Jérém&Nico, FINAL 4/4 – Seul l'amour.
Récit érotique écrit par Fab75du31 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 03-09-2024 dans la catégorie Entre-nous, les hommes
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Jérém&Nico, FINAL 4/4 – Seul l'amour.
A la course du Temps, que rien n’arrête.
Dans le Gers, janvier 2024.
Un mois après le concert d’Amsterdam, me voilà installé dans un vignoble en plein cœur du Gers. L’année de mes 42 ans s’ouvre sur un horizon dégagé et lumineux comme jamais auparavant.
Le Temps des choix (trois mois plus tôt).
Paris, octobre 2023.
Lorsque je suis parti de Paris pour m’installer dans le Gers, j’ai vu le mal que je faisais à Anthony et ça m’a fendu le cœur. Comme pour Ruben en son temps, je m’en voulais terriblement de blesser ses sentiments, de trahir mes promesses, d’être à l’origine de sa souffrance. Comme pour Ruben, mais plus encore pour Anthony. Parce qu’Anthony, il a vraiment compté. Parce qu’Anthony, je l’ai vraiment aimé.
En quittant l’appart avec mes sacs, j’avais le cœur déchiré, écartelé. Jérém, l’amour de ma vie, m’appelait ailleurs. Et le garçon au blouson bleu était là, devant moi, me suppliant silencieusement de ne pas partir.
Il me faisait de la peine, et j’avais par-dessus tout envie de le prendre dans mes bras. J’avais envie de le réconforter. Mais je savais que j’étais la dernière personne à posséder ce pouvoir. Car on ne peut pas être à la fois bourreau et sauveur.
— Salut, je lui avais glissé, comme un soupir coupable.
— Salut, il m’avait glissé tout bas.
— Je te souhaite tout le meilleur, Anthony. Tu es un garçon en or.
— Pars, Nico !
Ça a été terriblement difficile de prendre la porte, de laisser ce garçon, ce bonheur derrière moi. Parce qu’en ce bonheur, j’y ai vraiment cru.
Ce garçon m’a touché comme peu d’autres garçons m’ont touché dans ma vie. Il a su me rendre heureux, et me donner envie de le rendre heureux.
Oui, Anthony, je l’ai aimé. Certainement comme je n’ai aimé aucun autre garçon, après Jérém. Je me suis senti bien dans ses bras, je me suis senti bien dans ma vie, dans ma vie avec lui à mes côtés. J’ai vraiment cru qu’on aurait un avenir ensemble. J’ai vraiment souhaité qu’on vieillisse ensemble.
Si Jérém n’était pas revenu, je crois vraiment qu’il aurait été le bon, celui qui aurait pu m’offrir tout ce dont j’avais besoin. Celui que j’aurais pu aimer comme on n’aime qu’une ou deux fois dans une vie.
Mais Jérém est revenu. Et Jérém, c’est Jérém. Et Jérém&Nico, c’est une alchimie, une évidence, un destin. Jérém, je l’ai dans la peau.
J’aurais pu renoncer à lui s’il était resté en Australie. J’aurais même pu y renoncer s’il était revenu avec Ewan. Et même tout simplement s’il n’avait plus voulu de moi.
Mais je n’ai rien pu faire pour m’opposer au baiser de Campan. Je n’ai rien pu faire contre l’amour que l’homme de ma vie m’a offert, je n’ai pu tourner le dos à l’horizon nouveau et lumineux que son retour ouvrait dans ma vie. Je n’ai pas pu renoncer au Bonheur.
Comme l’a dit le sage Jean-Paul, peu importe les détours, tous les chemins de Jérém mènent à Nico et tous les chemins de Nico mènent à Jérém.
Le Temps de l’apaisement.
Décembre 2023.
J’ai cru que mon départ de Paris entraînerait un éloignement définitif avec Anthony. Qu’il ne voudrait plus entendre parler de moi, du moins pendant un temps. Qu’il renoncerait à poursuivre l’aventure « Julien&Nathan ». J’aurais parfaitement compris.
Mais ça n’a pas été le cas.
Quelques semaines après notre séparation, le troisième tome de « Julien&Nathan » a été publié. En version roman et en version BD. Et, bonne surprise, il a plutôt pas mal marché, au point d’entraîner même un regain d’intérêt pour les premiers opus. La « machine » semblait enfin démarrer. En février 2024, notre éditeur nous avait commandé deux tomes supplémentaires.
C’est à ce moment-là, à la faveur des besoins de notre projet commun, qu’Anthony est revenu vers moi. J’ai été soulagé d’avoir de ses nouvelles, et de voir qu’il semblait apaisé.
Nous avons continué l’aventure « Julien&Nathan ». Et nous avons bâti peu à peu une amitié et une relation d’estime réciproque.
Le Temps d’assumer.
Au temps du lycée, Jérém et les livres ça faisait deux, voire trois ou quatre. Mais j’ai appris qu’il avait commencé à lire, et à beaucoup lire, lorsqu’il était en Australie. Des romans, des biographies, de tout.
Lorsque je lui ai parlé de mon histoire, il a voulu la lire sur le champ.
Jamais je n’ai eu autant envie, et en même temps terriblement appréhendé, de partager mes pages.
Car, bien que « Jérém&Nico » soit devenu « Julien&Nathan », bien que le contexte sportif ait été changé, bien que certains détails, les plus intimes, aient été passés sous silence, l’histoire demeure la même. Celle de deux garçons qui se sont apprivoisés autour du bac, qui se sont aimés, que la vie a séparés, mais qui n’ont jamais cessé de s’aimer. Cette histoire, c’est notre histoire à tous les deux.
Raconter tout cela a été ma façon de surmonter la peine qu’avait été son absence, de tenter de me guérir de ma souffrance. Mais aussi une façon de ne pas oublier, de me souvenir que ce bonheur a existé un jour dans ma vie, que j’ai été amoureux, que j’ai aimé, que j’ai connu des joies immenses et des peines terribles. Et qu’il a été un temps où je me suis senti furieusement vivant.
Mais toutes ces pages sont aussi une sorte de bouteille à la mer, un cri silencieux et désespéré lancé par-delà le Temps et l’Espace, un soupir qui dit : « Reviens ! ». Ces pages, je les ai écrites pour Jérém, à Jérém. Même si j’ai toujours cru qu’il ne les lira jamais. Tout en caressant l’espoir secret qu’il les lise.
Et maintenant que cet espoir devient réalité, j’ai peur. J’ai l’impression de me sentir mis à nu comme jamais auparavant. J’ai peur de sa réaction, peur qu’il m’en veuille d’avoir exposé notre histoire aux yeux d’un public. J’appréhende que ce soit trop pour Jérém. Ou qu’il trouve ça pathétique et déplacé.
Ou faux. Au fond, cette histoire, c’est ma version de l’histoire. Et Jérém est le seul lecteur au monde à avoir « l’autre » version. Est-ce que ce qu’il va lire va correspondre à ses souvenirs, à « sa » propre version ?
Jérém a passé tout un dimanche à lire le premier tome, celui centré sur les révisions pour le bac.
J’ai appréhendé que cette lecture ne gâche la magie de nos retrouvailles. Que ça gâche quelque chose entre nous.
Mais ça n’a pas été le cas. Bien au contraire. Jérém a été très touché par ma démarche, par mes mots, par mon travail.
Ce soir-là, nous avons fait l’amour avec une fougue décuplée. Et après l’amour, nous avons passé des heures à nous remémorer ces jours d’un printemps déjà lointain.
Quand on est heureux, on a l’impression que tout est possible. Y compris arrêter la course, des jours, des années. J’ai été heureux. Mais le Temps a continué de filer.
Le Temps de l’épanouissement.
Aujourd’hui, Jérém a 45 ans. Depuis trois ans, depuis son retour d’Australie, il a su trouver sa place dans le domaine aux côtés de son frère Maxime et de son père. C’est beau de voir les deux frérots Tommasi travailler en bonne entente pour faire évoluer l’affaire familiale.
En quelques années seulement, grâce à la rigueur de son travail, à sa détermination et à sa droiture, il a su gagner la confiance et l’estime du petit monde de la vigne et de ses personnages.
Un monde qui, au premier abord, ne semble pas tellement ouvert aux nouveaux venus. Un monde avec ses personnages, ses gars fiers de leur métier, de leur terroir, de leur histoire, attachés à la terre et au travail bien fait. Des gars à la parole rare mais chargée de sens et de valeur, et pour qui une poignée de main vaut engagement et loyauté.
Un petit monde attaché à ses traditions, et qui pourtant a accueilli l’ancien rugbyman malgré son coming out médiatique et ce copain qu’il a installé au domaine. Ça a dû jaser dans la campagne, certes. Mais ces bruits ne sont jamais parvenus à nos oreilles et ne nous ont pas porté préjudice. Et ils ont certainement fini par se taire, mouchés par les qualités professionnelles et humaines du personnage.
Jérém a l’air de beaucoup se plaire dans ce monde de rigueur. Il travaille beaucoup et s’épanouit dans ce qu’il fait. L’ancien rugbyman international est désormais un manager avisé aux projets multiples. Après la modernisation du chai et de la cave, il est désormais en train de mener à bien une diversification de l’activité avec la création d’un restaurant gastronomique et d’un accueil hôtelier haut de gamme.
Son engagement pour les jeunes sportifs lui prend du temps aussi, car un centre d’accueil et de soutien est en train de se créer à Toulouse.
Tout en reprenant un travail à l’extérieur, et en continuant à me consacrer à l’écriture, j’ai eu envie de participer à son action, de soutenir son engagement et de donner de mon temps pour aider des jeunes qui en ont besoin.
La quarantaine de Jérém est une période magique. Une période pendant laquelle j’assiste à une nouvelle métamorphose de l’homme que j’aime.
D’un côté, il y a le directeur opérationnel du domaine Tommasi, un quadra épanoui et assuré dont l’action force l’admiration de ses proches et inspire le respect de la profession. Un homme, un mâle accompli dont la sensualité m’inspire de furieuses envies d’arracher ses belles chemises, de défaire ses ceintures et la braguette de ses pantalons bien coupés, de faire exulter sa virilité sur son grand bureau – ou dans le chai, ou au milieu des tonneaux – à toute heure du jour et de la nuit.
Ce qui finit par arriver, parfois. Je ne peux décemment pas refuser une petite gâterie pour détendre le boss avant un rendez-vous important.
Et puis, il y a le Jérém que la vie a malmené, le Jérém qui porte des cicatrices, autant physiques que morales. Le Jérém que les années ont fait mûrir.
Je l’avais déjà remarqué lorsque j’étais allé le retrouver à Bells Beach. Et encore un peu plus lorsque je l’avais vu à la télé. Puis, lors nos dernières retrouvailles à Campan. J’ai remarqué qu’une certaine douceur s’est installée dans son regard brun. Une sorte de fragilité, lui conférant un côté terriblement attachant.
Son attitude tout entière – le ton de sa voix, sa façon de s’exprimer, et même de penser, d’agir – est désormais marqué par cette humilité que portent en eux ceux qui ont connu toutes les guerres de la vie. Une sorte de retenue qui n’entache en rien sa détermination, mais qui le met dans l’écoute, dans le respect, dans l’empathie vis-à-vis de l’autre.
Le Jérém de vingt ans était sanguin, impulsif, bagarreur. Passablement autocentré. Le monde tournait autour de lui et de ses envies. Ce qui avait un côté furieusement sexy, il faut bien l’admettre. Mais aussi des inconvénients. Il était parfois invivable.
Le Jérém de quarante ans est déterminé, mais également réfléchi, prudent, conciliant. Il semble avoir acquis une formidable capacité à prendre du recul, à relativiser, et à mettre les choses en perspective.
Le Jérém de vingt ans était très facilement déstabilisé, et il n’acceptait pas de l’être, et encore moins de l’admettre. Celui de quarante donne l’impression qu’il sait faire face, qu’il assume, qu’il gère en toute circonstance. Il n’a pas peur d’admettre ses erreurs, ou de chercher de l’aide quand il se sent dépassé. Son approche est toujours positive, même face aux problèmes. En le regardant, on a l’impression qu’il n’y a jamais de problème, qu’il n’y a que des solutions. Son regard est rassurant et bienveillant. Parfois, quand je le regarde, j’ai l’impression de voir Thibault.
Le Jérém de quarante ans a le regard pétillant, et transparent. On y lit ses émotions comme dans un livre ouvert. Il ne se cache plus derrière des faux semblants. La vie s’est depuis longtemps chargée de faire voler en éclats son armure d’antan. Et il n’en a pas rebâti de nouvelle. Avec toutes ses fêlures et ses cicatrices, il est enfin en phase avec lui-même.
Il n’est pas rare de le voir, de le sentir ému, les yeux voilés de larmes, la voix cassée en évoquant un souvenir, un instant passé, qu’il soit bon ou mauvais. Il n’est pas rare de le sentir nostalgique. Il n’est pas rare non plus de voir son regard s’emplir de tristesse devant des images de souffrance presque banalisées dans un JT, ou d’émotion devant un paysage, un chiot, un témoignage d’estime ou d’affection.
Le Jérém d’aujourd’hui me fascine autant qu’il m’inspire une infinie tendresse. J’ai à la fois envie de me blottir dans ses bras, sûr qu’ils me protégeront, me rassureront, m’apaiseront. Et de le serrer dans les miens, pour le protéger, le rassurer, l’apaiser.
Sa nouvelle virilité, une virilité qui assume désormais toutes les facettes de sa personnalité, est enivrante.
Jérém a 45 ans.
[Tu as affronté tes démons.
Tu as accepté tes défauts, tes faiblesses.
Tu as assumé tes erreurs.
Tu as fait la paix avec toi-même.
Tu as appris l’indulgence, vis-à-vis de toi, vis-à-vis des autres.
Tu es rentré chez toi. Et tu y es bien. Enfin.
Tu as appris à t’aimer, un peu.
Et à accepter l’amour des autres.
Et à accepter l’amour de Nico].
Et puis le Temps a continué de filer. Et de plus en plus vite.
Le Temps de la nostalgie.
Et puis, un jour, je réalise que ma quarantaine touche bientôt à sa fin. Et que mon regard sur pas mal de chose a changé.
Aujourd’hui, j’ai dû me rendre au centre-ville de Toulouse pour y faire une course. En ce début de printemps, trente ans après ma première révision dans l’appart de la rue de la Colombette, le vent d’Autan souffle à nouveau, souffle toujours.
Sans vraiment le vouloir, mais sans m’opposer pour autant à cette force subconsciente qui guide mes pas, je me retrouve devant l’entrée de mon ancien lycée. J’ai envie de revoir l’endroit où mon existence et celle de Jérém se sont croisées.
Comme lors de ma dernière visite il y a plus de vingt ans, j’aimerais passer dire bonjour à mon ancienne prof de français, Mme Talon. Mais Mme Talon n’est plus dans ce lycée, ni même de ce monde, depuis fort longtemps. Mais j’avance quand-même, guidé par une force intérieure à laquelle je ne sais pas m’opposer.
Dès l’instant où je pénètre dans la cour du lycée que j’ai fréquenté il y a près de trente ans, j’ai un sentiment de vertige en contemplant le Temps qui s’est écoulé depuis. Cela a filé à une telle vitesse !
Dans la cour qui a peu changé, je cherche le vieux chêne sous lequel se tenait Jérém en ce fameux matin de septembre 1998. Et même plus trente ans après, je le revois toujours, en train de discuter avec ses potes, je revois son t-shirt noir, sa casquette noire à l’envers, son insolence, sa beauté surnaturelle, son sourire ravageur, et je ressens à nouveau les papillons dans le ventre que j’avais ressentis ce jour-là. Mon cœur se serre, mes larmes coulent sur mon cœur, montent à mes yeux, et je les arrête de justesse pour qu’elles ne débordent pas sur mes joues.
J’essaie de me calmer en posant mon regard sur ce que la vie peut offrir de plus beau, de plus rafraîchissant, de plus réconfortant, le spectacle de la jeunesse, la jeunesse masculine en ce qui me concerne.
Partout dans cette cour qui « fut un temps mon terrain de jeu », pour citer le titre d’une très belle ballade madonnienne sortie en 1992,
https://www.youtube.com/watch?v=RhXDO2a3-sE
Oui, partout dans cette cour qui fut le « terrain » de mon premier amour, des lycéens répartis ici et là dans l’espace verdoyant offrent un spectacle saisissant. En les regardant, je réalise qu’ils peuvent aisément être les enfants de mes camarades de l’époque.
Leur insouciance me fascine, tout comme leur position dans la vie, juste avant le bac, c’est-à-dire à l’aube de leur âge adulte, avec tant de possibilités devant eux, avec tant de futurs possibles pour chacun d’entre eux. Eux, que la vie n’a pas encore abîmés, meurtris. Eux qui sont si jeunes, car ils se croient toujours invincibles. Car ils n’ont pas encore la conscience du Temps qui passe.
Il règne dans cette cour, tout comme dans les couloirs du lycée, un air de nonchalance de fin d’année, comme un avant-goût de vacances. Je me souviens de cette ambiance des derniers jours avant le bac où tout le monde était pressé d’en finir avec le lycée. Je me souviens de la tristesse que cela provoquait en moi, car cela semblait annoncer la disparition de Jérém de ma vie. Je me souviens du déchirement qu’était l’arrivée de cet été qui sonnait la fin des jours où je pouvais le côtoyer au quotidien. Et ça, je ne pouvais pas l’accepter. C’est dans ce déchirement que j’avais puisé la force de lui proposer de réviser ensemble. La suite est une histoire connue.
Avant de quitter la cour, je caresse une nouvelle fois du regard ces délicieux petits mâles en fleurs qui ne sauront jamais qu’il y a eu un jour Jérém&Nico dans ce lycée, dans cette cour, leur enviant la magnifique page de vie vierge qui se dresse devant eux.
J’envie tellement leur jeunesse, et leur insouciance, cette inconscience du Temps qui passe, comme s’ils se croyaient immortels.
Je me demande combien d’entre eux ont déjà connu l’amour. L’amour physique, l’amour du cœur. Combien d’entre eux ont aimé ou aiment secrètement un autre garçon. Je me demande s’il y en a qui ont osé proposer à ce gars qui les troublait depuis le premier jour du lycée de réviser pour le bac.
Je me demande, parmi ces lycéens, combien de « Jérém » enfermés dans leur rôle d’hétéro, combien de « Nico » soupirant secrètement se cherchent et vont se trouver un jour, ou pas.
A tous les Nico, j’ai envie de dire, de crier : soyez patients, persévérants.
A tous les Jérém, j’ai envie de hurler : laissez-vous aller !
A tous, j’ai envie de brailler : N’ayez pas peur d’aimer ni de vous laisser aimer, jamais !
Car il n’y a que lorsqu’on aime, et que l’on se sent aimé en retour, qu’on est vraiment et pleinement heureux.
Le Temps du lâcher prise.
On est jeunes et insouciants tant que l’on se croit invincibles et immortels. Et tant qu’on n’a pas la conscience de la course du Temps. Tout risque de basculer le jour où l’on découvre que les deux premières ne sont que des illusions, et que l’on prend conscience de la dernière.
Oui, avec l’âge, nous apprenons la finitude de l’existence. D’abord, celle des autres. Nous voyons les gens vieillir autour de nous, puis partir. Puis, celle de toute chose. Nous voyons le monde changer. Nous nous sentons dépassés. Nous nous surprenons à repenser de plus en plus souvent à cette jeunesse qui est de plus en plus loin derrière nous, et qui ne reviendra pas. Nous commençons à ressentir de la nostalgie.
Des angoisses inconnues nous saisissent, particulièrement le soir, ou la nuit, lorsque les occupations du jour ont cessé et que notre esprit se met à voguer. Parfois le sommeil est difficile à trouver.
On se laisser submerger. Le fait est que plus on laisse la mélancolie s’infiltrer loin dans notre esprit, plus il sera difficile de la chasser.
Avec l’âge, notre regard sur la vie change. Une citation que j’ai entendue dans un film m’a beaucoup marqué :
« La vie est comme une broderie. On passe la première partie du côté extérieur, là où c’est très joli. On passe la seconde moitié de l’autre côté. C’est moins beau, mais on voit comment sont placés les fils ».
Une phrase de mon ami cavalier Jean-Paul, m’a immensément parlé aussi :
« J’ai toujours aimé penser que l’âge est comme la température de l’air annoncée par la météo. Il y en a une qui est réelle, une autre qui est ressentie. Suivant notre posture face à la vie. Tant qu’il y a des projets, et tant qu’on aime, l’âge ressenti restera toujours loin derrière l’âge réel ».
Avec l’âge, les priorités changent. Ce qui était important avant, l’est moins désormais. On relativise. On comprend ce qui est important pour nous, ce qui est important dans la vie.
On finit par comprendre qu’il faut jouir du présent, plutôt que redouter l’avenir. On finit par accepter que notre Temps n’est qu’une infime parcelle empruntée à l’Eternité. Que tout passe, et nous avec. Et qu’au fond, si notre vie est belle, ce n’est pas si grave.
De toute façon, on n’a pas le choix. Et plus tôt on parvient à lâcher prise, plus tôt on retrouve la sérénité.
Le Temps de faire la paix avec soi-même.
J’ai passé une grande partie de ma vie à me sous-estimer, à ne pas croire en moi.
Je n’ai jamais cru en mes capacités, malgré mes études réussies, et un emploi qui me correspond.
Je n’ai jamais cru non plus en ma capacité à plaire, malgré Jérém, et les quelques autres beaux garçons que j’ai pu approcher au fil des années.
J’ai passé une grande partie de ma vie à me dire que je n’avais rien à offrir aux autres, à tenter de cacher mes peurs de l’abandon et de la solitude. A tenter de les maîtriser, en vain.
J’ai toujours eu besoin d’être rassuré. J’ai toujours eu besoin des autres pour me sentir apaisé.
Mais cela aussi a changé peu à peu avec le temps.
J’ai appris à croire en moi et en ce que je fais, et à ne jamais cesser d’y croire.
J’ai appris à oser et à ne jamais avoir honte d’oser.
J’ai appris qu’il ne faut pas hésiter à dire « merde » à ceux qui voudraient nous voir échouer.
J’ai appris à ne pas me laisser décourager par l’échec, j’ai appris que l’action et la persévérance finissent toujours par porter leurs fruits.
J’ai appris qu’il faut regarder vers l’avenir même quand la tentation est forte de se laisser emporter par la fatigue, le désarroi et la nostalgie.
J’ai appris qu’on a le droit d’exister, indépendamment de nos préférences, tant que nos actes sont guidés par le respect de l’autre.
J’ai appris que j’ai droit au bonheur, et que personne n’a à me dire par quel chemin l’atteindre.
J’ai appris que même les moments les plus sombres de mon existence ont été utiles. Car ils ont fait de moi celui que je suis aujourd’hui, avec son bagage, son expérience, ses cicatrices. Et son regard plus ouvert sur la Vie.
J’ai appris que les regrets, les remords, les erreurs que j’ai pu commettre appartiennent au passé, et que je n’ai plus de prise dessus.
J’ai appris que je n’ai de prise que sur le présent, ici et maintenant et que chaque instant compte.
J’ai appris à m’accepter tel que je suis, j’ai appris à me pardonner.
Ça va sans dire, mais depuis que Jérém est revenu, il m’est plus facile de faire la paix avec moi-même. Et avec le Temps.
Le Temps des changements.
Et puis, un jour, je réalise que le regard que je porte sur les garçons a quelque peu changé aussi.
Aujourd’hui encore, j’ai dû me rendre au centre-ville de Toulouse pour y faire une course.
Est-ce parce qu'enfin, après une assez longue période de grisaille et de froid, les températures et le soleil printaniers ont brusquement fait leur apparition ? Est-ce la raison de ce déferlement de beautés mâles dans la rue d’Alsace-Lorraine, la rue commerçante et piétonne principale de la ville ?
Du choupinou aimant à câlins, du p’tit con sexy à casquette (à l’endroit, ou bien à l’envers), du p’tit reubeu en jogging satiné, des bruns virils et barbus. Des jeunes mâles aux sourires ravageurs, visiblement heureux de pouvoir enfin exhiber à nouveau leurs bras nus, leurs biceps et leurs pecs serrés dans des t-shirts moulants aveuglants de blanc ou de toutes ces couleurs qui déclinent si bien leur vibrante sexytude, en jeans taille basse ou en bermuda, aux brushings soignés ou aux coupes de cheveux volontairement en pétard, quand ce n'est pas la coupe cheveux ras style militaire. Des potes par groupe de deux, trois ou plus, se tenant parfois par le cou de façon complice, filant à toute vitesse dans leur vie que je ne fait que croiser pendant une infime fraction de temps. Une suite presque ininterrompue de beautés mâles, de bonheurs visuels. Et parfois olfactifs, lorsque la fragrance d'un déo largement utilisé sur l’un de ces torses douchés du matin vient enivrer mes narines.
Cet après-midi, en ville, il y avait du bogoss en veux-tu en voilà, j’ai été balayé par une multitude de petits cons à ne plus savoir où donner de la tête.
Cependant, malgré l’effet que la beauté des garçons a toujours sur moi, je constate un changement de plus en plus flagrant dans ma relation au Masculin.
Il fut un temps où la simple vision d’un beau garçon suscitait en moi un désir violent d’approcher, de découvrir et de faire exulter sa virilité.
Aujourd’hui, la fulguration devant le Masculin est toujours présente. Le désir aussi. Mais son urgence est moindre. Elle est désormais canalisée dans une sorte de contemplation apaisée et émue. Comme devant une œuvre d’art, une œuvre d’art d’autant plus précieuse qu’on la sait, hélas, éphémère.
De plus en plus, je sens le désir physique se muer en tendresse. Aujourd’hui, face à un beau garçon, je suis moins frustré de ne pas oser l’aborder pour découvrir sa virilité que de ne pas oser l’approcher pour simplement lui demander s’il est conscient d’à quel point il est beau. Et pour lui dire de bien profiter de sa beauté, de sa jeunesse, de sa liberté, car ces cadeaux de la vie ne durent pas.
Je n’ose pas, car cela pourrait être mal interprété, tout autant que des avances.
Oui, mon regard sur le Masculin a changé. Mais pas seulement avec l’âge. Je crois que l’écriture a également joué un rôle dans ce changement, et pas des moindres. L’écriture m’a aidé à canaliser mes émotions, à calmer mes frustrations, à dompter ma mélancolie. J’ai le sentiment qu’elle m’a rendu plus fort, plus indépendant, plus solide. Je crois qu’elle m’a aidé à grandir.
Dans l’écriture, j’assouvis autrement mon désir de célébrer le Masculin. Avec mes modestes moyens, j’écris au sujet des garçons et de l’amour entre garçons. Tout ce que j’aime, tout ce qui me parle.
Au fil de mes pages, j’ai essayé de montrer qu’aimer les garçons, en étant soi-même un garçon, ce n’est pas un choix, juste un état de fait. Que c’est une façon d’aimer parmi d’autres.
Et qu’il n’y a aucune raison de souffrir, de se faire insulter, discriminer, ou tabasser à cause de ça.
Dans mes histoires, j’ai voulu parler de tolérance, d’acceptation de soi, de droit au bonheur. J’ai voulu affirmer haut et fort qu’aimer ce n’est jamais un crime.
Et qu’en dépit de nos différences, nous sommes tous dans le même bateau, celui de l’existence, celui de la finitude de nos destins.
Qu’être hétérosexuel ou homosexuel, ce n’est qu’un détail. Car, au fond, gays ou hétéros, nous cherchons tous la même chose, à être heureux comme on l’entend.
Et que, par conséquent, il serait de bonne intelligence de nous respecter et de nous soutenir un peu plus les uns les autres, au lieu de nous chamailler pour des mauvaises raisons.
Regardons-nous dans un miroir, et faisons-le, ce changement :
https://www.youtube.com/watch?v=PivWY9wn5ps
If you wanna make the world a better place/Si tu veux rendre le monde meilleur
Take a look at yourself and then make that/Jette un œil à toi-même et fais-le ce
Change/Changement
Le Temps du déni.
Hélas, du côté de Jérém, l’équilibre acquis pendant la quarantaine vole peu à peu en éclat à l’approche de la cinquantaine. Le Jérém apaisé et épanoui, ayant réglé son compte à ses fantômes du passé, laisse la place à un Jérém à nouveau plus inquiet, faisant face à de nouveaux démons.
Au fil du temps, Jérém est de moins en moins à l’aise avec son corps. Il n’est pas à l’aise avec ses cheveux, avec sa barbe, avec sa pilosité de plus en plus grisonnantes. Il n’est pas à l’aise non plus avec sa musculature, de plus en plus difficile à entretenir, avec la disparition progressive et inexorable de ses abdos. Il n’est pas non plus à l’aise avec son énergie, qui n’est plus celle de ses vingt ans.
J’ai beau tenter de le rassurer, lui dire que si les changements sont bel et bien là, il y a de très beaux restes quand même. J’ai beau lui parler de mon cheminement, de comment j’ai commencé à faire la paix avec moi-même. Rien n’y fait. Son moral est en berne.
Sa libido est en berne elle-aussi. Le sexe semble ne plus vraiment l’intéresser. Lorsque nous essayons de faire l’amour, il y a parfois des « ratés ». J’ai beau essayer de dédramatiser, de lui dire qu’on se rattrapera plus tard. Je vois bien que cela contribue à affecter son moral, à entretenir son sentiment de déclin physique et à l’entraîner dans un cycle vicieux. Plus il déprime, plus sa virilité a du mal à s’exprimer. Plus il y a des « ratés », plus il déprime.
Jérém n’est pas bien dans ses baskets, et se réfugie dans le travail pour tenter d’échapper à ses nouveaux démons.
Il devient taciturne, irritable. Je le sens dériver inexorablement. J’ai l’impression qu’il s’éloigne de moi. J’ai le sentiment que le travail devient une excuse pour réduire nos interactions au strict minimum. Le peu de fois qu’il est avec moi, j’ai l’impression qu’il est ailleurs, dans sa bulle. Une bulle dans laquelle il est enfermé avec ses nouvelles angoisses.
Et puis, un jour, nous cessons de faire l’amour pour de bon. Les semaines, les mois s’enchaînent sans que Jérém ne manifeste le moindre désir. Sans qu’il accepte la moindre proposition dans ce sens venant de moi.
Je commence à penser qu’il s’est lassé de moi. Qu’il s’est lassé d’un partenaire dont l’évolution physique le renvoie inexorablement à la sienne.
Je me demande s’il n’aurait pas envie d’aller voir ailleurs.
Je me demande si ça ne lui ferait pas du bien d’aller voir ailleurs. Pour toucher du doigt le fait qu’en dépit de l’âge, il est toujours très séduisant, et qu’il peut encore plaire à beaucoup de garçons.
Je me demande s’il n’est pas allé voir ailleurs, d’ailleurs. Je lui ai soupçonné une liaison avec Kevin, un garçon plus jeune, la trentaine, un beau petit brun aux yeux verts, le responsable du centre d’accueil de Toulouse. J’ai toujours trouvé que Kevin était sous le charme de Jérém. Jérém affirmait n’avoir rien remarqué, mais je suis persuadé qu’il disait ça pour me rassurer. Bien sûr qu’il avait remarqué que ce garçon avait des étoiles dans les yeux quand il le regardait.
Je n’ai pas la preuve qu’il se soit passé quelque chose entre eux. A vrai dire, je n’ai pas vraiment cherché à savoir.
Le Temps de voler de ses propres ailes.
Moi aussi j’ai eu envie d’aller voir ailleurs. Et j’ai parfois eu l’occasion de satisfaire cette envie. Et je l’ai saisie.
J’aime Jérém par-dessus tout. Mes sentiments ne changeront pas. Ils lui sont acquis à tout jamais. Mais j’ai eu moi aussi besoin d’être rassuré sur ma capacité à plaire encore à l’approche de ma cinquantaine. Surtout au moment où je me suis senti délaissé, et que cela m’a fait me poser tout un tas de questions.
Alors, j’ai eu envie de profiter des derniers cadeaux, des derniers garçons, que la vie avait à m’offrir. De profiter d’un instant, de prendre du bon temps, tout ce qui est salutaire pour l’esprit.
Avec l’âge, j’ai réalisé que dans la vie il est plus facile de porter des remords que des regrets. Renoncer à assouvir un désir est une défaite qu’on s’inflige à soi-même. Et à force de subir des défaites, à force d’être le bourreau de soi-même, cela nous rend malades.
Pendant cette période difficile, je me refugie dans l’écriture. Elle est mon asile, ma confidente, mon bol d’air frais. L’écriture occupe mes heures de mélancolie, mes nuits d’insomnie. Elle occupe mon esprit, l’empêchant de cogiter, de broyer du noir, de se faire du mal. Sans sa présence dans ma vie, celle-ci serait bien vide, et bien rude, à certains moments.
Après le dernier volume de la saga de « Julien&Nathan » sorti fin 2026, j’ai été approché par un producteur pour un projet totalement inespéré.
La web série « Julien&Nathan » a pu exister en grande partie grâce au financement participatif souscrit par les lecteurs. La production m’a beaucoup impliqué dans toutes les phases de réalisation, à partir de l’élaboration du script jusqu’au montage, en passant par les castings, l’une des tâches les plus difficiles à mener à bien.
J’ai vraiment galéré pour trouver les comédiens pour incarner mes personnages, et celui de Julien en particulier.
J’ai fini par dénicher Jonathan, un petit mâle de vingt ans qui avait l’insolence et la brunitude de mon Jérém à son âge, à l’époque des révisions rue de la Colombette.
En parallèle de ce projet, j’ai continué à écrire des histoires de garçons qui aiment les garçons. Je crois que je vais continuer toute ma vie.
Le Temps du déclic.
Aujourd’hui, Jérém a 50 ans. Pour l’occasion, j’ai organisé une grande fête au domaine à laquelle j’ai convié tous nos proches. Mais l’ancien rugbyman n’a pas l’air heureux.
Après le départ des invités, vers minuit, Jérém m’annonce qu’il part faire un tour dans la vigne. Cela arrive régulièrement, car il a parfois besoin d’être seul, et ces balades nocturnes semblent l’apaiser.
Et ce soir, à ma grande surprise, il me propose de l’accompagner. Je suis fatigué, et en plus le vent est un peu frais. Mais j’accepte son invitation, bien décidé à profiter de cette occasion offerte de partager un moment avec lui, occasion si rare depuis quelques temps.
Je marche pendant de longues minutes entre les rangées de vigne à côté de l’homme que j’aime. Nous avançons en silence, jusqu’à ce que Jérém s’arrête à la limite du domaine, à cet endroit où le point de vue sur la vallée est le plus impressionnant. Même la nuit.
Jérém reste planté là, en silence, pendant de longues minutes. Puis, il finit par me parler.
— Tu te souviens de quand on était au lycée ?
Je me souviens, et comment je me souviens !
Je me souviens de toi au tout premier jour du lycée, je me souviens de ton t-shirt noir, de ta casquette à l’envers, je me souviens de ton sourire.
Je me souviens de toutes ces heures de cours pendant lesquelles j’étais fou de toi.
Je me souviens de toutes ces heures, de ces jours, de ces week-ends et de toutes ces vacances loin de toi et pendant lesquelles je ne faisais que penser à toi.
Je me souviens du fabuleux petit con que tu étais à cette époque, je me souviens de toi nu sous la douche, après les cours de sport.
Je me souviens du voyage en Espagne, et de ce jour où tu m’avais débarrassé de ce gros con qui me harcelait.
Je me souviens du voyage en Italie, et de ce jour de soleil dans la vigne où tu avais ôté ton t-shirt et ouvert ta braguette.
Je me souviens de notre première révision, de la découverte de ton corps, de ton plaisir, de l’amour physique. Je me souviens du désir brûlant que tu m’inspirais.
Je me souviens de toutes nos autres révisions.
Je me souviens de ce besoin tout aussi violent de tendresse et de câlins que je ressentais après l’amour.
Je me souviens des sentiments que tu faisais pétiller en moi.
Je me souviens de la fois où tu t’étais battu dans les chiottes d’une boîte de nuit pour me défendre d’un gros bourrin.
Je me souviens de la peur de te perdre.
Je me souviens de l’angoisse que m’inspirait le bac, l’angoisse de ne plus jamais te revoir.
— Je me souviens du lycée, je finis par lui répondre, une fois que j’ai pu m’extirper du tourbillon de souvenirs que sa question a fait remonter en moi.
Je m’en souviens très bien, même, j’insiste. Et toi ?
[Tu te souviens, Jérém, du regard de Nico pendant tout le lycée. Ce regard qui t’a interpellé, flatté, touché.
Tu te souviens de la première fois dans l’appart de la rue de la Colombette. De ton envie de coucher avec lui.
Tu te souviens de la drôle de sensation qui t’avait saisi après cette première révision. Tu l’avais menacé pour qu’il tienne sa langue. Tu t’étais montré dur, intraitable, arrogant, mais son regard triste t’avait touché.
Tu te souviens que ses sentiments t’avaient effrayé.
Tu te souviens que tu avais tout fait pour ne pas ressentir quoi que ce soit pour ce garçon.
Tu te souviens que tu avais lutté, mais que tu n’as rien pu y faire. Ce garçon a bousculé ta vie. Il t’a fait prendre conscience de qui tu étais. Il t’a montré que tu n’avais pas à avoir honte de qui tu étais.
Tu te souviens de cette époque de découverte, du plaisir, de l’amour, de toi-même.
Tu te souviens de cette époque d’insouciance].
— On était si jeunes, il considère après un long silence. Et on ne se rendait même pas compte à quel point on était heureux.
— C’est vrai. Mais aujourd’hui aussi, je suis heureux. Et même plus heureux que jamais.
— Vraiment ?
— Vraiment ! Et tu sais pourquoi ?
— Je ne sais pas…
— Parce que tu es là avec moi !
— Et pourtant, je n’ai pas été un cadeau dernièrement…
— Je vois que tu ne vas pas bien. Je vois que quelque chose de tracasse. Parle-moi, Jérém. Fais-moi confiance.
Et là, après avoir pris une profonde inspiration, il finit par lâcher :
— Je ne supporte pas l’idée de vieillir. Je n’aime pas celui que je suis devenu.
— Tu es toujours un très beau mec. Et de toute façon, je t’aime comme tu es !
— Pour l’instant… mais est-ce que tu m’aimeras toujours dans quelques années ? Quand je ne ressemblerai plus à rien ?
— Tu ne ressembleras jamais « à rien », pas pour moi en tout cas. La beauté et la jeunesse passent. Mais je m’en fous. Ce que je ressens pour toi ne changera jamais.
Je n’ai pas le pouvoir d’arrêter le Temps, je continue. La seule chose que je peux te proposer est de vieillir avec toi, de vieillir ensemble.
— Ça te fait pas peur de vieillir ?
— Ça ne me fait pas peur. Ça ne me fait pas peur pour la même raison que je suis heureux aujourd’hui. Parce que tu es là à mes côtés. Depuis que je t’ai retrouvé, le Temps ne me fait plus peur.
Et puis, le Temps a continué de filer.
Le Temps des épreuves.
Et puis un jour, il y a eu la maladie. Il y a eu la peur, la panique, le vertige. Il y a eu sa réaction à chaud, le refus catégorique des traitements. Et puis, l’acceptation, de la maladie, des soins. Il y a eu les stigmates des effets secondaires. Il y a eu l’opération. Il y a eu les longues heures passées à arpenter les couloirs d’hôpital, à squatter les salles d’attente, à côtoyer le personnel soignant, à attendre de parler à un médecin. Il y a eu la convalescence, la lente récupération. Il y a eu le corps fatigué, longtemps.
Et puis, après tout ça, après un an d’angoisses, il y a eu le soulagement, la guérison. Et il y a eu les mots de Jérém.
— C’est passé si vite, toi et moi, je l’entends me glisser, un jour.
— C’est parce que nous avons été heureux, je considère.
— Nous l’avons été, c’est vrai.
— Et nous allons l’être encore pendant longtemps. Je serai toujours là, Jérém, quoi qu’il arrive.
— Moi aussi, je serai toujours là.
Je lui tiens la main, il tient la mienne.
Je sais qu’il sait que je lui tiendrai la main jusqu’à son dernier souffle.
Il sait que je sais qu’il me tiendra la main jusqu’à mon dernier souffle.
[Tu as affronté tes peurs, Jérémie.
Tu as accepté le Temps qui passe.
Tu as accepté de voir vieillir ceux que tu aimes.
Tu as accepté de vieillir.
Tu as appris à toujours regarder en avant, et à voir ce que la vie peut apporter de positif à tout âge.
Et tu es bien, à nouveau. Mieux que jamais.
Car tu as enfin appris à faire confiance à l’amour de Nico.
Il a toujours été là quand tu avais besoin de lui, et malgré le fait que tu aies été parfois horrible avec lui.
Son amour a perduré toute une vie, malgré les éloignements et les séparations.
Tu es chanceux, Jérémie. Car tu sais qu’il sera toujours là.
Tu sais désormais que cet amour n’a pas de prix. Et que tu te dois de le soigner, de le choyer, de le chérir].
— Pour que le bonheur arrive, il faut que la peur s’en aille.
— Quand on se sent aimé, on n’a plus peur. Et on découvre le bonheur.
— Merci, Nico, d’avoir toujours été là.
Il n’y a que lorsqu’on laisse parler notre cœur qu’on peut espérer atteindre celui de l’autre.
Je crois que ce sont les plus beaux mots d’amour qu’on puisse entendre.
A cet instant précis, je me sens en connexion totale avec l’homme que j’aime.
Je sens que nous sommes l’un pour l’autre ce « Bridge over trouble waters » dont parle cette sublime chanson.
https://www.youtube.com/watch?v=4G-YQA_bsOU
When you're weary/Lorsque tu seras las
Feeling small/Mélancolique
When tears are in your eyes/Lorsque les larmes viendront à tes yeux
I will dry them all/Je les sècherai toutes
I'm on your side/Je serai près de toi
When times get rough/Quand les heures deviendront rudes
And friends just can't be found/Et que les amis demeureront simplement introuvables
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will lay me down/Je m'allongerai
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will lay me down/Je m'allongerai
(…)
I will comfort you/Je te réconforterai
I'll take your part/Je prendrai ta défense
When darkness comes/Lorsque les ténèbres apparaîtront
And pain is all around/Et que la souffrance sera omniprésente
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will lay me down/Je m'allongerai
(…)
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will ease your mind/J'apaiserai ton esprit
Le Temps de la maturité.
Au lycée, je suis tombé raide amoureux d’un magnifique petit con qui m’énivrait de sa beauté, de la fougue de sa jeunesse impertinente.
Il était un beaujolais pétillant, il est désormais un superbe cru que le temps ne fait qu’améliorer, qui ne cesse de bien vieillir. Chaque année ajoute des arômes à un bouquet viril de plus en plus riche.
J’aime désormais l’homme qu’il est devenu, sensible, viril dans le sens de mûr, équilibré.
Sa voix participe grandement à ce ressenti. Elle est devenue plus grave, plus chaude. Le débit de parole est plus lent, ses propos plus réfléchis. Sa voix est comme une caresse. Tour à tour apaisante, rassurante, sensuelle.
Derrière sa belle barbe poivre et sel, Jérém est un homme qui impose le respect. Mais aussi un homme séduisant et attachant comme jamais.
Le sexe est revenu entre Jérém et moi. C’est l’occasion de constater qu’avec l’âge, l’importance et la place du plaisir physique change. Le corps change, ses besoins avec. Jérém n’est plus le petit mâle de vingt ans qui bandait au quart de tour, à qui il suffisait d’une pause cigarette pour remettre ça, capable de me faire l’amour trois ou quatre fois par nuit.
Désormais, le rythme ralentit, la cadence aussi. Les ardeurs se calment, la fougue est moindre. Le temps de l’amour s’étire, s’habille d’indulgence et de tendresse.
Nous prenons peu à peu conscience de quelque chose de très apaisant. Que le jour où il n’y aura plus d’amour physique entre nous, il y aura toujours de la tendresse.
Le Temps des souvenirs.
Avec le temps, les souvenirs s’accumulent. Et ils remontent de plus en plus souvent à l’esprit.
Je me souviens de nos retrouvailles sous la halle de Campan. Je me souviens de ton baiser.
Je me souviens de ton premier « Je t’aime » un 31 décembre dans la petite maison au pied de la montagne bloquée par la neige.
Je me souviens de tes années rugby, de tes maillots fièrement portés sur ton corps musclé, je me souviens de ta superbe, de ta puissance, de ta beauté, de ta virilité, de ta jeunesse.
Je me souviens de tout ce que nous avons dû endurer parce que le monde n’est toujours pas prêt à accepter l’amour entre deux garçons.
Je me souviens qu’on avait fini par s’apprivoiser et par être heureux.
Je me souviens de notre agression à Paris le soir de tes 25 ans. Je me souviens que tu n’as pas hésité un seul instant à te mettre en danger pour tenter de me protéger.
Je me souviens de notre dernier soir à Toulouse après ton retour d’Australie.
Je me souviens de toutes ces années que nous avons passées loin l’un de l’autre, je me souviens d’à quel point tu m’as manqué.
Et je me souviens de toutes ces pages que j’ai écrites pour tenter de donner un sens à ton absence.
Je me souviens de mes larmes, de tes larmes quand nos regards se sont croisés à Bells Beach.
Je me souviens de nos adieux, après Bells Beach.
Et je me souviens de toi à la télé, parlant de ton expérience et de ton projet en faveur des jeunes sportifs.
Je me souviens de cet instant, comme du premier instant de ma nouvelle vie.
Les souvenirs sont pour moi désormais une façon de revivre le bonheur passé, mais sans regrets ni remords.
Je repense parfois aux mots du pauvre Mr Charles, le concierge de l’hôtel de Biarritz où j’étais venu te rejoindre, alors que tu y séjournais avec ton équipe à l’occasion d’un match du Top14.
« Il ne faut pas se laisser happer par le quotidien, par la course du Temps. Il faut savoir discerner quelles sont les choses importantes de la vie, celles qui nous rendent heureux. Il faut vivre et aimer sans attendre, ne pas se laisser envahir par tout ce qui est superflu.
Il faut aussi un peu de chance. La chance, il faut parfois savoir la provoquer. Et il faut surtout la reconnaître et la saisir dès qu’elle pointe le bout de son nez. Le bonheur c’est ne pas traverser cette vie tout seul. Le bonheur, c’est aimer. Le bonheur, c’est savoir qu’on est l’Elu du cœur de quelqu’un ».
Je crois que si je devais partir demain, je n’aurais pas de regrets. J’ai le sentiment que j’ai vécu une belle vie, car je t’ai aimé et tu m’as aimé. Alors, j’ai le sentiment que j’ai été heureux.
Il m’arrive également de repenser aux mots du pauvre Albert, le proprio de l’appart que je louais à Bordeaux du temps de mes études.
« Rappelle-toi ce que te dit un vieux croulant. Être un homme ne veut pas dire épouser une femme, avoir des gosses, s’imposer avec la force, comme on veut nous faire croire. Être un homme, c’est avant toute chose être droit et responsable, se bâtir un avenir tout en respectant son prochain, s’assumer pleinement et protéger les siens, ceux qu’on aime, et qui nous aiment ».
Je crois que la vie nous a imposé d’être des Hommes. Et que nous avons répondu présent l’un pour l’autre.
Je repense souvent à ce jour à Gavarnie, à cet instant où je t’ai tenu dans mes bras sur la butte devant la grande cascade. Et à chaque fois, j’ai envie de réécouter cette belle chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=7o5R02bM5ow
Sat on a roof/Assis sur un toit
Named every star and/Tu as nommé chaque étoile et
Showed me a place/Tu m'as montré un endroit
Where you can be who you are/Où on peut être qui l'on est
And I asked every book/Et j'ai demandé à chaque livre
Poetry and chime/Poésie et carillon
"Can there be breaks"/Peut-il y avoir des pauses
In the chaos of times?"/Dans le chaos du Temps?"
Oh, thanks God/Oh merci Dieu
You must've heard when I prayed/Tu as dû entendre lorsque je priais
Because now I always/Parce qu'à présent
Want to feel this way/Je voudrais toujours me sentir ainsi
Amazing day/Excellente journée
Amazing day/Incroyable journée
Et comme le dit l’un des commentaires sur Youtube,
« Ladies and gentlemen, find someone who makes you feel how this song makes you feel ».
Messieurs dames, trouvez quelqu’un qui vous fait vous sentir comme cette chanson vous fait vous sentir.
C’est ce qu’on peut souhaiter de plus beau à quelqu’un.
Je repense à ce jour de décembre 2023, il y a si longtemps déjà, et à ce concert de Madonna que nous avons partagé juste après nos retrouvailles. Et à cette chanson qui, depuis, me parle de toi :
https://www.youtube.com/watch?v=cAVx9RKaLPU
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
Tout ce que je te donne/Everything I give you
Tout me revient/All comes back to me
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
Et après toutes ces années d’écriture, il est désormais Temps d’écrire le mot de la fin.
Tu as beau avancer dans l’âge et changer, mon Jérém. Dans mon regard, tu resteras à tout jamais le brun incendiaire, le sublime petit con insolent et craquant de tes 19 ans.
Je sais que je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle. Je n’ai pas peur de ce dernier souffle. Parce que je sais que juste après, je te retrouverai et nous serons unis à nouveau, et pour toujours.
Peu importe les détours, tous les chemins de Jérém ont mené à Nico, et tous les chemins de Nico ont mené à Jérém. Et ils continueront de le faire, quoi qu’il arrive.
L’Amour, cette « denrée » inépuisable venant de notre humanité la plus profonde, qui nous rend plus riches et plus heureux à chaque fois qu’on en dispense.
L’amour qui n’a pas de couleur, de sexe, d’âge, d’orientation attitrée.
L’Amour qui est le seul rempart contre le Temps.
L’Amour, qui est la seule contribution que l’Homme, avec ses humbles moyens, peut espérer apporter à la beauté de l’Univers.
Seul l’Amour a donné un sens à ma vie.
Tout ce dont nous avons besoin, c’est l’Amour.
J’ai été heureux parce que je t’ai aimé, mon Jérém.
Au Temps, qui n’est qu’un prêt et que rien n’arrête, et à qui seul l’Amour donne du sens.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Nous y sommes, ceci est le tout dernier épisode de Jérém&Nico.
Une fois encore, je tiens à profiter de cette occasion pour remercier toutes celles et tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ont participé à cette aventure de près de 10 ans.
A FanB, qui depuis toutes ces années a corrigé mes manuscrits et m’a aidé à garder la cohérence de mon récit.
A Yann, qui depuis de nombreuses années, a été d'un grand soutien.
A tous les tipeurs et mécènes, en particulier Cyril et Virginie, dont la contribution a duré jusqu’à présent.
A tous ceux qui ont laissé des commentaires, sur le site ou en message privé, à tous vos encouragements qui m’ont aidé à avancer pendant les moments de doutes et de fatigue.
Aux critiques que j'ai parfois reçues et qui m'ont elles aussi aidé à mener ce projet à bien.
A tous ceux qui ont fait tourner les compteurs des vues, en répondant présent à chaque épisode publié.
Votre fidélité à tous, votre considération pour mon travail, votre simple présence me touche immensément.
Fabien
Dans le Gers, janvier 2024.
Un mois après le concert d’Amsterdam, me voilà installé dans un vignoble en plein cœur du Gers. L’année de mes 42 ans s’ouvre sur un horizon dégagé et lumineux comme jamais auparavant.
Le Temps des choix (trois mois plus tôt).
Paris, octobre 2023.
Lorsque je suis parti de Paris pour m’installer dans le Gers, j’ai vu le mal que je faisais à Anthony et ça m’a fendu le cœur. Comme pour Ruben en son temps, je m’en voulais terriblement de blesser ses sentiments, de trahir mes promesses, d’être à l’origine de sa souffrance. Comme pour Ruben, mais plus encore pour Anthony. Parce qu’Anthony, il a vraiment compté. Parce qu’Anthony, je l’ai vraiment aimé.
En quittant l’appart avec mes sacs, j’avais le cœur déchiré, écartelé. Jérém, l’amour de ma vie, m’appelait ailleurs. Et le garçon au blouson bleu était là, devant moi, me suppliant silencieusement de ne pas partir.
Il me faisait de la peine, et j’avais par-dessus tout envie de le prendre dans mes bras. J’avais envie de le réconforter. Mais je savais que j’étais la dernière personne à posséder ce pouvoir. Car on ne peut pas être à la fois bourreau et sauveur.
— Salut, je lui avais glissé, comme un soupir coupable.
— Salut, il m’avait glissé tout bas.
— Je te souhaite tout le meilleur, Anthony. Tu es un garçon en or.
— Pars, Nico !
Ça a été terriblement difficile de prendre la porte, de laisser ce garçon, ce bonheur derrière moi. Parce qu’en ce bonheur, j’y ai vraiment cru.
Ce garçon m’a touché comme peu d’autres garçons m’ont touché dans ma vie. Il a su me rendre heureux, et me donner envie de le rendre heureux.
Oui, Anthony, je l’ai aimé. Certainement comme je n’ai aimé aucun autre garçon, après Jérém. Je me suis senti bien dans ses bras, je me suis senti bien dans ma vie, dans ma vie avec lui à mes côtés. J’ai vraiment cru qu’on aurait un avenir ensemble. J’ai vraiment souhaité qu’on vieillisse ensemble.
Si Jérém n’était pas revenu, je crois vraiment qu’il aurait été le bon, celui qui aurait pu m’offrir tout ce dont j’avais besoin. Celui que j’aurais pu aimer comme on n’aime qu’une ou deux fois dans une vie.
Mais Jérém est revenu. Et Jérém, c’est Jérém. Et Jérém&Nico, c’est une alchimie, une évidence, un destin. Jérém, je l’ai dans la peau.
J’aurais pu renoncer à lui s’il était resté en Australie. J’aurais même pu y renoncer s’il était revenu avec Ewan. Et même tout simplement s’il n’avait plus voulu de moi.
Mais je n’ai rien pu faire pour m’opposer au baiser de Campan. Je n’ai rien pu faire contre l’amour que l’homme de ma vie m’a offert, je n’ai pu tourner le dos à l’horizon nouveau et lumineux que son retour ouvrait dans ma vie. Je n’ai pas pu renoncer au Bonheur.
Comme l’a dit le sage Jean-Paul, peu importe les détours, tous les chemins de Jérém mènent à Nico et tous les chemins de Nico mènent à Jérém.
Le Temps de l’apaisement.
Décembre 2023.
J’ai cru que mon départ de Paris entraînerait un éloignement définitif avec Anthony. Qu’il ne voudrait plus entendre parler de moi, du moins pendant un temps. Qu’il renoncerait à poursuivre l’aventure « Julien&Nathan ». J’aurais parfaitement compris.
Mais ça n’a pas été le cas.
Quelques semaines après notre séparation, le troisième tome de « Julien&Nathan » a été publié. En version roman et en version BD. Et, bonne surprise, il a plutôt pas mal marché, au point d’entraîner même un regain d’intérêt pour les premiers opus. La « machine » semblait enfin démarrer. En février 2024, notre éditeur nous avait commandé deux tomes supplémentaires.
C’est à ce moment-là, à la faveur des besoins de notre projet commun, qu’Anthony est revenu vers moi. J’ai été soulagé d’avoir de ses nouvelles, et de voir qu’il semblait apaisé.
Nous avons continué l’aventure « Julien&Nathan ». Et nous avons bâti peu à peu une amitié et une relation d’estime réciproque.
Le Temps d’assumer.
Au temps du lycée, Jérém et les livres ça faisait deux, voire trois ou quatre. Mais j’ai appris qu’il avait commencé à lire, et à beaucoup lire, lorsqu’il était en Australie. Des romans, des biographies, de tout.
Lorsque je lui ai parlé de mon histoire, il a voulu la lire sur le champ.
Jamais je n’ai eu autant envie, et en même temps terriblement appréhendé, de partager mes pages.
Car, bien que « Jérém&Nico » soit devenu « Julien&Nathan », bien que le contexte sportif ait été changé, bien que certains détails, les plus intimes, aient été passés sous silence, l’histoire demeure la même. Celle de deux garçons qui se sont apprivoisés autour du bac, qui se sont aimés, que la vie a séparés, mais qui n’ont jamais cessé de s’aimer. Cette histoire, c’est notre histoire à tous les deux.
Raconter tout cela a été ma façon de surmonter la peine qu’avait été son absence, de tenter de me guérir de ma souffrance. Mais aussi une façon de ne pas oublier, de me souvenir que ce bonheur a existé un jour dans ma vie, que j’ai été amoureux, que j’ai aimé, que j’ai connu des joies immenses et des peines terribles. Et qu’il a été un temps où je me suis senti furieusement vivant.
Mais toutes ces pages sont aussi une sorte de bouteille à la mer, un cri silencieux et désespéré lancé par-delà le Temps et l’Espace, un soupir qui dit : « Reviens ! ». Ces pages, je les ai écrites pour Jérém, à Jérém. Même si j’ai toujours cru qu’il ne les lira jamais. Tout en caressant l’espoir secret qu’il les lise.
Et maintenant que cet espoir devient réalité, j’ai peur. J’ai l’impression de me sentir mis à nu comme jamais auparavant. J’ai peur de sa réaction, peur qu’il m’en veuille d’avoir exposé notre histoire aux yeux d’un public. J’appréhende que ce soit trop pour Jérém. Ou qu’il trouve ça pathétique et déplacé.
Ou faux. Au fond, cette histoire, c’est ma version de l’histoire. Et Jérém est le seul lecteur au monde à avoir « l’autre » version. Est-ce que ce qu’il va lire va correspondre à ses souvenirs, à « sa » propre version ?
Jérém a passé tout un dimanche à lire le premier tome, celui centré sur les révisions pour le bac.
J’ai appréhendé que cette lecture ne gâche la magie de nos retrouvailles. Que ça gâche quelque chose entre nous.
Mais ça n’a pas été le cas. Bien au contraire. Jérém a été très touché par ma démarche, par mes mots, par mon travail.
Ce soir-là, nous avons fait l’amour avec une fougue décuplée. Et après l’amour, nous avons passé des heures à nous remémorer ces jours d’un printemps déjà lointain.
Quand on est heureux, on a l’impression que tout est possible. Y compris arrêter la course, des jours, des années. J’ai été heureux. Mais le Temps a continué de filer.
Le Temps de l’épanouissement.
Aujourd’hui, Jérém a 45 ans. Depuis trois ans, depuis son retour d’Australie, il a su trouver sa place dans le domaine aux côtés de son frère Maxime et de son père. C’est beau de voir les deux frérots Tommasi travailler en bonne entente pour faire évoluer l’affaire familiale.
En quelques années seulement, grâce à la rigueur de son travail, à sa détermination et à sa droiture, il a su gagner la confiance et l’estime du petit monde de la vigne et de ses personnages.
Un monde qui, au premier abord, ne semble pas tellement ouvert aux nouveaux venus. Un monde avec ses personnages, ses gars fiers de leur métier, de leur terroir, de leur histoire, attachés à la terre et au travail bien fait. Des gars à la parole rare mais chargée de sens et de valeur, et pour qui une poignée de main vaut engagement et loyauté.
Un petit monde attaché à ses traditions, et qui pourtant a accueilli l’ancien rugbyman malgré son coming out médiatique et ce copain qu’il a installé au domaine. Ça a dû jaser dans la campagne, certes. Mais ces bruits ne sont jamais parvenus à nos oreilles et ne nous ont pas porté préjudice. Et ils ont certainement fini par se taire, mouchés par les qualités professionnelles et humaines du personnage.
Jérém a l’air de beaucoup se plaire dans ce monde de rigueur. Il travaille beaucoup et s’épanouit dans ce qu’il fait. L’ancien rugbyman international est désormais un manager avisé aux projets multiples. Après la modernisation du chai et de la cave, il est désormais en train de mener à bien une diversification de l’activité avec la création d’un restaurant gastronomique et d’un accueil hôtelier haut de gamme.
Son engagement pour les jeunes sportifs lui prend du temps aussi, car un centre d’accueil et de soutien est en train de se créer à Toulouse.
Tout en reprenant un travail à l’extérieur, et en continuant à me consacrer à l’écriture, j’ai eu envie de participer à son action, de soutenir son engagement et de donner de mon temps pour aider des jeunes qui en ont besoin.
La quarantaine de Jérém est une période magique. Une période pendant laquelle j’assiste à une nouvelle métamorphose de l’homme que j’aime.
D’un côté, il y a le directeur opérationnel du domaine Tommasi, un quadra épanoui et assuré dont l’action force l’admiration de ses proches et inspire le respect de la profession. Un homme, un mâle accompli dont la sensualité m’inspire de furieuses envies d’arracher ses belles chemises, de défaire ses ceintures et la braguette de ses pantalons bien coupés, de faire exulter sa virilité sur son grand bureau – ou dans le chai, ou au milieu des tonneaux – à toute heure du jour et de la nuit.
Ce qui finit par arriver, parfois. Je ne peux décemment pas refuser une petite gâterie pour détendre le boss avant un rendez-vous important.
Et puis, il y a le Jérém que la vie a malmené, le Jérém qui porte des cicatrices, autant physiques que morales. Le Jérém que les années ont fait mûrir.
Je l’avais déjà remarqué lorsque j’étais allé le retrouver à Bells Beach. Et encore un peu plus lorsque je l’avais vu à la télé. Puis, lors nos dernières retrouvailles à Campan. J’ai remarqué qu’une certaine douceur s’est installée dans son regard brun. Une sorte de fragilité, lui conférant un côté terriblement attachant.
Son attitude tout entière – le ton de sa voix, sa façon de s’exprimer, et même de penser, d’agir – est désormais marqué par cette humilité que portent en eux ceux qui ont connu toutes les guerres de la vie. Une sorte de retenue qui n’entache en rien sa détermination, mais qui le met dans l’écoute, dans le respect, dans l’empathie vis-à-vis de l’autre.
Le Jérém de vingt ans était sanguin, impulsif, bagarreur. Passablement autocentré. Le monde tournait autour de lui et de ses envies. Ce qui avait un côté furieusement sexy, il faut bien l’admettre. Mais aussi des inconvénients. Il était parfois invivable.
Le Jérém de quarante ans est déterminé, mais également réfléchi, prudent, conciliant. Il semble avoir acquis une formidable capacité à prendre du recul, à relativiser, et à mettre les choses en perspective.
Le Jérém de vingt ans était très facilement déstabilisé, et il n’acceptait pas de l’être, et encore moins de l’admettre. Celui de quarante donne l’impression qu’il sait faire face, qu’il assume, qu’il gère en toute circonstance. Il n’a pas peur d’admettre ses erreurs, ou de chercher de l’aide quand il se sent dépassé. Son approche est toujours positive, même face aux problèmes. En le regardant, on a l’impression qu’il n’y a jamais de problème, qu’il n’y a que des solutions. Son regard est rassurant et bienveillant. Parfois, quand je le regarde, j’ai l’impression de voir Thibault.
Le Jérém de quarante ans a le regard pétillant, et transparent. On y lit ses émotions comme dans un livre ouvert. Il ne se cache plus derrière des faux semblants. La vie s’est depuis longtemps chargée de faire voler en éclats son armure d’antan. Et il n’en a pas rebâti de nouvelle. Avec toutes ses fêlures et ses cicatrices, il est enfin en phase avec lui-même.
Il n’est pas rare de le voir, de le sentir ému, les yeux voilés de larmes, la voix cassée en évoquant un souvenir, un instant passé, qu’il soit bon ou mauvais. Il n’est pas rare de le sentir nostalgique. Il n’est pas rare non plus de voir son regard s’emplir de tristesse devant des images de souffrance presque banalisées dans un JT, ou d’émotion devant un paysage, un chiot, un témoignage d’estime ou d’affection.
Le Jérém d’aujourd’hui me fascine autant qu’il m’inspire une infinie tendresse. J’ai à la fois envie de me blottir dans ses bras, sûr qu’ils me protégeront, me rassureront, m’apaiseront. Et de le serrer dans les miens, pour le protéger, le rassurer, l’apaiser.
Sa nouvelle virilité, une virilité qui assume désormais toutes les facettes de sa personnalité, est enivrante.
Jérém a 45 ans.
[Tu as affronté tes démons.
Tu as accepté tes défauts, tes faiblesses.
Tu as assumé tes erreurs.
Tu as fait la paix avec toi-même.
Tu as appris l’indulgence, vis-à-vis de toi, vis-à-vis des autres.
Tu es rentré chez toi. Et tu y es bien. Enfin.
Tu as appris à t’aimer, un peu.
Et à accepter l’amour des autres.
Et à accepter l’amour de Nico].
Et puis le Temps a continué de filer. Et de plus en plus vite.
Le Temps de la nostalgie.
Et puis, un jour, je réalise que ma quarantaine touche bientôt à sa fin. Et que mon regard sur pas mal de chose a changé.
Aujourd’hui, j’ai dû me rendre au centre-ville de Toulouse pour y faire une course. En ce début de printemps, trente ans après ma première révision dans l’appart de la rue de la Colombette, le vent d’Autan souffle à nouveau, souffle toujours.
Sans vraiment le vouloir, mais sans m’opposer pour autant à cette force subconsciente qui guide mes pas, je me retrouve devant l’entrée de mon ancien lycée. J’ai envie de revoir l’endroit où mon existence et celle de Jérém se sont croisées.
Comme lors de ma dernière visite il y a plus de vingt ans, j’aimerais passer dire bonjour à mon ancienne prof de français, Mme Talon. Mais Mme Talon n’est plus dans ce lycée, ni même de ce monde, depuis fort longtemps. Mais j’avance quand-même, guidé par une force intérieure à laquelle je ne sais pas m’opposer.
Dès l’instant où je pénètre dans la cour du lycée que j’ai fréquenté il y a près de trente ans, j’ai un sentiment de vertige en contemplant le Temps qui s’est écoulé depuis. Cela a filé à une telle vitesse !
Dans la cour qui a peu changé, je cherche le vieux chêne sous lequel se tenait Jérém en ce fameux matin de septembre 1998. Et même plus trente ans après, je le revois toujours, en train de discuter avec ses potes, je revois son t-shirt noir, sa casquette noire à l’envers, son insolence, sa beauté surnaturelle, son sourire ravageur, et je ressens à nouveau les papillons dans le ventre que j’avais ressentis ce jour-là. Mon cœur se serre, mes larmes coulent sur mon cœur, montent à mes yeux, et je les arrête de justesse pour qu’elles ne débordent pas sur mes joues.
J’essaie de me calmer en posant mon regard sur ce que la vie peut offrir de plus beau, de plus rafraîchissant, de plus réconfortant, le spectacle de la jeunesse, la jeunesse masculine en ce qui me concerne.
Partout dans cette cour qui « fut un temps mon terrain de jeu », pour citer le titre d’une très belle ballade madonnienne sortie en 1992,
https://www.youtube.com/watch?v=RhXDO2a3-sE
Oui, partout dans cette cour qui fut le « terrain » de mon premier amour, des lycéens répartis ici et là dans l’espace verdoyant offrent un spectacle saisissant. En les regardant, je réalise qu’ils peuvent aisément être les enfants de mes camarades de l’époque.
Leur insouciance me fascine, tout comme leur position dans la vie, juste avant le bac, c’est-à-dire à l’aube de leur âge adulte, avec tant de possibilités devant eux, avec tant de futurs possibles pour chacun d’entre eux. Eux, que la vie n’a pas encore abîmés, meurtris. Eux qui sont si jeunes, car ils se croient toujours invincibles. Car ils n’ont pas encore la conscience du Temps qui passe.
Il règne dans cette cour, tout comme dans les couloirs du lycée, un air de nonchalance de fin d’année, comme un avant-goût de vacances. Je me souviens de cette ambiance des derniers jours avant le bac où tout le monde était pressé d’en finir avec le lycée. Je me souviens de la tristesse que cela provoquait en moi, car cela semblait annoncer la disparition de Jérém de ma vie. Je me souviens du déchirement qu’était l’arrivée de cet été qui sonnait la fin des jours où je pouvais le côtoyer au quotidien. Et ça, je ne pouvais pas l’accepter. C’est dans ce déchirement que j’avais puisé la force de lui proposer de réviser ensemble. La suite est une histoire connue.
Avant de quitter la cour, je caresse une nouvelle fois du regard ces délicieux petits mâles en fleurs qui ne sauront jamais qu’il y a eu un jour Jérém&Nico dans ce lycée, dans cette cour, leur enviant la magnifique page de vie vierge qui se dresse devant eux.
J’envie tellement leur jeunesse, et leur insouciance, cette inconscience du Temps qui passe, comme s’ils se croyaient immortels.
Je me demande combien d’entre eux ont déjà connu l’amour. L’amour physique, l’amour du cœur. Combien d’entre eux ont aimé ou aiment secrètement un autre garçon. Je me demande s’il y en a qui ont osé proposer à ce gars qui les troublait depuis le premier jour du lycée de réviser pour le bac.
Je me demande, parmi ces lycéens, combien de « Jérém » enfermés dans leur rôle d’hétéro, combien de « Nico » soupirant secrètement se cherchent et vont se trouver un jour, ou pas.
A tous les Nico, j’ai envie de dire, de crier : soyez patients, persévérants.
A tous les Jérém, j’ai envie de hurler : laissez-vous aller !
A tous, j’ai envie de brailler : N’ayez pas peur d’aimer ni de vous laisser aimer, jamais !
Car il n’y a que lorsqu’on aime, et que l’on se sent aimé en retour, qu’on est vraiment et pleinement heureux.
Le Temps du lâcher prise.
On est jeunes et insouciants tant que l’on se croit invincibles et immortels. Et tant qu’on n’a pas la conscience de la course du Temps. Tout risque de basculer le jour où l’on découvre que les deux premières ne sont que des illusions, et que l’on prend conscience de la dernière.
Oui, avec l’âge, nous apprenons la finitude de l’existence. D’abord, celle des autres. Nous voyons les gens vieillir autour de nous, puis partir. Puis, celle de toute chose. Nous voyons le monde changer. Nous nous sentons dépassés. Nous nous surprenons à repenser de plus en plus souvent à cette jeunesse qui est de plus en plus loin derrière nous, et qui ne reviendra pas. Nous commençons à ressentir de la nostalgie.
Des angoisses inconnues nous saisissent, particulièrement le soir, ou la nuit, lorsque les occupations du jour ont cessé et que notre esprit se met à voguer. Parfois le sommeil est difficile à trouver.
On se laisser submerger. Le fait est que plus on laisse la mélancolie s’infiltrer loin dans notre esprit, plus il sera difficile de la chasser.
Avec l’âge, notre regard sur la vie change. Une citation que j’ai entendue dans un film m’a beaucoup marqué :
« La vie est comme une broderie. On passe la première partie du côté extérieur, là où c’est très joli. On passe la seconde moitié de l’autre côté. C’est moins beau, mais on voit comment sont placés les fils ».
Une phrase de mon ami cavalier Jean-Paul, m’a immensément parlé aussi :
« J’ai toujours aimé penser que l’âge est comme la température de l’air annoncée par la météo. Il y en a une qui est réelle, une autre qui est ressentie. Suivant notre posture face à la vie. Tant qu’il y a des projets, et tant qu’on aime, l’âge ressenti restera toujours loin derrière l’âge réel ».
Avec l’âge, les priorités changent. Ce qui était important avant, l’est moins désormais. On relativise. On comprend ce qui est important pour nous, ce qui est important dans la vie.
On finit par comprendre qu’il faut jouir du présent, plutôt que redouter l’avenir. On finit par accepter que notre Temps n’est qu’une infime parcelle empruntée à l’Eternité. Que tout passe, et nous avec. Et qu’au fond, si notre vie est belle, ce n’est pas si grave.
De toute façon, on n’a pas le choix. Et plus tôt on parvient à lâcher prise, plus tôt on retrouve la sérénité.
Le Temps de faire la paix avec soi-même.
J’ai passé une grande partie de ma vie à me sous-estimer, à ne pas croire en moi.
Je n’ai jamais cru en mes capacités, malgré mes études réussies, et un emploi qui me correspond.
Je n’ai jamais cru non plus en ma capacité à plaire, malgré Jérém, et les quelques autres beaux garçons que j’ai pu approcher au fil des années.
J’ai passé une grande partie de ma vie à me dire que je n’avais rien à offrir aux autres, à tenter de cacher mes peurs de l’abandon et de la solitude. A tenter de les maîtriser, en vain.
J’ai toujours eu besoin d’être rassuré. J’ai toujours eu besoin des autres pour me sentir apaisé.
Mais cela aussi a changé peu à peu avec le temps.
J’ai appris à croire en moi et en ce que je fais, et à ne jamais cesser d’y croire.
J’ai appris à oser et à ne jamais avoir honte d’oser.
J’ai appris qu’il ne faut pas hésiter à dire « merde » à ceux qui voudraient nous voir échouer.
J’ai appris à ne pas me laisser décourager par l’échec, j’ai appris que l’action et la persévérance finissent toujours par porter leurs fruits.
J’ai appris qu’il faut regarder vers l’avenir même quand la tentation est forte de se laisser emporter par la fatigue, le désarroi et la nostalgie.
J’ai appris qu’on a le droit d’exister, indépendamment de nos préférences, tant que nos actes sont guidés par le respect de l’autre.
J’ai appris que j’ai droit au bonheur, et que personne n’a à me dire par quel chemin l’atteindre.
J’ai appris que même les moments les plus sombres de mon existence ont été utiles. Car ils ont fait de moi celui que je suis aujourd’hui, avec son bagage, son expérience, ses cicatrices. Et son regard plus ouvert sur la Vie.
J’ai appris que les regrets, les remords, les erreurs que j’ai pu commettre appartiennent au passé, et que je n’ai plus de prise dessus.
J’ai appris que je n’ai de prise que sur le présent, ici et maintenant et que chaque instant compte.
J’ai appris à m’accepter tel que je suis, j’ai appris à me pardonner.
Ça va sans dire, mais depuis que Jérém est revenu, il m’est plus facile de faire la paix avec moi-même. Et avec le Temps.
Le Temps des changements.
Et puis, un jour, je réalise que le regard que je porte sur les garçons a quelque peu changé aussi.
Aujourd’hui encore, j’ai dû me rendre au centre-ville de Toulouse pour y faire une course.
Est-ce parce qu'enfin, après une assez longue période de grisaille et de froid, les températures et le soleil printaniers ont brusquement fait leur apparition ? Est-ce la raison de ce déferlement de beautés mâles dans la rue d’Alsace-Lorraine, la rue commerçante et piétonne principale de la ville ?
Du choupinou aimant à câlins, du p’tit con sexy à casquette (à l’endroit, ou bien à l’envers), du p’tit reubeu en jogging satiné, des bruns virils et barbus. Des jeunes mâles aux sourires ravageurs, visiblement heureux de pouvoir enfin exhiber à nouveau leurs bras nus, leurs biceps et leurs pecs serrés dans des t-shirts moulants aveuglants de blanc ou de toutes ces couleurs qui déclinent si bien leur vibrante sexytude, en jeans taille basse ou en bermuda, aux brushings soignés ou aux coupes de cheveux volontairement en pétard, quand ce n'est pas la coupe cheveux ras style militaire. Des potes par groupe de deux, trois ou plus, se tenant parfois par le cou de façon complice, filant à toute vitesse dans leur vie que je ne fait que croiser pendant une infime fraction de temps. Une suite presque ininterrompue de beautés mâles, de bonheurs visuels. Et parfois olfactifs, lorsque la fragrance d'un déo largement utilisé sur l’un de ces torses douchés du matin vient enivrer mes narines.
Cet après-midi, en ville, il y avait du bogoss en veux-tu en voilà, j’ai été balayé par une multitude de petits cons à ne plus savoir où donner de la tête.
Cependant, malgré l’effet que la beauté des garçons a toujours sur moi, je constate un changement de plus en plus flagrant dans ma relation au Masculin.
Il fut un temps où la simple vision d’un beau garçon suscitait en moi un désir violent d’approcher, de découvrir et de faire exulter sa virilité.
Aujourd’hui, la fulguration devant le Masculin est toujours présente. Le désir aussi. Mais son urgence est moindre. Elle est désormais canalisée dans une sorte de contemplation apaisée et émue. Comme devant une œuvre d’art, une œuvre d’art d’autant plus précieuse qu’on la sait, hélas, éphémère.
De plus en plus, je sens le désir physique se muer en tendresse. Aujourd’hui, face à un beau garçon, je suis moins frustré de ne pas oser l’aborder pour découvrir sa virilité que de ne pas oser l’approcher pour simplement lui demander s’il est conscient d’à quel point il est beau. Et pour lui dire de bien profiter de sa beauté, de sa jeunesse, de sa liberté, car ces cadeaux de la vie ne durent pas.
Je n’ose pas, car cela pourrait être mal interprété, tout autant que des avances.
Oui, mon regard sur le Masculin a changé. Mais pas seulement avec l’âge. Je crois que l’écriture a également joué un rôle dans ce changement, et pas des moindres. L’écriture m’a aidé à canaliser mes émotions, à calmer mes frustrations, à dompter ma mélancolie. J’ai le sentiment qu’elle m’a rendu plus fort, plus indépendant, plus solide. Je crois qu’elle m’a aidé à grandir.
Dans l’écriture, j’assouvis autrement mon désir de célébrer le Masculin. Avec mes modestes moyens, j’écris au sujet des garçons et de l’amour entre garçons. Tout ce que j’aime, tout ce qui me parle.
Au fil de mes pages, j’ai essayé de montrer qu’aimer les garçons, en étant soi-même un garçon, ce n’est pas un choix, juste un état de fait. Que c’est une façon d’aimer parmi d’autres.
Et qu’il n’y a aucune raison de souffrir, de se faire insulter, discriminer, ou tabasser à cause de ça.
Dans mes histoires, j’ai voulu parler de tolérance, d’acceptation de soi, de droit au bonheur. J’ai voulu affirmer haut et fort qu’aimer ce n’est jamais un crime.
Et qu’en dépit de nos différences, nous sommes tous dans le même bateau, celui de l’existence, celui de la finitude de nos destins.
Qu’être hétérosexuel ou homosexuel, ce n’est qu’un détail. Car, au fond, gays ou hétéros, nous cherchons tous la même chose, à être heureux comme on l’entend.
Et que, par conséquent, il serait de bonne intelligence de nous respecter et de nous soutenir un peu plus les uns les autres, au lieu de nous chamailler pour des mauvaises raisons.
Regardons-nous dans un miroir, et faisons-le, ce changement :
https://www.youtube.com/watch?v=PivWY9wn5ps
If you wanna make the world a better place/Si tu veux rendre le monde meilleur
Take a look at yourself and then make that/Jette un œil à toi-même et fais-le ce
Change/Changement
Le Temps du déni.
Hélas, du côté de Jérém, l’équilibre acquis pendant la quarantaine vole peu à peu en éclat à l’approche de la cinquantaine. Le Jérém apaisé et épanoui, ayant réglé son compte à ses fantômes du passé, laisse la place à un Jérém à nouveau plus inquiet, faisant face à de nouveaux démons.
Au fil du temps, Jérém est de moins en moins à l’aise avec son corps. Il n’est pas à l’aise avec ses cheveux, avec sa barbe, avec sa pilosité de plus en plus grisonnantes. Il n’est pas à l’aise non plus avec sa musculature, de plus en plus difficile à entretenir, avec la disparition progressive et inexorable de ses abdos. Il n’est pas non plus à l’aise avec son énergie, qui n’est plus celle de ses vingt ans.
J’ai beau tenter de le rassurer, lui dire que si les changements sont bel et bien là, il y a de très beaux restes quand même. J’ai beau lui parler de mon cheminement, de comment j’ai commencé à faire la paix avec moi-même. Rien n’y fait. Son moral est en berne.
Sa libido est en berne elle-aussi. Le sexe semble ne plus vraiment l’intéresser. Lorsque nous essayons de faire l’amour, il y a parfois des « ratés ». J’ai beau essayer de dédramatiser, de lui dire qu’on se rattrapera plus tard. Je vois bien que cela contribue à affecter son moral, à entretenir son sentiment de déclin physique et à l’entraîner dans un cycle vicieux. Plus il déprime, plus sa virilité a du mal à s’exprimer. Plus il y a des « ratés », plus il déprime.
Jérém n’est pas bien dans ses baskets, et se réfugie dans le travail pour tenter d’échapper à ses nouveaux démons.
Il devient taciturne, irritable. Je le sens dériver inexorablement. J’ai l’impression qu’il s’éloigne de moi. J’ai le sentiment que le travail devient une excuse pour réduire nos interactions au strict minimum. Le peu de fois qu’il est avec moi, j’ai l’impression qu’il est ailleurs, dans sa bulle. Une bulle dans laquelle il est enfermé avec ses nouvelles angoisses.
Et puis, un jour, nous cessons de faire l’amour pour de bon. Les semaines, les mois s’enchaînent sans que Jérém ne manifeste le moindre désir. Sans qu’il accepte la moindre proposition dans ce sens venant de moi.
Je commence à penser qu’il s’est lassé de moi. Qu’il s’est lassé d’un partenaire dont l’évolution physique le renvoie inexorablement à la sienne.
Je me demande s’il n’aurait pas envie d’aller voir ailleurs.
Je me demande si ça ne lui ferait pas du bien d’aller voir ailleurs. Pour toucher du doigt le fait qu’en dépit de l’âge, il est toujours très séduisant, et qu’il peut encore plaire à beaucoup de garçons.
Je me demande s’il n’est pas allé voir ailleurs, d’ailleurs. Je lui ai soupçonné une liaison avec Kevin, un garçon plus jeune, la trentaine, un beau petit brun aux yeux verts, le responsable du centre d’accueil de Toulouse. J’ai toujours trouvé que Kevin était sous le charme de Jérém. Jérém affirmait n’avoir rien remarqué, mais je suis persuadé qu’il disait ça pour me rassurer. Bien sûr qu’il avait remarqué que ce garçon avait des étoiles dans les yeux quand il le regardait.
Je n’ai pas la preuve qu’il se soit passé quelque chose entre eux. A vrai dire, je n’ai pas vraiment cherché à savoir.
Le Temps de voler de ses propres ailes.
Moi aussi j’ai eu envie d’aller voir ailleurs. Et j’ai parfois eu l’occasion de satisfaire cette envie. Et je l’ai saisie.
J’aime Jérém par-dessus tout. Mes sentiments ne changeront pas. Ils lui sont acquis à tout jamais. Mais j’ai eu moi aussi besoin d’être rassuré sur ma capacité à plaire encore à l’approche de ma cinquantaine. Surtout au moment où je me suis senti délaissé, et que cela m’a fait me poser tout un tas de questions.
Alors, j’ai eu envie de profiter des derniers cadeaux, des derniers garçons, que la vie avait à m’offrir. De profiter d’un instant, de prendre du bon temps, tout ce qui est salutaire pour l’esprit.
Avec l’âge, j’ai réalisé que dans la vie il est plus facile de porter des remords que des regrets. Renoncer à assouvir un désir est une défaite qu’on s’inflige à soi-même. Et à force de subir des défaites, à force d’être le bourreau de soi-même, cela nous rend malades.
Pendant cette période difficile, je me refugie dans l’écriture. Elle est mon asile, ma confidente, mon bol d’air frais. L’écriture occupe mes heures de mélancolie, mes nuits d’insomnie. Elle occupe mon esprit, l’empêchant de cogiter, de broyer du noir, de se faire du mal. Sans sa présence dans ma vie, celle-ci serait bien vide, et bien rude, à certains moments.
Après le dernier volume de la saga de « Julien&Nathan » sorti fin 2026, j’ai été approché par un producteur pour un projet totalement inespéré.
La web série « Julien&Nathan » a pu exister en grande partie grâce au financement participatif souscrit par les lecteurs. La production m’a beaucoup impliqué dans toutes les phases de réalisation, à partir de l’élaboration du script jusqu’au montage, en passant par les castings, l’une des tâches les plus difficiles à mener à bien.
J’ai vraiment galéré pour trouver les comédiens pour incarner mes personnages, et celui de Julien en particulier.
J’ai fini par dénicher Jonathan, un petit mâle de vingt ans qui avait l’insolence et la brunitude de mon Jérém à son âge, à l’époque des révisions rue de la Colombette.
En parallèle de ce projet, j’ai continué à écrire des histoires de garçons qui aiment les garçons. Je crois que je vais continuer toute ma vie.
Le Temps du déclic.
Aujourd’hui, Jérém a 50 ans. Pour l’occasion, j’ai organisé une grande fête au domaine à laquelle j’ai convié tous nos proches. Mais l’ancien rugbyman n’a pas l’air heureux.
Après le départ des invités, vers minuit, Jérém m’annonce qu’il part faire un tour dans la vigne. Cela arrive régulièrement, car il a parfois besoin d’être seul, et ces balades nocturnes semblent l’apaiser.
Et ce soir, à ma grande surprise, il me propose de l’accompagner. Je suis fatigué, et en plus le vent est un peu frais. Mais j’accepte son invitation, bien décidé à profiter de cette occasion offerte de partager un moment avec lui, occasion si rare depuis quelques temps.
Je marche pendant de longues minutes entre les rangées de vigne à côté de l’homme que j’aime. Nous avançons en silence, jusqu’à ce que Jérém s’arrête à la limite du domaine, à cet endroit où le point de vue sur la vallée est le plus impressionnant. Même la nuit.
Jérém reste planté là, en silence, pendant de longues minutes. Puis, il finit par me parler.
— Tu te souviens de quand on était au lycée ?
Je me souviens, et comment je me souviens !
Je me souviens de toi au tout premier jour du lycée, je me souviens de ton t-shirt noir, de ta casquette à l’envers, je me souviens de ton sourire.
Je me souviens de toutes ces heures de cours pendant lesquelles j’étais fou de toi.
Je me souviens de toutes ces heures, de ces jours, de ces week-ends et de toutes ces vacances loin de toi et pendant lesquelles je ne faisais que penser à toi.
Je me souviens du fabuleux petit con que tu étais à cette époque, je me souviens de toi nu sous la douche, après les cours de sport.
Je me souviens du voyage en Espagne, et de ce jour où tu m’avais débarrassé de ce gros con qui me harcelait.
Je me souviens du voyage en Italie, et de ce jour de soleil dans la vigne où tu avais ôté ton t-shirt et ouvert ta braguette.
Je me souviens de notre première révision, de la découverte de ton corps, de ton plaisir, de l’amour physique. Je me souviens du désir brûlant que tu m’inspirais.
Je me souviens de toutes nos autres révisions.
Je me souviens de ce besoin tout aussi violent de tendresse et de câlins que je ressentais après l’amour.
Je me souviens des sentiments que tu faisais pétiller en moi.
Je me souviens de la fois où tu t’étais battu dans les chiottes d’une boîte de nuit pour me défendre d’un gros bourrin.
Je me souviens de la peur de te perdre.
Je me souviens de l’angoisse que m’inspirait le bac, l’angoisse de ne plus jamais te revoir.
— Je me souviens du lycée, je finis par lui répondre, une fois que j’ai pu m’extirper du tourbillon de souvenirs que sa question a fait remonter en moi.
Je m’en souviens très bien, même, j’insiste. Et toi ?
[Tu te souviens, Jérém, du regard de Nico pendant tout le lycée. Ce regard qui t’a interpellé, flatté, touché.
Tu te souviens de la première fois dans l’appart de la rue de la Colombette. De ton envie de coucher avec lui.
Tu te souviens de la drôle de sensation qui t’avait saisi après cette première révision. Tu l’avais menacé pour qu’il tienne sa langue. Tu t’étais montré dur, intraitable, arrogant, mais son regard triste t’avait touché.
Tu te souviens que ses sentiments t’avaient effrayé.
Tu te souviens que tu avais tout fait pour ne pas ressentir quoi que ce soit pour ce garçon.
Tu te souviens que tu avais lutté, mais que tu n’as rien pu y faire. Ce garçon a bousculé ta vie. Il t’a fait prendre conscience de qui tu étais. Il t’a montré que tu n’avais pas à avoir honte de qui tu étais.
Tu te souviens de cette époque de découverte, du plaisir, de l’amour, de toi-même.
Tu te souviens de cette époque d’insouciance].
— On était si jeunes, il considère après un long silence. Et on ne se rendait même pas compte à quel point on était heureux.
— C’est vrai. Mais aujourd’hui aussi, je suis heureux. Et même plus heureux que jamais.
— Vraiment ?
— Vraiment ! Et tu sais pourquoi ?
— Je ne sais pas…
— Parce que tu es là avec moi !
— Et pourtant, je n’ai pas été un cadeau dernièrement…
— Je vois que tu ne vas pas bien. Je vois que quelque chose de tracasse. Parle-moi, Jérém. Fais-moi confiance.
Et là, après avoir pris une profonde inspiration, il finit par lâcher :
— Je ne supporte pas l’idée de vieillir. Je n’aime pas celui que je suis devenu.
— Tu es toujours un très beau mec. Et de toute façon, je t’aime comme tu es !
— Pour l’instant… mais est-ce que tu m’aimeras toujours dans quelques années ? Quand je ne ressemblerai plus à rien ?
— Tu ne ressembleras jamais « à rien », pas pour moi en tout cas. La beauté et la jeunesse passent. Mais je m’en fous. Ce que je ressens pour toi ne changera jamais.
Je n’ai pas le pouvoir d’arrêter le Temps, je continue. La seule chose que je peux te proposer est de vieillir avec toi, de vieillir ensemble.
— Ça te fait pas peur de vieillir ?
— Ça ne me fait pas peur. Ça ne me fait pas peur pour la même raison que je suis heureux aujourd’hui. Parce que tu es là à mes côtés. Depuis que je t’ai retrouvé, le Temps ne me fait plus peur.
Et puis, le Temps a continué de filer.
Le Temps des épreuves.
Et puis un jour, il y a eu la maladie. Il y a eu la peur, la panique, le vertige. Il y a eu sa réaction à chaud, le refus catégorique des traitements. Et puis, l’acceptation, de la maladie, des soins. Il y a eu les stigmates des effets secondaires. Il y a eu l’opération. Il y a eu les longues heures passées à arpenter les couloirs d’hôpital, à squatter les salles d’attente, à côtoyer le personnel soignant, à attendre de parler à un médecin. Il y a eu la convalescence, la lente récupération. Il y a eu le corps fatigué, longtemps.
Et puis, après tout ça, après un an d’angoisses, il y a eu le soulagement, la guérison. Et il y a eu les mots de Jérém.
— C’est passé si vite, toi et moi, je l’entends me glisser, un jour.
— C’est parce que nous avons été heureux, je considère.
— Nous l’avons été, c’est vrai.
— Et nous allons l’être encore pendant longtemps. Je serai toujours là, Jérém, quoi qu’il arrive.
— Moi aussi, je serai toujours là.
Je lui tiens la main, il tient la mienne.
Je sais qu’il sait que je lui tiendrai la main jusqu’à son dernier souffle.
Il sait que je sais qu’il me tiendra la main jusqu’à mon dernier souffle.
[Tu as affronté tes peurs, Jérémie.
Tu as accepté le Temps qui passe.
Tu as accepté de voir vieillir ceux que tu aimes.
Tu as accepté de vieillir.
Tu as appris à toujours regarder en avant, et à voir ce que la vie peut apporter de positif à tout âge.
Et tu es bien, à nouveau. Mieux que jamais.
Car tu as enfin appris à faire confiance à l’amour de Nico.
Il a toujours été là quand tu avais besoin de lui, et malgré le fait que tu aies été parfois horrible avec lui.
Son amour a perduré toute une vie, malgré les éloignements et les séparations.
Tu es chanceux, Jérémie. Car tu sais qu’il sera toujours là.
Tu sais désormais que cet amour n’a pas de prix. Et que tu te dois de le soigner, de le choyer, de le chérir].
— Pour que le bonheur arrive, il faut que la peur s’en aille.
— Quand on se sent aimé, on n’a plus peur. Et on découvre le bonheur.
— Merci, Nico, d’avoir toujours été là.
Il n’y a que lorsqu’on laisse parler notre cœur qu’on peut espérer atteindre celui de l’autre.
Je crois que ce sont les plus beaux mots d’amour qu’on puisse entendre.
A cet instant précis, je me sens en connexion totale avec l’homme que j’aime.
Je sens que nous sommes l’un pour l’autre ce « Bridge over trouble waters » dont parle cette sublime chanson.
https://www.youtube.com/watch?v=4G-YQA_bsOU
When you're weary/Lorsque tu seras las
Feeling small/Mélancolique
When tears are in your eyes/Lorsque les larmes viendront à tes yeux
I will dry them all/Je les sècherai toutes
I'm on your side/Je serai près de toi
When times get rough/Quand les heures deviendront rudes
And friends just can't be found/Et que les amis demeureront simplement introuvables
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will lay me down/Je m'allongerai
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will lay me down/Je m'allongerai
(…)
I will comfort you/Je te réconforterai
I'll take your part/Je prendrai ta défense
When darkness comes/Lorsque les ténèbres apparaîtront
And pain is all around/Et que la souffrance sera omniprésente
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will lay me down/Je m'allongerai
(…)
Like a bridge over troubled water/Tel un pont enjambant l'eau trouble
I will ease your mind/J'apaiserai ton esprit
Le Temps de la maturité.
Au lycée, je suis tombé raide amoureux d’un magnifique petit con qui m’énivrait de sa beauté, de la fougue de sa jeunesse impertinente.
Il était un beaujolais pétillant, il est désormais un superbe cru que le temps ne fait qu’améliorer, qui ne cesse de bien vieillir. Chaque année ajoute des arômes à un bouquet viril de plus en plus riche.
J’aime désormais l’homme qu’il est devenu, sensible, viril dans le sens de mûr, équilibré.
Sa voix participe grandement à ce ressenti. Elle est devenue plus grave, plus chaude. Le débit de parole est plus lent, ses propos plus réfléchis. Sa voix est comme une caresse. Tour à tour apaisante, rassurante, sensuelle.
Derrière sa belle barbe poivre et sel, Jérém est un homme qui impose le respect. Mais aussi un homme séduisant et attachant comme jamais.
Le sexe est revenu entre Jérém et moi. C’est l’occasion de constater qu’avec l’âge, l’importance et la place du plaisir physique change. Le corps change, ses besoins avec. Jérém n’est plus le petit mâle de vingt ans qui bandait au quart de tour, à qui il suffisait d’une pause cigarette pour remettre ça, capable de me faire l’amour trois ou quatre fois par nuit.
Désormais, le rythme ralentit, la cadence aussi. Les ardeurs se calment, la fougue est moindre. Le temps de l’amour s’étire, s’habille d’indulgence et de tendresse.
Nous prenons peu à peu conscience de quelque chose de très apaisant. Que le jour où il n’y aura plus d’amour physique entre nous, il y aura toujours de la tendresse.
Le Temps des souvenirs.
Avec le temps, les souvenirs s’accumulent. Et ils remontent de plus en plus souvent à l’esprit.
Je me souviens de nos retrouvailles sous la halle de Campan. Je me souviens de ton baiser.
Je me souviens de ton premier « Je t’aime » un 31 décembre dans la petite maison au pied de la montagne bloquée par la neige.
Je me souviens de tes années rugby, de tes maillots fièrement portés sur ton corps musclé, je me souviens de ta superbe, de ta puissance, de ta beauté, de ta virilité, de ta jeunesse.
Je me souviens de tout ce que nous avons dû endurer parce que le monde n’est toujours pas prêt à accepter l’amour entre deux garçons.
Je me souviens qu’on avait fini par s’apprivoiser et par être heureux.
Je me souviens de notre agression à Paris le soir de tes 25 ans. Je me souviens que tu n’as pas hésité un seul instant à te mettre en danger pour tenter de me protéger.
Je me souviens de notre dernier soir à Toulouse après ton retour d’Australie.
Je me souviens de toutes ces années que nous avons passées loin l’un de l’autre, je me souviens d’à quel point tu m’as manqué.
Et je me souviens de toutes ces pages que j’ai écrites pour tenter de donner un sens à ton absence.
Je me souviens de mes larmes, de tes larmes quand nos regards se sont croisés à Bells Beach.
Je me souviens de nos adieux, après Bells Beach.
Et je me souviens de toi à la télé, parlant de ton expérience et de ton projet en faveur des jeunes sportifs.
Je me souviens de cet instant, comme du premier instant de ma nouvelle vie.
Les souvenirs sont pour moi désormais une façon de revivre le bonheur passé, mais sans regrets ni remords.
Je repense parfois aux mots du pauvre Mr Charles, le concierge de l’hôtel de Biarritz où j’étais venu te rejoindre, alors que tu y séjournais avec ton équipe à l’occasion d’un match du Top14.
« Il ne faut pas se laisser happer par le quotidien, par la course du Temps. Il faut savoir discerner quelles sont les choses importantes de la vie, celles qui nous rendent heureux. Il faut vivre et aimer sans attendre, ne pas se laisser envahir par tout ce qui est superflu.
Il faut aussi un peu de chance. La chance, il faut parfois savoir la provoquer. Et il faut surtout la reconnaître et la saisir dès qu’elle pointe le bout de son nez. Le bonheur c’est ne pas traverser cette vie tout seul. Le bonheur, c’est aimer. Le bonheur, c’est savoir qu’on est l’Elu du cœur de quelqu’un ».
Je crois que si je devais partir demain, je n’aurais pas de regrets. J’ai le sentiment que j’ai vécu une belle vie, car je t’ai aimé et tu m’as aimé. Alors, j’ai le sentiment que j’ai été heureux.
Il m’arrive également de repenser aux mots du pauvre Albert, le proprio de l’appart que je louais à Bordeaux du temps de mes études.
« Rappelle-toi ce que te dit un vieux croulant. Être un homme ne veut pas dire épouser une femme, avoir des gosses, s’imposer avec la force, comme on veut nous faire croire. Être un homme, c’est avant toute chose être droit et responsable, se bâtir un avenir tout en respectant son prochain, s’assumer pleinement et protéger les siens, ceux qu’on aime, et qui nous aiment ».
Je crois que la vie nous a imposé d’être des Hommes. Et que nous avons répondu présent l’un pour l’autre.
Je repense souvent à ce jour à Gavarnie, à cet instant où je t’ai tenu dans mes bras sur la butte devant la grande cascade. Et à chaque fois, j’ai envie de réécouter cette belle chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=7o5R02bM5ow
Sat on a roof/Assis sur un toit
Named every star and/Tu as nommé chaque étoile et
Showed me a place/Tu m'as montré un endroit
Where you can be who you are/Où on peut être qui l'on est
And I asked every book/Et j'ai demandé à chaque livre
Poetry and chime/Poésie et carillon
"Can there be breaks"/Peut-il y avoir des pauses
In the chaos of times?"/Dans le chaos du Temps?"
Oh, thanks God/Oh merci Dieu
You must've heard when I prayed/Tu as dû entendre lorsque je priais
Because now I always/Parce qu'à présent
Want to feel this way/Je voudrais toujours me sentir ainsi
Amazing day/Excellente journée
Amazing day/Incroyable journée
Et comme le dit l’un des commentaires sur Youtube,
« Ladies and gentlemen, find someone who makes you feel how this song makes you feel ».
Messieurs dames, trouvez quelqu’un qui vous fait vous sentir comme cette chanson vous fait vous sentir.
C’est ce qu’on peut souhaiter de plus beau à quelqu’un.
Je repense à ce jour de décembre 2023, il y a si longtemps déjà, et à ce concert de Madonna que nous avons partagé juste après nos retrouvailles. Et à cette chanson qui, depuis, me parle de toi :
https://www.youtube.com/watch?v=cAVx9RKaLPU
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
Tout ce que je te donne/Everything I give you
Tout me revient/All comes back to me
Rien n'a vraiment d'importance/Nothing really matters
L'amour est tout ce dont nous avons besoin/Love is all we need
Et après toutes ces années d’écriture, il est désormais Temps d’écrire le mot de la fin.
Tu as beau avancer dans l’âge et changer, mon Jérém. Dans mon regard, tu resteras à tout jamais le brun incendiaire, le sublime petit con insolent et craquant de tes 19 ans.
Je sais que je t’aimerai jusqu’à mon dernier souffle. Je n’ai pas peur de ce dernier souffle. Parce que je sais que juste après, je te retrouverai et nous serons unis à nouveau, et pour toujours.
Peu importe les détours, tous les chemins de Jérém ont mené à Nico, et tous les chemins de Nico ont mené à Jérém. Et ils continueront de le faire, quoi qu’il arrive.
L’Amour, cette « denrée » inépuisable venant de notre humanité la plus profonde, qui nous rend plus riches et plus heureux à chaque fois qu’on en dispense.
L’amour qui n’a pas de couleur, de sexe, d’âge, d’orientation attitrée.
L’Amour qui est le seul rempart contre le Temps.
L’Amour, qui est la seule contribution que l’Homme, avec ses humbles moyens, peut espérer apporter à la beauté de l’Univers.
Seul l’Amour a donné un sens à ma vie.
Tout ce dont nous avons besoin, c’est l’Amour.
J’ai été heureux parce que je t’ai aimé, mon Jérém.
Au Temps, qui n’est qu’un prêt et que rien n’arrête, et à qui seul l’Amour donne du sens.
Chères lectrices, chers lecteurs,
Nous y sommes, ceci est le tout dernier épisode de Jérém&Nico.
Une fois encore, je tiens à profiter de cette occasion pour remercier toutes celles et tous ceux qui, d'une façon ou d'une autre, ont participé à cette aventure de près de 10 ans.
A FanB, qui depuis toutes ces années a corrigé mes manuscrits et m’a aidé à garder la cohérence de mon récit.
A Yann, qui depuis de nombreuses années, a été d'un grand soutien.
A tous les tipeurs et mécènes, en particulier Cyril et Virginie, dont la contribution a duré jusqu’à présent.
A tous ceux qui ont laissé des commentaires, sur le site ou en message privé, à tous vos encouragements qui m’ont aidé à avancer pendant les moments de doutes et de fatigue.
Aux critiques que j'ai parfois reçues et qui m'ont elles aussi aidé à mener ce projet à bien.
A tous ceux qui ont fait tourner les compteurs des vues, en répondant présent à chaque épisode publié.
Votre fidélité à tous, votre considération pour mon travail, votre simple présence me touche immensément.
Fabien
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2 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
Merci cher lecteur qui a laissé ce commentaire, ça me touche énormément. Fabien
C’est donc la fin. Comme dans une série qu’on a aimé, on a l’impression de quitter des potes parfois même des amis. Je reste bluffé par cette énergie qui traverse le temps et qui montre que les jours passent vite, trop vite. Cette vie qui passe montre ses hauts et ses bas dans une ville que j’ai bien connue et qui n’a pas changé en mieux. Il me semble que les rapports sociaux sont devenus plus difficiles et plus violents alors que les réseaux sociaux ont aidé dans le même temps à vivre plus aisément une vie gay tout en favorisant la consommation et son pendant, la solitude.
Tu n’as rien caché des difficultés à être heureux pour ceux qui n’ont pas naturellement le goût du bonheur. En cela ton histoire est exemplaire car elle fouille les profondeurs des psychologies. Restent aussi tes pages de sexe qui donnent envie de tout faire. Elles disparaissent avec l’âge.
En fait, ton histoire n’est qu’une histoire humaine et c’est ce qui fait sa force. Le plus qui m’a donné envie de connaître l’épisode suivant tient à sa sincérité.
Donc merci pour ce temps donné aux autres.
Tu n’as rien caché des difficultés à être heureux pour ceux qui n’ont pas naturellement le goût du bonheur. En cela ton histoire est exemplaire car elle fouille les profondeurs des psychologies. Restent aussi tes pages de sexe qui donnent envie de tout faire. Elles disparaissent avec l’âge.
En fait, ton histoire n’est qu’une histoire humaine et c’est ce qui fait sa force. Le plus qui m’a donné envie de connaître l’épisode suivant tient à sa sincérité.
Donc merci pour ce temps donné aux autres.