Il venait d'avoir 18 ans (partie 3 de 3)
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 08-01-2025 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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Il venait d'avoir 18 ans (partie 3 de 3)
Valentin par Nico (partie 3)
Matin J-3 avant mon départ.
Ce matin, tu n’es pas là non plus. Tu as carrément découché. Ce matin est donc un triste matin.
Je suis en manque, en manque de toi. Chaque instant de ma journée tend alors vers toi, dans l’attente interminable de ton arrivée la nuit venue, dans l’attente d’une dose de ta bogossitude. Car je suis désormais clairement en manque.
J’espère vraiment que tu vas rentrer. Je ne vais pas tenir deux nuits d’affilé sans te voir.
D’autant plus que le compte à rebours de mon départ hante désormais chacun des instants où je pense à toi. C’est-à-dire, chaque instant de mon temps d’éveil.
Cette nuit, tu rentres enfin. Une fois de plus, tu portes un t-shirt blanc qui te va comme un gant, et qui crée un délicieux contraste avec ta peau mate. Tu es sexy en diable. Je suis allongé sur l’une des chaises longues du jardin. Et, à ma grande surprise, tu prends place sur la deuxième, à tout juste un mètre de moi.
Nous buvons une bière dans le jardin en profitant de la douce fraîcheur nocturne, l’incessant chant des cigales en fond sonore. Au fil des gorgées, tu te lâches. D’ailleurs, tu me sembles déjà un peu éméché. Et ça délie ta langue. Tu me racontes que tu as bu des coups avec tes potes. Mais tu me parles aussi d’une nana que tu aurais eu envie de serrer, une serveuse, une nana de ton âge, mais qui ne s’intéresse pas à toi. Tu me racontes à quel point elle te fait fantasmer.
Tu me racontes les envies que cette nana t’inspire, tu me les racontes dans les moindres détails, je bous de l’intérieur, je bande à en avoir mal.
Tu es désormais parfaitement conscient qu’il suffirait de si peu pour que ça bascule. Tu me chauffes, tu me nargues comme on ferait avec un bidon d’essence avec un briquet, mais tu te tiens toujours à une distance suffisante, tout juste suffisante pour que l’incendie ne démarre pas. C’est un jeu d’équilibriste que tu maitrises à la perfection. Tu joues avec mes nerfs, avec mon désir. Tu me pièges avec mon désir.
Tu es là, si près de moi, allongé sur cette chaise longue, les cuisses légèrement écartées, position suggestive s’il en est, et il suffirait que j’allonge mon bras pour te toucher.
Définitivement, ça t’amuse de jouer avec moi. Mais pourquoi te contenter de jouer, alors qu’il suffirait d’un geste, d’un seul, pour que je te fasse jouir ? Une seule voyelle diffère, et un tout autre monde s’offrirait à toi, à nous.
Peut-être que toi aussi tu as envie qu’il se passe un truc entre nous, que tu as envie d’essayer avec un mec, de comprendre qui tu es. Un mec qui est là, à tes pieds, et à qui, tu le sais désormais, tu pourrais demander tout ce que tu veux. Un mec qui ne te refuserait rien.
As-tu vraiment envie d’essayer avec un garçon, ou bien est-ce que c’est avant tout le fait de voir dans quel état tu es capable de me mettre qui te plaît, que tu kiffes avant tout ? Est-ce que ce kif te suffit, et tu n’envisages nullement de passer à l’acte avec un mec, et surtout pas avec moi ? Est-ce que tu découvres avec moi l’effet que tu pourras exercer plus tard avec d’autres mecs ? Des garçons de ton âge, des garçons « de ton espèce », des garçons aussi beaux que toi.
Je te désire comme un fou. Et le dernier rempart contre la folie n’est autre que la peur. La peur de me méprendre sur tes intentions. La peur de ta réaction, si j’osais quelque chose. Et aussi la peur la plus grande de toutes, celle de m’attacher excessivement à toi, a fortiori s’il se passait quelque chose. Appelons un chat un chat, c’est la peur de tomber amoureux de toi, de plus pouvoir me passer de toi, alors que tu as ta vie, ta jeunesse à vivre, et que tu n’es pas prêt à aimer comme j’en aurais besoin.
Tomber amoureux de toi ce serait me condamner à être terriblement malheureux.
D’ailleurs, je me demande si je ne le suis déjà un peu, amoureux et malheureux à cause de toi. Je sens monter ça en moi, ce manque de chaque instant, je sens la tendresse se mélanger avec le désir. Je sens ce mélange explosif chauffer en moi, et ça me fait peur. Par moment, un éclair de lucidité me suggère de partir sans tarder, de partir sur le champ. Pour couper net à ce sentiment naissant avant que ce ne soit trop tard, avant que l’addition ne s’installe pour de bon, pour m’éviter un sevrage brutal et douloureux du jour de mon départ. Hélas, lorsqu’on commence à se dire qu’il faut se préserver d’une addiction, c’est que cette addiction nous cerne déjà.
L’addiction à toi fait des ravages en moi, beau Valentin. Tu es trop tentant, et si proche.
Mais quoi faire de cette addiction, alors que je n’ose rien à part te contempler, te désirer, et me torturer l’esprit ? Quoi en faire, de cette addiction, à part me laisser dévorer ?
Ton monologue interminable d’hétéro de base fantasmant sur les nanas à gros seins n’a pas de fin, ça tourne en boucle et ça commencée sérieusement à me saouler. Noyant par la même occasion les promesses que cette conversation semblait porter au départ dans un océan de frustration sans fin. Je m’en fous de t’entendre raconter tes fantasmes, moi j’ai envie de réaliser les miens, et les tiens par la même occasion, même ceux dont tu n’as mes pas encore conscience !
Mais aucun signe clair ne vient de ta part. Je dois me rendre à l’évidence, un mur de verre infranchissable sépare ma vie de la tienne, mon plaisir du tien. Chaque instant qui passe est une petite mort pour moi. Non, je n’oserai rien tenter, et tu ne feras pas ce petit pas vers moi qui ferait tout basculer. Non, ce soir non plus je ne connaitrai pas le bonheur de te faire jouir. C’est foutu, une fois de plus, et c’est foutu tout court. Le jour de mon départ va arriver, et il ne se sera rien passé entre nous, beau Valentin.
L’heure tourne, la fatigue me saisit, rendant ma frustration de plus en plus cuisante. Te voir à la fois si proche et si inaccessible, tout comme t’entendre raconter tes fantasmes en bouche est désormais au-dessus de mes forces.
Je me lève de la chaise longue, je m’approche de ma porte. Tu me suis, tu t’approches de moi, vraiment très près, tu continues à me parler, tu es intarissable cette nuit. On dirait que tu veux me retenir. Pour quoi faire ?
Te voir de si près me fait bouillir. Ton parfum, les détails de ta peau mate, le grain de ta peau, le petit grain de beauté au creux de ton cou. Je craque ! Je suis excité au possible. Je bande comme un âne. Ma frustration m’étouffe, me terrasse. Je cherche à fuir, à te fuir. J’ai besoin de me refugier dans ma tanière, j’ai besoin de me protéger de toi, de me couper de toi.
Mais tu dérives désormais vers ta porte, tu ne me lâches pas. Ta voix est comme le son du pipeau magique, ça me charme, je te suis. Je te suivrai au bout du monde, je me noierais dans la rivière pour te suivre. Surtout si tu me permettais d’accéder à ce pipeau que tu ne réserves qu’aux nanas !
Tu te déplaces petit pas par petit pas, sans jamais arrêter de me parler, ton regard planté dans le mien. On dirait vraiment que tu veux m’attirer vers toi.
Tu es désormais sur le pas de ta porte, et j’ai furieusement envie de me mettre à genoux et de te sucer.
Ton regard est de plus en plus caressant et sensuel. Tu continues à me parler, tu passes le seuil de dans ton gîte, je te suis, je passe à mon tour le seuil de ta porte. Pénétrer enfin dans ta tanière décuple mon excitation, mes narines sont saisies par un mélange olfactif composé de l’odeur froid de cigarette et ton parfum, une empreinte olfactive qui imprègne l’air et qui me rappelle instantanément à ton intimité et, par ricochet, à ta virilité.
J'ai envie de toi, putaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiiiin !!!!
— J’ai envie de la faire couiner pendant toute une nuit ! tu lances, vantard, au sujet de cette nana sur qui tu fantasmes.
Moi aussi j’ai envie que tu me fasses couiner pendant toute une nuit, putain de bogoss ! J’aimerais tellement avoir le cran de te le dire haut et fort !
— Et toi, c’est qui que tu as envie de faire couiner ? tu enchaînes à brûle pourpoint.
— De… de quoi ? je me trouve déstabilisé.
— A moins que t’aies plutôt envie qu’on te fasse couiner… tu insinues.
— Ça dépend du gars avec qui je suis…
— Tu es versa ?
— Tu connais ce mot, toi…
— Oui, Monsieur !
— On peut dire que je suis versa, oui, si on veut…
— Et avec un gars comme moi, tu serais quoi ?
— Je… je… je ne sais pas…
— Tu me kiffes, hein ?
— Tu es beau mec, c’est certain.
— Je pense que si j’étais partant, tu ne dirais pas non…
— Il y a des chances…
— Mais je suis hétéro, alors, pas de chances !
A cet instant, je réalise que je n’en peux plus. Je sens monter en moi un épuisement moral et physique. J’ai besoin que ça cesse.
— Je te souhaite la bonne nuit, je m’entends lâcher, la voix basse, épuisée.
La pression du désir et le déchirement de la frustration ont fini par provoquer un black-out cérébral. Cette « Bonne nuit », est ma façon de me délivrer de tout cela, le bouton « Arrêt de sécurité ». Je sais que, ce faisant, je nique toute possibilité qu’il se passe quoi que ce soit avec toi. Mais cette « Bonne nuit » est avant tout un instinct de survie.
— Déjà tu te couches ? tu me lances, l’air étonné.
Est-ce que tu voudrais que je reste encore ? Mais à quoi bon, au final ? De toute façon, je ne vais oser rentrer dans ton jeu. De toute façon, comme tu l’as dit, tu es hétéro. De toute façon, il ne se passera rien entre nous.
— Je tombe de sommeil, je confirme mon forfait.
— Alors bonne nuit, papi ! tu te moques. N’oublie pas ta tisane !
Je n’ai la présence d’esprit ni l’énergie d’ajouter quoi que ce soit à ta réplique de sale petit con.
Mon cœur bat à tout rompre, et j’ai la tête qui tourne. Je me lève, j’avance jusqu’à la porte de mon gîte et je m’enferme dedans.
Pendant il long moment, je reste immobile derrière ma porte, comme un animal tapi dans sa tanière. Je me déteste pour ce forfait. Je voudrais pouvoir remonter le temps, trouver les bonnes répliques pour savoir te séduire. Mais c’est bien au-dessus de mes forces.
Un instant plus tard, j’entends le grincement bien connu des gonds de ta porte. Je me déteste à un point que j’ai envie de me jeter d’un pont. Pourquoi, pourquoi j’ai fait ça ? Pourquoi j’ai fui de cette façon idiote ? Qu’est-ce que tu dois désormais penser de moi, qui a passé des semaines à te mater et qui ne suis même pas foutu d’assumer mon désir ?
Je passe toute une nuit blanche à me dire qu’il aurait suffi de peu pour que ça bascule entre nous. Et que j’ai encore laissé passer une occasion qui ne se représentera pas.
Je me sens idiot, honteux. Je suis tellement mal que n’ai même pas envie de me branler.
Après ce qui vient de se passer, je sais que je vais être très mal à la l’aise vis-à-vis de toi. Vivement que mon séjour arrive à la fin. Je me dis que je ferais bien de partir dès le lendemain, avant de te croiser, avant que tu racontes à ta grand-mère que j’ai essayé de coucher avec toi.
Matin J-2 avant mon départ.
Il fait gris aujourd’hui. Il y a beaucoup de vent, et il fait frais. Après avoir pris le petit déj avec ta grand-mère, je me refugie dans mes appartements. En attendant de décider quand je vais partir, je t’évite. Pour ne plus être confronté à ta beauté, à ta jeunesse, à la tentation, à ce désir qui me ronge depuis des semaines et qui habite désormais toutes mes journées, pour ne plus être confronté à la frustration. Je t’évite par-dessus tout pour ne pas croiser ton regard dans lequel j’ai peur d’y lire de l’hostilité, du dégoût. Pour ne pas être confronté à la honte.
Je ferme la porte, les rideaux, je me refugie dans ma forteresse faite de mots et de ponctuation. Le matin avance, je t’entends sortir de ta tanière, aller prendre le petit déj, échanger quelques mots avec ta grand-mère. Je t’entends rire, tu as l’air joyeux ce matin. Est-ce que tu te souviens de ce qui a failli se passer la nuit dernière ? Est-ce que tu es content de ne pas me trouver sur ton chemin ce matin, dans ton champ de vision ?
Même avec la porte fermée, j’entends tes pas sur les gravillons, je t’entends approcher. Pendant un instant, je m’imagine que tu vas venir toquer à ma porte et me demander pourquoi je me barricade chez moi. Mais tu traces tout droit vers ton gîte, bien évidemment. Malgré la porte fermée, un peu de la fumée de ta cigarette parvient quand-même à mes narines, à me parler de ta présence inaccessible. Ce matin, je ne t’ai pas vu, je t’ai juste entendu, juste senti. Et j’ai toujours autant envie de toi, p’tit con !
Tes nouveaux pas sur les gravillons, une heure plus tard, me notifient ton départ au travail. Et mon esprit retrouve enfin le calme nécessaire pour envisager de faire autre chose de ma journée que de penser à toi obsessionnellement. Je pars à la plage, et la journée file à toute vitesse.
Lorsque l’après-midi touche à sa fin, je n’ai plus envie de partir. Apparemment, tu n’as rien dit à ta grand-mère de ce qui s’est passé la nuit dernière. Elle est toujours aussi avenante avec moi. Alors, je me dis qu’une nuit de plus ça ne peut pas me tuer. Au pire, je partirai demain.
Aussi, et surtout, j’ai envie de te revoir une dernière fois, et de savoir si tu es vexé par ma réaction de la veille. Si tu l’es, j’ai envie de m’excuser. Tu ne seras jamais attiré par moi, mais je ne veux pas qu’en plus tu sois fâché avec moi.
Nuit suivante le matin J-2 avant mon départ.
Cette nuit, l’attente est assommante. Une heure du matin arrive, puis deux heures, et tu n’es toujours pas là. Je n’ai la tête à rien, sauf à t’attendre et à essayer l’impossible. Je me répète des dizaines de fois les mots que je voudrais te dire. Je t’attends dans le jardin, je ne veux pas te rater. Je t’attends la boule au ventre, comme en apnée, redoutant ta réaction, perdant un peu plus mes moyens et ma motivation à chaque minute qui passe. Je commence à désespérer de te voir rentrer. Je me dis qu’après ce qui s’est passé la nuit dernière, tu vas découcher pour éviter de me croiser.
Mais tu finis par rentrer. Il est presque deux heures trente. Et tu es beau comme un Dieu. Tes cheveux insolents vers l’avant, en bataille, rebondissent à chacun de tes pas. Tu portes un t-shirt vert militaire bandant à souhait.
J’attends avec impatience de croiser ton regard, de découvrir sa teneur à mon égard. Tu as l’air de m’ignorer, ça démarre mal. Visiblement, tu te souviens très bien de ce qui s’est passé la nuit dernière, et tu m’en veux. Mais je dois en avoir le cœur net.
— Salut ! je te lance, pas très assuré.
— Salut ! tu me réponds.
Et tu t’arrêtes net, tu me regardes, tu souris.
— Ça va ?
— Bien, bien…
— Tant mieux alors…
— Tu me proposes une bière ? tu enchaînes.
Apparemment, tu n’es pas vexé pour un sou. Je me suis fait mille films pour rien. Soudain, ma honte s’évapore, laissant la place à un espoir qui vient de renaitre de ses cendres. Je suis curieux de voir comment cette nuit, l’avant-dernière de mon séjour, va se ficeler.
Installés à la table du jardin, autour d’une bière et d’une cigarette, en cette douce nuit estivale bercé par un fond sonore de cigales, tu as moins envie de parler que d’écouter.
Tu me demandes comment j’ai su que j’étais pédé, comment je m’y suis pris pour rencontrer des gars comme moi, comment j’ai pu assumer qui j’étais et si ça n’a pas été trop dur.
Tes questions ressemblent à celles que j’aurais moi-même posées à ton âge à un garçon homo de mon âge, si seulement j’avais eu la chance d’en croiser un. J’aurais eu tellement besoin d’avoir des réponses et d’être rassuré à cette époque !
Est-ce que toi, beau Valentin, t’as ce même besoin d’être rassuré, et pour les mêmes raisons que moi ? Si c’est le cas, je veux bien te faire profiter de mon expérience. Elle vaut ce qu’elle vaut, il y a certainement bien plus à jeter qu’à garder – je suis le roi des mauvais choix, l’artiste des regrets et des remords – mais elle a le mérite d’être authentique.
J’ai bien compris que tu ne me permettras pas de te faire découvrir le plaisir entre garçons. Mais si je peux t’aider ne serait-ce qu’à faire un pas, si petit soit-il, dans le plus grand et dangereux voyage de chaque vie, celui amenant à la connaissance de soi-même, soit. J’en serai fier.
Je te parle de mes douze ans, l’époque où j’ai vraiment réalisé que les garçons attiraient mon regard. Je te parle du harcèlement dont j’ai été victime, de cette boule au ventre qui m’a suivi pendant tout le collège et le lycée. Je te parle de la première fois où j’ai vu Jérém dans la cour du lycée, et de comment j’ai été fou de lui au premier regard. Je te parle de mes révisions de math avec lui, de la façon dont je suis arrivé à l’apprivoiser, lui qui au début voulait juste me baiser, tout en considérant qu’il « n’était pas pédé », lui non plus. Je te parle de ma jalousie, des jours et des nuits passés à me torturer à cause de cette relation. Je te parle de notre belle histoire d’amour, de ses hauts, de ses bas, de nos bonheurs, de nos malheurs, de notre agression homophobe à Paris, de notre séparation. Je te raconte de comment, en m’assumant peu à peu, le regard des autres a perdu d’importance à mes yeux. Et je te parle de ma chance d’avoir été entouré d’une famille et d’amis qui ont tous accepté, ou presque, qui j’étais et qui ne m’on pas rejeté. Je te parle de mon éloignement avec mon père, pendant des mois, après mon coming out. Et de notre rabibochage.
Je te parle de quelques-uns des garçons que j’ai rencontré après Jérém, de cette vaste fumisterie pourtant incontournable que sont les sites et application de rencontres.
Je te dis qu’on ne choisit pas d’être gay, que ce n’est pas une tare, qu’il n’y a que le temps qui peut aider à savoir qui l’on est. Je t’assure qu’on peut très bien vivre en aimant les garçons, et être heureux. Je te raconte que le voyage pour s’assumer est long, que le coming out est difficile, mais qu’on finit par y arriver. Et qu’à ce moment-là, quand on sait enfin qui l’on est et ce que l’on veut et ce que ne l’on veut pas, c’est là que la vie comment vraiment.
Tu écoutes attentivement, sans discontinues de fumer. J’ai l’impression que dans ta tête tu découvres, tu réfléchis, tu compares. Mais je me trompe peut-être. S’il le faut, tu es juste curieux de découvrir la vie et les œuvres d’un pédé, comme si tu regardais un documentaire animalier.
J’aimerais tellement que tu me dises ce que tu ressens, si mes mots ont une résonnance en toi.
Mais il n’en est rien. Je parle longuement, et tu ne fais qu’écouter. Puis, au bout d’une heure, tu te lèves et tu prends congé de moi.
— Ah, au fait, désolé si je t’ai trop chauffé, je n’aurais pas dû. Mais je kiffe trop sentir qu’on a envie de moi.
— C’est pas grave, c’est pas grave. T’es vraiment un beau garçon, ce n’est surement pas la dernière fois que tu attires le regard d’un mec…
— Je pense pas. En tout cas, ce n’est pas la première…
— Comment ça ?
— Parfois, il y a des gars qui me matent au camping…
— Et ça t’a fait quoi de te faire mater par des gars ?
— C’est flatteur…
— Bonne nuit, tu ajoutes sans transition.
Et tu disparais dans ton gîte. Et moi j’ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps.
Quelques heures avant mon départ.
Ce soir, ça sent vraiment la fin des vacances, et ça me fait un drôle d’effet.
Plus que quelques heures et je ne te verrai plus, beau Valentin. Je me suis tellement habitué à ta présence, à ton absence, à l’attente de ton retour, que j’ai du mal à me dire que dès demain toute cette merveilleuse routine sera terminée. Tu m’as donné tellement d’émotions que j’ai peur de m’ennuyer, sans toi. Tu vas terriblement me manquer, beau Valentin.
Oui, cette nuit est la dernière nuit au mas. C’est la dernière attente de ton retour, la dernière fois où je te verrai apparaître après une longue attente. La dernière fois où nous serons que tous les deux dans la nuit chaude et silencieuse.
Je sais désormais qu’il ne se passera rien entre toi et moi, sublime p’tit Dieu.
Quelque part, la discussion que nous avons eu hier soir m’a apaisé. Je trouve une certaine consolation dans le fait d’avoir pu partager mon expérience avec toi, faute d’avoir pu partager nos plaisirs.
Cette nuit, tu rentres plus tôt que d’habitude. Lorsque j’entends tes pas approcher sur les gravillons, mon cœur a des ratés. Je suis encore à l’ordinateur, totalement accaparé par une séquence narrative. Je ne veux pas que tu saches ce que j’écris, je ne tiens pas à ce que tu me poses des questions sur ce jardin secret qu’est pour moi l’écriture. Mais, le temps que je termine ma phrase et que je gratte quelques derniers mots à la va vite afin de ne rien oublier lorsque je reprendrai le travail plus tard, tu es déjà arrivé à hauteur du seuil de mon gîte.
— Salut, tu me lances.
Je suis surpris par ton apparition soudaine dans l’embrasure de ma porte, je suis comme désarçonné. Ce soir, tes beaux cheveux sont vraiment en bataille, plus insolents que jamais, et tu portes un petit t-shirt noir col en V presque trop petit, moulant de très près ton torse dessiné, les manchettes bien serrées autour des biceps. Tu es sexy à faire se damner un Saint. Ton regard pétillant réussirait à émoustiller un bloc de granit.
Je dois avoir l’air d’un gosse surpris avec la main dans le pot de confiture. Je suis mal à l’aise, je transpire. Tu as dû remarquer mon malaise et ça te fait marrer.
— Salut, je finis par te répondre.
Et là, tout ce que je voulais éviter se produit.
— Tu écris quoi dans Word, tout le temps ?
— Une histoire… je tente de gagner du temps.
— Quel genre d’histoire ?
— Une histoire entre garçons…
— Ton histoire à toi ?
— Non, une histoire… inventée… je mens.
— Inventée de toute pièce ? tu insistes.
— Oui, enfin, non. C’est une histoire, mais il y a quand même beaucoup de moi dans cette histoire.
Tu ne demandes pas à en savoir plus. J’imagine que pour un garçon de ton âge, dont les seules passions se résument en quatre mots sport/potes/baise/portable, la lecture est une activité qui appartient aux coutumes du moyen âge.
Je te propose une bière, nous la buvons à la table du jardin.
— Alors, c’est demain que tu te casses ? tu me balances sur un ton railleur.
— Cache ta joie ! je te balance à mon tour.
Tu souris, impitoyable.
— Tu aurais aimé que je reste plus longtemps ? je te cherche.
— Je m’en branle !
J’aimerais penser qu’il y ait un second degré dans tes propos…
— Je serais bien resté un peu plus, mais ta grand-mère a loué le gîte à quelqu’un d’autre.
A présent, tu me regardes droit dans les yeux. Tu sais que je te désire comme un fou, et tu savoures à fond ton triomphe, sale p’tit con !
Le vent caresse ma peau, le chant des cigales enivre mes oreilles, ton parfum et ta fraîcheur vrillent mon esprit. Le désir désespéré que tu m’inspires, ton sourire à la fois charmeur et lubrique se mélangent au « tic-tac » du compte à rebours assourdissant et incessant dans ma tête. Et ça me met dans un état de fébrilité extrême.
Ce soir, malgré le ton cassant de tes mots, il me semble que tu m’envoies des signaux assez clairs. Toi aussi tu réalises que c’est la dernière chance pour qu’il se passe quelque chose entre nous, et tu en as peut-être envie aussi. Tes mots et ton attitude ne racontent pas la même histoire. Alors, je ne sais pas sur quel pied danser.
Je tente d’apaiser ma frustration et ma tristesse en cherchant des arguments. A quoi bon, au final, qu’il se passe quelque chose ? Certes, j’adorerais que cela arrive, mais je sais que ça n’étanchera pas ma soif et mon envie de toi. Et puis, s’il se passait quelque chose entre nous cette nuit, je ne pourrais pas l’oublier, ça me suivrait et ça me hanterait pendant très longtemps, avec le corollaire d’une frustration insupportable causée par le fait de ne pas pouvoir remettre ça. Je t’ai trop désiré, beau Valentin. T’avoir maintenant ce serait me condamner aux affres du manque et du malheur.
J’essaie d’étouffer la partie de moi qui dit que le plus grand des malheurs, la plus grande des frustrations, ce sera le regret de n’avoir réussi à approcher à ta jeune virilité ne serait-ce qu’une seule fois.
Tu finis en même temps ta bière et ta cigarette. Et l’instant magique où tout m’a à nouveau paru possible s’envole avec la dernière gorgée avalée, avec la dernière taffe expulsée.
— Alors, c’est là qu’on se dit au revoir, tu me lances.
J’ai comme l’impression de déceler une sorte de regret dans le ton de ta voix. Mais pas si fort, pas suffisant pour te faire franchir le dernier pas qui sépare nos bonheurs respectifs.
— Je crois bien que oui, je te réponds, la mort dans le cœur.
Tu me tends la main, je te tends la mienne. Ta poignée de main est forte et chaude. Comme celle d’un homme.
— Merci de m’avoir écouté, tu me glisses.
Quel bonheur de t’entendre me remercier ! Même si c’est pour si peu de chose.
— Ça a été un plaisir !
— Et merci d’avoir accepté de me répondre à mes questions…
— Si ça peut t’aider, je m’avance.
— M’aider ? tu sembles t’offusquer.
— Je me suis mal exprimé. Je voulais dire, « si ça peut t’intéresser » je me reprends.
— Maintenant, tu sais comment fonctionne un pédé. C’est pour ta culture générale, je plaisante.
Tu souris, charmant et charmeur au possible.
— Je vais me coucher, je te glisse, comme une perche.
— Moi aussi. Bonne nuit !
J’encaisse cette « bonne nuit » comme une dernière cuisante défaite.
— Bonne nuit, je te glisse à mon tour, la défaite amère.
— Je te dis à une prochaine, parce que demain matin je pars à 9 h, et tu ne seras pas levé…
— Il y a peu de chances…
— T’est pas du matin, toi !
— Non, pas du tout !
— A l’un de ces quatre, mec, tu me lances, avec un sourire à la fois touchant et complice.
— Bonne chance pour tes études, bogoss !
Voilà la pire des façons de prendre congé à tout jamais d’un p’tit mâle comme toi qui m’a inspiré un désir si fort, si insupportable, si douloureux. Je suis vraiment trop con !
Un instant plus tard, la porte de ton gîte se referme derrière toi et tu disparais de ma vue. Le léger grincement des gonds sonne le glas de notre dernière nuit, et du petit bout de chemin pendant lequel nos existences se sont côtoyées avant de diverger à nouveau, et de façon définitive. Ta porte se referme sur mes tout derniers espoirs de partager un moment de sensualité avec toi, beau Valentin.
Je me trouve tellement nul que j’ai envie de me taper la tête contre les murs.
Le matin de mon départ.
Ce matin, je me réveille de bonne heure. Il n’est que six heures, et il fait tout juste jour. Aujourd’hui, il y a du vent, et il fait un temps d’automne. Un temps qui souligne le fait que le mois d’août touche à sa fin. Que l’été touche à sa fin. Ce matin, je me sens comme fiévreux, hanté par les regrets, rongé par la frustration. Ce matin, il fait gris sur la garrigue comme il fait gris dans mon cœur.
Je n’ai pas envie de partir d’ici, de rentrer à Toulouse. Je n’ai pas envie de partir loin de toi, beau Valentin. J’ai envie de rester, j’ai envie de partir vite, et loin, sans me retourner. Peut-être que, quand je serai loin, ce malaise qui m’écrase comme une chape de plomb se dissipera. Peut-être qu’une fois que je serai loin d’ici je trouverai un apaisement. Peut-être que retrouver ma maison et mon Galaakou d’amour va me rendre un semblant de sérénité.
Au petit déj, ta grand-mère est de bonne humeur comme toujours. Elle a envie de discuter. Je me fais violence pour lui donner la réplique, alors que j’ai le cœur lourd, et que les larmes de massent dangereusement au seuil de mes paupières.
Après m’avoir proposé un dernier café, elle part étendre du linge sur le fil. Et dans ce qu’elle étend, je reconnais tes affaires, et uniquement tes affaires. Il y a des shorts, des chaussettes. Mais aussi des boxers. Et des t-shirts, marron, noir, vert militaire. Les émotions visuelles de nos dernières nuits remontent à ma conscience au gré de l’apparition de tes t-shirts sur le fil, au gré de leurs ondulations dans le vent.
I panni stesi al vento mi parlano di te
Le linge sur le fil me dit bien de choses à propos de toi
Comme je prévois de partir vers 9 heures, ta grand-mère me dit au revoir avant d’aller aux courses. Lorsqu’elle disparaît de ma vue, lorsque j’entends le moteur de sa voiture démarrer de l’autre côté de la maison, je sais que je ne la reverrai pas, car je serai parti quand elle rentrera.
Il n’est que 8h30, je rassemble mes affaires, je m’apprête à partir à mon tour. Une partie de moi n’arrive pas à se résigner de ne pas avoir su tenter plus pour t’apprivoiser. Et à partir sans t’avoir revu une toute dernière fois.
Au fond de moi, j’espère toujours que ta porte va s’ouvrir avant mon départ, que tu vas avoir envie de me dire une nouvelle fois « au revoir », tout comme j’en ai envie. Car, même s’il ne s’est rien passé entre nous, nous avons quand-même beaucoup échangé. Je pense que tu m’as dit bien plus de choses qu’à tes parents, qu’à ta grand-mère, qu’à tes potes, ou qui que ce soit d’autre. Entre nous s’est créé une complicité, une sorte d’« intimité ». Il me semble que tout cela mérite bien un dernier « au revoir », un dernier souvenir, un petit cadeau, quelques derniers instants de ta présence.
Je reste de longues minutes assis à la table du jardin à fixer la porte de ton gîte. Neuf heures, neuf heures trente. Elle demeure obstinément fermée, hostilement silencieuse.
Il ne me reste qu’à accepter ce dernier camouflet. Il est là, je ne peux plus l’ignorer. Il ne me reste qu’à baisser la tête, et tenter de faire avec. Mais mon cœur est tellement lourd que mes membres épuisés ont du mal à se mettre en branle pour m’amener loin de là.
Une fois encore un beau garçon m’a laissé le goût d’une immense frustration, un regret d’une ampleur, d’une profondeur rarement atteinte. J’ai souvent désiré des garçons que je n’ai pas pu avoir. Mais jamais un garçon que j’ai désiré m’a autant chauffé, sans qu’au final il ne se passe quoi que ce soit.
J’espère que tu t’es bien amusé, beau Valentin.
J’aimerais savoir ce que tu vas faire, ce que tu vas devenir dans les semaines, les mois, les années à venir. J’aimerais savoir si et quand tu vas franchir le pas avec un garçon. J’aurais aimé être ce garçon. Mais, à défaut de l’être, j’aimerais être ton confident.
Je sais qu’il n’en sera rien, je n’ai même pas pensé à te donner mon numéro de portable. Quel idiot je fais ! On aurait pu s’appeler, tu aurais pu te confier à moi.
Oui, mais non. Avoir ton 06 aurait été complétement inutile. Car notre petite complicité ne survivra pas à la distance. Tu vas vite m’oublier. Tu m’as déjà oublié. Si j’essayais de t’appeler dans une semaine ou dans un mois, tu me rirais au né. Et ça me ferait plus de mal que de bien. Alors, c’est bien ainsi, une séparation sera nette et propre.
Je me lève d’un coup, bien décidé à marcher jusqu’à ma voiture, à partir d’ici, et à rouler sans me retourner, sans m’arrêter, à m’éloigner au plus vite de ce lieu où je viens de subir l’une des plus Toulouse débâcles de ma vie.
Mais j’ai beau me faire violence pour dételer au plus vite. Mes mouvements, mes jambes, ma force physique et mentale ne peuvent rien contre l’épaisse araignée de désir et d’attachement que tu as tissé autour de moi au fil des semaines. J’ai beau essayer d’écouter ma volonté qui me dit de partir sur le champ, mon esprit est captif. Et il tend irrépressiblement vers toi, beau Valentin.
Alors je cesse d’opposer volonté et esprit, et je laisse ce dernier prendre le contrôle de mes actes. Je lâche prise, et je me laisse faire.
Quelques secondes plus tard, je suis devant la porte de ton gîte, le cœur qui tape à tout rompre dans ma poitrine. Mon bras se lève, mon poing se prépare à cogner sur le battant verrouillé.
Je ne veux pas t’importuner, j’ai très peur de t’importuner, mais je ne peux pas partir sans te revoir une dernière fois. Je ne peux m’en passer, ce serait trop dur à supporter !
Alors, je tape. D’abord discrètement. Je tends l’oreille, mais je n’entends aucun bruit de l’autre côté de la porte. Je tape plus fort, j’attends un peu, toujours pas de signe de vie. Je tape plus fort, plus longtemps, je tape comme un fou, comme un fou amoureux.
— Quoi ?!?! je t’entends enfin râler du fond de ton lit.
— Valentin ! je t’appelle.
— Mais qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu es réveillé ?
— Je dors !
— Désolé !
— Tu me casses les couilles !
— Je ne ferais jamais ça ! je plaisante.
Je tends une nouvelle fois l’oreille, et j’entends des bruits provenant de l’intérieur de ton gîte. Visiblement, tu es en train de te lever. Je suis heureux, je vais te voir une dernière fois. Mais en même temps, j’ai peur que tu sois vexé, que tu m’en veuilles de t’avoir tiré de ton sommeil.
Lorsque le battant de ta porte s’ouvre enfin, j’ai l’impression que mon cœur cesse de battre. Tu es là, devant moi, torse nu et boxer noir, les cheveux en bataille, les traces du sommeil sur ta belle petite gueule. Il n’y a pas de mots pour exprimer ce que je ressens à cet instant précis. Ta nudité matinale me saisit comme une puissante claque dans la figure.
Tu fais la gueule, ton regard est noir et orageux, et ça aussi te rend particulièrement bandant ! Et cette cigarette entre les lèvres, c’est pas furieusement bandant, ça ? Je donnerais n’importe quoi pour te sucer sur le champ ou pour te laisser me baiser. A défaut de pouvoir accéder à ta virilité, et même si tu fais la gueule, je profite de cet instant pour te scanner de la tête aux pieds, pour essayer de m’imprégner le plus possible de ta beauté, de ta jeunesse, de ta petitconitude. Je sais que je n’y parviendrai pas, je sais que je ne garderais de toi qu’un souvenir très partiel. Et pourtant bien suffisant à hanter mes jours et mes mois à venir.
— Qu’est-ce que tu veux, putain, t’as vu l’heure ? tu me hurles dessus, tout en allumant ta clope.
Tu me grondes comme on gronderait un gosse qui aurait fait une bêtise. Et je me sens comme un gosse qui aurait fait une bêtise. Mais une bêtise qu’il ne regrette pas une seule seconde.
— Excuse-moi de t’avoir réveillé… je pensais que tu étais déjà débout, je mens.
— Mais t’as vu l’heure ? Tu m’as déjà vu me lever à 9 heures ?
— Non, mais j’ai cru entendre du bruit de ton côté, je mens de façon de plus en plus effrontée.
— Qu’est-ce que tu veux à la fin ? tu me redemandes, en te frottant les yeux.
— Je voulais te dire au revoir…
— On s’est déjà dit au revoir cette nuit ! tu me coupes net, très agacé.
— En fait, j’avais besoin de te revoir une dernière fois, j’avoue finalement, comme un cri du cœur.
— Et voilà, tu m’as vu ! Je peux retourner pioncer, à présent ?
— Tu peux… et encore bonne chance pour tes études… et pour tout le reste !
— Bye ! tu me lances sèchement avant de refermer ta porte avec un geste sec et rapide ayant pour résultat de décupler le grincement sur les gonds.
— J’ai été content de faire ta connaissance, j’arrive à te lancer, alors que le claquement sonore du battant frappe mes oreilles comme une claque, comme une accusation, comme une punition.
Je regarde impuissant la porte désormais barricadée et muette. Ma dernière chance s’est envolée. Car, au fond de moi, j’espérais encore te faire craquer ce matin. Mais je n’ai réussi qu’à te mettre en pétard.
Ça y est, je t’ai revu une dernière fois, je suis content, même si c’est au prix de t’avoir contrarié. Tu garderas de moi le souvenir d’un parfait casse-couilles, d’un lourdeau qui t’a réveillé « aux aurores » sans raison valable. Ça ne fait pas dix secondes que tu as disparu de ma vue que déjà tu me manques horriblement. Te revoir une dernière fois n’a pas étanché mon envie de toi. Mais je sais que c’est tout ce que j’aurai de toi. Je n’aurai pas de souvenir de toi, à part quelques rares photos trouvées sur des réseaux sociaux sur lesquels tu n’es d’ailleurs pas très assidu.
Je dois me rendre à l’évidence. Valentin, c’est fini. Encore une occasion manquée. Je me déteste. Il ne me reste à présent qu’à partir.
Je vérifie une dernière fois de ne rien avoir oublié dans mon gîte, je ferme la porte derrière moi. Je jette un dernier regard déjà nostalgique à ce jardin, à cette table, à ces pins parasol qui ont été le plateau et le décor de mes vacances, un plateau et un décor dans lesquels, beau Valentin, tu as magistralement joué ton rôle de jeune premier.
Je tends l’oreille pour écouter une dernière fois ce chant de cigales qui a été la bande son de mes matins et de mes nuits à désirer un superbe jeune garçon de dix-huit ans. Je regrette de ne pas avoir su écrire le scenario qui lui convenait, et surtout de ne pas avoir su le convaincre à le jouer.
Et je pars, le cœur très lourd. Je trimballe avec moi un sac de voyage, ainsi qu’un poids de mille tonnes dans mon ventre, le poids assommant d’un échec cuisant. Je tente tant bien que mal de rejoindre ma voiture tout en retenant mes larmes.
Sur la route vers Toulouse.
Les collines du Lauragais avec leurs champs immenses de tournesols défilent déjà sous mon regard absent. J’approche de Toulouse et je repense au bonheur de t’attendre, te côtoyer, te mater pendant toutes ces journées. Je n’arrive pas à croire que tout ça s’est fini. Des images, des sons, des sensations olfactives remontent à ma conscience comme des éclairs aveuglants.
Je me déteste pour t’avoir mis en pétard en voulant à tout prix te dire une dernière fois au revoir. Car, si les chances de te revoir étaient minces jusque-là, elles sont désormais en dessous de zéro. J’ai tout gâché.
En fait, j’ai tout gâché le soir où tu m’as fait dire que je te kiffais. Ce soir-là, tu m’avais tendu une perche grosse comme une maison. Il aurait suffi de la saisir. Il aurait suffi que je te dise clair et net que j’avais envie de te sucer. Car tu en avais envie, je suis certain que tu en avais envie.
Au lieu de quoi, je me suis censuré, je me suis puni, je me suis interdit.
Je me déteste.
Automne et hiver 2019.
Pendant les jours, les semaines, les mois qui ont suivi, j’ai souvent repensé au jardin aux pins parasol, à la table où nous avons partagé des bières, aux nuits chaudes de cet été, au chant incessant des cigales. A ta beauté bouleversante, à ta jeunesse insolente, à la fraîcheur irrésistible de te petitconitude étincelante, à ton sourire de b(r)aise, à tes regards malicieux et lubriques, à toutes ces nuits à jouer au chat et à la souris, à l’attente, à la déception, à la frustration.
Je n’ai cessé de penser à toi, d’imaginer ta vie, tes études en STAPS, loin de moi.
Je t’imagine bien, mon petit Valentin, en train de t’amuser avec tes nouveaux potes, sortir le soir, lever une nana en boîte, ou, pourquoi pas, un soir un peu alcoolisé, lorsque le besoin de tendresse et de sensualité se fait sentir avec insistance, découvrir l’intimité, mélanger ton corps et ton plaisir avec ceux de ton camarade de cours. Je t’imagine prendre le temps de découvrir avec lui toute l’étendue du domaine des possibles de la sensualité entre garçons.
J’aurais tellement voulu être celui qui te ferait découvrir ce genre de plaisir, mais je n’étais tout simplement pas le bon. J’en étais tout simplement incapable.
Depuis des mois, je n’ai pas cessé de penser à toi, beau Valentin. A toi, étrange et merveilleuse créature en équilibre délicieusement instable entre un gosse et un homme. Car tu es à toi seul tous les garçons qui m’ont rendu fou depuis toujours, que je n’ai jamais eus et que je n’aurai jamais.
Voilà pourquoi ta rencontre m’a aussi profondément marqué. Et pourquoi elle m’a lié à toi avec une force que je n’arrive pas à contrôler.
As-tu seulement pensé une fois à moi depuis un an, alors que tu hantes toujours mes branlettes ?
Un an plus tard.
En début d’été, j’appelle ta grand-mère pour vérifier ses disponibilités des gîtes. Mais aussi pour la questionner discrètement à ton sujet. J’envisage de revenir au mas, mais seulement à condition que tu sois là. J’envisage carrément d’adapter mes congés en fonction de ton éventuelle présence. Je crève d’envie de te revoir et de t’entendre raconter cette année qui vient de s’écouler, tes études, tes potes, tes aventures. Et, bien évidemment, au fond de moi je rêve toujours de t’offrir le plaisir que je n’ai pas su t’offrir il y a un an.
Ta grand-mère m’apprend que ton année en STAPS s’est très bien passée, que tu aimes tes études, que tu t’es fait de nouveaux potes. Elle me parle de Tristan, ce camarade que tu as déjà ramené chez elle à plusieurs reprises. Elle me parle de votre belle amitié. Elle insiste sur cette amitié, si soudaine, si fusionnelle.
— Ils ne se quittent jamais ces deux-là !
Ta grand-mère ne le dit pas explicitement, mais je crois bien qu’elle pense que ce Tristan est plus qu’un pote pour toi. Elle vous a vus quelques fois ensemble, et elle a compris. Ta grand-mère est une femme intelligente, et il faut se lever de bonne heure pour la tromper. D’ailleurs, je me demande si elle n’avait pas compris pour moi aussi. Que je suis pédé, et que je te kiffais comme un fou.
Tu as peut-être fait exprès d’amener Tristan chez elle. Au fond de toi, tu voulais qu’elle sache, qu’elle comprenne qui tu es.
Et elle a compris. De toute façon, même si tu l’ignores peut-être encore, les corps qui partagent la sensualité ne peuvent pas le cacher. Ils ont beau faire attention, être discrets, les corps et les regards liés par le bonheur partagé ne savent pas mentir.
Peut-être qu’au fond d’elle ta grand-mère espère se tromper, ou que ce ne soit qu’une passade, et que tu reviennes bientôt à ce qu’elle doit considérer « le bon côté de la force ». Elle se pose assurément beaucoup de questions, elle s’inquiète pour toi, pour ton avenir, pour ton bonheur. Elle voudrait que tu lui parles de tout ça, car elle n’ose pas le faire. Elle t’aime trop, elle ne veut pas te mettre mal à l’aise. Elle attend que tu sois prêt. Et elle voudrait que tu lui fasses assez confiance pour t’ouvrir à elle. Elle est peut-être blessée que ce ne soit pas encore le cas.
— Et cet été il ne viendra même pas me voir, car ils partent tous les deux pour plusieurs semaines en Australie ! elle finir par m’annoncer. Je ressens de la déception et de la tristesse dans sa voix.
— Il va adorer ! Et ça lui fera du bien de découvrir d’autres horizons !
— Il a grandi tellement vite ! Il n’a même pas vingt ans. Je m’inquiète un peu pour lui…
— Valentin est un garçon intelligent, il sait ce qui est bien pour lui.
— Je sais, je sais. Enfin, je l’espère !
— Vous lui passerez le bonjour de ma part à l’occasion.
— Je n’y manquerai pas, ça lui fera plaisir. Je crois que ça lui a fait plaisir de faire votre connaissance l’année dernière…
— J’ai été ravi de faire sa connaissance aussi. Valentin est un garçon très touchant…
— Oui, mais il est aussi très beau, non ?
— Oui, il est aussi très très beau, je souris, finalement démasqué.
Bon voyage en Australie, beau Valentin ! J’espère que tu es amoureux, et heureux. Car il n’y a rien de plus beau que d’être amoureux à vingt ans.
Et si tu passes à Bells Beach, et si d’aventure tu croises un beau gars brun de mon âge avec une planche de surf sous le bras, un tatouage en forme de brassard et un autre au motif végétal remontant de son épaule jusqu’à son oreille, n’oublie pas de lui passer le bonjour de ma part.
Matin J-3 avant mon départ.
Ce matin, tu n’es pas là non plus. Tu as carrément découché. Ce matin est donc un triste matin.
Je suis en manque, en manque de toi. Chaque instant de ma journée tend alors vers toi, dans l’attente interminable de ton arrivée la nuit venue, dans l’attente d’une dose de ta bogossitude. Car je suis désormais clairement en manque.
J’espère vraiment que tu vas rentrer. Je ne vais pas tenir deux nuits d’affilé sans te voir.
D’autant plus que le compte à rebours de mon départ hante désormais chacun des instants où je pense à toi. C’est-à-dire, chaque instant de mon temps d’éveil.
Cette nuit, tu rentres enfin. Une fois de plus, tu portes un t-shirt blanc qui te va comme un gant, et qui crée un délicieux contraste avec ta peau mate. Tu es sexy en diable. Je suis allongé sur l’une des chaises longues du jardin. Et, à ma grande surprise, tu prends place sur la deuxième, à tout juste un mètre de moi.
Nous buvons une bière dans le jardin en profitant de la douce fraîcheur nocturne, l’incessant chant des cigales en fond sonore. Au fil des gorgées, tu te lâches. D’ailleurs, tu me sembles déjà un peu éméché. Et ça délie ta langue. Tu me racontes que tu as bu des coups avec tes potes. Mais tu me parles aussi d’une nana que tu aurais eu envie de serrer, une serveuse, une nana de ton âge, mais qui ne s’intéresse pas à toi. Tu me racontes à quel point elle te fait fantasmer.
Tu me racontes les envies que cette nana t’inspire, tu me les racontes dans les moindres détails, je bous de l’intérieur, je bande à en avoir mal.
Tu es désormais parfaitement conscient qu’il suffirait de si peu pour que ça bascule. Tu me chauffes, tu me nargues comme on ferait avec un bidon d’essence avec un briquet, mais tu te tiens toujours à une distance suffisante, tout juste suffisante pour que l’incendie ne démarre pas. C’est un jeu d’équilibriste que tu maitrises à la perfection. Tu joues avec mes nerfs, avec mon désir. Tu me pièges avec mon désir.
Tu es là, si près de moi, allongé sur cette chaise longue, les cuisses légèrement écartées, position suggestive s’il en est, et il suffirait que j’allonge mon bras pour te toucher.
Définitivement, ça t’amuse de jouer avec moi. Mais pourquoi te contenter de jouer, alors qu’il suffirait d’un geste, d’un seul, pour que je te fasse jouir ? Une seule voyelle diffère, et un tout autre monde s’offrirait à toi, à nous.
Peut-être que toi aussi tu as envie qu’il se passe un truc entre nous, que tu as envie d’essayer avec un mec, de comprendre qui tu es. Un mec qui est là, à tes pieds, et à qui, tu le sais désormais, tu pourrais demander tout ce que tu veux. Un mec qui ne te refuserait rien.
As-tu vraiment envie d’essayer avec un garçon, ou bien est-ce que c’est avant tout le fait de voir dans quel état tu es capable de me mettre qui te plaît, que tu kiffes avant tout ? Est-ce que ce kif te suffit, et tu n’envisages nullement de passer à l’acte avec un mec, et surtout pas avec moi ? Est-ce que tu découvres avec moi l’effet que tu pourras exercer plus tard avec d’autres mecs ? Des garçons de ton âge, des garçons « de ton espèce », des garçons aussi beaux que toi.
Je te désire comme un fou. Et le dernier rempart contre la folie n’est autre que la peur. La peur de me méprendre sur tes intentions. La peur de ta réaction, si j’osais quelque chose. Et aussi la peur la plus grande de toutes, celle de m’attacher excessivement à toi, a fortiori s’il se passait quelque chose. Appelons un chat un chat, c’est la peur de tomber amoureux de toi, de plus pouvoir me passer de toi, alors que tu as ta vie, ta jeunesse à vivre, et que tu n’es pas prêt à aimer comme j’en aurais besoin.
Tomber amoureux de toi ce serait me condamner à être terriblement malheureux.
D’ailleurs, je me demande si je ne le suis déjà un peu, amoureux et malheureux à cause de toi. Je sens monter ça en moi, ce manque de chaque instant, je sens la tendresse se mélanger avec le désir. Je sens ce mélange explosif chauffer en moi, et ça me fait peur. Par moment, un éclair de lucidité me suggère de partir sans tarder, de partir sur le champ. Pour couper net à ce sentiment naissant avant que ce ne soit trop tard, avant que l’addition ne s’installe pour de bon, pour m’éviter un sevrage brutal et douloureux du jour de mon départ. Hélas, lorsqu’on commence à se dire qu’il faut se préserver d’une addiction, c’est que cette addiction nous cerne déjà.
L’addiction à toi fait des ravages en moi, beau Valentin. Tu es trop tentant, et si proche.
Mais quoi faire de cette addiction, alors que je n’ose rien à part te contempler, te désirer, et me torturer l’esprit ? Quoi en faire, de cette addiction, à part me laisser dévorer ?
Ton monologue interminable d’hétéro de base fantasmant sur les nanas à gros seins n’a pas de fin, ça tourne en boucle et ça commencée sérieusement à me saouler. Noyant par la même occasion les promesses que cette conversation semblait porter au départ dans un océan de frustration sans fin. Je m’en fous de t’entendre raconter tes fantasmes, moi j’ai envie de réaliser les miens, et les tiens par la même occasion, même ceux dont tu n’as mes pas encore conscience !
Mais aucun signe clair ne vient de ta part. Je dois me rendre à l’évidence, un mur de verre infranchissable sépare ma vie de la tienne, mon plaisir du tien. Chaque instant qui passe est une petite mort pour moi. Non, je n’oserai rien tenter, et tu ne feras pas ce petit pas vers moi qui ferait tout basculer. Non, ce soir non plus je ne connaitrai pas le bonheur de te faire jouir. C’est foutu, une fois de plus, et c’est foutu tout court. Le jour de mon départ va arriver, et il ne se sera rien passé entre nous, beau Valentin.
L’heure tourne, la fatigue me saisit, rendant ma frustration de plus en plus cuisante. Te voir à la fois si proche et si inaccessible, tout comme t’entendre raconter tes fantasmes en bouche est désormais au-dessus de mes forces.
Je me lève de la chaise longue, je m’approche de ma porte. Tu me suis, tu t’approches de moi, vraiment très près, tu continues à me parler, tu es intarissable cette nuit. On dirait que tu veux me retenir. Pour quoi faire ?
Te voir de si près me fait bouillir. Ton parfum, les détails de ta peau mate, le grain de ta peau, le petit grain de beauté au creux de ton cou. Je craque ! Je suis excité au possible. Je bande comme un âne. Ma frustration m’étouffe, me terrasse. Je cherche à fuir, à te fuir. J’ai besoin de me refugier dans ma tanière, j’ai besoin de me protéger de toi, de me couper de toi.
Mais tu dérives désormais vers ta porte, tu ne me lâches pas. Ta voix est comme le son du pipeau magique, ça me charme, je te suis. Je te suivrai au bout du monde, je me noierais dans la rivière pour te suivre. Surtout si tu me permettais d’accéder à ce pipeau que tu ne réserves qu’aux nanas !
Tu te déplaces petit pas par petit pas, sans jamais arrêter de me parler, ton regard planté dans le mien. On dirait vraiment que tu veux m’attirer vers toi.
Tu es désormais sur le pas de ta porte, et j’ai furieusement envie de me mettre à genoux et de te sucer.
Ton regard est de plus en plus caressant et sensuel. Tu continues à me parler, tu passes le seuil de dans ton gîte, je te suis, je passe à mon tour le seuil de ta porte. Pénétrer enfin dans ta tanière décuple mon excitation, mes narines sont saisies par un mélange olfactif composé de l’odeur froid de cigarette et ton parfum, une empreinte olfactive qui imprègne l’air et qui me rappelle instantanément à ton intimité et, par ricochet, à ta virilité.
J'ai envie de toi, putaaaaaaaaaaaaaaiiiiiiiiiiin !!!!
— J’ai envie de la faire couiner pendant toute une nuit ! tu lances, vantard, au sujet de cette nana sur qui tu fantasmes.
Moi aussi j’ai envie que tu me fasses couiner pendant toute une nuit, putain de bogoss ! J’aimerais tellement avoir le cran de te le dire haut et fort !
— Et toi, c’est qui que tu as envie de faire couiner ? tu enchaînes à brûle pourpoint.
— De… de quoi ? je me trouve déstabilisé.
— A moins que t’aies plutôt envie qu’on te fasse couiner… tu insinues.
— Ça dépend du gars avec qui je suis…
— Tu es versa ?
— Tu connais ce mot, toi…
— Oui, Monsieur !
— On peut dire que je suis versa, oui, si on veut…
— Et avec un gars comme moi, tu serais quoi ?
— Je… je… je ne sais pas…
— Tu me kiffes, hein ?
— Tu es beau mec, c’est certain.
— Je pense que si j’étais partant, tu ne dirais pas non…
— Il y a des chances…
— Mais je suis hétéro, alors, pas de chances !
A cet instant, je réalise que je n’en peux plus. Je sens monter en moi un épuisement moral et physique. J’ai besoin que ça cesse.
— Je te souhaite la bonne nuit, je m’entends lâcher, la voix basse, épuisée.
La pression du désir et le déchirement de la frustration ont fini par provoquer un black-out cérébral. Cette « Bonne nuit », est ma façon de me délivrer de tout cela, le bouton « Arrêt de sécurité ». Je sais que, ce faisant, je nique toute possibilité qu’il se passe quoi que ce soit avec toi. Mais cette « Bonne nuit » est avant tout un instinct de survie.
— Déjà tu te couches ? tu me lances, l’air étonné.
Est-ce que tu voudrais que je reste encore ? Mais à quoi bon, au final ? De toute façon, je ne vais oser rentrer dans ton jeu. De toute façon, comme tu l’as dit, tu es hétéro. De toute façon, il ne se passera rien entre nous.
— Je tombe de sommeil, je confirme mon forfait.
— Alors bonne nuit, papi ! tu te moques. N’oublie pas ta tisane !
Je n’ai la présence d’esprit ni l’énergie d’ajouter quoi que ce soit à ta réplique de sale petit con.
Mon cœur bat à tout rompre, et j’ai la tête qui tourne. Je me lève, j’avance jusqu’à la porte de mon gîte et je m’enferme dedans.
Pendant il long moment, je reste immobile derrière ma porte, comme un animal tapi dans sa tanière. Je me déteste pour ce forfait. Je voudrais pouvoir remonter le temps, trouver les bonnes répliques pour savoir te séduire. Mais c’est bien au-dessus de mes forces.
Un instant plus tard, j’entends le grincement bien connu des gonds de ta porte. Je me déteste à un point que j’ai envie de me jeter d’un pont. Pourquoi, pourquoi j’ai fait ça ? Pourquoi j’ai fui de cette façon idiote ? Qu’est-ce que tu dois désormais penser de moi, qui a passé des semaines à te mater et qui ne suis même pas foutu d’assumer mon désir ?
Je passe toute une nuit blanche à me dire qu’il aurait suffi de peu pour que ça bascule entre nous. Et que j’ai encore laissé passer une occasion qui ne se représentera pas.
Je me sens idiot, honteux. Je suis tellement mal que n’ai même pas envie de me branler.
Après ce qui vient de se passer, je sais que je vais être très mal à la l’aise vis-à-vis de toi. Vivement que mon séjour arrive à la fin. Je me dis que je ferais bien de partir dès le lendemain, avant de te croiser, avant que tu racontes à ta grand-mère que j’ai essayé de coucher avec toi.
Matin J-2 avant mon départ.
Il fait gris aujourd’hui. Il y a beaucoup de vent, et il fait frais. Après avoir pris le petit déj avec ta grand-mère, je me refugie dans mes appartements. En attendant de décider quand je vais partir, je t’évite. Pour ne plus être confronté à ta beauté, à ta jeunesse, à la tentation, à ce désir qui me ronge depuis des semaines et qui habite désormais toutes mes journées, pour ne plus être confronté à la frustration. Je t’évite par-dessus tout pour ne pas croiser ton regard dans lequel j’ai peur d’y lire de l’hostilité, du dégoût. Pour ne pas être confronté à la honte.
Je ferme la porte, les rideaux, je me refugie dans ma forteresse faite de mots et de ponctuation. Le matin avance, je t’entends sortir de ta tanière, aller prendre le petit déj, échanger quelques mots avec ta grand-mère. Je t’entends rire, tu as l’air joyeux ce matin. Est-ce que tu te souviens de ce qui a failli se passer la nuit dernière ? Est-ce que tu es content de ne pas me trouver sur ton chemin ce matin, dans ton champ de vision ?
Même avec la porte fermée, j’entends tes pas sur les gravillons, je t’entends approcher. Pendant un instant, je m’imagine que tu vas venir toquer à ma porte et me demander pourquoi je me barricade chez moi. Mais tu traces tout droit vers ton gîte, bien évidemment. Malgré la porte fermée, un peu de la fumée de ta cigarette parvient quand-même à mes narines, à me parler de ta présence inaccessible. Ce matin, je ne t’ai pas vu, je t’ai juste entendu, juste senti. Et j’ai toujours autant envie de toi, p’tit con !
Tes nouveaux pas sur les gravillons, une heure plus tard, me notifient ton départ au travail. Et mon esprit retrouve enfin le calme nécessaire pour envisager de faire autre chose de ma journée que de penser à toi obsessionnellement. Je pars à la plage, et la journée file à toute vitesse.
Lorsque l’après-midi touche à sa fin, je n’ai plus envie de partir. Apparemment, tu n’as rien dit à ta grand-mère de ce qui s’est passé la nuit dernière. Elle est toujours aussi avenante avec moi. Alors, je me dis qu’une nuit de plus ça ne peut pas me tuer. Au pire, je partirai demain.
Aussi, et surtout, j’ai envie de te revoir une dernière fois, et de savoir si tu es vexé par ma réaction de la veille. Si tu l’es, j’ai envie de m’excuser. Tu ne seras jamais attiré par moi, mais je ne veux pas qu’en plus tu sois fâché avec moi.
Nuit suivante le matin J-2 avant mon départ.
Cette nuit, l’attente est assommante. Une heure du matin arrive, puis deux heures, et tu n’es toujours pas là. Je n’ai la tête à rien, sauf à t’attendre et à essayer l’impossible. Je me répète des dizaines de fois les mots que je voudrais te dire. Je t’attends dans le jardin, je ne veux pas te rater. Je t’attends la boule au ventre, comme en apnée, redoutant ta réaction, perdant un peu plus mes moyens et ma motivation à chaque minute qui passe. Je commence à désespérer de te voir rentrer. Je me dis qu’après ce qui s’est passé la nuit dernière, tu vas découcher pour éviter de me croiser.
Mais tu finis par rentrer. Il est presque deux heures trente. Et tu es beau comme un Dieu. Tes cheveux insolents vers l’avant, en bataille, rebondissent à chacun de tes pas. Tu portes un t-shirt vert militaire bandant à souhait.
J’attends avec impatience de croiser ton regard, de découvrir sa teneur à mon égard. Tu as l’air de m’ignorer, ça démarre mal. Visiblement, tu te souviens très bien de ce qui s’est passé la nuit dernière, et tu m’en veux. Mais je dois en avoir le cœur net.
— Salut ! je te lance, pas très assuré.
— Salut ! tu me réponds.
Et tu t’arrêtes net, tu me regardes, tu souris.
— Ça va ?
— Bien, bien…
— Tant mieux alors…
— Tu me proposes une bière ? tu enchaînes.
Apparemment, tu n’es pas vexé pour un sou. Je me suis fait mille films pour rien. Soudain, ma honte s’évapore, laissant la place à un espoir qui vient de renaitre de ses cendres. Je suis curieux de voir comment cette nuit, l’avant-dernière de mon séjour, va se ficeler.
Installés à la table du jardin, autour d’une bière et d’une cigarette, en cette douce nuit estivale bercé par un fond sonore de cigales, tu as moins envie de parler que d’écouter.
Tu me demandes comment j’ai su que j’étais pédé, comment je m’y suis pris pour rencontrer des gars comme moi, comment j’ai pu assumer qui j’étais et si ça n’a pas été trop dur.
Tes questions ressemblent à celles que j’aurais moi-même posées à ton âge à un garçon homo de mon âge, si seulement j’avais eu la chance d’en croiser un. J’aurais eu tellement besoin d’avoir des réponses et d’être rassuré à cette époque !
Est-ce que toi, beau Valentin, t’as ce même besoin d’être rassuré, et pour les mêmes raisons que moi ? Si c’est le cas, je veux bien te faire profiter de mon expérience. Elle vaut ce qu’elle vaut, il y a certainement bien plus à jeter qu’à garder – je suis le roi des mauvais choix, l’artiste des regrets et des remords – mais elle a le mérite d’être authentique.
J’ai bien compris que tu ne me permettras pas de te faire découvrir le plaisir entre garçons. Mais si je peux t’aider ne serait-ce qu’à faire un pas, si petit soit-il, dans le plus grand et dangereux voyage de chaque vie, celui amenant à la connaissance de soi-même, soit. J’en serai fier.
Je te parle de mes douze ans, l’époque où j’ai vraiment réalisé que les garçons attiraient mon regard. Je te parle du harcèlement dont j’ai été victime, de cette boule au ventre qui m’a suivi pendant tout le collège et le lycée. Je te parle de la première fois où j’ai vu Jérém dans la cour du lycée, et de comment j’ai été fou de lui au premier regard. Je te parle de mes révisions de math avec lui, de la façon dont je suis arrivé à l’apprivoiser, lui qui au début voulait juste me baiser, tout en considérant qu’il « n’était pas pédé », lui non plus. Je te parle de ma jalousie, des jours et des nuits passés à me torturer à cause de cette relation. Je te parle de notre belle histoire d’amour, de ses hauts, de ses bas, de nos bonheurs, de nos malheurs, de notre agression homophobe à Paris, de notre séparation. Je te raconte de comment, en m’assumant peu à peu, le regard des autres a perdu d’importance à mes yeux. Et je te parle de ma chance d’avoir été entouré d’une famille et d’amis qui ont tous accepté, ou presque, qui j’étais et qui ne m’on pas rejeté. Je te parle de mon éloignement avec mon père, pendant des mois, après mon coming out. Et de notre rabibochage.
Je te parle de quelques-uns des garçons que j’ai rencontré après Jérém, de cette vaste fumisterie pourtant incontournable que sont les sites et application de rencontres.
Je te dis qu’on ne choisit pas d’être gay, que ce n’est pas une tare, qu’il n’y a que le temps qui peut aider à savoir qui l’on est. Je t’assure qu’on peut très bien vivre en aimant les garçons, et être heureux. Je te raconte que le voyage pour s’assumer est long, que le coming out est difficile, mais qu’on finit par y arriver. Et qu’à ce moment-là, quand on sait enfin qui l’on est et ce que l’on veut et ce que ne l’on veut pas, c’est là que la vie comment vraiment.
Tu écoutes attentivement, sans discontinues de fumer. J’ai l’impression que dans ta tête tu découvres, tu réfléchis, tu compares. Mais je me trompe peut-être. S’il le faut, tu es juste curieux de découvrir la vie et les œuvres d’un pédé, comme si tu regardais un documentaire animalier.
J’aimerais tellement que tu me dises ce que tu ressens, si mes mots ont une résonnance en toi.
Mais il n’en est rien. Je parle longuement, et tu ne fais qu’écouter. Puis, au bout d’une heure, tu te lèves et tu prends congé de moi.
— Ah, au fait, désolé si je t’ai trop chauffé, je n’aurais pas dû. Mais je kiffe trop sentir qu’on a envie de moi.
— C’est pas grave, c’est pas grave. T’es vraiment un beau garçon, ce n’est surement pas la dernière fois que tu attires le regard d’un mec…
— Je pense pas. En tout cas, ce n’est pas la première…
— Comment ça ?
— Parfois, il y a des gars qui me matent au camping…
— Et ça t’a fait quoi de te faire mater par des gars ?
— C’est flatteur…
— Bonne nuit, tu ajoutes sans transition.
Et tu disparais dans ton gîte. Et moi j’ai envie de pleurer toutes les larmes de mon corps.
Quelques heures avant mon départ.
Ce soir, ça sent vraiment la fin des vacances, et ça me fait un drôle d’effet.
Plus que quelques heures et je ne te verrai plus, beau Valentin. Je me suis tellement habitué à ta présence, à ton absence, à l’attente de ton retour, que j’ai du mal à me dire que dès demain toute cette merveilleuse routine sera terminée. Tu m’as donné tellement d’émotions que j’ai peur de m’ennuyer, sans toi. Tu vas terriblement me manquer, beau Valentin.
Oui, cette nuit est la dernière nuit au mas. C’est la dernière attente de ton retour, la dernière fois où je te verrai apparaître après une longue attente. La dernière fois où nous serons que tous les deux dans la nuit chaude et silencieuse.
Je sais désormais qu’il ne se passera rien entre toi et moi, sublime p’tit Dieu.
Quelque part, la discussion que nous avons eu hier soir m’a apaisé. Je trouve une certaine consolation dans le fait d’avoir pu partager mon expérience avec toi, faute d’avoir pu partager nos plaisirs.
Cette nuit, tu rentres plus tôt que d’habitude. Lorsque j’entends tes pas approcher sur les gravillons, mon cœur a des ratés. Je suis encore à l’ordinateur, totalement accaparé par une séquence narrative. Je ne veux pas que tu saches ce que j’écris, je ne tiens pas à ce que tu me poses des questions sur ce jardin secret qu’est pour moi l’écriture. Mais, le temps que je termine ma phrase et que je gratte quelques derniers mots à la va vite afin de ne rien oublier lorsque je reprendrai le travail plus tard, tu es déjà arrivé à hauteur du seuil de mon gîte.
— Salut, tu me lances.
Je suis surpris par ton apparition soudaine dans l’embrasure de ma porte, je suis comme désarçonné. Ce soir, tes beaux cheveux sont vraiment en bataille, plus insolents que jamais, et tu portes un petit t-shirt noir col en V presque trop petit, moulant de très près ton torse dessiné, les manchettes bien serrées autour des biceps. Tu es sexy à faire se damner un Saint. Ton regard pétillant réussirait à émoustiller un bloc de granit.
Je dois avoir l’air d’un gosse surpris avec la main dans le pot de confiture. Je suis mal à l’aise, je transpire. Tu as dû remarquer mon malaise et ça te fait marrer.
— Salut, je finis par te répondre.
Et là, tout ce que je voulais éviter se produit.
— Tu écris quoi dans Word, tout le temps ?
— Une histoire… je tente de gagner du temps.
— Quel genre d’histoire ?
— Une histoire entre garçons…
— Ton histoire à toi ?
— Non, une histoire… inventée… je mens.
— Inventée de toute pièce ? tu insistes.
— Oui, enfin, non. C’est une histoire, mais il y a quand même beaucoup de moi dans cette histoire.
Tu ne demandes pas à en savoir plus. J’imagine que pour un garçon de ton âge, dont les seules passions se résument en quatre mots sport/potes/baise/portable, la lecture est une activité qui appartient aux coutumes du moyen âge.
Je te propose une bière, nous la buvons à la table du jardin.
— Alors, c’est demain que tu te casses ? tu me balances sur un ton railleur.
— Cache ta joie ! je te balance à mon tour.
Tu souris, impitoyable.
— Tu aurais aimé que je reste plus longtemps ? je te cherche.
— Je m’en branle !
J’aimerais penser qu’il y ait un second degré dans tes propos…
— Je serais bien resté un peu plus, mais ta grand-mère a loué le gîte à quelqu’un d’autre.
A présent, tu me regardes droit dans les yeux. Tu sais que je te désire comme un fou, et tu savoures à fond ton triomphe, sale p’tit con !
Le vent caresse ma peau, le chant des cigales enivre mes oreilles, ton parfum et ta fraîcheur vrillent mon esprit. Le désir désespéré que tu m’inspires, ton sourire à la fois charmeur et lubrique se mélangent au « tic-tac » du compte à rebours assourdissant et incessant dans ma tête. Et ça me met dans un état de fébrilité extrême.
Ce soir, malgré le ton cassant de tes mots, il me semble que tu m’envoies des signaux assez clairs. Toi aussi tu réalises que c’est la dernière chance pour qu’il se passe quelque chose entre nous, et tu en as peut-être envie aussi. Tes mots et ton attitude ne racontent pas la même histoire. Alors, je ne sais pas sur quel pied danser.
Je tente d’apaiser ma frustration et ma tristesse en cherchant des arguments. A quoi bon, au final, qu’il se passe quelque chose ? Certes, j’adorerais que cela arrive, mais je sais que ça n’étanchera pas ma soif et mon envie de toi. Et puis, s’il se passait quelque chose entre nous cette nuit, je ne pourrais pas l’oublier, ça me suivrait et ça me hanterait pendant très longtemps, avec le corollaire d’une frustration insupportable causée par le fait de ne pas pouvoir remettre ça. Je t’ai trop désiré, beau Valentin. T’avoir maintenant ce serait me condamner aux affres du manque et du malheur.
J’essaie d’étouffer la partie de moi qui dit que le plus grand des malheurs, la plus grande des frustrations, ce sera le regret de n’avoir réussi à approcher à ta jeune virilité ne serait-ce qu’une seule fois.
Tu finis en même temps ta bière et ta cigarette. Et l’instant magique où tout m’a à nouveau paru possible s’envole avec la dernière gorgée avalée, avec la dernière taffe expulsée.
— Alors, c’est là qu’on se dit au revoir, tu me lances.
J’ai comme l’impression de déceler une sorte de regret dans le ton de ta voix. Mais pas si fort, pas suffisant pour te faire franchir le dernier pas qui sépare nos bonheurs respectifs.
— Je crois bien que oui, je te réponds, la mort dans le cœur.
Tu me tends la main, je te tends la mienne. Ta poignée de main est forte et chaude. Comme celle d’un homme.
— Merci de m’avoir écouté, tu me glisses.
Quel bonheur de t’entendre me remercier ! Même si c’est pour si peu de chose.
— Ça a été un plaisir !
— Et merci d’avoir accepté de me répondre à mes questions…
— Si ça peut t’aider, je m’avance.
— M’aider ? tu sembles t’offusquer.
— Je me suis mal exprimé. Je voulais dire, « si ça peut t’intéresser » je me reprends.
— Maintenant, tu sais comment fonctionne un pédé. C’est pour ta culture générale, je plaisante.
Tu souris, charmant et charmeur au possible.
— Je vais me coucher, je te glisse, comme une perche.
— Moi aussi. Bonne nuit !
J’encaisse cette « bonne nuit » comme une dernière cuisante défaite.
— Bonne nuit, je te glisse à mon tour, la défaite amère.
— Je te dis à une prochaine, parce que demain matin je pars à 9 h, et tu ne seras pas levé…
— Il y a peu de chances…
— T’est pas du matin, toi !
— Non, pas du tout !
— A l’un de ces quatre, mec, tu me lances, avec un sourire à la fois touchant et complice.
— Bonne chance pour tes études, bogoss !
Voilà la pire des façons de prendre congé à tout jamais d’un p’tit mâle comme toi qui m’a inspiré un désir si fort, si insupportable, si douloureux. Je suis vraiment trop con !
Un instant plus tard, la porte de ton gîte se referme derrière toi et tu disparais de ma vue. Le léger grincement des gonds sonne le glas de notre dernière nuit, et du petit bout de chemin pendant lequel nos existences se sont côtoyées avant de diverger à nouveau, et de façon définitive. Ta porte se referme sur mes tout derniers espoirs de partager un moment de sensualité avec toi, beau Valentin.
Je me trouve tellement nul que j’ai envie de me taper la tête contre les murs.
Le matin de mon départ.
Ce matin, je me réveille de bonne heure. Il n’est que six heures, et il fait tout juste jour. Aujourd’hui, il y a du vent, et il fait un temps d’automne. Un temps qui souligne le fait que le mois d’août touche à sa fin. Que l’été touche à sa fin. Ce matin, je me sens comme fiévreux, hanté par les regrets, rongé par la frustration. Ce matin, il fait gris sur la garrigue comme il fait gris dans mon cœur.
Je n’ai pas envie de partir d’ici, de rentrer à Toulouse. Je n’ai pas envie de partir loin de toi, beau Valentin. J’ai envie de rester, j’ai envie de partir vite, et loin, sans me retourner. Peut-être que, quand je serai loin, ce malaise qui m’écrase comme une chape de plomb se dissipera. Peut-être qu’une fois que je serai loin d’ici je trouverai un apaisement. Peut-être que retrouver ma maison et mon Galaakou d’amour va me rendre un semblant de sérénité.
Au petit déj, ta grand-mère est de bonne humeur comme toujours. Elle a envie de discuter. Je me fais violence pour lui donner la réplique, alors que j’ai le cœur lourd, et que les larmes de massent dangereusement au seuil de mes paupières.
Après m’avoir proposé un dernier café, elle part étendre du linge sur le fil. Et dans ce qu’elle étend, je reconnais tes affaires, et uniquement tes affaires. Il y a des shorts, des chaussettes. Mais aussi des boxers. Et des t-shirts, marron, noir, vert militaire. Les émotions visuelles de nos dernières nuits remontent à ma conscience au gré de l’apparition de tes t-shirts sur le fil, au gré de leurs ondulations dans le vent.
I panni stesi al vento mi parlano di te
Le linge sur le fil me dit bien de choses à propos de toi
Comme je prévois de partir vers 9 heures, ta grand-mère me dit au revoir avant d’aller aux courses. Lorsqu’elle disparaît de ma vue, lorsque j’entends le moteur de sa voiture démarrer de l’autre côté de la maison, je sais que je ne la reverrai pas, car je serai parti quand elle rentrera.
Il n’est que 8h30, je rassemble mes affaires, je m’apprête à partir à mon tour. Une partie de moi n’arrive pas à se résigner de ne pas avoir su tenter plus pour t’apprivoiser. Et à partir sans t’avoir revu une toute dernière fois.
Au fond de moi, j’espère toujours que ta porte va s’ouvrir avant mon départ, que tu vas avoir envie de me dire une nouvelle fois « au revoir », tout comme j’en ai envie. Car, même s’il ne s’est rien passé entre nous, nous avons quand-même beaucoup échangé. Je pense que tu m’as dit bien plus de choses qu’à tes parents, qu’à ta grand-mère, qu’à tes potes, ou qui que ce soit d’autre. Entre nous s’est créé une complicité, une sorte d’« intimité ». Il me semble que tout cela mérite bien un dernier « au revoir », un dernier souvenir, un petit cadeau, quelques derniers instants de ta présence.
Je reste de longues minutes assis à la table du jardin à fixer la porte de ton gîte. Neuf heures, neuf heures trente. Elle demeure obstinément fermée, hostilement silencieuse.
Il ne me reste qu’à accepter ce dernier camouflet. Il est là, je ne peux plus l’ignorer. Il ne me reste qu’à baisser la tête, et tenter de faire avec. Mais mon cœur est tellement lourd que mes membres épuisés ont du mal à se mettre en branle pour m’amener loin de là.
Une fois encore un beau garçon m’a laissé le goût d’une immense frustration, un regret d’une ampleur, d’une profondeur rarement atteinte. J’ai souvent désiré des garçons que je n’ai pas pu avoir. Mais jamais un garçon que j’ai désiré m’a autant chauffé, sans qu’au final il ne se passe quoi que ce soit.
J’espère que tu t’es bien amusé, beau Valentin.
J’aimerais savoir ce que tu vas faire, ce que tu vas devenir dans les semaines, les mois, les années à venir. J’aimerais savoir si et quand tu vas franchir le pas avec un garçon. J’aurais aimé être ce garçon. Mais, à défaut de l’être, j’aimerais être ton confident.
Je sais qu’il n’en sera rien, je n’ai même pas pensé à te donner mon numéro de portable. Quel idiot je fais ! On aurait pu s’appeler, tu aurais pu te confier à moi.
Oui, mais non. Avoir ton 06 aurait été complétement inutile. Car notre petite complicité ne survivra pas à la distance. Tu vas vite m’oublier. Tu m’as déjà oublié. Si j’essayais de t’appeler dans une semaine ou dans un mois, tu me rirais au né. Et ça me ferait plus de mal que de bien. Alors, c’est bien ainsi, une séparation sera nette et propre.
Je me lève d’un coup, bien décidé à marcher jusqu’à ma voiture, à partir d’ici, et à rouler sans me retourner, sans m’arrêter, à m’éloigner au plus vite de ce lieu où je viens de subir l’une des plus Toulouse débâcles de ma vie.
Mais j’ai beau me faire violence pour dételer au plus vite. Mes mouvements, mes jambes, ma force physique et mentale ne peuvent rien contre l’épaisse araignée de désir et d’attachement que tu as tissé autour de moi au fil des semaines. J’ai beau essayer d’écouter ma volonté qui me dit de partir sur le champ, mon esprit est captif. Et il tend irrépressiblement vers toi, beau Valentin.
Alors je cesse d’opposer volonté et esprit, et je laisse ce dernier prendre le contrôle de mes actes. Je lâche prise, et je me laisse faire.
Quelques secondes plus tard, je suis devant la porte de ton gîte, le cœur qui tape à tout rompre dans ma poitrine. Mon bras se lève, mon poing se prépare à cogner sur le battant verrouillé.
Je ne veux pas t’importuner, j’ai très peur de t’importuner, mais je ne peux pas partir sans te revoir une dernière fois. Je ne peux m’en passer, ce serait trop dur à supporter !
Alors, je tape. D’abord discrètement. Je tends l’oreille, mais je n’entends aucun bruit de l’autre côté de la porte. Je tape plus fort, j’attends un peu, toujours pas de signe de vie. Je tape plus fort, plus longtemps, je tape comme un fou, comme un fou amoureux.
— Quoi ?!?! je t’entends enfin râler du fond de ton lit.
— Valentin ! je t’appelle.
— Mais qu’est-ce qu’il y a ?
— Tu es réveillé ?
— Je dors !
— Désolé !
— Tu me casses les couilles !
— Je ne ferais jamais ça ! je plaisante.
Je tends une nouvelle fois l’oreille, et j’entends des bruits provenant de l’intérieur de ton gîte. Visiblement, tu es en train de te lever. Je suis heureux, je vais te voir une dernière fois. Mais en même temps, j’ai peur que tu sois vexé, que tu m’en veuilles de t’avoir tiré de ton sommeil.
Lorsque le battant de ta porte s’ouvre enfin, j’ai l’impression que mon cœur cesse de battre. Tu es là, devant moi, torse nu et boxer noir, les cheveux en bataille, les traces du sommeil sur ta belle petite gueule. Il n’y a pas de mots pour exprimer ce que je ressens à cet instant précis. Ta nudité matinale me saisit comme une puissante claque dans la figure.
Tu fais la gueule, ton regard est noir et orageux, et ça aussi te rend particulièrement bandant ! Et cette cigarette entre les lèvres, c’est pas furieusement bandant, ça ? Je donnerais n’importe quoi pour te sucer sur le champ ou pour te laisser me baiser. A défaut de pouvoir accéder à ta virilité, et même si tu fais la gueule, je profite de cet instant pour te scanner de la tête aux pieds, pour essayer de m’imprégner le plus possible de ta beauté, de ta jeunesse, de ta petitconitude. Je sais que je n’y parviendrai pas, je sais que je ne garderais de toi qu’un souvenir très partiel. Et pourtant bien suffisant à hanter mes jours et mes mois à venir.
— Qu’est-ce que tu veux, putain, t’as vu l’heure ? tu me hurles dessus, tout en allumant ta clope.
Tu me grondes comme on gronderait un gosse qui aurait fait une bêtise. Et je me sens comme un gosse qui aurait fait une bêtise. Mais une bêtise qu’il ne regrette pas une seule seconde.
— Excuse-moi de t’avoir réveillé… je pensais que tu étais déjà débout, je mens.
— Mais t’as vu l’heure ? Tu m’as déjà vu me lever à 9 heures ?
— Non, mais j’ai cru entendre du bruit de ton côté, je mens de façon de plus en plus effrontée.
— Qu’est-ce que tu veux à la fin ? tu me redemandes, en te frottant les yeux.
— Je voulais te dire au revoir…
— On s’est déjà dit au revoir cette nuit ! tu me coupes net, très agacé.
— En fait, j’avais besoin de te revoir une dernière fois, j’avoue finalement, comme un cri du cœur.
— Et voilà, tu m’as vu ! Je peux retourner pioncer, à présent ?
— Tu peux… et encore bonne chance pour tes études… et pour tout le reste !
— Bye ! tu me lances sèchement avant de refermer ta porte avec un geste sec et rapide ayant pour résultat de décupler le grincement sur les gonds.
— J’ai été content de faire ta connaissance, j’arrive à te lancer, alors que le claquement sonore du battant frappe mes oreilles comme une claque, comme une accusation, comme une punition.
Je regarde impuissant la porte désormais barricadée et muette. Ma dernière chance s’est envolée. Car, au fond de moi, j’espérais encore te faire craquer ce matin. Mais je n’ai réussi qu’à te mettre en pétard.
Ça y est, je t’ai revu une dernière fois, je suis content, même si c’est au prix de t’avoir contrarié. Tu garderas de moi le souvenir d’un parfait casse-couilles, d’un lourdeau qui t’a réveillé « aux aurores » sans raison valable. Ça ne fait pas dix secondes que tu as disparu de ma vue que déjà tu me manques horriblement. Te revoir une dernière fois n’a pas étanché mon envie de toi. Mais je sais que c’est tout ce que j’aurai de toi. Je n’aurai pas de souvenir de toi, à part quelques rares photos trouvées sur des réseaux sociaux sur lesquels tu n’es d’ailleurs pas très assidu.
Je dois me rendre à l’évidence. Valentin, c’est fini. Encore une occasion manquée. Je me déteste. Il ne me reste à présent qu’à partir.
Je vérifie une dernière fois de ne rien avoir oublié dans mon gîte, je ferme la porte derrière moi. Je jette un dernier regard déjà nostalgique à ce jardin, à cette table, à ces pins parasol qui ont été le plateau et le décor de mes vacances, un plateau et un décor dans lesquels, beau Valentin, tu as magistralement joué ton rôle de jeune premier.
Je tends l’oreille pour écouter une dernière fois ce chant de cigales qui a été la bande son de mes matins et de mes nuits à désirer un superbe jeune garçon de dix-huit ans. Je regrette de ne pas avoir su écrire le scenario qui lui convenait, et surtout de ne pas avoir su le convaincre à le jouer.
Et je pars, le cœur très lourd. Je trimballe avec moi un sac de voyage, ainsi qu’un poids de mille tonnes dans mon ventre, le poids assommant d’un échec cuisant. Je tente tant bien que mal de rejoindre ma voiture tout en retenant mes larmes.
Sur la route vers Toulouse.
Les collines du Lauragais avec leurs champs immenses de tournesols défilent déjà sous mon regard absent. J’approche de Toulouse et je repense au bonheur de t’attendre, te côtoyer, te mater pendant toutes ces journées. Je n’arrive pas à croire que tout ça s’est fini. Des images, des sons, des sensations olfactives remontent à ma conscience comme des éclairs aveuglants.
Je me déteste pour t’avoir mis en pétard en voulant à tout prix te dire une dernière fois au revoir. Car, si les chances de te revoir étaient minces jusque-là, elles sont désormais en dessous de zéro. J’ai tout gâché.
En fait, j’ai tout gâché le soir où tu m’as fait dire que je te kiffais. Ce soir-là, tu m’avais tendu une perche grosse comme une maison. Il aurait suffi de la saisir. Il aurait suffi que je te dise clair et net que j’avais envie de te sucer. Car tu en avais envie, je suis certain que tu en avais envie.
Au lieu de quoi, je me suis censuré, je me suis puni, je me suis interdit.
Je me déteste.
Automne et hiver 2019.
Pendant les jours, les semaines, les mois qui ont suivi, j’ai souvent repensé au jardin aux pins parasol, à la table où nous avons partagé des bières, aux nuits chaudes de cet été, au chant incessant des cigales. A ta beauté bouleversante, à ta jeunesse insolente, à la fraîcheur irrésistible de te petitconitude étincelante, à ton sourire de b(r)aise, à tes regards malicieux et lubriques, à toutes ces nuits à jouer au chat et à la souris, à l’attente, à la déception, à la frustration.
Je n’ai cessé de penser à toi, d’imaginer ta vie, tes études en STAPS, loin de moi.
Je t’imagine bien, mon petit Valentin, en train de t’amuser avec tes nouveaux potes, sortir le soir, lever une nana en boîte, ou, pourquoi pas, un soir un peu alcoolisé, lorsque le besoin de tendresse et de sensualité se fait sentir avec insistance, découvrir l’intimité, mélanger ton corps et ton plaisir avec ceux de ton camarade de cours. Je t’imagine prendre le temps de découvrir avec lui toute l’étendue du domaine des possibles de la sensualité entre garçons.
J’aurais tellement voulu être celui qui te ferait découvrir ce genre de plaisir, mais je n’étais tout simplement pas le bon. J’en étais tout simplement incapable.
Depuis des mois, je n’ai pas cessé de penser à toi, beau Valentin. A toi, étrange et merveilleuse créature en équilibre délicieusement instable entre un gosse et un homme. Car tu es à toi seul tous les garçons qui m’ont rendu fou depuis toujours, que je n’ai jamais eus et que je n’aurai jamais.
Voilà pourquoi ta rencontre m’a aussi profondément marqué. Et pourquoi elle m’a lié à toi avec une force que je n’arrive pas à contrôler.
As-tu seulement pensé une fois à moi depuis un an, alors que tu hantes toujours mes branlettes ?
Un an plus tard.
En début d’été, j’appelle ta grand-mère pour vérifier ses disponibilités des gîtes. Mais aussi pour la questionner discrètement à ton sujet. J’envisage de revenir au mas, mais seulement à condition que tu sois là. J’envisage carrément d’adapter mes congés en fonction de ton éventuelle présence. Je crève d’envie de te revoir et de t’entendre raconter cette année qui vient de s’écouler, tes études, tes potes, tes aventures. Et, bien évidemment, au fond de moi je rêve toujours de t’offrir le plaisir que je n’ai pas su t’offrir il y a un an.
Ta grand-mère m’apprend que ton année en STAPS s’est très bien passée, que tu aimes tes études, que tu t’es fait de nouveaux potes. Elle me parle de Tristan, ce camarade que tu as déjà ramené chez elle à plusieurs reprises. Elle me parle de votre belle amitié. Elle insiste sur cette amitié, si soudaine, si fusionnelle.
— Ils ne se quittent jamais ces deux-là !
Ta grand-mère ne le dit pas explicitement, mais je crois bien qu’elle pense que ce Tristan est plus qu’un pote pour toi. Elle vous a vus quelques fois ensemble, et elle a compris. Ta grand-mère est une femme intelligente, et il faut se lever de bonne heure pour la tromper. D’ailleurs, je me demande si elle n’avait pas compris pour moi aussi. Que je suis pédé, et que je te kiffais comme un fou.
Tu as peut-être fait exprès d’amener Tristan chez elle. Au fond de toi, tu voulais qu’elle sache, qu’elle comprenne qui tu es.
Et elle a compris. De toute façon, même si tu l’ignores peut-être encore, les corps qui partagent la sensualité ne peuvent pas le cacher. Ils ont beau faire attention, être discrets, les corps et les regards liés par le bonheur partagé ne savent pas mentir.
Peut-être qu’au fond d’elle ta grand-mère espère se tromper, ou que ce ne soit qu’une passade, et que tu reviennes bientôt à ce qu’elle doit considérer « le bon côté de la force ». Elle se pose assurément beaucoup de questions, elle s’inquiète pour toi, pour ton avenir, pour ton bonheur. Elle voudrait que tu lui parles de tout ça, car elle n’ose pas le faire. Elle t’aime trop, elle ne veut pas te mettre mal à l’aise. Elle attend que tu sois prêt. Et elle voudrait que tu lui fasses assez confiance pour t’ouvrir à elle. Elle est peut-être blessée que ce ne soit pas encore le cas.
— Et cet été il ne viendra même pas me voir, car ils partent tous les deux pour plusieurs semaines en Australie ! elle finir par m’annoncer. Je ressens de la déception et de la tristesse dans sa voix.
— Il va adorer ! Et ça lui fera du bien de découvrir d’autres horizons !
— Il a grandi tellement vite ! Il n’a même pas vingt ans. Je m’inquiète un peu pour lui…
— Valentin est un garçon intelligent, il sait ce qui est bien pour lui.
— Je sais, je sais. Enfin, je l’espère !
— Vous lui passerez le bonjour de ma part à l’occasion.
— Je n’y manquerai pas, ça lui fera plaisir. Je crois que ça lui a fait plaisir de faire votre connaissance l’année dernière…
— J’ai été ravi de faire sa connaissance aussi. Valentin est un garçon très touchant…
— Oui, mais il est aussi très beau, non ?
— Oui, il est aussi très très beau, je souris, finalement démasqué.
Bon voyage en Australie, beau Valentin ! J’espère que tu es amoureux, et heureux. Car il n’y a rien de plus beau que d’être amoureux à vingt ans.
Et si tu passes à Bells Beach, et si d’aventure tu croises un beau gars brun de mon âge avec une planche de surf sous le bras, un tatouage en forme de brassard et un autre au motif végétal remontant de son épaule jusqu’à son oreille, n’oublie pas de lui passer le bonjour de ma part.
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2 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
Merci Portdebrest pour ton beau commentaire
Bonjour Fab,
C'est une très belle histoire en 3 épisodes que tu viens de publier. La narration nous tient en haleine tout au long du récit dans l'espoir qu'un conclusion au lit viendra parfaire cette rencontre... Ce n'est pas le cas, ce qui n'enlève rien à l'intensité des différentes rencontres entre ces deux hommes. Tu nous rappelle ainsi que le désir charnel, s'il est souvent présent, doit s’accommoder du respect de l'autre en particulier lorsque l'on rencontre un jeune en devenir. Merci pour cette belle histoire.
Ceci dit j'aime aussi tes histoires plus sexe ;) ...
C'est une très belle histoire en 3 épisodes que tu viens de publier. La narration nous tient en haleine tout au long du récit dans l'espoir qu'un conclusion au lit viendra parfaire cette rencontre... Ce n'est pas le cas, ce qui n'enlève rien à l'intensité des différentes rencontres entre ces deux hommes. Tu nous rappelle ainsi que le désir charnel, s'il est souvent présent, doit s’accommoder du respect de l'autre en particulier lorsque l'on rencontre un jeune en devenir. Merci pour cette belle histoire.
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