Et ma cervelle baignait joyeusement dans le houblon comme dans du formol

- Par l'auteur HDS lepetitprincesalace -
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Récit libertin : Et ma cervelle baignait joyeusement dans le houblon comme dans du formol Histoire érotique Publiée sur HDS le 13-07-2024 dans la catégorie En solitaire
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Et ma cervelle baignait joyeusement dans le houblon comme dans du formol
Les insomnies n'en finissaient plus. Je n’avais, une fois encore, qu’une poignée d’heures de sommeil dans le nez. Mon palais l'avait mauvaise. Irrité, il me brûlait à tel point que je fus incapable de respirer une fois sur deux. J'avais l'impression de respirer à travers une serviette imbibée d'eau chaude ou en face d'un four. C'était comme se noyer avec de l’air. Les nausées remplaçaient souvent la faim quand je me levais trop tôt. J'ai donc sauté le petit déjeuner et n'ayant rien de prévu aujourd’hui, je décidai de sortir faire un tour un simple mug de café dans l’estomac.


Je pris à droite en sortant de la résidence, marchai jusqu’au premier carrefour de l’avenue et m’engageais dans la rue de gauche à l’intersection. C'était une interminable côte, et je dus m'y prendre à deux fois pour en avaler tout le bitume. J'atteignis finalement le bout comme un chien sous canicule, et traînai lentement le pas jusqu’au parc où il me plaisait d’aller m’asseoir pour y lire un livre.


Je passai quasiment toute la journée au parc, à lire, penser, regarder les nuages, les gens et leurs chiens. Parfois il m'arrivais d'écrire les quelques bêtises qui me passaient par la tête. Mais aujourd'hui était l'une de ces journées sans. Le banc était placé sous un arbre dans un petit chemin à l’écart des autres. Il était recouvert de fientes séchées et il m'en a fallu de peu pour faire partit du décor quand je vis une merde de piaf s'écraser à quelques centimètres de ma chaussure. Ça restait un coin tranquille avec peu de passage. Anodin en soit, mais ça me correspondait bien.


Mon estomac me rappelai alors que je n'avais qu'un americano et paquet de cigarillos bon marché pour seul repas depuis ce matin. Je ne me sentais pas de cuisiner pour autant. Et ca faisait plus d’un mois que ça durait. Mes journées se partageaient la plupart du temps entre jeûner ou me gaver une fois par jour en mangeant pour deux, histoire de tenir le temps qu'il faut. La flemme n'est autre que la petite sœur de la fatigue. Et comme souvent elle me faisait les yeux doux, ce qui influença grandement mon choix d’aller tromper la faim avec quelques verres sur la capitale.


Le bus pour la gare n'était qu'à une rue d'ici. C'était plus rapide que de rentrer prendre la voiture à la résidence pour m'y rendre. Cinq arrêts plus tard, je titubais de fatigue, essayant tant bien que mal de me frayer un chemin dans la marée humaine qui la noircissait la grande place comme du pétrole à la surface de l’eau. Il me fallut un peu plus de trois minutes pour en venir à bout, acheter un ticket et sauter dans le premier train en direction pour la ville lumière.


Les transports ici faisaient office de court des miracles. Même le progrès allait à reculons quand on était pauvre. Il s’y passait toujours quelque chose. C’était parfois marrant, parfois triste, souvent violent mais dans tous les cas, la tranquillité y était un concept fumeux. Je descendis machinalement au même arrêt que d’habitude et arpentais maintenant les rues animées de la capitale. Il faisait déjà nuit. J’errais sans vraiment savoir où j’allais dans le carnage sensoriel propre aux grandes villes. Klaxons, pisse, sonnettes de vélos, phares, poubelles, hurlements et moteurs en tout genre m’avaient violés les sens depuis tellement longtemps que j’eus finis par m’y faire, comme tout le monde. Pas le choix. Je n'avais pas les moyens d'aller chercher de l'herbe plus verte ailleurs et n'étais pas vraiment certain d'en avoir envie. Ça avait beau être de l'auto mutilation à ce stade, mais le confort nous le rendait bien. Et c'était toujours mieux que rien. Souffrir mais confortablement, l'équilibre était respecté.


Je marchais souvent la tête presque à la verticale pour regarder les nuages, ce qui me valait de belles chutes et n’aidait en rien à soulager mes douleurs chroniques à la nuque. Mais quand le ciel en était orphelin, mon regard se balançait comme il était en train de le faire entre le sol et le corps des femmes qui le croisait. Mollets, cuisses, hanches, entres jambes, bas ventre, ventres, culs, seins. Tout y passait, sauf le visage. J’étais bien trop lâche pour monter jusque là.


Ma lâcheté me conduisit jusque dans le quartier rouge. Il faisait bon d'être lâche, pensai-je. Je me retrouvais au beau milieu d’une large ruelle pavée et noyée dans la luxure des commerces pour adultes. Les néons multicolores de chaque enseignes me transperçaient les yeux à m'en griller les rétines. Ça faisait un mal de chien. J'ai toujours été sensible à la lumière, ou peut-être était-ce psychologique. J'avais surtout peur de m'abîmer les yeux, et de ne plus pouvoir admirer la beauté d'un paysage ou d'un corps de femme. La musique des clubs de strip-tease m’appelait comme le chant des Sirènes et mes jambes se mirent à bouger toutes seules. Même les énormes bouchons dégueulasses de cire naturelle qui gisaient dans mes oreilles crades ne pouvaient empêcher l’inévitable. J’allais donc de Charybde en Scylla, d’un magasin de sex-shop à un club de strip-tease en passant par un cinéma porno. Le club de strip-tease fut sans trop de suspens mon point de chute.


Je m’échouais au comptoir pour y commander une bière et profitais de l’attente pour lorgner les danseuses. Elles se relayaient comme les mannequins d’un défilé de mode, les vêtements en moins. Styliste ou pervers, nous n’étions pas si différent. Deux espèces hypocrites qui partageaient la même finalité commune et égoïste, celle du plaisir des yeux et des fantasmes les plus désinhibés dont hommes comme femmes en étaient le carburant.


J’entamais ma troisième pinte quand la danseuse suivante fut annoncée. Chaque bière que je commandais allait de paire avec la chevelure de la danseuse qui faisait son show. D'abord une brune, puis une rousse, et maintenant une blonde. Elle répondait au nom de scène Vivi. Un vrai nom de pute pensai-je, et dont j’imaginais le corps aussi dégueulasse que le taudis où elle se tortillait pour les quelques malheureux billets qui arrondissaient sûrement ses fin de mois. J’appris plus tard que Vivi était le diminutif de son vrai prénom. Quand elle arriva sur scène, mon sang ne fit qu'un tour.


Vivi fut ma professeur de Latin au collège, et accessoirement de Grecque ancien quand elle n’enseignait pas le Français à d’autres classes. J'eus abandonné depuis si longtemps l’idée de pouvoir un jour la recroiser qu’imaginer la voir ici sur cette scène retournait de la pure folie. Mais je n'étais pas fou, et encore moins bourré. Du moins pas encore. Elle était belle et bien là. Elle n’avait pas changée. Elle et sa taille de guêpe aux larges hanches; ses énormes mamelles naturelles et laiteuses éclaboussées de petits grains de beauté qui mimaient des tâches de rousseurs; sa peau maculée d’un blanc aussi pâle que le tableau qu'elle avait l’habitude de noircir de son savoir; sa bouche pulpeuse qui lui donnait de faux airs de bouche à pipes; son cul ni trop plat ni trop bombé dont les pantalons de soie qu’elle portait et desquels je fus longtemps jaloux venaient se glisser bien au chaud dans sa raie, ses longues jambes aux cuisses charnues et toujours perchées sur des escarpins, dont elle avait aujourd'hui troqué le raffinement pour la vulgarité caractérielle d’échasses en plastique fluorescent.


Toute mon adolescence je me l’étais imaginée entièrement nue devant moi. Peu importait l’endroit où nous étions et les vêtements qu’elle portait. Les salles de classes comme les couloirs de l'école s'étaient transformés en terrain de jeu pour mon imagination abrutie par le porno. Mais mon lit restait néanmoins le plus confortable pour en tirer tout un potentiel.
Ce soir j’étais vernis. Elle était entièrement nue, pour de vrai. Elle ne portait qu’un bout de tissu en satin blanc brillant en guise de collier et une paire d’énormes talons à lanières qui lui jambonnait la chair des chevilles jusqu’aux genoux. Elle s'était coiffée comme à l’époque. Un chignon duquel pendouillait une longue mèche bouclée et rebelle le long de sa pommette gauche. Parfois, sa coiffure ressemblait juste à une énorme méduse dorée qui dansait au dessus de son crâne à chacun des pas qui composait sa foulée pleine d’assurance. Je pouvais même entendre sa voix résonner dans son regard. Toujours aussi ferme. Mais toute cette supercherie de la femme cultivée indépendante et qui suinte la confiance en soit n’avait d’emprise que sur les crétins qui ne la regardaient pas avec mes yeux. Ça n’était qu’une eau savonneuse qui lui glissait sur le corps au moindre doute. Mais c’est l'hypocrisie sociétale qui voulait ça. Les muscles forts régnaient naïvement en maître. Ceux des bites saillantes et galvanisées par les femmes comme Vivi.


Je m’approchai finalement de la scène et m’enfonça dans un des fauteuils en cuir vissés à quelques centimètres du bord. Elle devait être à deux légers mètres de moi quand nos regard s’emboîtèrent l’un dans l’autre pour la première fois depuis quatorze ans. Ses énormes billes vertes dans mes flaques bleus. Je n’avais pas la moindre idée si elle m’eut reconnu. Elle ne laissa rien transparaître. Elle s’adossa à la barre de pole-danse, cambrant excessivement son bas ventre vers l’avant, comme une invitation à venir lui drainer le con au goulot. Puis elle glissa doucement le long du support métallique, avant que la chaire pulpeuse de ses fesses ne vint doucement s’aplatir sur le vernis noir brillant de la scène. Ses cuisses étaient presque à l’horizontale. Nous nous regardâmes tout le long sans déviés le regard, comme deux prédateurs prêts à se sauter à la gorge. Elle avait un petit monticule de poils pubiens blonds et parfaitement sculpté qui surplombait sa vulve bien en évidence. Je sortis un billet et le colla sur sa chatte. Ses lèvres gluantes transpercèrent le papier noircit par la mouille et vinrent déposer un doux baiser, chaud et gras, sur le bout de mes doigts. Elle souri et me fit un signe avec ses doigts qui j'ai supposé, signifiait de l'attendre jusqu'à la fin de son service.


J’étais maintenant enfoncé dans le cuir de mon siège et la regardait danser. Je venais d’en prendre plein la gueule. J'avais maintenant vu défiler sous mon nez les couleurs de cheveux de toutes les danseuses pour autant de bières sifflées quand moi et les quelques clients qui restaient furent tous mis à la porte par le patron lui même.
Je n’étais pas bourré, mais mon cerveau baignait joyeusement dans le houblon comme dans du formol. J’allumai un cigares et attendis Vivi un peu à l’écart. Une quinzaine de minutes plus tard, elle me rejoint une cigarette froissée et tâchée d'un rouge à lèvres pourpre au bec. Je craquai une autre allumette en bon gentlemen et nous fumâmes dans le silence. Elle avait toujours ce bon vieux style décontracté aux influences rétros. Un jean serré à la taille par une ceinture à l’énorme boucle en forme d’anneau et dont les chevilles bouffantes dissimulaient timidement ses chevilles, une veste de biker en cuir pourpre style crop top et une chemise blanche au col cubain déboutonné jusqu’à la naissance de son décolleté.


- Le monde est pas si vaste que ça finalement. pensais-je à voix haute entre deux bouffées.


J'eus droit à son sourire pour la deuxième fois ce soir. C'était PRESQUE aussi satisfaisant que tout le reste. Elle fixait le sol une main posée dans le creux du coude opposé. Elle m'avait bel et bien reconnu. La gêne s'était finalement dissipée et avait laissée place à la légèreté de la nuit. Nous comprîmes que le monde que nous avions connus et celui dans lequel nous étions ce soir étaient différents. Je n’étais plus son élève, et elle n’était plus ma professeur. Nous étions de simples adultes. Deux, simples adultes qui se laissaient traîner où bon leur semble par la vie comme un cadavre à l’arrière d’une voiture.


Nous discutâmes une petite partie de la nuit de tout et de rien. Nos familles, nos parcours et même notre passé commun. J’en profitais alors pour lui confesser toutes les saletés qui m’avaient encrassées l’esprit du temps où j’étais son élève. Elle me répondit avec désinvolture qu'elle s'en était doutée et n'en fut pas surpris. C'était, déjà à l'époque, une femme relativement perspicace. Et elle n'avait rien perdu de sa superbe.


Il était presque quatre heure du matin maintenant. Elle comme moi n'étions pas plus en forme que l'épave carbonisée sur laquelle nous nous étions adossés.


- J'habite deux rues plus loin, tu veux venir ? demanda-t-elle

- Je me sens pas très bien et n'ai rien mangé de la journée.

- Je te ferais un truc à manger si tu veux.

- Une prochaine fois peut-être.

- Tu reviendras me voir ?

- C'est fort probable.


Je regardais alors le fantasme d'une vie s'éloigner jusqu'à l'angle de la rue. Mon cœur a battu en rythme avec sa foulée un court instant. Puis elle disparue. Depuis toujours je me faisais des idées sur les choses que je souhaitais accomplir, quelle qu'elle soit. Et chaque fois, je tombais de haut. L'imaginaire rendait toujours mieux que la réalité. À chaque fois, j’avais repoussé l’illusion du bonheur un peu plus loin dans la perfection inatteignable que je m’en étais faite dans mes pensées. Son corps, lui, fut pourtant la seule chose qui n’était pas différent de l'idée que je m'en était faite. Ça aurait sans doute dû faire déjouer les pronostics et apaiser mon appréhension. Et pourtant. La peur m'avait saisit les tripes suffisamment fort pour me faire fuir comme on fuit un danger. Toujours la tête baissée, l'esprit otage du cœur.


Je trouvais sans trop de difficulté un noctilien en contrebas du quartier Rouge pour rentrer. Nous n’étions que deux sans compter le chauffeur. Moi, et un clochard venu bercer sa misère au chaud le temps d’une balade nocturne. Je fis un brève détour par le parc. Le soleil allait bientôt terminer sa nuit et j'allais vainement tenter de commencer la mienne.

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