplifierait la vie …
Sa main a glissé de mon épaule à mon bras comme une caresse quand elle est retournée vers sa table. Pour m’être assez souvent trouvée ridicule à me tromper sur l’intérêt de mes sœurs, je me suis forcée à ne rien penser de son geste, si ce n’est qu’il était agréable, et elle décidément bien jolie ! Et quant à la chaînette à sa cheville, il y a bien longtemps que ça ne signifiait plus rien, si tant est que ça ait jamais été un quelconque signe de ralliement !
Je m’en voulais de n’avoir rien dit des deux jeunes gens, dont l’un reprenait position comme avant qu’elle ne parte.
Assise du bout des fesses au bord de sa chaise, et un bouton défait au bas de sa robe, ma voisine avait replié une jambe sous sa chaise et l’autre, dressée sur la pointe du pied s’agitait d’un mouvement nerveux quand elle a repris ses corrections. Je ne pouvais deviner précisément ce que seraient les images volées, mais je devinais qu’elles seraient très indiscrètes.
Je ne savais pas quoi faire. Quelle que soit la réserve que j’y mettrais, lui conseiller de mieux se tenir n’était pas une très bonne idée et ne pourrait que la mettre dans l’embarras. Attirer, mais comment, l’attention des deux jeunes aurait certainement le même effet.
En riant de moi-même à l’avance, j’ai décidé de me ridiculiser une nouvelle fois, tout en me préparant à une fuite honteuse. J’ai rangé toutes mes affaires, et je me suis levée, me préparant à partir. Déjà rougissante de l’éclat de rire que je récolterais peut-être, ou d’une répartie cinglante, au pire d’un cou d’œil glacé, je me suis arrêtée devant la table de ma voisine, m’interposant entre les jeunes-gens et elle :
— Excusez-moi à mon tour … je … Je peux vous parler ?
— Oui, bien sûr ! attendez !
Déjà elle libérait le fauteuil à côté d’elle de son sac et le repoussait vers moi :
— Asseyez-vous !
Je n’ai jamais été très douée pour ça … La prévenir ? oui, bien sûr ! mais comment lui dire aussi que je la trouvais jolie sans passer pour une idiote ? Mais j’en avais pris mon parti en me décidant à lui parler, certaine d’être éconduite, et je lui dirais en partant ce qu’était le jeu des deux garçons en face d’elle … éconduite et ridicule, mais sympa !
Elle avait posé son crayon, fait un tas de ses copies et les avait repoussées. Elle me souriait, les sourcils levés d’interrogation :
— Vous me sauvez d’un travail ennuyeux !
Elle appelait le serveur du bras, commandait un nouveau jus de fruit :
— Je peux vous offrir quelque chose ?
— Euh … non, merci.
— Mais si, vous allez devoir m’expliquer tous les avantages de votre ordinateur, moi je n’y connais rien. Si vous avez un peu de temps, j’ai plein de questions ! Mais vous vouliez quelque chose …
— Eh bien … je vous regardais depuis un moment et …
— Moi aussi, vous savez !
— Pardon ?
— Moi aussi je vous regardais ! Qu’est-ce que vous aviez l’air sérieuse ! Et puis j’aime bien vos lunettes de vue ! Votre petit pull, aussi, j’aime beaucoup !
— Ah ! Sans lunettes je ne vois pas ce que j’écris.
— Je n’en ai pas besoin, mais je devrais en porter aussi, mes élèves me prendraient plus au sérieux !
— Ce n’est pas le cas ?
— Pas tous les jours ! Donc vous me regardiez …
— Oui …
Elle riait plus qu’elle ne souriait. Elle avait avancé la main pour rouler entre ses doigts la maille de mon pull sur mon bras, retiré la main encore, comme plus tôt, avec une caresse sur mon bras, ses yeux comme interrogateurs ou je me faisais des idées ? Je prends trop souvent mes désirs pour des réalités, et ça me joue des tours. Je ne savais plus trop quoi lui dire.
Elle avait remonté ses lunettes de soleil dans ses cheveux, et me regardait dans les yeux. Le serveur m’a donné le temps de retrouver le fil de ce que je pensais lui dire en s’approchant de la table avec nos consommations, mais elle m’a devancée une nouvelle fois :
— Je crois que les deux jeunes derrière vous sont en train de vous maudire !
— Ah … je voulais vous le dire !
— Je m’en doutais, j’ai vu que vous les surveilliez, vous aviez l’air sévère et … vous rougissiez très bien.
Elle s’est penchée sur la table en posant sa main sur la mienne, m’invitant à m’approcher pour parler plus bas :
— Je crois qu’ils auront un bon souvenir …
Elle riait. Et moi j’avais bien du mal à détourner le regard de son décolleté :
— Un souvenir ?
— Mmm mmm ! C’est d’eux que vous vouliez me parler ?
— Non … oui !
— Tiens, ils s’en vont ! Alors ? un peu oui, et un peu non …
Toujours penchée, la tête appuyée sur une main , le coude planté sur la table, elle pianotait de l’index sur ma main en me regardant :
— C’est rien, vous savez !
— Je crois qu’ils prenaient des photos avec leur téléphone.
Elle riait franchement cette fois :
— Je sais. Et ils auront de belles photos. Je leur ai un peu facilité la tâche ! Vous rougissez encore ! J’aime bien ces joues rouges ! Vous savez, je m’en étais aperçue avant d’aller aux toilettes, après … c’était autant pour vous que pour eux. Je m’imaginais que vous alliez intervenir, d’une manière ou d’une autre, tel le chevalier défendant sa belle ! Oh ! Vous rougissez encore !
Elle s’est redressée, a abandonné ma main. J’étais déconcertée qu’elle ait joué avec ces garçons, troublée qu’elle ait continué ce jeu en toute connaissance de cause, et pour me faire réagir ? moi ? Elle jouait avec moi ! tel un chevalier pour sa belle ! Je n’ai rien d’un chevalier, mais c’est vrai qu’elle est belle !
— C’est ce que vous avez fait, non ?
— Un peu …
— Vous avez l’air gênée …
— Je ne me voyais pas en chevalier … mais, le rôle de belle vous va très bien …
Elle a avancé à nouveau la main vers la mienne, jouant du bout de l’index sur mes doigts. Elle avait les sourcils levés pour une question muette et j’ai pris sa main sur la table, pour une brève pression. Ce sourire qu’elle a eu ! Elle n’a rien dit cette fois, mais je sentais mes joues me brûler, et mon cœur battait à une vitesse folle.
A son invite, j’avais déplacé mon fauteuil à côté du sien et sorti l’ordinateur de mon sac. Je savais son bras dans mon dos sur le dossier de mon fauteuil, je sentais le frôlement de sa robe contre mon bras quand elle se penchait pour voir l’écran, son genou contre ma cuisse. Je me perdais en explications inutiles, elle posait des questions sans attendre de réponses, pour que le temps passe, pour être proches l’une de l’autre, pour un contact furtif, ce jeu lent de la découverte où les gestes sont mesurés, attendus, où le moindre contact devient un frisson, où les soupirs contenus disent tout de l’attente indécise.
Il a fallu partir et quitter cette terrasse.
Les yeux qui se croisent et se baissent, se détournent. La question est là, lourde, retenue, différée : « et maintenant ? ».
On attendait que le feu interrompe le flux des voitures. Elle a pris ma main pour traverser, et j’ai croisé mes doigts aux siens, souri de la pression fugitive de ses doigts.
Sur le trottoir d’en face, j’ai resserré mes doigts pour garder sa main dans la mienne. On descendait le boulevard St Michel, sans savoir si c’était son chemin ou le mien, simplement pour marcher et ne pas poser la question de l’après.
On échangeait quelques commentaires sans importance sur une paire de chaussures ou une robe, sur un livre, et nos regards se croisaient dans les vitrines.
Arrivées sur les quais, elle a lâché ma main et s’est placée face à moi.
Je crois qu’on savait toutes les deux que c’est elle qui choisirait de la suite :
— Je t’emmène avec moi, tu me suis ?
J’avais la gorge nouée, je n’ai rien dit, juste acquiescé de la tête et je l’ai retenue du bras comme elle allait se retourner et je l’ai embrassée sur la joue. Je vous ai déjà dit qu’elle a un sourire magnifique ? qui étire ses lèvres et soulève ses joues, qui plisse ses yeux d’un noir profond ? elle mordait son sourire en posant une main sur ma joue.
J’ai abandonné mon sac dans l’entrée et à son exemple je me suis déchaussée. Elle préparait un thé, rangeait un blouson, remettait en place les coussins du canapé et ramassais un magazine ouvert sur la petite table de verre. Le soir tombait. Le soleil venait de disparaître derrière l’immeuble d’en face où quelques lumières apparaissaient aux fenêtres. Accoudée au balcon, j’écoutais le bruit de ses pas amortis par le plancher de bois, ses allées et venues dans l’appartement, le bruit d’une porte de placard, d’un tiroir fermé, son métallique contre la faïence, le ronronnement d’un micro-ondes. J’avais écarté le rideau de la porte fenêtre qu’elle avait ouverte en arrivant pour aller sur la terrasse où trois pots de géraniums rouges étaient suspendus au balcon de fer doublé de canisses. La terre dans les pots était sèche et je suis allée chercher l’arrosoir posé près du vitrage opaque isolant le balcon de l’appartement voisin. En passant devant la seconde porte-fenêtre, je l’ai vue tirer les draps du lit pour les remettre en ordre, s’arrêter devant le miroir de l’armoire pour discipliner ses cheveux à deux mains plongées dans ses boucles brunes, lisser sa robe sur ses hanches, puis s’adresser une grimace en serrant les poings avant de quitter la chambre en courant en réponse à la sonnerie du four. Avoir surpris ces petits gestes m’a fait sourire : elle n’était pas aussi calme et sûre d’elle qu’elle le montrait.
L’arrosoir était à demi-plein, et j’ai arrosé les géraniums. J’ai entendu son rire dans mon dos en sentant l’eau qui coulait de sous les pots venir éclabousser mes pieds.
— C’est à cause de ça que je les ai pas arrosés en partant, à chaque fois c’est pareil ! viens !
— Je vais salir ton plancher.
— Bon, attends ici !
Elle est revenue en riant avec une serviette de toilette :
— Donne un pied !
Je me tenais d’un bras sur son épaule, de l’autre contre le mur pendant qu’elle soutenait mon mollet d’une main, essuyait mon pied de l’autre. Elle avait un grand sourire amusé en se redressant avant de m’essuyer l’autre pied. Je n’ai rien fait pour empêcher ma jupe de découvrir mes jambes.
Elle s’est relevée en se tenant d’une main sur ma hanche, mon bras sur son épaule … nous étions si proches … le premier baiser, d’un effleurement des lèvres, son souffle chaud, ses yeux clos, sa main sur ma hanche et l’air frais du soir de juin. Pourquoi est-ce si difficile ? Pourquoi autant de détours ? Trois si longues heures pour ce baiser. Une éternité. Trois heures que je voudrais revivre et faire durer. C’est trop long et trop court.
Sentir la peau se piquer d’un regard, mes seins se tendre et se crisper d’un doigt qui effleure ma main, mon ventre durcir du bras dans mon dos à rêver qu’il se ferme sur ma taille, des heures à essayer de surprendre un éclair dans ses yeux, un signe, un encouragement que moi je n’ose pas montrer, à détourner les yeux d’un décolleté, à sentir d’un regard la douceur de la peau, les yeux fermés sur mon rire aux toilettes en trouvant mon sexe imprégné de désir.
C’est elle qui a donné tous les signes, elle qui m’a entraînée ici. Qu’aurais-je fait, moi ?
C’est moi qui suis allée vers elle et qui l’ai embrassé à l’arrêt de bus, moi qui ai goûté ses lèvres sur la terrasse. Qu’aurait-elle fait, elle ?
Et c’est elle qui ferme les yeux. C’est sa main qui tremble et se ferme en poing sur mon pull à la caresse de mes lèvres, quand je voudrais sa main sous mon pull, sa main sur ma peau. C’est si bon d’attendre, encore un peu de cette attente et des frissons, des soupirs de désir, de mon ventre qui s’inonde pour elle.
Je sais son désir à son souffle. Je sais. Je voudrais tout de suite et je veux attendre.
Je voudrais le plaisir et je veux l’avant, tous ces instants d’avant où l’attente donne envie de crier.
Il faudrait revivre ces heures, en faire mille variations.
Et puis il y a l’urgence du moment, le désir trop fort, qui accélère tout.
Mon front contre son front et nos ventres collés, la finesse de sa taille, son dos tendu et creusé, l’arrondi de ses hanches, ses mains qui brûlent à mes joues et ses cuisses dures quand nos bouches se trouvent et qu’elle se dresse sur la pointe des pieds en s’accrochant à mon dos à déchirer mon pull comme je veux qu’elle griffe ma peau.
Je veux sa peau, moi ! Pourquoi cette robe qui m’empêche ? Elle, a trouvé un chemin, soulevé le pull, et caresse, légère sur le sillon profond de mon dos où je veux qu’elle griffe, où j’aime sa douceur. Je veux sa peau, elle sait, elle s’écarte bouche collée à la mienne, et nerveuse, brusque, tire mon bras entre nous et déboutonne avec moi sa robe que je repousse pour fermer un bras puis l’autre autour d’elle, trouve l’humidité d’impatience de son dos, les os saillants de ses épaules sous la bretelle du soutien gorge. Elle mord ma lèvre et gémit, se dresse encore contre moi suspendue à mon cou en écho à ma main sur ses reins que je fais légère en passant, vite, timide, au creux juste au milieu, naissance du sillon de ses fesses, revient sur la hanche, où je cherche, étonnée ? non, je savais, je savais depuis la terrasse du café, je cherche en sachant que je ne vais rien trouver, descendant de la hanche à la cuisse sur la peau lisse et chaude :
— … je savais … cet après-midi je savais …
Elle rit contre mes lèvres.
— Tu l’as enlevée pour eux ?
— J’en avais peut-être pas …
— Je l’ai vue dans ton sac, quand tu rangeais tes copies, en partant du café …
— C’était pas pour eux … un prétexte … pour moi … pour toi …
— Pour moi ?
— Tu me regardais souvent … tu rougissais, t’avais l’air en colère … et tu hésitais, je voyais tout ça …
— Pourquoi tu dis que c’était pour moi ?
— Avant … avant les garçons, tu regardais mes jambes et tu rougissais en détournant la tête … et tes seins pontaient sous ton pull …
— C’est pas vrai !
— Si ! … je savais … mais je savais pas comment te dire que je te trouvais belle … je voulais que toi tu fasses quelque chose …
— En allumant les garçons ?
— Mais tu bougeais pas … j’ai fait plus … je t’ai montré la première … en revenant des toilettes …
— T’as enlevé ta culotte ! j’y crois pas !
— Tu fais jamais ?
— Non !
— Ça a marché ! T’es venue me protéger !
— Si j’étais pas venue ?
— … je sais pas … t’es venue … mais t’es timide, t’osais rien dire …
— Non …
— Toi, elle est blanche avec des fleurs bleues … je l’ai vue en essuyant tes pieds !
— Voyeuse !
Vous seriez étonnés si je vous disais qu’on n’a pas bu le thé qu’elle avait préparé ?
En s’écartant de moi, elle a resserré sur elle la robe qu’elle m’avait aidé à déboutonner en jetant un œil vers les fenêtres de l’autre côté de la rue. Elle avait déjà refermé deux boutons en entrant dans le salon dont j’écartais le rideau pour elle, a pris ma main au passage pour m’entraîner à sa suite. Elle s’est arrêtée entre la table ronde où attendait deux mugs fumants et le canapé ; elle hésitait, pas moi. Déjà la douceur de sa peau manquait à ma main. D’une main dans le dos je l’ai poussée vers le coin du canapé où s’ouvrait une porte, celle de sa chambre où je l’avais surprise à s’adresser une grimace dans le miroir d’une armoire. J’ai vu un sourire fugitif faire trembler ses lèvres ; sa main serrait la mienne plus fort en franchissant la porte pour ne s’arrêter qu’au pied du lit où elle s’est retournée.
Ce moment … celui où j’allais découvrir une autre que moi, où j’allais me donner, j’en avais souvent rêvé, si souvent, tellement plus souvent que ça ne m’est arrivé réellement.
J’avais imaginé … de notre premier baiser sur la terrasse au moment où elle s’est redressée en écartant le drap qui nous protégeait de la fraîcheur de la nuit qui entrait par la porte fenêtre, échappant à mes bras pour allumer la lampe de chevet, j’avais perdu la notion du temps.
Une heure ? deux heures ? plus ? peu importe, je n’ai gardé qu’un souvenir diffus, d’émotions, de chaleur, quelques images floues, isolées …
… je revois ses yeux noirs écarquillés et le pli à son front quand j’ai ouvert sa robe et dégrafé son soutien-gorge, le très bref étirement de ses lèvres et ses yeux qui se fermaient, tête rejetée en arrière quand j’ai pris ses seins dans mes mains. Je me souviens de la fièvre, la mienne et la sienne, du soupir d’une respiration longtemps retenue quand nous avons basculé sur le lit, mais je ne sais plus si c’est elle qui m’a déshabillée, ou si c’est moi. Je sais que très longtemps nos mains sont restées timides, que nos corps s’apprenaient lentement pendant nos baisers, de sa cuisse entre mes jambes pour la première caresse, de la douceur de ses seins sur mes seins. Qui d’elle ou moi, la première … peu importe … Le chaud de son sexe, la douceur onctueuse, la perle de transpiration sur sa tempe et les soubresauts de son ventre qui montait vers ma main, qui effleurait à peine, et déjà son plaisir. Le mien ? oui, bien sûr, mais je ne me souviens pas, ni quand ni comment, après elle, ça je sais, j’étais trop occupée d’elle pour me souvenir.
Plusieurs fois je sentais sous mes doigts l’anneau froid qui perçait sa lèvre, j’y revenais souvent, intriguée et curieuse au début, et le ventre crispé, ça je me souviens, d’une brusque excitation à découvrir ce métal froid qui martyrisait sa lèvre épaisse et lisse, du frisson aussi au contact de ma cuisse à son ventre, à la deviner si nue où moi je me gardais naturelle.
Je me souviens aussi qu’au début j’ai eu un instant d’inquiétude à essayer de retrouver la dernière image de moi nue, dans ma salle de bains, la première image qu’elle aurait de moi, de mon corps, flash d’inquiétude, aussi, que l’exubérance de ma toison ne lui déplaise quand elle se préférait lisse.
Elle s’est levée pour fermer la porte fenêtre et dans la petite lumière de la lampe de chevet, je l’ai vue nue loin de moi pour la première fois. Elle s’est figée sous mon regard, et avec un petit rire s’est cachée des ses deux mains. Je me suis assise au bord du lit pour prendre ses mains dans les miennes, et découvrir de mes yeux cet anneau que mes doigts avaient découvert. Sa peau mate, ses petits seins, l’arrondi de ses hanches, le bombé du ventre et le large triangle de son sexe au mont de Vénus saillant, les lèvres charnues, la petite dentelle plus sombre des petites lèvres où ses cuisses se serraient, à peine entrevues, et l’anneau, piqué à mi-hauteur de la fente des lèvres, les maintenant entrouvertes et laissant apparent le petit bourrelet de chair rose à leur naissance … mes yeux ne pouvaient se détacher de cet anneau et mon ventre se crispait à sa vue. J’avais déjà vu des images, qui m’avaient déplu, et sur elle, cet anneau me procurait de longs frissons d’excitation.
Je l’ai attirée vers moi, j’ai embrassé son ventre, embrassé sa lèvre percée et l’anneau. Je l’ai attirée sur ma bouche en m’allongeant sur le lit et j’ai goûté son sexe, bu sa liqueur blanchâtre, épaisse qui venait à mes lèvres par lentes coulées. Elle a joui sur ma bouche en tremblant de ses cuisses et de son ventre, et souvent, abandonnant son bouton et le repli qui le cachait ma langue revenait sur l’anneau qui perçait sa lèvre.
Sans doute à cause de cet anneau, les caresses que je voulais, que j’ai demandées de pression de ma main sur ses doigts, réclamées de murmures à son oreille quand le plaisir montait, étaient plus dures, plus profondes, plus intimes aussi dès cette première nuit d’amour. Je voulais ses doigts en moi, dans mon ventre et entre mes reins, je voulais être forcée, malmenée.
Jamais à aucune avant elle, par pudeur, par honte aussi, je n’avais osé demander cela, et je ne connaissais de ces plaisirs cachés, que ceux que je me donnais en solitaire.
C’est le lendemain de notre rencontre qu’elle m’a dit :
— Le même que moi … de l’autre côté … symétrique … là … tu veux ?
On ne se connaissait que de la fièvre de notre première nuit, et elle ne pouvait pas savoir que ce que je lui avais montré de moi dépassait de loin ma réserve habituelle.
Notre première nuit … je crois que cette nuit-là, j’ai reçu d’elle et je lui ai donné plus que je n’avais osé l’imaginer pour une vie.
(une suite ? oui bientôt la 2ème partie!)
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Les avis des lecteurs
Quel style !
C'est magnifique. Ce crescendo, très lent, dans l'apparition du désir, sa montée en puissance jusqu'à son apothéose... J'adore !
C'est magnifique. Ce crescendo, très lent, dans l'apparition du désir, sa montée en puissance jusqu'à son apothéose... J'adore !