Jérém&Nico, FINAL 3/4 – Rien n’a vraiment d’importance
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 28-08-2024 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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Jérém&Nico, FINAL 3/4 – Rien n’a vraiment d’importance
Aux cadeaux inespérés de la vie.
Amsterdam, Ziggo Dôme, 1er décembre 2023.
Un solide travesti black, le gagnant de la dernière saison d’une célèbre émission de drags américaine, vient de monter sur scène. Il est accoutré en Marie-Antoinette, un hommage tout en humour à la tenue célébrissime portée par la Star de la soirée lors d’une prestation aux MTV Music Awards plus de trente ans auparavant et devenue iconique.
Sur l’instrumentale de « Material girl », « Marie-Antoinette » commence à chauffer la salle. Il nous raconte une époque où Madonna n’était encore que Louise Veronica, une jeune fille du Michigan, il nous détaille la légende des 35 dollars en poche lorsqu’elle a débarqué à Time Square alors qu’elle n’avait que 19 ans. Il retrace, projections d’écrans à l’appui, les moments les plus sulfureux de quarante ans de carrière.
L’assistance est en délire. « Marie Antoinette » termine sa longue tirade en assenant :
« This is not a concert, this is not a party, this is a Celebration ! »
Alors que les notes du premier titre du concert font exploser la sono de la salle et nos tympans, tandis que les basses font vibrer le sol, nos pieds et nos tripes.
L’onde de choc se propage dans la salle, dans les esprits. Elle apparaît enfin, sur un plateau tournant, dans un immense nuage de fumée, sous mille feux de lumières.
Et elle entonne :
https://www.youtube.com/watch?v=Gv5rZHfaxEM&t=270s
Quand j'étais très jeune/When I was very young
Rien n'avait vraiment d'importance pour moi/Nothing really mattered to me
Mais pour me rendre heureux/But making myself happy
J'étais le seul/I was the only one
Maintenant que je suis adulte/Now that I am grown
Tout a changé/Everything's changed
Je ne serai plus jamais le même/I'll never be the same
À cause de toi/Because of you
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
L’amour est tout ce qui compte. Et cet amour, c’est toi qui me l’apportes. Toi, qui es ici, ce soir, à côté de moi, à ce concert.
— Je suis tellement content que tu sois là avec moi ! je te crie à l’oreille, en défiant les décibels. Sans succès.
— Quoi ? tu gueules à ton tour.
— Merci d’être là ! je crie à pleins poumons.
Paris, début mai 2023.
C’est à ce moment-là que ma vie a basculé. Que mes certitudes ont volé en éclat. Que j’ai changé d’état.
C’est au beau milieu du printemps que le vent s’est mis à souffler à nouveau, et très fort. Ce n’était pas le vent d’Autan, car le vent d’Autan n’arrive pas jusqu’à Paris. Mais ce vent qui soufflait sur la capitale lui ressemblait quand-même beaucoup.
Un soir, alors que je suis en train de préparer le dîner en attendant qu’Anthony rentre du bureau, je regarde comme d’habitude une émission de débat. Et lorsque j’entends la voix suave de l’animatrice présenter l’invité du jour, je manque de peu de faire un malaise.
« Notre invité du jour a 41 ans, il est originaire de la région toulousaine et il a été l’un des rugbymen les plus prometteurs de sa génération. Dans son palmarès, un bouclier de Brennus soulevé avec l’un des plus gros clubs de Top14, le Stade Français, ainsi qu’un Tournoi des Six Nations gagné en Equipe de France. Il a également connu une carrière internationale en Angleterre, puis en Afrique du Sud, et il a été l’un des rares joueurs natifs de l’hémisphère nord à participer au tournoi du « Super 14 », qui est devenu depuis « Super Rugby », une compétition disputée entre équipes d’Afrique du Sud, de Nouvelle Zélande et d’Australie. Autrement dit, le Saint des Saints du rugby mondial.
Ce soir, il est accompagné par Thibault Garcia et Ulysse Klein, tous deux également anciens rugbymen de premier plan.
Nous accueillons ce soir l’ancien ailier international Jérémie Tommasi ».
Et alors que la caméra montre les trois hommes et que le public les accueille avec de longs applaudissements, je me sens me liquéfier, ou carrément m’évaporer. Mon cœur vient de se décrocher de ma poitrine et de s’écraser au sol. J’ai le vertige, je dois m’assoir.
— Bonsoir Jérémie…
— Bonsoir…
Ça fait cinq ans que je ne l’ai pas vu, depuis mon voyage en Australie. Jérém va sur ses 42 ans. Les cheveux blancs sont un peu plus nombreux, les poils gris dans sa barbe aussi. Les années ont passé pour lui aussi, mais avec grâce. Il a l’air apaisé. Et cette belle chemise noire portée sur un t-shirt blanc le met terriblement en valeur.
— Il y a 15 ans, tout allait bien pour vous, enchaîne l’animatrice. Votre carrière était bien lancée et rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Et pourtant, elle a été stoppée net lorsque vous n’aviez que 27 ans.
— C’est exact.
— Mais cet arrêt brutal n’a pas été causé par une blessure, comme c’est malheureusement souvent le cas pour les grands sportifs.
— Non, en effet.
— Elle a été stoppée à cause d’une photo.
— Eh oui, malheureusement…
Jérém n’a pas l’air à l’aise devant les caméras. Je devine que l’exercice de se montrer devant les caméras est loin d’être anodin, qu’il prend grandement sur lui, et il en est carrément touchant. J’ai tellement envie de le prendre dans mes bras et de le soutenir, de l’encourager !
— Alors, racontez-nous ce qu’il y avait de si terrible, de si scandaleux, de si repréhensible sur ce cliché pour que ce soit suffisant pour arrêter une carrière comme la vôtre.
— Sur cette photo, il y avait deux garçons, moi et Rodney Williams.
La fameuse couverture du tabloïd à l’origine du « scandale » apparaît à l’écran, avec la mention : « Boys have fun ».
— Rodney Williams est un ancien international de rugby que vous avez rencontré lorsque vous jouiez à Londres, précise l’animatrice.
— C’est exact.
— A cette époque Rodney Williams était votre petit ami…
La caméra fait un plan serré sur Jérém. Je vois l’hésitation traverser son regard, je reconnais sa pudeur, sa réticence à s’exposer de la sorte. Puis, je le vois prendre une inspiration profonde. Une étincelle nouvelle jaillit de son regard. Il saisit son courage à deux mains, et il lance, la voix plus sonore, l’attitude davantage affirmée :
— Oui, c’est ça.
— Avant de parler de cette photo et du bouleversement qu’elle a provoqué dans votre vie, je voudrais que vous me racontiez votre parcours. Vous avez commencé le rugby en tant qu’amateur lorsque vous étiez enfant…
— C’est ça. C’est Thibault qui m’a fait découvrir le ballon ovale, explique Jérém en indiquant son pote d’enfance.
— Et c’est au cours de votre adolescence que vous avez découvert votre attirance pour les garçons. Comment avez-vous vécu cela ?
— Plutôt pas bien. Je ne pouvais pas accepter d’être comme ça. Je ne voulais pas être gay, comme si j’avais pu choisir. Je suis sorti avec des nanas pour éloigner les soupçons de moi. Mais avant tout pour me convaincre que je n’étais pas gay.
— Et pourtant vous aviez déjà eu des expériences avec des garçons, vous les avez eues assez jeune…
— Oui, mais j’espérais que ce ne serait qu’une passade, et que j’arriverais à maîtriser ce « truc ».
— Mais vous n’y êtes pas arrivé…
— Non, je n’y suis pas arrivé. Au contraire, j’ai peu à peu pris conscience de qui j’étais. A vingt ans, j’ai eu une relation avec un garçon, une très belle relation qui a duré près de 10 ans. Et cette relation m’a fait mûrir, m’a aidé à me respecter, à ne plus avoir honte de moi.
— Mais ça n’a pas été toujours une relation de tout repos, en particulier à cause du rugby.
— Quand j’ai commencé ma carrière dans le rugby professionnel, je venais tout juste d’apprendre à m’accepter tel que j’étais. A partir de ce moment, j’ai dû cacher cette partie de moi, j’ai dû mettre ma vie personnelle en arrière-plan. Et ma relation en a pâti.
— Mais elle a quand-même perduré. Et puis il s’est passé quelque chose qui a à nouveau bouleversé votre vie.
— Oui. C’était le soir de mes 25 ans, je sortais d’une petite fête qu’Ulysse ici présent m’avait préparée chez lui. J’étais en compagnie de mon copain de l’époque. On avait un peu bu, on a certainement été imprudents. Des types nous ont vus nous embrasser. Et nous ont tabassés.
Hasard ou pas, la caméra le montre désormais de profil. Un angle de vue qui fait ressortir cette légère cassure sur son nez, ce changement de son profil qui n’est pas la conséquence de coups reçus pendant ses années rugby, mais le stigmate indélébile de la violence aveugle dont nous avons été victimes il y a 17 ans.
— Mon nez s’en souvient encore, plaisante Jérém en voyant le retour d’image dans un écran. A l’époque, on m’avait proposé de corriger ça. Mais je n’ai jamais voulu. Je voulais me souvenir de ce qui était arrivé pour ne plus jamais baisser la garde.
— De cette agression, vous en avez remporté des blessures qui vous ont éloigné du terrain de jeu…
— J’ai passé des mois à récupérer. Physiquement, ça allait. Mais mentalement, ce n’était pas du tout ça. J’ai quand même voulu rejouer, car le terrain était l’endroit au monde où je me sentais le mieux. J’espérais que ça m’aiderait à tourner la page.
— Et comment avez-vous été accueilli ?
— Je ne m’attendais pas un soutien inconditionnel après ce que j’avais subi, j’attendais juste qu’on me laisse une chance de reprendre ma place d’ailier.
— Est-ce qu’on vous l’a donnée, cette chance ?
— Pas vraiment. Cette agression m’avait « outé ». Dès le premier match, dès le premier accrochage avec un joueur, je me suis fait traiter de pédé.
— C’est la double peine, s’indigne un chroniqueur. Vous aviez été la victime d’une agression homophobe, et au lieu de vous montrer du soutien, on vous a montré du mépris.
— Je ne pouvais plus jouer dans mon équipe, ni dans le Top14, continue Jérém. Mais je ne pouvais pas concevoir de renoncer au rugby pour autant. Pas à 25 ans. Alors, quand j’ai eu une occasion de partir jouer en Angleterre, je l’ai saisie. C’est à ce moment que j’ai rencontré Rodney.
— En Angleterre, vous vous êtes senti mieux accepté ?
— Je ne sais pas trop. Je n’y suis pas resté assez longtemps pour le vérifier. Pendant la saison que j’ai faite là-bas, j’ai bénéficié de l’« intouchabilité » de Rodney. Rodney était un joueur très respecté, et personne n’aurait osé s’attaquer à lui. Ce qui m’offrait une sorte de protection, si on veut. Mais des propos homophobes, j’en ai entendu là-bas aussi.
— Puis tout s’est enchaîné, raconte l’animatrice. La saison en Afrique du Sud, et les fameuses photos. Expliquez-nous ce que vous avez ressenti lorsque vous avez vu pour la première fois ces images dans la presse.
— Quand je les ai découvertes, je me suis senti mis à nu devant la Terre entière. Mes proches savaient que j’étais homosexuel. Mais je n’étais pas prêt à partager publiquement cet aspect de ma vie. Je savais que si cela s’ébruitait, ça me porterait préjudice.
— Vous vous ne trompiez pas…
— Non. Après la publication de ces images, tout le monde m’a lâché, il continue. Les sponsors, l’entraîneur, l’équipe.
— Vous n’avez donc eu aucun soutien après le scandale ? Si on peut appeler ça comme ça…
— Aucun. Je savais que ma carrière était fichue. Je savais qu’aucun club important ne voudrait plus de moi. Et puis, de toute façon, j’étais tellement mal que j’avais perdu le mental nécessaire pour être un bon joueur. Je savais que je ne reviendrais jamais au top.
— Alors vous êtes parti, loin, très loin, pour oublier ce que vous aviez subi…
— Je suis parti en Australie pour oublier jusqu’à qui j’étais !
— Quels sentiments vous habitaient à cet instant précis ?
Jérém a l’air très ému. Son regard pétille plus qu’il ne devrait. Je sens qu’il retient ses larmes de justesse. Visiblement, la violence qu’il a subie il y a quatorze ans, la violence de ces photos et de leur conséquence sur sa vie, est toujours là, enfouie quelque part en lui. Mais pas trop loin de la surface quand-même.
— La honte et la colère, il finit par répondre après un instant de flottement. J’étais brisé. Cet instant a été pour moi le début d’une longue descente aux enfers. Il m’a fallu des années pour rebondir.
— Suite à la parution des photos, Rodney Williams avait fait son coming out à la télévision anglaise…
— C’était courageux de sa part. Mais moi je n’étais pas prêt pour ça.
— Vous estimez que l’homophobie vous a privé d’une partie de votre carrière au rugby ?
— C’est un fait. Mais elle ne m’a pas privé que de ça. Ça m’a privé aussi de ma vie, de mon bonheur et de… de … de…
Jérém est visiblement très ému. Quant à moi, je pleure devant ma télé.
— Et de quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi, il finit par lâcher.
— Vous venez aujourd’hui dénoncer l’homophobie dans le monde du rugby ?
— Je viens dénoncer l’homophobie dans le rugby et, plus en général dans le monde du sport et, encore plus en général, dans nos sociétés. Il est inadmissible de recevoir autant de haine et de discrimination pour le simple fait d’aimer un garçon. Tant que « pédé » sera considéré comme une insulte humiliante, il n’y aura pas le compte. Tant qu’il faudra faire son coming out, le compte n’y sera pas non plus. Quand on y pense. Un coming out est une façon de se « dénoncer », de se justifier devant la Terre entière, comme si on suppliait les autres de nous accepter et de nous pardonner de quelque chose. Quand on est gay, on n’a pas besoin de ça. On a juste besoin de respect, comme tout un chacun.
Jérém est de plus en plus à l’aise, il est habité, sincère, il parle avec ses tripes, il me fait vibrer.
— Je ne suis pas certain qu'on arrivera un jour à supprimer définitivement l'homophobie, il continue, et toute autre forme de discrimination. Car, depuis tout jeune, c’est facile de se faire mousser en crachant sur l’autre, surtout quand il est « différent ». D’abord, on ne réalise pas à quel point ça peut faire du mal. Et après ça devient banal, c’est une façon de se faire accepter par ses potes, et par montrer qu’on est des petits malins. La souffrance de l’autre, on ne la voit pas, on ne la voit plus, ou on fait semblant de ne pas la voir. Pareil pour l’injustice de notre comportement…
— La souffrance de l’autre, on ne la voit pas, on ne la voit plus, ou on fait semblant de ne pas la voir, répète l’animatrice. Avant d’enchaîner : Quel souvenir gardez-vous de votre carrière ?
— Le souvenir d’un rêve qui s’est révélé être une illusion, et qui au final s’est transformé en une immense désillusion.
— Vous pouvez être un peu plus précis ?
— A 20 ans, j’avais de l’argent, j’avais le succès, j’étais connu, reconnu, apprécié. Paris et ses boîtes m’ouvraient grand les portes, j’aurais pu avoir toutes les nanas et tous les mecs que je voulais. A cette époque, j’avais l’impression d’avoir le monde à mes pieds. J’étais comme un enfant laissé seul dans un magasin de jouets. J’ai le souvenir de cette époque comme d’une cuite qui aurait duré pendant des années, une cuite qui m’est montée à la tête et qui m’a peu à peu déconnecté du réel.
— Mais tout cela a un prix, lance l’animatrice.
— Oui, un prix élevé. Tout marche bien tant que vous êtes au top. Tant que vous assurez, tout vous sourit. Mais gare aux moments de faiblesse ! Une blessure, quelques mois d’absence du terrain de jeu, vous avez à nouveau tout à prouver.
— Si tant en est qu’on vous en donne la chance, bien entendu, fait l’animatrice.
— Oui, car cette chance, on ne vous la donnera qu’à la condition d’être, ou de faire semblant d’être, celui que les autres attendent de vous. Si vous ne rentrez pas dans les clous, cette chance on vous la refuse. Quand on est sportif de haut niveau et homosexuel, le choix vous est très clairement posé entre la carrière et la vie personnelle. Et quand les deux s’entrechoquent, tout s’arrête d’un coup. Du jour au lendemain, on n’est plus rien. On est seuls au monde.
Et on finit par se demander ce qui est vraiment important dans la vie. On se demande si cette gloire, si cette carrière en valait vraiment ce prix qu’on a dû y mettre. On se demande après quoi on court en réalité. L’argent, la gloire, le besoin d’être acclamé par les supporters, de rendre sa famille et ses potes fiers de soi ? On se demande à quoi bon repousser toujours les limites, supporter les coups, obliger le corps et le mental à encaisser encore et encore, chaque jour…
Au fil des années, je repensais de plus en plus au plaisir de jouer qui m’avait fait aimer le rugby pendant mon adolescence. Et je me disais que dans le rugby professionnel je ne retrouvais rien de ce plaisir simple partagé entre potes. La pression sur les joueurs pour la performance à tout prix est si forte que ça en devient un fardeau et ça crée une ambiance propice aux blessures physiques et mentales.
— Que diriez-vous aujourd’hui à des jeunes sportifs gays ? Ou à des jeunes sportifs tout court…
— Je n’ai pas la prétention de pouvoir donner des conseils à qui que ce soit, j’ai fait toutes les erreurs possibles dans ma vie.
— Alors, quelle est l’erreur que vous leur conseilleriez d’éviter à tout prix ?
Et là, après un long instant d’hésitation, Jérém finit par lâcher :
— Ma plus grosse erreur a été celle de choisir la réussite professionnelle plutôt que la réussite personnelle.
— J’ai réussi dans la vie, mais est-ce que j’ai réussi ma vie ? s’interrogeait un jour Dalida dans une interview, se souvient un chroniqueur.
— C’est ça, admet Jérém. Et ça, on finit par le regretter, tôt ou tard.
Les applaudissements du public lui permettent de boire quelques gorgées d’eau et de souffler pendant quelques instants.
— Vous êtes revenu en France pour reprendre le vignoble familial aux côtés de votre frère et de votre père, enchaîne l’animatrice.
— C’est exact.
— Mais ce n’est pas le seul projet qui occupe vos journées…
— Non, en effet. Avec mes deux amis, Thibault et Ulysse, nous venons de créer une association qui a pour but de soutenir les jeunes gays, et de lutter contre l’homophobie.
— Thibault Garcia est votre ami d’enfance, explique l’animatrice. Ulysse Klein a été votre coéquipier et votre mentor pendant les plus belles années de votre carrière dans le rugby.
La parole leur est donnée ensuite. Thibault parle de la façon dont il a vécu son attirance pour les garçons lorsqu’il évoluait dans le rugby professionnel, de sa décision de quitter ce dernier pour ne pas avoir à se cacher, pour ne pas avoir à choisir entre sa vie sportive et sa vie personnelle. Mais aussi, pour s’engager à plein temps auprès des Sapeurs-Pompiers. Il évoque également son compagnon, ainsi que son enfant de vingt ans. Il explique également le sens de son engagement dans l’asso.
— Parce qu’on se sent parfois seuls, et qu’on a besoin de se sentir soutenus si on veut pouvoir donner le meilleur de soi.
— On ne doit pas avoir à choisir entre sa vie professionnelle et sa vie tout court, abonde Ulysse. Un bon joueur est un bon joueur, un bon gars est un bon gars, quelle que ce soit son orientation sexuelle.
— Un bon gars est un bon gars, quelle que ce soit son attirance, lui fait écho l’animatrice. C’est le plus beau message qu’on puisse faire passer. C’est le sens de votre engagement, il me semble.
Les trois garçons acquiescent en cœur.
— Jérémie, vous avez dit tout à l’heure que vous étiez parti en Australie pour vous retrouver. Est-ce que vous y êtes parvenu ?
— Je crois que oui. Il a fallu du temps, mais je crois que oui. Avant d’ajouter : En fait, je crois que j’ai commencé à être bien… et là, Jérém s’arrête, visiblement ému aux larmes. Thibault lui pose une main sur l’épaule. Le public applaudit. Jérém s’essuie une larme.
— Je crois que j’ai commencé à être bien quand j’ai cessé d’avoir honte de qui je suis.
Mai 2023.
Jérém vient de disparaître de l’écran et je suis encore submergé par les images que je viens de voir et par les mots que je viens d’entendre. Comme si j’avais trop longtemps fixé le soleil, sa présence, ses mots, sa souffrance, m’aveuglent, résonnent en moi, me déchirent. Je suis abasourdi, incrédule, bouleversé. Je suis dans tous mes états. Ce à quoi je viens d’assister est tellement énorme que j’en viens à imaginer d’en avoir tout simplement rêvé.
Je me saisis de ma télécommande, je cherche le replay. Et le replay est bel et bien là, avec Jérém dedans, ses mots, sa présence, sa souffrance, ses larmes.
Deux ans et demi après notre dernier échange de message, cinq ans après notre dernière rencontre en Australie, vingt-deux ans jour pour jour après notre première révision dans l’appart de la rue de la Colombette, Jérém revient dans ma vie par écran interposé.
Le Jérém qui a fui à l’autre bout de la planète pour tenter d’échapper à la honte, le Jérém qui tenait à cacher à tout prix son homosexualité, pour qui ça paraissait inconcevable de s’assumer ne serait-ce que vis-à-vis de son entourage, le petit con de dix-neuf ans qui me baisait dans son appart de la rue de la Colombette et qui me sommait de ne rien en dire à personne « sinon je te pète la gueule », celui qui refusait toute marque de tendresse de ma part en se défendant « je ne suis pas pédé, moi ! », ce Jérém a été remplacé par un Jérém qui assume publiquement qui il est, prêt à montrer les cicatrices de ses anciennes blessures, et à apporter de l’aide à des garçons susceptibles de vivre ce qu’il a lui-même vécu.
Je suis touché par la sincérité de ses propos, par la beauté de son action. Si j’avais pu imaginer cela de lui, lors de nos révisions pour le bac, ou pendant ses années rugby !
Au moment où Anthony débarque à l’appart, je ne suis toujours pas remis de ces images. J’essaie de faire bonne figure, mais je n’y arrive pas.
Mai 2023.
La nuit suivante, je dors très peu. D’heure en heure, je sens monter en moi une envie de plus en plus irrépressible d’appeler Jérém. J’ai besoin de lui dire à quel point son apparition à la télé et son engagement m’ont bouleversé. J’ai besoin qu’il me parle, qu’il m’explique. Depuis combien de temps est-il en France ? Pourquoi ne m’a-t-il pas prévenu de son retour ? Pourquoi personne ne m’a pas prévenu ? Pourquoi a-t-il quitté l’Australie ? Et Ewan dans tout ça ? Et maintenant que la distance physique n’est plus là, quelle relation est possible entre nous ?
Le lendemain, cette envie, ce besoin se font de plus en plus dévorants. Je n’arrive à penser à autre chose. Entre midi et deux, je regarde une nouvelle fois le replay de l’émission sur mon téléphone. J’ai envie d’appeler Jérém. J’ai envie de le revoir. J’ai envie de le serrer dans mes bras.
Et Anthony dans tout ça ? J’aime ce petit gars de toutes mes forces. Mais je sens au fond de moi que tout pourrait basculer très vite. Je sens que je pourrais lui faire du mal. C’est pourquoi, j’hésite à franchir le pas, j’hésite à appeler Jérém.
Et pourtant, je finis par craquer. Le soir même, après être rentré de ma journée de travail si peu productive. Mais je tombe sur un message en anglais qui m’informe que le numéro n’est plus attribué. En vrai, je m’y attendais un peu. Je ne traîne pas, je profite de ma lancée. Je compose un autre numéro dans la foulée.
— Il est revenu peu avant Noël, m’explique Maxime. Mais il n’était pas certain de rester. Il a traîné pendant quelques semaines. Et puis, tout est allé très vite. Il a commencé à m’aider au domaine. Puis, Ulysse est venu, et ils ont commencé à imaginer cette asso.
— Et Ewan ?
— Il est resté en Australie.
— Ils ne sont plus ensemble ?
— Il n’en a pas trop parlé. Mais je crois que non.
Je frémis.
J’hésite à lui demander le nouveau numéro de Jérém. J’ai peur d’ouvrir une boîte de Pandore. J’ai peur que ma vie m’échappe des mains. Bien qu’au fond de moi, je sais pertinemment que la boîte de Pandore a été ouverte dès l’instant où Jérém est apparu à l’écran.
Lorsque je compose son nouveau numéro, qui ne commence pas par 06, mais par 07, comme les jeunes, je tombe direct sur son répondeur.
« Salut, c’est Jérém. Je ne suis pas là, laisse un message ! ».
Le simple son de sa voix enregistrée me file la chair de poule. Car ce message me donne la preuve tangible qu’il est revenu, et qu’il n’est plus qu’à quelques heures de moi.
Je suis tellement bouleversé que je ne sais pas quoi lui dire, et je raccroche sans laisser le moindre message.
Samedi 20 mai 2023.
Ce n’est pas à l’automne, mais au printemps. Ce n’est pas sous une pluie battante, mais accompagné par un beau soleil. C’est aujourd’hui que je vais retrouver Jérém. A Campan, près de 22 ans après ma première venue.
Par ailleurs, cette journée, cette lumière, ce petit vent qui semble me pousser à aller de l’avant, cet élan que je ressens en moi, ce bonheur qui m’habite, me rappellent une autre journée d’il y a 22 ans, cette journée de début mai par laquelle toute cette histoire a débuté.
Après mon premier coup de fil raté, Jérém m’a rappelé. Et je n’ai pu refuser son invitation.
Sous la halle en pierre du petit village, je ne retrouve pas le petit con à l’aube de ses vingt ans avec son pull à capuche, son t-shirt blanc et sa belle crinière brune. Je retrouve un homme élégant, habillé d’une belle chemise blanche et d’un blouson en cuir. Un homme qui, comme je l’avais vu à l’écran, a encore perdu de sa brunitude, le gris et le blanc ayant encore progressé en cinq ans, depuis nos retrouvailles en Australie. Mais à part cela, le temps semble glisser sur lui. A bientôt 42 ans, Jérém demeure un très bel homme.
Jérém est là, et il m’attend. Lorsque son image frappe ma rétine, lorsque je croise son regard, mon cœur a des ratés, je suis saisi par une sorte de vertige. Je n’arrive pas à croire ce qui est en train de se passer.
J’avance vers lui, il avance vers moi. Nous nous retrouvons face à face, à moins d’un mètre l’un de l’autre et nous nous fixons, aussi incrédules l’un que l’autre, les regards pleins d’émotions et de larmes retenues de justesse. Et puis les larmes coulent. Ce dernier pas qui nous sépare est franchi. Ses bras enveloppent mon torse, mes bras enveloppent le sien. Je plonge mon visage dans le creux de son épaule, puis dans celui de son cou. Je cherche l’odeur de sa peau, comme pour m’assurer que tout cela est bien réel.
Et je l’embrasse. Nous étions deux gosses, nous sommes deux hommes maintenant. Comme il y a 22 ans, nous nous embrassons sous la halle de Campan. A cet instant précis où je retrouve l’amour de mes vingt ans, j’ai l’impression d’avoir vingt ans à nouveau.
— Comment tu m’as manqué, P’tit Loup !
— Pas autant que tu m’as manqué, Ourson !
Ça fait plus de quinze ans que nous n’avons pas été nus, l’un contre l’autre. La dernière fois, c’était à Toulouse, le soir où il m’avait annoncé qu’il renonçait au rugby, quelques jours avant de changer d’avis et de s’envoler vers Londres et vers Rodney.
Aujourd’hui, dans la petite maison dans la montagne, je redécouvre l’amour avec l’homme de ma vie. Nos envies, nos désirs, nos corps affamés l’un de l’autre se reconnaissent instantanément, même après toutes ces années de séparation.
Et quel immense bonheur que de redécouvrir sa nudité, la douceur, la chaleur, le parfum de sa peau. Et malgré les changements opérés par le Temps – la musculature moins saillante qu’à l’époque, les quelques poils blancs qui progressent et remplacent peu à peu la brunitude des poils de son torse – mon désir demeure intact.
En redécouvrant la géographie de son plaisir de mec, je réalise que rien n’a changé de ce côté-là, et que je n’ai rien oublié. Lui non plus, il n’a rien oublié de la façon dont il s’y prenait pour me rendre dingue.
Je redécouvre le plaisir de lui offrir du plaisir, le bonheur de le voir et de le sentir prendre son pied. Je retrouve le plaisir de me faire posséder par sa mâlitude, et d’assister à l’explosion de son orgasme.
Je me souvenais d’un jeune mec entreprenant et fougueux, je retrouve un homme qui sait prendre le temps, et dont les caresses sont devenues furieusement sensuelles. C’est peut-être là, le changement le plus flagrant.
— Tu la portes toujours, je considère, la tête posée son torse, et caressant sa chaînette, celle que je lui ai offerte il y a bien longtemps.
— Je n’ai jamais pu la quitter. Et toi non plus… il enchaîne, en saisissant ma chaînette à son tour, cette chaînette qui a été la sienne.
— Je n’ai jamais cessé de t’attendre.
— Je n’ai jamais cessé de penser à toi, il me glisse, après un long silence. Pendant toutes ces années, pendant les moments les plus durs, à chaque fois que je devais faire un choix ou prendre une décision, je me suis demandé « Que ferait Nico à ma place ? Qu’est-ce qu’il penserait de telle ou telle décision ? J’ai essayé de ne pas te décevoir, même si tu n’étais pas à mes côtés.
Si tu savais comment j’ai été heureux de te voir débarquer à Bells Beach !
— Moi aussi j’ai été content de te retrouver. Ça a été dur, mais ça m’a fait un bien fou.
— J’ai été démoli quand tu es parti…
— J’ai pleuré pendant tout le voyage de retour.
— J’ai chialé aussi…
— Il aurait suffi d’un mot pour me retenir.
— Je ne pouvais pas faire ça à Ewan.
— Je comprends très bien. Ewan m’a l’air d’un très bon gars.
— Il l’est. Mais après ton départ, tout a changé.
— Qu’est-ce qui a changé ?
— Ma relation avec lui. Je n’arrêtais pas de penser à toi. J’avais envie de sauter dans un avion et de venir te retrouver. Ce qui me retenait aussi, c’était de savoir que tu avais quelqu’un.
Le vertige me saisit en pensant au nombre d’occasions manquées qui nous ont séparés pendant tout ce temps. Mais en même temps, ses mots me racontent comment, de son côté comme du mien, et malgré le temps et l’espace qui nous séparaient, le lien qui nous lie depuis le premier jour du lycée n’a jamais été vraiment cassé.
Ce soir, je redécouvre le bonheur de m’endormir dans ses bras après lui avoir offert un bel orgasme. Comment ils m’ont manqué, ses bras, pendant toutes ces années !
Le lendemain, nous nous rendons au centre équestre de Charlène. La « maman d’adoption » de Jérém vient de souffler ses 79 bougies. Le temps n’a pas été clément avec elle. Si battante et énergique jadis, Charlène me paraît désormais fragile, fatiguée. Je la trouve toute menue. Elle semble avoir rapetissé. Elle ne monte plus depuis plusieurs années, sa condition physique lui ayant ôté la souplesse et la force nécessaires pour l’équitation.
Par ailleurs, elle est toujours aussi lucide et agréable d’esprit. Et toujours aussi aimante et accueillante.
— Comment je suis contente de vous revoir tous les deux ! elle nous accueille, les bras ouverts, les yeux humides.
Elle nous étreint à tour de rôle, avec un amour infini.
— J’ai toujours pensé que votre séparation était un terrible gâchis. J’ai toujours espéré que vous vous retrouveriez.
— On est là, maintenant…
— C’est pas trop tôt, espèce de p’tit con ! Quand tu es revenu il y a dix ans et que tu n’as pas voulu aller voir Nico, je t’aurais mis des baffes !
— Tu aurais dû m’en coller !
— Je ne te le fais pas dire, sale gosse !
— Et toi, Nico, quand tu es venu il y a des années me demander des nouvelles de Jérémie, je savais que tu irais le voir en Australie. Et j’étais convaincue que tu reviendrais avec lui. Quand tu es revenu les mains dans les poches, j’ai failli te mettre des baffes aussi !
— Tu aurais dû m’en coller à moi aussi !
— Vous avez été aussi nul l’un que l’autre ! J’ai failli perdre espoir ! Mais je savais que ça arriverait un jour. C’était évident que vous étiez faits pour vous retrouver, et que vos chemins se recroiseraient un jour. J’espérais juste être encore là ce jour venu, et pouvoir assister à ce moment que j’ai souhaité de tous mes vœux.
— Peu importe les détours que la vie nous impose, ou que nous nous imposons nous-mêmes. Quand deux êtres s’aiment comme vous vous aimez, leurs chemins finissent par se recroiser. Il n’y a pas de rivière assez large, pas de montagne assez haute dont l’Amour ne puisse arriver à bout.
Et vous êtes chanceux, les garçons, de connaître cet Amour.
Charlène ne nous accompagne pas aux prés, car marcher lui est pénible. Tzigane, la jument qui a été le relais entre Jérém et son grand père, mais aussi Bille, la jument shetland qui a été la première monture de Jérém en culottes courtes, tout comme la brave Téquila que j’ai montée il y a vingt ans, tous sont partis galoper dans les étoiles. Ils sont partis pendant que nous n’étions pas là, sans que nous puissions leur dire au revoir.
Nous retrouvons le dernier survivant des montures de Jérém, Unico. Il est désormais un vieux cheval d’une trentaine d’années.
— Il a pris du poil blanc, en même temps que moi, commente Jérém, visiblement ému.
Le centre équestre fonctionne toujours, et il est même davantage fréquenté qu’auparavant. En ce samedi, une poignée de mômes installés sur des poneys tournent dans la carrière en sable fin. Ils sont guidés par un moniteur, Baptiste, un beau gosse de vingt ans à la voix déjà éminemment virile et au regard délicieusement effronté.
La nouvelle de notre présence s’étant répandue comme une traînée de poussière dans la vallée, une soirée bonne franquette est organisée en notre honneur le soir même.
Jérém et moi sommes heureux de retrouver nos amis cavaliers. Mais notre joie se transforme très vite en mélancolie. Car nous constatons d’entrée que le relais est moins « rempli » qu’à la grande époque, celle de notre première jeunesse. Et, surtout, qu’il y a de grands absents.
De la grande famille que j’ai connue il y a vingt ans, il ne reste en fait plus grand monde. Les « rescapés » se comptent sur les doigts d’une main. Charlène qu’on ne présente plus, Satine à la grande gueule, Martine au rire tonitruant. Jean-Paul et Carine. Ils ont tous vieilli, beaucoup vieilli. Ils ont tous franchi le cap des trois quarts de siècle, et aucun d’entre eux n’a pu garder l’énergie nécessaire pour monter à cheval.
Les autres cavaliers ne sont plus là. Certains ont déménagé. D’autres sont partis, comme leurs montures, galoper dans les étoiles.
— On n’est plus très nombreux, on ne monte plus à cheval, mais un bon gueuleton entre amis, on ne se le refuse jamais ! considère Jean-Paul, toujours aussi accueillant et bienveillant.
— Surtout quand il y a quelque chose à fêter ! lance Martine.
— Et quelle plus grande fête que pour le retour des fils prodigues ! plaisante Jean-Paul. Franchement, vous avez bien joué avec nos nerfs ! Vous avez foutu en l’air tous mes paris pendant des années !
— Quels paris ?
— J’ai toujours parié qu’on vous reverrait débarquer ensemble un de ces quatre. Pour moi, c’était une évidence. J’ai toujours pensé que pour toi, Jérémie, peu importe les détours, peu importe les erreurs d’aiguillage, tous les chemins que tu emprunterais dans ta vie finiraient par te ramener vers Nico. Et que tous les chemins que tu emprunterais dans ta vie, Nico, te ramèneraient vers Jérémie.
Tous les chemins de Jérém le ramènent à Nico. Tous les chemins de Nico le ramènent à Jérém. Comme elle me plaît, cette idée, cette image !
Parmi les présents à la soirée, quelques jeunes recrues de l’asso, la plupart des nanas. Elles semblent toutes subjuguées et intriguées par la présence du beau Baptiste, ce qui est parfaitement compréhensible. Mais le beau Baptiste semble être intrigué par autre chose. Par Jérém et moi. Il vient nous parler, longtemps, il nous questionne sur notre parcours. Il a l’air bien au courant de notre histoire, Charlène a dû lui en parler. Ce garçon est vraiment sublime. Il a un sourire à tomber à la renverse. Et il dégage une aisance, une insolence qui le rendent carrément craquant.
Dans cette belle soirée, quelque chose nous a terriblement manqué. Je veux parler bien évidemment des blagues, de la guitare, de la voix et de la présence de Daniel. Heureusement, quelqu’un a eu un jour, il y a des années, la bonne idée de filmer quelques-unes de ses prestations de l’époque. Et ce soir, Martine a eu la bonne idée d’apporter un écran, une enceinte connectée et une clé USB.
La présence de Daniel est reconstituée grâce à la technologie. Ce n’est pas pareil, certes. Car Daniel et Lola ne sont pas là. Mais les images sont là, le son de la guitare est là, leurs voix sont là, elles résonnent à nouveau sous le grand plafond du relais. Entre deux chansons, où même pendant une chanson, on les voit et on les entend jouer l’éternel duo comique qu’ils avaient monté pour amuser les amis. On les entend se lancer des piques comme toujours, on les voir amoureux comme toujours. Et ils parviennent à mettre l’ambiance même par écran et par enceinte interposés, à travers l’espace et le temps.
La nostalgie d’un temps révolu, du temps qui passe inexorablement, ainsi que le regret des absents planent sur cette soirée. Mais l’enregistrement de Daniel met une sacrée ambiance et nous chantons en playback, nous faisons les cœurs, nous faisons les cons.
L’enregistrement terminé, c’est le beau Baptiste qui prend le relais avec sa propre guitare. Evidemment, il sait jouer de la guitare. Evidemment, il coche une série presque vertigineuse de cases de la bogossitude. Il ne chante pas, mais il joue très bien. En communion avec son instrument, il est encore plus craquant.
— Vous ne pouvez pas savoir quel beau cadeau vous nous avez fait en venant nous revoir, tous les deux, à nouveau ensemble ! nous lance Martine. Je suis tellement heureuse de vous voir heureux ! Votre amour, c’est ce que vous avez de plus précieux. Protégez-le, chérissez-le, choyez-le. Et profitez-en à chaque instant. Ça passe tellement vite, les garçons !
Dimanche 21 mai 2023.
Sur la butte devant la grande cascade de Gavarnie, je prends Jérém dans mes bras, et je savoure mon bonheur présent. C’était une évidence de revenir ici. Ça l’était autant pour lui que pour moi. On retourne dans un lieu pour retrouver des souvenirs, ou pour nous souvenir de qui nous avons été autrefois.
Comme il y a plus de vingt ans à ce même endroit, comme il y a quelques années sur la plage des « Twelve Apostles », nous restons longtemps enlacés, à contempler notre passé et notre présent. Mais aujourd’hui, nous avons quelque chose de plus à contempler. Notre avenir ensemble, un horizon qui n’a jamais été aussi dégagé. Non, cette fois-ci, le bonheur de nos retrouvailles ne se brisera pas sur l’écueil d’un « au revoir » incertain, ou d’un « adieu » sans appel. Jérém est revenu et il ne va pas repartir. Je crois que cette fois-ci, notre histoire, c’est pour de bon. L’avenir nous appartient désormais.
Je tiens dans mes bras un Jérém cabossé par la vie, mais un Jérém enfin assumé, et à nouveau battant. Un Jérém qui semble enfin avoir dompté ses démons, qui assume sa fragilité et ses fêlures, et dont le tempérament a été sensiblement adouci par les années.
Oui, Jérém a changé. Il est désormais dans son attitude – dans ses mouvements, tout comme dans ses pensées – une sorte de prudence, d’hésitation, de gravité. Quelque chose entre sensibilité et maturité. Quelque chose de terriblement touchant. Le passage de la fougue insolente de ses vingt ans à l’intense mâlitude de sa quarantaine est tout aussi radical que fascinant.
Et quand je repense à son engagement pour les jeunes homosexuels, quand je repense à cette force dont il fait preuve, cette volonté de transformer sa souffrance passée en moteur de son action pour aider les autres, cela m’émeut au plus haut point.
Je crois que je n’ai jamais été aussi amoureux de lui.
Je crois que je n’ai jamais été heureux comme à cet instant.
Un instant de pur bonheur qui me ramène à cette belle chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=7o5R02bM5ow
Sat on a roof/Assis sur un toit
Named every star/On a nommé chaque étoile
Shed every bruise and/On s'est débarrassé de chaque ecchymose et
Showed every scar/On a montré chaque cicatrice
Sat on a roof/Assis sur un toit
Your hand in mine, singing/Ta main dans la mienne, chantant
"Life has a beautiful, crazy design"/"La vie a une magnifique, et folle conception"
And time... seemed to say/Et le temps... semblait dire
"Forget the world and its weight"/"Oublie le monde et son poids"
Here, I just wanna stay/Là, je voudrais juste rester
Amazing day/Excellente journée
Amazing day/Incroyable journée
Sat on a roof/Assis sur un toit
Named every star and/Tu as nommé chaque étoile et
Showed me a place/Tu m'as montré un endroit
Where you can be who you are/Où on peut être qui l'on est
And the view/Et la vue
The whole Milky Way/L'ensemble de la Voie Lactée
In your eyes/Dans tes yeux
I'm drifting away/Je dérive
And in your arms/Et dans tes bras
I just wanna sway/Je voudrais juste me bercer
Et dans tes bras, je me berce, aussi longtemps que j’en ai besoin.
Et dans tes bras, je me bercerai, aussi longtemps que j’en aurai besoin.
Amazing day/Excellente journée
Amazing day/Incroyable journée
Dans un vignoble gersois, le dimanche 20 octobre 2023.
C’est après les vendanges, lorsque le vignoble s’embrase de nuances allant du jaune au marron, en passant par le rouge, qu’un grand repas est organisé dans le domaine des Tommasi pour l’anniversaire de Jérém. Il y a quelques jours, l’ancien rugbyman a fêté ses 42 ans.
Ce lieu, chargé d’histoire familiale, m’a toujours impressionné et ému. J’ai désespéré pouvoir y retourner un jour, malgré les invitations répétées de Maxime pendant le long exil australien de Jérém.
Mais je savais qu’y retourner sans Jérém, je n’aurais pas supporté. Car ça m’aurait arraché le cœur.
Je suis si heureux de le retrouver enfin, de retrouver les rangées de vignes, les palissages, si bien rangés, le corps de ferme, si bien rangé, de retrouver ce site où tout me parle des racines et des jeunes années de l’homme que j’aime.
Quand je suis dans le salon, il me semble le voir gambader en culottes courtes.
Quand je suis dans la cuisine, j’ai l’impression de le voir en train de prendre son goûter.
Quand je suis dans le jardin, je me dis que derrière ce grand chêne, il a dû se cacher, enfant, en jouant avec Maxime. Je me dis que plus tard, Thibault a dû se joindre à eux pour ces jeux d’insouciance.
Une insouciance qui a été balayée net par le départ de sa mère. Du jour au lendemain, sans y être préparé, Jérém a réalisé et a dû accepter qu’elle ne serait plus jamais là. Mais ça n’a rien changé au manque, à sa tristesse d’enfant.
Je me dis qu’à cette époque, il s’est peut-être réfugié dans la grange pour être seul. C’est peut-être là qu’il a grillé ses premières clopes. Peut-être que Maxime s’y est réfugié aussi, et que Jérém l’y a rejoint pour le réconforter. Ou bien, c’est Maxime qui l’y a rejoint pour le réconforter.
Je me dis qu’adolescent, il a dû monter le grand escalier de la maison en boudant. Qu’il a dû s’enfermer dans cette chambre et faire exploser sa colère, ou pleurer à l’abri des regards.
Je me dis que dans cette grande maison, il a été heureux, il a été triste, il s’est senti protégé, puis rejeté, il a eu envie de partir.
Je me prends à imaginer ses états d’esprit pendant ses premières années. Je voudrais l’avoir connu à cette époque, je voudrais avoir partagé tous ces moments avec lui.
Mais ce lieu, ce « sanctuaire » a quelque peu changé depuis ma première visite. La chambre d’ado de Jérém a été rénovée pour permettre au petit Cédric de rester dormir parfois chez Papi et Mamie. Ce lieu, cette pièce que plus que toute autre me parlait du temps où j’ignorais l’existence de Jérém n’est plus.
Les affaires de Jérém enfant et ado ont été montées au grenier. Nous nous y rendons ce soir, pour faire un tri dans les affaires. En ouvrant les cartons, nous tombons sur des albums photo. Au fil de ces images, que je relie dans ma tête à des petites anecdotes que j’ai entendu raconter à table, je parcours les jeunes années de mon Jérém.
Toutes ces images du passé se superposent à celle du Jérém de 42 ans, mon compagnon, qui s’assume, qui assume notre relation, notre passé, notre présent, et notre avenir. Et cette superposition, ce mélange, m’émeut au plus haut point.
Dans ce vignoble, au cœur de tous les Jérémie, j’ai envie de pleurer de bonheur.
Autour de la grande table sont réunis tous les Êtres qui comptent pour Jérém et moi, la famille et les amis. Il y a bien évidemment le maître des lieux, Papa Tommasi. Lui aussi semble très bien vieillir avec le temps. Il y a Maxime, qui porte sa quarantaine tout aussi fabuleusement bien que son frère. Sa copine est là aussi, ainsi que son fils Cédric, un adorable garçon de six ans souriant et vraiment facile à vivre. Maxime est un véritable papa poule, et lorsqu’il regarde son fils, ses yeux débordent de tendresse et d’amour.
Un autre invité à qui la quarantaine va comme un gant, c’est le sublime Thibault. Il est accompagné par son compagnon Arthur. Mais également par son fils Lucas. Lucas vient de fêter ses 22 ans. Et je réalise qu’est plus âgé que ne l’était son papa lorsqu’il l’a conçu. Comment le temps passe !
Lucas est beau comme un petit Dieu. Il y a dans son regard une telle fraîcheur, une telle candeur, une innocence mais dans le bon sens du terme, un éclat si magique, si enviable. Sa simple présence dégage la plus sublime forme d'insolence, l’exhibition presque indécente de la beauté et de la jeunesse. Et ce qui le rend encore plus touchant, c’est le fait qu’à l’instar de son papa lorsqu’il avait son âge, il ne se doute même pas à quel point il est insoutenablement beau.
Ulysse est aussi de la partie. L’ancien rugbyman est parvenu à se faire un nom dans le monde de la gastronomie. Au fil du temps, son restaurant parisien est devenu le repère d’un certain nombre de célébrités. Ulysse est accompagné de sa femme, et de la petite Charlotte qui vient de fêter ses dix ans.
Charlène est là aussi, Jérém est allé la chercher exprès pour l’occasion. Malgré son âge et ses soucis de santé, elle demeure une bonne vivante qui ne renonce pas à la bonne chair.
Mes parents sont là aussi, avec tous leurs soucis de santé. Mais aujourd’hui ils font bonne figure, car aujourd’hui c’est la fête.
Autour de la table, une dernière présence contribue à mon bonheur. Une double présence. D’abord, la tienne, mon Galakou d’amour.
Depuis un certain temps déjà, lorsque je te regarde mon cœur s’emplit à la fois de joie et de tristesse. De la joie, tu m’en as donnée depuis le tout premier instant où je t’ai vu, lorsque tu n’étais âgé que d’une poignée de jours. Tu n’avais même pas encore ouvert tes yeux, et tu tenais dans ma main, petite boule d’amour. Depuis toutes ces années que tu es là, à mes côtés, tu as été le plus merveilleux et le plus fidèle des compagnons.
Mais tu as beaucoup vieilli dernièrement. Tu vas sur tes 13 ans, mon petit chien ! Nous en avons vécu des choses ensemble, tu en as essuyé des larmes ! Je contemple toutes ces années passées, le changement dans ton allure, et ça me donne le vertige. Ton poil n’est plus aussi brillant qu’avant, tes mouvements sont raides. Même le pouic pouic ne t’intéresse plus autant qu’auparavant. Le poil blanc couvre toute ta mâchoire inférieure. Et dans ton regard, je lis la fatigue et les années passées.
Mais dans ton regard, je lis toujours le même amour inconditionnel.
Je regrette le temps passé loin de toi, lorsque je suis parti parfois sans t’amener avec moi. Je sais que je t’ai fait de la peine. Et je regrette toutes ces heures passées à faire autre chose que te caresser et jouer avec toi. Je regrette toutes ces fois où tu as voulu jouer avec moi et que je croyais ne pas avoir le temps. Je regrette d’avoir fait passer mon clavier avant tes câlins.
J’ai voulu avoir un petit de toi, pour que tu lui transmettes ta mignonnerie génétique. J’ai essayé, je n’ai pas réussi. Peut-être que je n’ai pas assez essayé. Alors, il y a quelques mois, j’ai voulu prendre un autre labrador, Ugo (il est là lui aussi et joue avec Charlotte et Cédric). J’ai voulu lui offrir un stage de labradorisation auprès de toi, le plus gentil des chiens.
J’ai cru que tu jouerais avec lui, qu’il t’extirperait de la torpeur, et que sa présence t’offrirait un retour d’énergie. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que la fougue de sa jeunesse t’épuiserait autant. Que son côté chien fou ce serait trop pour toi. Que dans son inépuisable envie de jouer, il serait si brutal avec toi.
Je suis désolé de t’avoir imposé ça. Tiens bon, mon Galakou. Et ne sois pas jaloux. Ugo est super mignon. Mais tu seras à tout jamais le chien de ma vie. Reste encore un peu avec moi, mon amour de chien, d’accord ?
Au fur et à mesure que le repas avance et que la boisson donne de l’aisance, ça parle dans tous les sens, ça rigole de plus en plus fort. Le beau Lucas a certainement un peu abusé du bon vin de la maison, son regard pétille, pétille, pétille. Il a l’air un tantinet éméché et heureux. Il me rappelle Jérém à son âge, après une soirée, des bières, des shots, des joints. Avant l’amour. Après l’amour. L’insolence de sa beauté et de sa jeunesse m’émeut au plus haut point. Il est beau à se damner.
Les heures défilent, l’après-midi avance. Le repas touche à sa fin, la conversation s’étire, s’épuise. L’heure de nous quitter approche. On fait un rappel de café, on fait une tournée d’Armagnac maison, dans une tentative ultime de retenir les invités. Pour essayer de retenir l’instant de bonheur et de partage, pour essayer de retenir le Temps.
Ce repas, est à l’image de la Vie. Ça passe trop vite, beaucoup trop vite. Je voudrais pouvoir sauvegarder cet instant, le soustraire au Temps, garder à tout jamais autour de moi les personnes que j’aime.
Car les êtres aimés finissent par partir. A la fin d’un repas. Ou à la fin de leur chemin.
Je n’ai pas envie de dire au revoir, car certains au revoir ressemblent à des adieux. Et en effet, certains des « au revoir » dispensés au moment de prendre congé de cette belle journée, s’avèreront être des adieux. Ce sera la dernière fois que tous les présents à cet anniversaire seront réunis.
Il faut profiter de ceux qu’on aime, tant qu’il est encore temps. Tant qu’ils sont encore là.
Les invités partis, j’ai le cœur lourd. Jérém doit s’en rendre compte, car il me propose une balade dans la vigne. Nous marchons en silence, accompagnés par les pas lents de Galaak et par les bondissements infatigables d’Ugo.
Pas après pas, le souvenir remonte, d’un jour lointain, dans une autre vigne, bien verdoyante, elle, en pleine pousse, lors du retour d’un voyage en Italie. C’était le printemps et il faisait chaud, très chaud. Jérém portait un t-shirt blanc, aveuglant sous le soleil de printemps. Au pied d’un chêne, il l’avait ôté, mettant à nu ce torse déjà si bien développé pour le garçon de 17 ans qu’il était à l’époque. Il avait même ouvert sa braguette, sous prétexte qu’il avait trop chaud, me montrant ainsi son boxer, et la délicieuse bosse qu’il soulignait. Il avait osé cela alors que j’étais assis sur une grande pierre juste devant lui, juste à la bonne hauteur pour déclencher des envies brûlantes. Sale petit allumeur ! Plus tard, il m’avait avoué qu’il l’avait fait exprès, qu’il voulait précisément voir l’effet qu’il me faisait.
Ce soir, la vigne vire au rouge, et le vent est frais. Le petit con qui m’avait chauffé en ce jour lointain s’est transformé en un homme qui me réchauffe le cœur. Et ce soir, j’ai besoin de sa tendresse. J’ai besoin de sa présence, j’en ai besoin comme jamais pour calmer ma nostalgie et ma mélancolie.
Et cette tendresse, cette présence, je les trouve au détour d’un palissage, lorsqu’il me prend dans ses bras et qu’il me serre très fort contre lui. Quelques larmes silencieuses coulent sur ma joue. Et mon cœur s’apaise.
Je n’ai plus de remords, je n’ai plus de regrets. A part un, celui des trop nombreuses années que Jérém et moi avons passé loin l’un de l’autre, ce Temps perdu à souffrir au lieu d’aimer.
Heureusement, nous nous sommes retrouvés. Heureusement, nous allons pouvoir profiter du reste de notre vie ensemble.
Les chanceux, c’est nous !
C’est bon de ne pas avoir à traverser la vie tout seul.
Amsterdam, Ziggo Dome, le vendredi 1er décembre 2023.
https://www.youtube.com/watch?v=Gv5rZHfaxEM&t=270s
Les notes du premier titre du concert font exploser la sono de la salle et nos tympans, tandis que les basses font vibrer le sol, nos pieds et nos tripes.
L’onde de choc se propage dans la salle, dans les esprits. Madonna apparaît enfin, sur un plateau tournant, dans un immense nuage de fumée, sous mille feux de lumières.
Et elle entonne :
Quand j'étais très jeune/When I was very young
Rien n'avait vraiment d'importance pour moi/Nothing really mattered to me
Mais pour me rendre heureux/But making myself happy
J'étais le seul/I was the only one
Maintenant que je suis adulte/Now that I am grown
Tout a changé/Everything's changed
Je ne serai plus jamais le même/I'll never be the same
À cause de toi/Because of you
Lien vers l’article complet du Celebration Tour.
J’ai appris à croire en moi et en ce que je fais, et à ne jamais cesser d’y croire.
J’ai appris à oser et à ne jamais avoir honte d’oser.
J’ai appris qu’il ne faut pas hésiter à dire « merde » à ceux qui voudraient nous voir échouer.
J’ai appris à ne pas me laisser décourager par l’échec, j’ai appris que l’action et la persévérance finissent toujours par porter leurs fruits.
J’ai appris qu’il faut regarder vers l’avenir même quand la tentation est forte de se laisser emporter par la fatigue, le désarroi et la nostalgie.
J’ai appris qu’on a le droit d’exister, indépendamment de nos préférences, tant que nos actes sont guidés par le respect de l’autre.
Que j’ai droit au bonheur, et que personne n’a à me dire par quel chemin l’atteindre.
Voilà ce j’ai appris à travers toutes ces années, à travers mon expérience, mes réussites et mes échecs.
Voilà ce que je ressens en pensant à Madonna. Voilà pourquoi je l’aime, voilà pourquoi elle m’inspire autant.
A Amsterdam elle était radieuse et magnifique. Sa prestation sur « Live to tell » en hommage aux victimes du SIDA, ainsi que son speech au sujet de la journée mondiale contre ce fléau, ont été des purs moments de grâce.
https://www.youtube.com/watch?v=Gv5rZHfaxEM&t=1100s
https://youtu.be/YMUlRhsWHhk?si=h3_XlOzjifVtj2ZP
Jamais l’un de ses concerts n’a autant fait sens pour moi. C’est peut-être la dernière fois que je l’aurais vue en spectacle, en vrai, et de si près. Et je suis si fier d’elle !
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
L’amour est tout ce qui compte. Et cet amour, c’est toi qui me l’apportes, toi, qui es ici, ce soir, à côté de moi, à ce concert.
— Je suis tellement content que tu sois là avec moi ! je te crie à l’oreille, en défiant les décibels. Sans succès.
— Quoi ? tu gueules à ton tour.
— Merci d’être là ! je crie à plein poumons.
Tu plonges ton visage dans le creux de mon épaule et me serres très fort contre toi.
Ce soir, tu es là, avec moi, mon Jérém. Ce soir, je suis heureux.
Amsterdam, Ziggo Dôme, 1er décembre 2023.
Un solide travesti black, le gagnant de la dernière saison d’une célèbre émission de drags américaine, vient de monter sur scène. Il est accoutré en Marie-Antoinette, un hommage tout en humour à la tenue célébrissime portée par la Star de la soirée lors d’une prestation aux MTV Music Awards plus de trente ans auparavant et devenue iconique.
Sur l’instrumentale de « Material girl », « Marie-Antoinette » commence à chauffer la salle. Il nous raconte une époque où Madonna n’était encore que Louise Veronica, une jeune fille du Michigan, il nous détaille la légende des 35 dollars en poche lorsqu’elle a débarqué à Time Square alors qu’elle n’avait que 19 ans. Il retrace, projections d’écrans à l’appui, les moments les plus sulfureux de quarante ans de carrière.
L’assistance est en délire. « Marie Antoinette » termine sa longue tirade en assenant :
« This is not a concert, this is not a party, this is a Celebration ! »
Alors que les notes du premier titre du concert font exploser la sono de la salle et nos tympans, tandis que les basses font vibrer le sol, nos pieds et nos tripes.
L’onde de choc se propage dans la salle, dans les esprits. Elle apparaît enfin, sur un plateau tournant, dans un immense nuage de fumée, sous mille feux de lumières.
Et elle entonne :
https://www.youtube.com/watch?v=Gv5rZHfaxEM&t=270s
Quand j'étais très jeune/When I was very young
Rien n'avait vraiment d'importance pour moi/Nothing really mattered to me
Mais pour me rendre heureux/But making myself happy
J'étais le seul/I was the only one
Maintenant que je suis adulte/Now that I am grown
Tout a changé/Everything's changed
Je ne serai plus jamais le même/I'll never be the same
À cause de toi/Because of you
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
L’amour est tout ce qui compte. Et cet amour, c’est toi qui me l’apportes. Toi, qui es ici, ce soir, à côté de moi, à ce concert.
— Je suis tellement content que tu sois là avec moi ! je te crie à l’oreille, en défiant les décibels. Sans succès.
— Quoi ? tu gueules à ton tour.
— Merci d’être là ! je crie à pleins poumons.
Paris, début mai 2023.
C’est à ce moment-là que ma vie a basculé. Que mes certitudes ont volé en éclat. Que j’ai changé d’état.
C’est au beau milieu du printemps que le vent s’est mis à souffler à nouveau, et très fort. Ce n’était pas le vent d’Autan, car le vent d’Autan n’arrive pas jusqu’à Paris. Mais ce vent qui soufflait sur la capitale lui ressemblait quand-même beaucoup.
Un soir, alors que je suis en train de préparer le dîner en attendant qu’Anthony rentre du bureau, je regarde comme d’habitude une émission de débat. Et lorsque j’entends la voix suave de l’animatrice présenter l’invité du jour, je manque de peu de faire un malaise.
« Notre invité du jour a 41 ans, il est originaire de la région toulousaine et il a été l’un des rugbymen les plus prometteurs de sa génération. Dans son palmarès, un bouclier de Brennus soulevé avec l’un des plus gros clubs de Top14, le Stade Français, ainsi qu’un Tournoi des Six Nations gagné en Equipe de France. Il a également connu une carrière internationale en Angleterre, puis en Afrique du Sud, et il a été l’un des rares joueurs natifs de l’hémisphère nord à participer au tournoi du « Super 14 », qui est devenu depuis « Super Rugby », une compétition disputée entre équipes d’Afrique du Sud, de Nouvelle Zélande et d’Australie. Autrement dit, le Saint des Saints du rugby mondial.
Ce soir, il est accompagné par Thibault Garcia et Ulysse Klein, tous deux également anciens rugbymen de premier plan.
Nous accueillons ce soir l’ancien ailier international Jérémie Tommasi ».
Et alors que la caméra montre les trois hommes et que le public les accueille avec de longs applaudissements, je me sens me liquéfier, ou carrément m’évaporer. Mon cœur vient de se décrocher de ma poitrine et de s’écraser au sol. J’ai le vertige, je dois m’assoir.
— Bonsoir Jérémie…
— Bonsoir…
Ça fait cinq ans que je ne l’ai pas vu, depuis mon voyage en Australie. Jérém va sur ses 42 ans. Les cheveux blancs sont un peu plus nombreux, les poils gris dans sa barbe aussi. Les années ont passé pour lui aussi, mais avec grâce. Il a l’air apaisé. Et cette belle chemise noire portée sur un t-shirt blanc le met terriblement en valeur.
— Il y a 15 ans, tout allait bien pour vous, enchaîne l’animatrice. Votre carrière était bien lancée et rien ne semblait pouvoir l’arrêter. Et pourtant, elle a été stoppée net lorsque vous n’aviez que 27 ans.
— C’est exact.
— Mais cet arrêt brutal n’a pas été causé par une blessure, comme c’est malheureusement souvent le cas pour les grands sportifs.
— Non, en effet.
— Elle a été stoppée à cause d’une photo.
— Eh oui, malheureusement…
Jérém n’a pas l’air à l’aise devant les caméras. Je devine que l’exercice de se montrer devant les caméras est loin d’être anodin, qu’il prend grandement sur lui, et il en est carrément touchant. J’ai tellement envie de le prendre dans mes bras et de le soutenir, de l’encourager !
— Alors, racontez-nous ce qu’il y avait de si terrible, de si scandaleux, de si repréhensible sur ce cliché pour que ce soit suffisant pour arrêter une carrière comme la vôtre.
— Sur cette photo, il y avait deux garçons, moi et Rodney Williams.
La fameuse couverture du tabloïd à l’origine du « scandale » apparaît à l’écran, avec la mention : « Boys have fun ».
— Rodney Williams est un ancien international de rugby que vous avez rencontré lorsque vous jouiez à Londres, précise l’animatrice.
— C’est exact.
— A cette époque Rodney Williams était votre petit ami…
La caméra fait un plan serré sur Jérém. Je vois l’hésitation traverser son regard, je reconnais sa pudeur, sa réticence à s’exposer de la sorte. Puis, je le vois prendre une inspiration profonde. Une étincelle nouvelle jaillit de son regard. Il saisit son courage à deux mains, et il lance, la voix plus sonore, l’attitude davantage affirmée :
— Oui, c’est ça.
— Avant de parler de cette photo et du bouleversement qu’elle a provoqué dans votre vie, je voudrais que vous me racontiez votre parcours. Vous avez commencé le rugby en tant qu’amateur lorsque vous étiez enfant…
— C’est ça. C’est Thibault qui m’a fait découvrir le ballon ovale, explique Jérém en indiquant son pote d’enfance.
— Et c’est au cours de votre adolescence que vous avez découvert votre attirance pour les garçons. Comment avez-vous vécu cela ?
— Plutôt pas bien. Je ne pouvais pas accepter d’être comme ça. Je ne voulais pas être gay, comme si j’avais pu choisir. Je suis sorti avec des nanas pour éloigner les soupçons de moi. Mais avant tout pour me convaincre que je n’étais pas gay.
— Et pourtant vous aviez déjà eu des expériences avec des garçons, vous les avez eues assez jeune…
— Oui, mais j’espérais que ce ne serait qu’une passade, et que j’arriverais à maîtriser ce « truc ».
— Mais vous n’y êtes pas arrivé…
— Non, je n’y suis pas arrivé. Au contraire, j’ai peu à peu pris conscience de qui j’étais. A vingt ans, j’ai eu une relation avec un garçon, une très belle relation qui a duré près de 10 ans. Et cette relation m’a fait mûrir, m’a aidé à me respecter, à ne plus avoir honte de moi.
— Mais ça n’a pas été toujours une relation de tout repos, en particulier à cause du rugby.
— Quand j’ai commencé ma carrière dans le rugby professionnel, je venais tout juste d’apprendre à m’accepter tel que j’étais. A partir de ce moment, j’ai dû cacher cette partie de moi, j’ai dû mettre ma vie personnelle en arrière-plan. Et ma relation en a pâti.
— Mais elle a quand-même perduré. Et puis il s’est passé quelque chose qui a à nouveau bouleversé votre vie.
— Oui. C’était le soir de mes 25 ans, je sortais d’une petite fête qu’Ulysse ici présent m’avait préparée chez lui. J’étais en compagnie de mon copain de l’époque. On avait un peu bu, on a certainement été imprudents. Des types nous ont vus nous embrasser. Et nous ont tabassés.
Hasard ou pas, la caméra le montre désormais de profil. Un angle de vue qui fait ressortir cette légère cassure sur son nez, ce changement de son profil qui n’est pas la conséquence de coups reçus pendant ses années rugby, mais le stigmate indélébile de la violence aveugle dont nous avons été victimes il y a 17 ans.
— Mon nez s’en souvient encore, plaisante Jérém en voyant le retour d’image dans un écran. A l’époque, on m’avait proposé de corriger ça. Mais je n’ai jamais voulu. Je voulais me souvenir de ce qui était arrivé pour ne plus jamais baisser la garde.
— De cette agression, vous en avez remporté des blessures qui vous ont éloigné du terrain de jeu…
— J’ai passé des mois à récupérer. Physiquement, ça allait. Mais mentalement, ce n’était pas du tout ça. J’ai quand même voulu rejouer, car le terrain était l’endroit au monde où je me sentais le mieux. J’espérais que ça m’aiderait à tourner la page.
— Et comment avez-vous été accueilli ?
— Je ne m’attendais pas un soutien inconditionnel après ce que j’avais subi, j’attendais juste qu’on me laisse une chance de reprendre ma place d’ailier.
— Est-ce qu’on vous l’a donnée, cette chance ?
— Pas vraiment. Cette agression m’avait « outé ». Dès le premier match, dès le premier accrochage avec un joueur, je me suis fait traiter de pédé.
— C’est la double peine, s’indigne un chroniqueur. Vous aviez été la victime d’une agression homophobe, et au lieu de vous montrer du soutien, on vous a montré du mépris.
— Je ne pouvais plus jouer dans mon équipe, ni dans le Top14, continue Jérém. Mais je ne pouvais pas concevoir de renoncer au rugby pour autant. Pas à 25 ans. Alors, quand j’ai eu une occasion de partir jouer en Angleterre, je l’ai saisie. C’est à ce moment que j’ai rencontré Rodney.
— En Angleterre, vous vous êtes senti mieux accepté ?
— Je ne sais pas trop. Je n’y suis pas resté assez longtemps pour le vérifier. Pendant la saison que j’ai faite là-bas, j’ai bénéficié de l’« intouchabilité » de Rodney. Rodney était un joueur très respecté, et personne n’aurait osé s’attaquer à lui. Ce qui m’offrait une sorte de protection, si on veut. Mais des propos homophobes, j’en ai entendu là-bas aussi.
— Puis tout s’est enchaîné, raconte l’animatrice. La saison en Afrique du Sud, et les fameuses photos. Expliquez-nous ce que vous avez ressenti lorsque vous avez vu pour la première fois ces images dans la presse.
— Quand je les ai découvertes, je me suis senti mis à nu devant la Terre entière. Mes proches savaient que j’étais homosexuel. Mais je n’étais pas prêt à partager publiquement cet aspect de ma vie. Je savais que si cela s’ébruitait, ça me porterait préjudice.
— Vous vous ne trompiez pas…
— Non. Après la publication de ces images, tout le monde m’a lâché, il continue. Les sponsors, l’entraîneur, l’équipe.
— Vous n’avez donc eu aucun soutien après le scandale ? Si on peut appeler ça comme ça…
— Aucun. Je savais que ma carrière était fichue. Je savais qu’aucun club important ne voudrait plus de moi. Et puis, de toute façon, j’étais tellement mal que j’avais perdu le mental nécessaire pour être un bon joueur. Je savais que je ne reviendrais jamais au top.
— Alors vous êtes parti, loin, très loin, pour oublier ce que vous aviez subi…
— Je suis parti en Australie pour oublier jusqu’à qui j’étais !
— Quels sentiments vous habitaient à cet instant précis ?
Jérém a l’air très ému. Son regard pétille plus qu’il ne devrait. Je sens qu’il retient ses larmes de justesse. Visiblement, la violence qu’il a subie il y a quatorze ans, la violence de ces photos et de leur conséquence sur sa vie, est toujours là, enfouie quelque part en lui. Mais pas trop loin de la surface quand-même.
— La honte et la colère, il finit par répondre après un instant de flottement. J’étais brisé. Cet instant a été pour moi le début d’une longue descente aux enfers. Il m’a fallu des années pour rebondir.
— Suite à la parution des photos, Rodney Williams avait fait son coming out à la télévision anglaise…
— C’était courageux de sa part. Mais moi je n’étais pas prêt pour ça.
— Vous estimez que l’homophobie vous a privé d’une partie de votre carrière au rugby ?
— C’est un fait. Mais elle ne m’a pas privé que de ça. Ça m’a privé aussi de ma vie, de mon bonheur et de… de … de…
Jérém est visiblement très ému. Quant à moi, je pleure devant ma télé.
— Et de quelqu’un qui a beaucoup compté pour moi, il finit par lâcher.
— Vous venez aujourd’hui dénoncer l’homophobie dans le monde du rugby ?
— Je viens dénoncer l’homophobie dans le rugby et, plus en général dans le monde du sport et, encore plus en général, dans nos sociétés. Il est inadmissible de recevoir autant de haine et de discrimination pour le simple fait d’aimer un garçon. Tant que « pédé » sera considéré comme une insulte humiliante, il n’y aura pas le compte. Tant qu’il faudra faire son coming out, le compte n’y sera pas non plus. Quand on y pense. Un coming out est une façon de se « dénoncer », de se justifier devant la Terre entière, comme si on suppliait les autres de nous accepter et de nous pardonner de quelque chose. Quand on est gay, on n’a pas besoin de ça. On a juste besoin de respect, comme tout un chacun.
Jérém est de plus en plus à l’aise, il est habité, sincère, il parle avec ses tripes, il me fait vibrer.
— Je ne suis pas certain qu'on arrivera un jour à supprimer définitivement l'homophobie, il continue, et toute autre forme de discrimination. Car, depuis tout jeune, c’est facile de se faire mousser en crachant sur l’autre, surtout quand il est « différent ». D’abord, on ne réalise pas à quel point ça peut faire du mal. Et après ça devient banal, c’est une façon de se faire accepter par ses potes, et par montrer qu’on est des petits malins. La souffrance de l’autre, on ne la voit pas, on ne la voit plus, ou on fait semblant de ne pas la voir. Pareil pour l’injustice de notre comportement…
— La souffrance de l’autre, on ne la voit pas, on ne la voit plus, ou on fait semblant de ne pas la voir, répète l’animatrice. Avant d’enchaîner : Quel souvenir gardez-vous de votre carrière ?
— Le souvenir d’un rêve qui s’est révélé être une illusion, et qui au final s’est transformé en une immense désillusion.
— Vous pouvez être un peu plus précis ?
— A 20 ans, j’avais de l’argent, j’avais le succès, j’étais connu, reconnu, apprécié. Paris et ses boîtes m’ouvraient grand les portes, j’aurais pu avoir toutes les nanas et tous les mecs que je voulais. A cette époque, j’avais l’impression d’avoir le monde à mes pieds. J’étais comme un enfant laissé seul dans un magasin de jouets. J’ai le souvenir de cette époque comme d’une cuite qui aurait duré pendant des années, une cuite qui m’est montée à la tête et qui m’a peu à peu déconnecté du réel.
— Mais tout cela a un prix, lance l’animatrice.
— Oui, un prix élevé. Tout marche bien tant que vous êtes au top. Tant que vous assurez, tout vous sourit. Mais gare aux moments de faiblesse ! Une blessure, quelques mois d’absence du terrain de jeu, vous avez à nouveau tout à prouver.
— Si tant en est qu’on vous en donne la chance, bien entendu, fait l’animatrice.
— Oui, car cette chance, on ne vous la donnera qu’à la condition d’être, ou de faire semblant d’être, celui que les autres attendent de vous. Si vous ne rentrez pas dans les clous, cette chance on vous la refuse. Quand on est sportif de haut niveau et homosexuel, le choix vous est très clairement posé entre la carrière et la vie personnelle. Et quand les deux s’entrechoquent, tout s’arrête d’un coup. Du jour au lendemain, on n’est plus rien. On est seuls au monde.
Et on finit par se demander ce qui est vraiment important dans la vie. On se demande si cette gloire, si cette carrière en valait vraiment ce prix qu’on a dû y mettre. On se demande après quoi on court en réalité. L’argent, la gloire, le besoin d’être acclamé par les supporters, de rendre sa famille et ses potes fiers de soi ? On se demande à quoi bon repousser toujours les limites, supporter les coups, obliger le corps et le mental à encaisser encore et encore, chaque jour…
Au fil des années, je repensais de plus en plus au plaisir de jouer qui m’avait fait aimer le rugby pendant mon adolescence. Et je me disais que dans le rugby professionnel je ne retrouvais rien de ce plaisir simple partagé entre potes. La pression sur les joueurs pour la performance à tout prix est si forte que ça en devient un fardeau et ça crée une ambiance propice aux blessures physiques et mentales.
— Que diriez-vous aujourd’hui à des jeunes sportifs gays ? Ou à des jeunes sportifs tout court…
— Je n’ai pas la prétention de pouvoir donner des conseils à qui que ce soit, j’ai fait toutes les erreurs possibles dans ma vie.
— Alors, quelle est l’erreur que vous leur conseilleriez d’éviter à tout prix ?
Et là, après un long instant d’hésitation, Jérém finit par lâcher :
— Ma plus grosse erreur a été celle de choisir la réussite professionnelle plutôt que la réussite personnelle.
— J’ai réussi dans la vie, mais est-ce que j’ai réussi ma vie ? s’interrogeait un jour Dalida dans une interview, se souvient un chroniqueur.
— C’est ça, admet Jérém. Et ça, on finit par le regretter, tôt ou tard.
Les applaudissements du public lui permettent de boire quelques gorgées d’eau et de souffler pendant quelques instants.
— Vous êtes revenu en France pour reprendre le vignoble familial aux côtés de votre frère et de votre père, enchaîne l’animatrice.
— C’est exact.
— Mais ce n’est pas le seul projet qui occupe vos journées…
— Non, en effet. Avec mes deux amis, Thibault et Ulysse, nous venons de créer une association qui a pour but de soutenir les jeunes gays, et de lutter contre l’homophobie.
— Thibault Garcia est votre ami d’enfance, explique l’animatrice. Ulysse Klein a été votre coéquipier et votre mentor pendant les plus belles années de votre carrière dans le rugby.
La parole leur est donnée ensuite. Thibault parle de la façon dont il a vécu son attirance pour les garçons lorsqu’il évoluait dans le rugby professionnel, de sa décision de quitter ce dernier pour ne pas avoir à se cacher, pour ne pas avoir à choisir entre sa vie sportive et sa vie personnelle. Mais aussi, pour s’engager à plein temps auprès des Sapeurs-Pompiers. Il évoque également son compagnon, ainsi que son enfant de vingt ans. Il explique également le sens de son engagement dans l’asso.
— Parce qu’on se sent parfois seuls, et qu’on a besoin de se sentir soutenus si on veut pouvoir donner le meilleur de soi.
— On ne doit pas avoir à choisir entre sa vie professionnelle et sa vie tout court, abonde Ulysse. Un bon joueur est un bon joueur, un bon gars est un bon gars, quelle que ce soit son orientation sexuelle.
— Un bon gars est un bon gars, quelle que ce soit son attirance, lui fait écho l’animatrice. C’est le plus beau message qu’on puisse faire passer. C’est le sens de votre engagement, il me semble.
Les trois garçons acquiescent en cœur.
— Jérémie, vous avez dit tout à l’heure que vous étiez parti en Australie pour vous retrouver. Est-ce que vous y êtes parvenu ?
— Je crois que oui. Il a fallu du temps, mais je crois que oui. Avant d’ajouter : En fait, je crois que j’ai commencé à être bien… et là, Jérém s’arrête, visiblement ému aux larmes. Thibault lui pose une main sur l’épaule. Le public applaudit. Jérém s’essuie une larme.
— Je crois que j’ai commencé à être bien quand j’ai cessé d’avoir honte de qui je suis.
Mai 2023.
Jérém vient de disparaître de l’écran et je suis encore submergé par les images que je viens de voir et par les mots que je viens d’entendre. Comme si j’avais trop longtemps fixé le soleil, sa présence, ses mots, sa souffrance, m’aveuglent, résonnent en moi, me déchirent. Je suis abasourdi, incrédule, bouleversé. Je suis dans tous mes états. Ce à quoi je viens d’assister est tellement énorme que j’en viens à imaginer d’en avoir tout simplement rêvé.
Je me saisis de ma télécommande, je cherche le replay. Et le replay est bel et bien là, avec Jérém dedans, ses mots, sa présence, sa souffrance, ses larmes.
Deux ans et demi après notre dernier échange de message, cinq ans après notre dernière rencontre en Australie, vingt-deux ans jour pour jour après notre première révision dans l’appart de la rue de la Colombette, Jérém revient dans ma vie par écran interposé.
Le Jérém qui a fui à l’autre bout de la planète pour tenter d’échapper à la honte, le Jérém qui tenait à cacher à tout prix son homosexualité, pour qui ça paraissait inconcevable de s’assumer ne serait-ce que vis-à-vis de son entourage, le petit con de dix-neuf ans qui me baisait dans son appart de la rue de la Colombette et qui me sommait de ne rien en dire à personne « sinon je te pète la gueule », celui qui refusait toute marque de tendresse de ma part en se défendant « je ne suis pas pédé, moi ! », ce Jérém a été remplacé par un Jérém qui assume publiquement qui il est, prêt à montrer les cicatrices de ses anciennes blessures, et à apporter de l’aide à des garçons susceptibles de vivre ce qu’il a lui-même vécu.
Je suis touché par la sincérité de ses propos, par la beauté de son action. Si j’avais pu imaginer cela de lui, lors de nos révisions pour le bac, ou pendant ses années rugby !
Au moment où Anthony débarque à l’appart, je ne suis toujours pas remis de ces images. J’essaie de faire bonne figure, mais je n’y arrive pas.
Mai 2023.
La nuit suivante, je dors très peu. D’heure en heure, je sens monter en moi une envie de plus en plus irrépressible d’appeler Jérém. J’ai besoin de lui dire à quel point son apparition à la télé et son engagement m’ont bouleversé. J’ai besoin qu’il me parle, qu’il m’explique. Depuis combien de temps est-il en France ? Pourquoi ne m’a-t-il pas prévenu de son retour ? Pourquoi personne ne m’a pas prévenu ? Pourquoi a-t-il quitté l’Australie ? Et Ewan dans tout ça ? Et maintenant que la distance physique n’est plus là, quelle relation est possible entre nous ?
Le lendemain, cette envie, ce besoin se font de plus en plus dévorants. Je n’arrive à penser à autre chose. Entre midi et deux, je regarde une nouvelle fois le replay de l’émission sur mon téléphone. J’ai envie d’appeler Jérém. J’ai envie de le revoir. J’ai envie de le serrer dans mes bras.
Et Anthony dans tout ça ? J’aime ce petit gars de toutes mes forces. Mais je sens au fond de moi que tout pourrait basculer très vite. Je sens que je pourrais lui faire du mal. C’est pourquoi, j’hésite à franchir le pas, j’hésite à appeler Jérém.
Et pourtant, je finis par craquer. Le soir même, après être rentré de ma journée de travail si peu productive. Mais je tombe sur un message en anglais qui m’informe que le numéro n’est plus attribué. En vrai, je m’y attendais un peu. Je ne traîne pas, je profite de ma lancée. Je compose un autre numéro dans la foulée.
— Il est revenu peu avant Noël, m’explique Maxime. Mais il n’était pas certain de rester. Il a traîné pendant quelques semaines. Et puis, tout est allé très vite. Il a commencé à m’aider au domaine. Puis, Ulysse est venu, et ils ont commencé à imaginer cette asso.
— Et Ewan ?
— Il est resté en Australie.
— Ils ne sont plus ensemble ?
— Il n’en a pas trop parlé. Mais je crois que non.
Je frémis.
J’hésite à lui demander le nouveau numéro de Jérém. J’ai peur d’ouvrir une boîte de Pandore. J’ai peur que ma vie m’échappe des mains. Bien qu’au fond de moi, je sais pertinemment que la boîte de Pandore a été ouverte dès l’instant où Jérém est apparu à l’écran.
Lorsque je compose son nouveau numéro, qui ne commence pas par 06, mais par 07, comme les jeunes, je tombe direct sur son répondeur.
« Salut, c’est Jérém. Je ne suis pas là, laisse un message ! ».
Le simple son de sa voix enregistrée me file la chair de poule. Car ce message me donne la preuve tangible qu’il est revenu, et qu’il n’est plus qu’à quelques heures de moi.
Je suis tellement bouleversé que je ne sais pas quoi lui dire, et je raccroche sans laisser le moindre message.
Samedi 20 mai 2023.
Ce n’est pas à l’automne, mais au printemps. Ce n’est pas sous une pluie battante, mais accompagné par un beau soleil. C’est aujourd’hui que je vais retrouver Jérém. A Campan, près de 22 ans après ma première venue.
Par ailleurs, cette journée, cette lumière, ce petit vent qui semble me pousser à aller de l’avant, cet élan que je ressens en moi, ce bonheur qui m’habite, me rappellent une autre journée d’il y a 22 ans, cette journée de début mai par laquelle toute cette histoire a débuté.
Après mon premier coup de fil raté, Jérém m’a rappelé. Et je n’ai pu refuser son invitation.
Sous la halle en pierre du petit village, je ne retrouve pas le petit con à l’aube de ses vingt ans avec son pull à capuche, son t-shirt blanc et sa belle crinière brune. Je retrouve un homme élégant, habillé d’une belle chemise blanche et d’un blouson en cuir. Un homme qui, comme je l’avais vu à l’écran, a encore perdu de sa brunitude, le gris et le blanc ayant encore progressé en cinq ans, depuis nos retrouvailles en Australie. Mais à part cela, le temps semble glisser sur lui. A bientôt 42 ans, Jérém demeure un très bel homme.
Jérém est là, et il m’attend. Lorsque son image frappe ma rétine, lorsque je croise son regard, mon cœur a des ratés, je suis saisi par une sorte de vertige. Je n’arrive pas à croire ce qui est en train de se passer.
J’avance vers lui, il avance vers moi. Nous nous retrouvons face à face, à moins d’un mètre l’un de l’autre et nous nous fixons, aussi incrédules l’un que l’autre, les regards pleins d’émotions et de larmes retenues de justesse. Et puis les larmes coulent. Ce dernier pas qui nous sépare est franchi. Ses bras enveloppent mon torse, mes bras enveloppent le sien. Je plonge mon visage dans le creux de son épaule, puis dans celui de son cou. Je cherche l’odeur de sa peau, comme pour m’assurer que tout cela est bien réel.
Et je l’embrasse. Nous étions deux gosses, nous sommes deux hommes maintenant. Comme il y a 22 ans, nous nous embrassons sous la halle de Campan. A cet instant précis où je retrouve l’amour de mes vingt ans, j’ai l’impression d’avoir vingt ans à nouveau.
— Comment tu m’as manqué, P’tit Loup !
— Pas autant que tu m’as manqué, Ourson !
Ça fait plus de quinze ans que nous n’avons pas été nus, l’un contre l’autre. La dernière fois, c’était à Toulouse, le soir où il m’avait annoncé qu’il renonçait au rugby, quelques jours avant de changer d’avis et de s’envoler vers Londres et vers Rodney.
Aujourd’hui, dans la petite maison dans la montagne, je redécouvre l’amour avec l’homme de ma vie. Nos envies, nos désirs, nos corps affamés l’un de l’autre se reconnaissent instantanément, même après toutes ces années de séparation.
Et quel immense bonheur que de redécouvrir sa nudité, la douceur, la chaleur, le parfum de sa peau. Et malgré les changements opérés par le Temps – la musculature moins saillante qu’à l’époque, les quelques poils blancs qui progressent et remplacent peu à peu la brunitude des poils de son torse – mon désir demeure intact.
En redécouvrant la géographie de son plaisir de mec, je réalise que rien n’a changé de ce côté-là, et que je n’ai rien oublié. Lui non plus, il n’a rien oublié de la façon dont il s’y prenait pour me rendre dingue.
Je redécouvre le plaisir de lui offrir du plaisir, le bonheur de le voir et de le sentir prendre son pied. Je retrouve le plaisir de me faire posséder par sa mâlitude, et d’assister à l’explosion de son orgasme.
Je me souvenais d’un jeune mec entreprenant et fougueux, je retrouve un homme qui sait prendre le temps, et dont les caresses sont devenues furieusement sensuelles. C’est peut-être là, le changement le plus flagrant.
— Tu la portes toujours, je considère, la tête posée son torse, et caressant sa chaînette, celle que je lui ai offerte il y a bien longtemps.
— Je n’ai jamais pu la quitter. Et toi non plus… il enchaîne, en saisissant ma chaînette à son tour, cette chaînette qui a été la sienne.
— Je n’ai jamais cessé de t’attendre.
— Je n’ai jamais cessé de penser à toi, il me glisse, après un long silence. Pendant toutes ces années, pendant les moments les plus durs, à chaque fois que je devais faire un choix ou prendre une décision, je me suis demandé « Que ferait Nico à ma place ? Qu’est-ce qu’il penserait de telle ou telle décision ? J’ai essayé de ne pas te décevoir, même si tu n’étais pas à mes côtés.
Si tu savais comment j’ai été heureux de te voir débarquer à Bells Beach !
— Moi aussi j’ai été content de te retrouver. Ça a été dur, mais ça m’a fait un bien fou.
— J’ai été démoli quand tu es parti…
— J’ai pleuré pendant tout le voyage de retour.
— J’ai chialé aussi…
— Il aurait suffi d’un mot pour me retenir.
— Je ne pouvais pas faire ça à Ewan.
— Je comprends très bien. Ewan m’a l’air d’un très bon gars.
— Il l’est. Mais après ton départ, tout a changé.
— Qu’est-ce qui a changé ?
— Ma relation avec lui. Je n’arrêtais pas de penser à toi. J’avais envie de sauter dans un avion et de venir te retrouver. Ce qui me retenait aussi, c’était de savoir que tu avais quelqu’un.
Le vertige me saisit en pensant au nombre d’occasions manquées qui nous ont séparés pendant tout ce temps. Mais en même temps, ses mots me racontent comment, de son côté comme du mien, et malgré le temps et l’espace qui nous séparaient, le lien qui nous lie depuis le premier jour du lycée n’a jamais été vraiment cassé.
Ce soir, je redécouvre le bonheur de m’endormir dans ses bras après lui avoir offert un bel orgasme. Comment ils m’ont manqué, ses bras, pendant toutes ces années !
Le lendemain, nous nous rendons au centre équestre de Charlène. La « maman d’adoption » de Jérém vient de souffler ses 79 bougies. Le temps n’a pas été clément avec elle. Si battante et énergique jadis, Charlène me paraît désormais fragile, fatiguée. Je la trouve toute menue. Elle semble avoir rapetissé. Elle ne monte plus depuis plusieurs années, sa condition physique lui ayant ôté la souplesse et la force nécessaires pour l’équitation.
Par ailleurs, elle est toujours aussi lucide et agréable d’esprit. Et toujours aussi aimante et accueillante.
— Comment je suis contente de vous revoir tous les deux ! elle nous accueille, les bras ouverts, les yeux humides.
Elle nous étreint à tour de rôle, avec un amour infini.
— J’ai toujours pensé que votre séparation était un terrible gâchis. J’ai toujours espéré que vous vous retrouveriez.
— On est là, maintenant…
— C’est pas trop tôt, espèce de p’tit con ! Quand tu es revenu il y a dix ans et que tu n’as pas voulu aller voir Nico, je t’aurais mis des baffes !
— Tu aurais dû m’en coller !
— Je ne te le fais pas dire, sale gosse !
— Et toi, Nico, quand tu es venu il y a des années me demander des nouvelles de Jérémie, je savais que tu irais le voir en Australie. Et j’étais convaincue que tu reviendrais avec lui. Quand tu es revenu les mains dans les poches, j’ai failli te mettre des baffes aussi !
— Tu aurais dû m’en coller à moi aussi !
— Vous avez été aussi nul l’un que l’autre ! J’ai failli perdre espoir ! Mais je savais que ça arriverait un jour. C’était évident que vous étiez faits pour vous retrouver, et que vos chemins se recroiseraient un jour. J’espérais juste être encore là ce jour venu, et pouvoir assister à ce moment que j’ai souhaité de tous mes vœux.
— Peu importe les détours que la vie nous impose, ou que nous nous imposons nous-mêmes. Quand deux êtres s’aiment comme vous vous aimez, leurs chemins finissent par se recroiser. Il n’y a pas de rivière assez large, pas de montagne assez haute dont l’Amour ne puisse arriver à bout.
Et vous êtes chanceux, les garçons, de connaître cet Amour.
Charlène ne nous accompagne pas aux prés, car marcher lui est pénible. Tzigane, la jument qui a été le relais entre Jérém et son grand père, mais aussi Bille, la jument shetland qui a été la première monture de Jérém en culottes courtes, tout comme la brave Téquila que j’ai montée il y a vingt ans, tous sont partis galoper dans les étoiles. Ils sont partis pendant que nous n’étions pas là, sans que nous puissions leur dire au revoir.
Nous retrouvons le dernier survivant des montures de Jérém, Unico. Il est désormais un vieux cheval d’une trentaine d’années.
— Il a pris du poil blanc, en même temps que moi, commente Jérém, visiblement ému.
Le centre équestre fonctionne toujours, et il est même davantage fréquenté qu’auparavant. En ce samedi, une poignée de mômes installés sur des poneys tournent dans la carrière en sable fin. Ils sont guidés par un moniteur, Baptiste, un beau gosse de vingt ans à la voix déjà éminemment virile et au regard délicieusement effronté.
La nouvelle de notre présence s’étant répandue comme une traînée de poussière dans la vallée, une soirée bonne franquette est organisée en notre honneur le soir même.
Jérém et moi sommes heureux de retrouver nos amis cavaliers. Mais notre joie se transforme très vite en mélancolie. Car nous constatons d’entrée que le relais est moins « rempli » qu’à la grande époque, celle de notre première jeunesse. Et, surtout, qu’il y a de grands absents.
De la grande famille que j’ai connue il y a vingt ans, il ne reste en fait plus grand monde. Les « rescapés » se comptent sur les doigts d’une main. Charlène qu’on ne présente plus, Satine à la grande gueule, Martine au rire tonitruant. Jean-Paul et Carine. Ils ont tous vieilli, beaucoup vieilli. Ils ont tous franchi le cap des trois quarts de siècle, et aucun d’entre eux n’a pu garder l’énergie nécessaire pour monter à cheval.
Les autres cavaliers ne sont plus là. Certains ont déménagé. D’autres sont partis, comme leurs montures, galoper dans les étoiles.
— On n’est plus très nombreux, on ne monte plus à cheval, mais un bon gueuleton entre amis, on ne se le refuse jamais ! considère Jean-Paul, toujours aussi accueillant et bienveillant.
— Surtout quand il y a quelque chose à fêter ! lance Martine.
— Et quelle plus grande fête que pour le retour des fils prodigues ! plaisante Jean-Paul. Franchement, vous avez bien joué avec nos nerfs ! Vous avez foutu en l’air tous mes paris pendant des années !
— Quels paris ?
— J’ai toujours parié qu’on vous reverrait débarquer ensemble un de ces quatre. Pour moi, c’était une évidence. J’ai toujours pensé que pour toi, Jérémie, peu importe les détours, peu importe les erreurs d’aiguillage, tous les chemins que tu emprunterais dans ta vie finiraient par te ramener vers Nico. Et que tous les chemins que tu emprunterais dans ta vie, Nico, te ramèneraient vers Jérémie.
Tous les chemins de Jérém le ramènent à Nico. Tous les chemins de Nico le ramènent à Jérém. Comme elle me plaît, cette idée, cette image !
Parmi les présents à la soirée, quelques jeunes recrues de l’asso, la plupart des nanas. Elles semblent toutes subjuguées et intriguées par la présence du beau Baptiste, ce qui est parfaitement compréhensible. Mais le beau Baptiste semble être intrigué par autre chose. Par Jérém et moi. Il vient nous parler, longtemps, il nous questionne sur notre parcours. Il a l’air bien au courant de notre histoire, Charlène a dû lui en parler. Ce garçon est vraiment sublime. Il a un sourire à tomber à la renverse. Et il dégage une aisance, une insolence qui le rendent carrément craquant.
Dans cette belle soirée, quelque chose nous a terriblement manqué. Je veux parler bien évidemment des blagues, de la guitare, de la voix et de la présence de Daniel. Heureusement, quelqu’un a eu un jour, il y a des années, la bonne idée de filmer quelques-unes de ses prestations de l’époque. Et ce soir, Martine a eu la bonne idée d’apporter un écran, une enceinte connectée et une clé USB.
La présence de Daniel est reconstituée grâce à la technologie. Ce n’est pas pareil, certes. Car Daniel et Lola ne sont pas là. Mais les images sont là, le son de la guitare est là, leurs voix sont là, elles résonnent à nouveau sous le grand plafond du relais. Entre deux chansons, où même pendant une chanson, on les voit et on les entend jouer l’éternel duo comique qu’ils avaient monté pour amuser les amis. On les entend se lancer des piques comme toujours, on les voir amoureux comme toujours. Et ils parviennent à mettre l’ambiance même par écran et par enceinte interposés, à travers l’espace et le temps.
La nostalgie d’un temps révolu, du temps qui passe inexorablement, ainsi que le regret des absents planent sur cette soirée. Mais l’enregistrement de Daniel met une sacrée ambiance et nous chantons en playback, nous faisons les cœurs, nous faisons les cons.
L’enregistrement terminé, c’est le beau Baptiste qui prend le relais avec sa propre guitare. Evidemment, il sait jouer de la guitare. Evidemment, il coche une série presque vertigineuse de cases de la bogossitude. Il ne chante pas, mais il joue très bien. En communion avec son instrument, il est encore plus craquant.
— Vous ne pouvez pas savoir quel beau cadeau vous nous avez fait en venant nous revoir, tous les deux, à nouveau ensemble ! nous lance Martine. Je suis tellement heureuse de vous voir heureux ! Votre amour, c’est ce que vous avez de plus précieux. Protégez-le, chérissez-le, choyez-le. Et profitez-en à chaque instant. Ça passe tellement vite, les garçons !
Dimanche 21 mai 2023.
Sur la butte devant la grande cascade de Gavarnie, je prends Jérém dans mes bras, et je savoure mon bonheur présent. C’était une évidence de revenir ici. Ça l’était autant pour lui que pour moi. On retourne dans un lieu pour retrouver des souvenirs, ou pour nous souvenir de qui nous avons été autrefois.
Comme il y a plus de vingt ans à ce même endroit, comme il y a quelques années sur la plage des « Twelve Apostles », nous restons longtemps enlacés, à contempler notre passé et notre présent. Mais aujourd’hui, nous avons quelque chose de plus à contempler. Notre avenir ensemble, un horizon qui n’a jamais été aussi dégagé. Non, cette fois-ci, le bonheur de nos retrouvailles ne se brisera pas sur l’écueil d’un « au revoir » incertain, ou d’un « adieu » sans appel. Jérém est revenu et il ne va pas repartir. Je crois que cette fois-ci, notre histoire, c’est pour de bon. L’avenir nous appartient désormais.
Je tiens dans mes bras un Jérém cabossé par la vie, mais un Jérém enfin assumé, et à nouveau battant. Un Jérém qui semble enfin avoir dompté ses démons, qui assume sa fragilité et ses fêlures, et dont le tempérament a été sensiblement adouci par les années.
Oui, Jérém a changé. Il est désormais dans son attitude – dans ses mouvements, tout comme dans ses pensées – une sorte de prudence, d’hésitation, de gravité. Quelque chose entre sensibilité et maturité. Quelque chose de terriblement touchant. Le passage de la fougue insolente de ses vingt ans à l’intense mâlitude de sa quarantaine est tout aussi radical que fascinant.
Et quand je repense à son engagement pour les jeunes homosexuels, quand je repense à cette force dont il fait preuve, cette volonté de transformer sa souffrance passée en moteur de son action pour aider les autres, cela m’émeut au plus haut point.
Je crois que je n’ai jamais été aussi amoureux de lui.
Je crois que je n’ai jamais été heureux comme à cet instant.
Un instant de pur bonheur qui me ramène à cette belle chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=7o5R02bM5ow
Sat on a roof/Assis sur un toit
Named every star/On a nommé chaque étoile
Shed every bruise and/On s'est débarrassé de chaque ecchymose et
Showed every scar/On a montré chaque cicatrice
Sat on a roof/Assis sur un toit
Your hand in mine, singing/Ta main dans la mienne, chantant
"Life has a beautiful, crazy design"/"La vie a une magnifique, et folle conception"
And time... seemed to say/Et le temps... semblait dire
"Forget the world and its weight"/"Oublie le monde et son poids"
Here, I just wanna stay/Là, je voudrais juste rester
Amazing day/Excellente journée
Amazing day/Incroyable journée
Sat on a roof/Assis sur un toit
Named every star and/Tu as nommé chaque étoile et
Showed me a place/Tu m'as montré un endroit
Where you can be who you are/Où on peut être qui l'on est
And the view/Et la vue
The whole Milky Way/L'ensemble de la Voie Lactée
In your eyes/Dans tes yeux
I'm drifting away/Je dérive
And in your arms/Et dans tes bras
I just wanna sway/Je voudrais juste me bercer
Et dans tes bras, je me berce, aussi longtemps que j’en ai besoin.
Et dans tes bras, je me bercerai, aussi longtemps que j’en aurai besoin.
Amazing day/Excellente journée
Amazing day/Incroyable journée
Dans un vignoble gersois, le dimanche 20 octobre 2023.
C’est après les vendanges, lorsque le vignoble s’embrase de nuances allant du jaune au marron, en passant par le rouge, qu’un grand repas est organisé dans le domaine des Tommasi pour l’anniversaire de Jérém. Il y a quelques jours, l’ancien rugbyman a fêté ses 42 ans.
Ce lieu, chargé d’histoire familiale, m’a toujours impressionné et ému. J’ai désespéré pouvoir y retourner un jour, malgré les invitations répétées de Maxime pendant le long exil australien de Jérém.
Mais je savais qu’y retourner sans Jérém, je n’aurais pas supporté. Car ça m’aurait arraché le cœur.
Je suis si heureux de le retrouver enfin, de retrouver les rangées de vignes, les palissages, si bien rangés, le corps de ferme, si bien rangé, de retrouver ce site où tout me parle des racines et des jeunes années de l’homme que j’aime.
Quand je suis dans le salon, il me semble le voir gambader en culottes courtes.
Quand je suis dans la cuisine, j’ai l’impression de le voir en train de prendre son goûter.
Quand je suis dans le jardin, je me dis que derrière ce grand chêne, il a dû se cacher, enfant, en jouant avec Maxime. Je me dis que plus tard, Thibault a dû se joindre à eux pour ces jeux d’insouciance.
Une insouciance qui a été balayée net par le départ de sa mère. Du jour au lendemain, sans y être préparé, Jérém a réalisé et a dû accepter qu’elle ne serait plus jamais là. Mais ça n’a rien changé au manque, à sa tristesse d’enfant.
Je me dis qu’à cette époque, il s’est peut-être réfugié dans la grange pour être seul. C’est peut-être là qu’il a grillé ses premières clopes. Peut-être que Maxime s’y est réfugié aussi, et que Jérém l’y a rejoint pour le réconforter. Ou bien, c’est Maxime qui l’y a rejoint pour le réconforter.
Je me dis qu’adolescent, il a dû monter le grand escalier de la maison en boudant. Qu’il a dû s’enfermer dans cette chambre et faire exploser sa colère, ou pleurer à l’abri des regards.
Je me dis que dans cette grande maison, il a été heureux, il a été triste, il s’est senti protégé, puis rejeté, il a eu envie de partir.
Je me prends à imaginer ses états d’esprit pendant ses premières années. Je voudrais l’avoir connu à cette époque, je voudrais avoir partagé tous ces moments avec lui.
Mais ce lieu, ce « sanctuaire » a quelque peu changé depuis ma première visite. La chambre d’ado de Jérém a été rénovée pour permettre au petit Cédric de rester dormir parfois chez Papi et Mamie. Ce lieu, cette pièce que plus que toute autre me parlait du temps où j’ignorais l’existence de Jérém n’est plus.
Les affaires de Jérém enfant et ado ont été montées au grenier. Nous nous y rendons ce soir, pour faire un tri dans les affaires. En ouvrant les cartons, nous tombons sur des albums photo. Au fil de ces images, que je relie dans ma tête à des petites anecdotes que j’ai entendu raconter à table, je parcours les jeunes années de mon Jérém.
Toutes ces images du passé se superposent à celle du Jérém de 42 ans, mon compagnon, qui s’assume, qui assume notre relation, notre passé, notre présent, et notre avenir. Et cette superposition, ce mélange, m’émeut au plus haut point.
Dans ce vignoble, au cœur de tous les Jérémie, j’ai envie de pleurer de bonheur.
Autour de la grande table sont réunis tous les Êtres qui comptent pour Jérém et moi, la famille et les amis. Il y a bien évidemment le maître des lieux, Papa Tommasi. Lui aussi semble très bien vieillir avec le temps. Il y a Maxime, qui porte sa quarantaine tout aussi fabuleusement bien que son frère. Sa copine est là aussi, ainsi que son fils Cédric, un adorable garçon de six ans souriant et vraiment facile à vivre. Maxime est un véritable papa poule, et lorsqu’il regarde son fils, ses yeux débordent de tendresse et d’amour.
Un autre invité à qui la quarantaine va comme un gant, c’est le sublime Thibault. Il est accompagné par son compagnon Arthur. Mais également par son fils Lucas. Lucas vient de fêter ses 22 ans. Et je réalise qu’est plus âgé que ne l’était son papa lorsqu’il l’a conçu. Comment le temps passe !
Lucas est beau comme un petit Dieu. Il y a dans son regard une telle fraîcheur, une telle candeur, une innocence mais dans le bon sens du terme, un éclat si magique, si enviable. Sa simple présence dégage la plus sublime forme d'insolence, l’exhibition presque indécente de la beauté et de la jeunesse. Et ce qui le rend encore plus touchant, c’est le fait qu’à l’instar de son papa lorsqu’il avait son âge, il ne se doute même pas à quel point il est insoutenablement beau.
Ulysse est aussi de la partie. L’ancien rugbyman est parvenu à se faire un nom dans le monde de la gastronomie. Au fil du temps, son restaurant parisien est devenu le repère d’un certain nombre de célébrités. Ulysse est accompagné de sa femme, et de la petite Charlotte qui vient de fêter ses dix ans.
Charlène est là aussi, Jérém est allé la chercher exprès pour l’occasion. Malgré son âge et ses soucis de santé, elle demeure une bonne vivante qui ne renonce pas à la bonne chair.
Mes parents sont là aussi, avec tous leurs soucis de santé. Mais aujourd’hui ils font bonne figure, car aujourd’hui c’est la fête.
Autour de la table, une dernière présence contribue à mon bonheur. Une double présence. D’abord, la tienne, mon Galakou d’amour.
Depuis un certain temps déjà, lorsque je te regarde mon cœur s’emplit à la fois de joie et de tristesse. De la joie, tu m’en as donnée depuis le tout premier instant où je t’ai vu, lorsque tu n’étais âgé que d’une poignée de jours. Tu n’avais même pas encore ouvert tes yeux, et tu tenais dans ma main, petite boule d’amour. Depuis toutes ces années que tu es là, à mes côtés, tu as été le plus merveilleux et le plus fidèle des compagnons.
Mais tu as beaucoup vieilli dernièrement. Tu vas sur tes 13 ans, mon petit chien ! Nous en avons vécu des choses ensemble, tu en as essuyé des larmes ! Je contemple toutes ces années passées, le changement dans ton allure, et ça me donne le vertige. Ton poil n’est plus aussi brillant qu’avant, tes mouvements sont raides. Même le pouic pouic ne t’intéresse plus autant qu’auparavant. Le poil blanc couvre toute ta mâchoire inférieure. Et dans ton regard, je lis la fatigue et les années passées.
Mais dans ton regard, je lis toujours le même amour inconditionnel.
Je regrette le temps passé loin de toi, lorsque je suis parti parfois sans t’amener avec moi. Je sais que je t’ai fait de la peine. Et je regrette toutes ces heures passées à faire autre chose que te caresser et jouer avec toi. Je regrette toutes ces fois où tu as voulu jouer avec moi et que je croyais ne pas avoir le temps. Je regrette d’avoir fait passer mon clavier avant tes câlins.
J’ai voulu avoir un petit de toi, pour que tu lui transmettes ta mignonnerie génétique. J’ai essayé, je n’ai pas réussi. Peut-être que je n’ai pas assez essayé. Alors, il y a quelques mois, j’ai voulu prendre un autre labrador, Ugo (il est là lui aussi et joue avec Charlotte et Cédric). J’ai voulu lui offrir un stage de labradorisation auprès de toi, le plus gentil des chiens.
J’ai cru que tu jouerais avec lui, qu’il t’extirperait de la torpeur, et que sa présence t’offrirait un retour d’énergie. Ce que je n’avais pas prévu, c’est que la fougue de sa jeunesse t’épuiserait autant. Que son côté chien fou ce serait trop pour toi. Que dans son inépuisable envie de jouer, il serait si brutal avec toi.
Je suis désolé de t’avoir imposé ça. Tiens bon, mon Galakou. Et ne sois pas jaloux. Ugo est super mignon. Mais tu seras à tout jamais le chien de ma vie. Reste encore un peu avec moi, mon amour de chien, d’accord ?
Au fur et à mesure que le repas avance et que la boisson donne de l’aisance, ça parle dans tous les sens, ça rigole de plus en plus fort. Le beau Lucas a certainement un peu abusé du bon vin de la maison, son regard pétille, pétille, pétille. Il a l’air un tantinet éméché et heureux. Il me rappelle Jérém à son âge, après une soirée, des bières, des shots, des joints. Avant l’amour. Après l’amour. L’insolence de sa beauté et de sa jeunesse m’émeut au plus haut point. Il est beau à se damner.
Les heures défilent, l’après-midi avance. Le repas touche à sa fin, la conversation s’étire, s’épuise. L’heure de nous quitter approche. On fait un rappel de café, on fait une tournée d’Armagnac maison, dans une tentative ultime de retenir les invités. Pour essayer de retenir l’instant de bonheur et de partage, pour essayer de retenir le Temps.
Ce repas, est à l’image de la Vie. Ça passe trop vite, beaucoup trop vite. Je voudrais pouvoir sauvegarder cet instant, le soustraire au Temps, garder à tout jamais autour de moi les personnes que j’aime.
Car les êtres aimés finissent par partir. A la fin d’un repas. Ou à la fin de leur chemin.
Je n’ai pas envie de dire au revoir, car certains au revoir ressemblent à des adieux. Et en effet, certains des « au revoir » dispensés au moment de prendre congé de cette belle journée, s’avèreront être des adieux. Ce sera la dernière fois que tous les présents à cet anniversaire seront réunis.
Il faut profiter de ceux qu’on aime, tant qu’il est encore temps. Tant qu’ils sont encore là.
Les invités partis, j’ai le cœur lourd. Jérém doit s’en rendre compte, car il me propose une balade dans la vigne. Nous marchons en silence, accompagnés par les pas lents de Galaak et par les bondissements infatigables d’Ugo.
Pas après pas, le souvenir remonte, d’un jour lointain, dans une autre vigne, bien verdoyante, elle, en pleine pousse, lors du retour d’un voyage en Italie. C’était le printemps et il faisait chaud, très chaud. Jérém portait un t-shirt blanc, aveuglant sous le soleil de printemps. Au pied d’un chêne, il l’avait ôté, mettant à nu ce torse déjà si bien développé pour le garçon de 17 ans qu’il était à l’époque. Il avait même ouvert sa braguette, sous prétexte qu’il avait trop chaud, me montrant ainsi son boxer, et la délicieuse bosse qu’il soulignait. Il avait osé cela alors que j’étais assis sur une grande pierre juste devant lui, juste à la bonne hauteur pour déclencher des envies brûlantes. Sale petit allumeur ! Plus tard, il m’avait avoué qu’il l’avait fait exprès, qu’il voulait précisément voir l’effet qu’il me faisait.
Ce soir, la vigne vire au rouge, et le vent est frais. Le petit con qui m’avait chauffé en ce jour lointain s’est transformé en un homme qui me réchauffe le cœur. Et ce soir, j’ai besoin de sa tendresse. J’ai besoin de sa présence, j’en ai besoin comme jamais pour calmer ma nostalgie et ma mélancolie.
Et cette tendresse, cette présence, je les trouve au détour d’un palissage, lorsqu’il me prend dans ses bras et qu’il me serre très fort contre lui. Quelques larmes silencieuses coulent sur ma joue. Et mon cœur s’apaise.
Je n’ai plus de remords, je n’ai plus de regrets. A part un, celui des trop nombreuses années que Jérém et moi avons passé loin l’un de l’autre, ce Temps perdu à souffrir au lieu d’aimer.
Heureusement, nous nous sommes retrouvés. Heureusement, nous allons pouvoir profiter du reste de notre vie ensemble.
Les chanceux, c’est nous !
C’est bon de ne pas avoir à traverser la vie tout seul.
Amsterdam, Ziggo Dome, le vendredi 1er décembre 2023.
https://www.youtube.com/watch?v=Gv5rZHfaxEM&t=270s
Les notes du premier titre du concert font exploser la sono de la salle et nos tympans, tandis que les basses font vibrer le sol, nos pieds et nos tripes.
L’onde de choc se propage dans la salle, dans les esprits. Madonna apparaît enfin, sur un plateau tournant, dans un immense nuage de fumée, sous mille feux de lumières.
Et elle entonne :
Quand j'étais très jeune/When I was very young
Rien n'avait vraiment d'importance pour moi/Nothing really mattered to me
Mais pour me rendre heureux/But making myself happy
J'étais le seul/I was the only one
Maintenant que je suis adulte/Now that I am grown
Tout a changé/Everything's changed
Je ne serai plus jamais le même/I'll never be the same
À cause de toi/Because of you
Lien vers l’article complet du Celebration Tour.
J’ai appris à croire en moi et en ce que je fais, et à ne jamais cesser d’y croire.
J’ai appris à oser et à ne jamais avoir honte d’oser.
J’ai appris qu’il ne faut pas hésiter à dire « merde » à ceux qui voudraient nous voir échouer.
J’ai appris à ne pas me laisser décourager par l’échec, j’ai appris que l’action et la persévérance finissent toujours par porter leurs fruits.
J’ai appris qu’il faut regarder vers l’avenir même quand la tentation est forte de se laisser emporter par la fatigue, le désarroi et la nostalgie.
J’ai appris qu’on a le droit d’exister, indépendamment de nos préférences, tant que nos actes sont guidés par le respect de l’autre.
Que j’ai droit au bonheur, et que personne n’a à me dire par quel chemin l’atteindre.
Voilà ce j’ai appris à travers toutes ces années, à travers mon expérience, mes réussites et mes échecs.
Voilà ce que je ressens en pensant à Madonna. Voilà pourquoi je l’aime, voilà pourquoi elle m’inspire autant.
A Amsterdam elle était radieuse et magnifique. Sa prestation sur « Live to tell » en hommage aux victimes du SIDA, ainsi que son speech au sujet de la journée mondiale contre ce fléau, ont été des purs moments de grâce.
https://www.youtube.com/watch?v=Gv5rZHfaxEM&t=1100s
https://youtu.be/YMUlRhsWHhk?si=h3_XlOzjifVtj2ZP
Jamais l’un de ses concerts n’a autant fait sens pour moi. C’est peut-être la dernière fois que je l’aurais vue en spectacle, en vrai, et de si près. Et je suis si fier d’elle !
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
L’amour est tout ce qui compte. Et cet amour, c’est toi qui me l’apportes, toi, qui es ici, ce soir, à côté de moi, à ce concert.
— Je suis tellement content que tu sois là avec moi ! je te crie à l’oreille, en défiant les décibels. Sans succès.
— Quoi ? tu gueules à ton tour.
— Merci d’être là ! je crie à plein poumons.
Tu plonges ton visage dans le creux de mon épaule et me serres très fort contre toi.
Ce soir, tu es là, avec moi, mon Jérém. Ce soir, je suis heureux.
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Les avis des lecteurs
Très belle histoire, elle me donne les larmes aux yeux, je sais que la vie est cruelle mais parfois elle offre de belles choses c'est pour cela qu'il ne faut jamais désespérer