Les découvertes de Ludivine - 3 : La manif
Récit érotique écrit par Misa [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur femme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 25-04-2016 dans la catégorie Entre-nous, les femmes
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Les découvertes de Ludivine - 3 : La manif
""Ludivine : vous sous souvenez ? Une jeune et jolie fille, blonde, cheveux courts doucement ondulés ... grande, vraiment jolie, 18 ans ... non ?
Bon voyons ça autrement : un pensionnat pour jeune-filles de bonnes familles, des soeurs, son amie Luce ;ensemble elles ont découverts le sexe entre filles à 14 ans ; à 16 ans, avec un petit cousin de Luce, elles ont appris ce qui plaît aux garçons ... c'est mieux?
Je m'en doutais ! Dès que ça devient un peu cochon ...
Depuis deux mois l'Ecole grondait d'indignation, le scandale du monde en avait franchi les portes : le mariage pour tous ! Indignation et horreur !
A l'Ecole, les amitiés particulières entre filles étaient monnaie courante ... mais ... c'était différent !
Mais que des gays veuillent se marier ... entre eux, quelle honte ! Le mariage ! C’est sacré le mariage ! C’est pas pour les … Les soeurs en étaient toutes retournées ! Ludivine ? Cette manif ? L'occasion d'une sortie ...
La liaison était mauvaise, entrecoupée. Elle a compris "...l'Etincelle ... bar ...", le lieu de rendez-vous avec Luce et son fiancé, celui que sa famille avait choisi pour elle, la Banque épousant le vin de Bordeaux.
L'Etincelle. Ludivine n'était pas inquiète, il faisait un temps magnifique : elle trouverait.
Beaucoup dans le métro se sont retournés sur cette grande fille blonde aux cheveux courts et épais, doucement ondulés, une silhouette de mannequin dans un tailleur bleu marine près du corps.
Ils se sont retournés parce qu'elle est fraîche et jolie, toute jeune, qu'elle sourit en croisant les regards, ce qui déjà est étonnant à Paris, convenons-en !
Ils ont remarqué l'élégance et la finesse des jambes, les hauts talons qui claquaient dans les couloirs du métro. Quelques-uns dans le wagon ont levés les sourcils en voyant au revers de la veste la croix épinglée, à l'autre revers le badge rose de la "manif pour tous". D'autres préféraient admirer les fesses moulées par la jupe sous la veste courte. Comment en vouloir à ceux-là ? Ludivine est une bien jolie fille !
Elle n'avait pas pu noter l'arrondissement, n'avait pas compris le nom de la rue, elle s'est fiée à l'application sur son téléphone portable.
Deux fois elle a vérifié l’enseigne du café, peu rassurée de ce qu'elle devinait de l'intérieur au travers des baies vitrées et cherchant en vain un visage connu.
Elle est entrée.
Devant le comptoir, elle fouillait la salle du regard sans reconnaître personne, ne voyait ni Luce ni Jean-Charles.
Parce que toutes les tables étaient prises et qu’elle voulait guetter l’arrivée de ses amis, elle a commandé un chocolat chaud et est restée près de l’entrée au comptoir, au milieu de passage … Certains l’écartaient d’une main sur l’épaule, et quelques-uns la bousculaient sans un mot d’excuse.
Une nouvelle fois bousculée pendant qu’elle portait la tasse de chocolat à ses lèvres, elle s’est retournée pour faire une remarque acerbe, et s’est retrouvée nez-à-nez avec une fille de son âge qui se tenait tout contre elle, elle-même poussée dans le dos par un serveur : des cheveux roux en épis, des yeux bleus pleins de rire, des tâches de rousseur semées sur le nez et les joues rebondies d’un grand sourire. Comment se fâcher ? Impossible !
Une si jolie frimousse ! Elle a souri en retour à la jeune-fille qui lui adressait une mimique d’excuse en riant :
— Désolée … c’est moi qui ai fait ça ?
La fille a levé la main pour effacer sur la lèvre de Ludivine la mousse du chocolat qui s’y était collée quand elle l’avait bousculée :
— Oups ! Ça te faisait une moustache !
Quelqu’un venait à nouveau de pousser la fille et elle se retrouvait plaquée contre Ludivine.
Elle riait, se retenait d’une main au comptoir, de l’autre main sur l’épaule de Ludivine, ne faisait aucun effort pour s’écarter, au contraire a plongé son nez dans son cou :
— Je fais pas exprès … mais c’est pas désagréable, et puis tu sens drôlement bon ! Marco ? Tu me fais un demi, s’il te plaît ?
Ludivine qui était jusque-là très préoccupée de ne pas voir ses amis, a enfin compris ce qui depuis le début la mettait mal-à-l’aise : elle a vu les banderoles et les foulards arc-en –ciel, compris les regards étonnés et les sourcils froncés quand ils se posaient sur elle, a rougi en entendant celui à qui elle venait d’écraser les orteils dire d’un ton moqueur :
— Ben dis-donc, Aurélie, tu nous a pêché un drôle de poisson !
Ludivine se rendait bien compte que c’était elle le drôle de poisson, avec son petit tailleur et le gros badge de la « Manif pour tous » épinglé au revers !
— J’avais rendez-vous avec des amis … j'ai dû me tromper.
— Ah ça ! Y a des chances ! T’inquiète pas ! Si tes amis sont comme toi, on les repèrera facilement ! Moi, c’est Aurélie ! Et toi ?
— Ludivine.
En mordant un sourire amusé, un peu moqueur, Aurélie la dévisageait, baissait les yeux sur le tailleur et le petit foulard, la croix épinglée au col d’un côté, le badge de l’autre, la jupe étroite et les hauts talons :
Elle riait franchement en bousculant le badge « Manif pour tous » du bout de l’index tendu :
— T’inquiète pas ! On est pas sectaires ! On te mettra sur la route ! D’ailleurs on part bientôt ! T’es quand même gonflée !
Deux fois Ludivine a essayé de joindre ses amis au téléphone : pas de réponse.
Quelqu’un a donné le signal du départ et le café s’est vidé. Tous se sont rassemblés dans la rue, ont déplié leur banderoles et sont partis en cortège.
Plusieurs d’entre eux fronçaient les sourcils en se retournant vers Ludivine. Aurélie l’a retenue pour qu’ils marchent en queue, lui a mis son duffle-coat sur les épaules pour cacher sa tenue qui faisait tache au milieu de leur troupe, a enroulé un foulard arc-en-ciel autour de son cou dont un pan masquait le badge « ennemi » au col de la veste de son tailleur, et a pris son bras sous le sien pour suivre la troupe.
— C’est juste pour un moment, tu me les rendras quand je te mettrai sur ta route !
Elle n’en a pas eu l’occasion.
Leur troupe approchait de République quand un groupe de jeunes a débouché d’une rue en criant : « Barrez-vous les pédés, pas de ça chez nous ! ».
Tout le monde courait. Tout le monde criait.
Pantalons noirs, blousons rembourrés, des bâtons, des rangers.
Ludivine était figée. Elle n’a pas couru, ne s’est pas enfuie quand le groupe s’est éparpillé.
On l’a bousculée, elle est tombée. Des coups, sur le dos, la tête, des coups de pieds, dans les reins, dans le ventre et la poitrine. Un poids sur elle, son visage caché. Des cris.
Quelques secondes à peine, une éternité. Le silence.
— Ça va ?
— Je sais pas … non …
Aurélie l’a aidée à s’asseoir.
Un peu plus loin un garçon était à quatre pattes, tête basse, il geignait. Elles deux. Et la rue vide et silencieuse.
Elles sont entrées dans un bar pour se passer le visage sous l’eau dans les toilettes et remettre un peu d’ordre à leur tenue. Ludivine avait du mal à marcher, Aurélie la soutenait d’un bras autour de la taille.
Ludivine pleurait doucement en tenant son bras droit contre elle au bout duquel sa main tremblait.
De la main gauche elle a arraché de son col le badge rose et l’a jeté au fond de la salle.
Aurélie avait voulu l’emmener aux urgences, mais Ludivine a énergiquement refusé.
Elle a essayé sans succès de joindre ses amis, ceux qu’elle aurait dû retrouver en début d’après-midi, a parlé de reprendre le train pour Le Mans :
— Tu peux pas rentrer comme ça ! Ta veste est déchirée au coude, ta jupe a un accroc … il faut te changer.
— J'ai rien pris pour me changer.
— Elle habite où, ton amie ?
— Chez son fiancé … Elle est à la manif.
— Bien protégée par les salauds qui nous sont tombés dessus ?
— Je sais pas, Aurélie, je savais pas qu’il y avait des types comme eux.
— Ça va … je te confonds pas avec ces mecs. En attendant, on va chez moi.
Un studio tout petit, au sixième, de grandes toiles de couleurs chaudes agrafées aux murs pour réchauffer l’ambiance. Un petit nid douillet.
— Voilà mon palais. Ne regarde pas le désordre. Personne ne vient jamais, alors …
Ludivine ne regardait rien, elle tremblait. Elle avait tenu jusque-là, mais arrivée au studio d’Aurélie, ses nerfs lâchaient.
— Va faire un brin de toilette, et puis tes fringues sont dans un sale état, enlève-les, je te prépare de quoi te changer, va !
Pas de réponse. Ludivine tremblait, les yeux dans le vague, gémissait en se balançant d’avant en arrière.
Aurélie a fouillé son armoire, n’a trouvé dans ses affaires qu’un pantalon de zouave noir qui pourrait aller à Ludivine, a ajouté un grand pull tricoté par sa mère. Elle a aidé Ludivine à se lever et l’a conduite à la salle de bain où Ludivine l’a suivie sans un mot, comme hébétée.
Hasard, destin, il faut tellement de détails, d’évènements improbables pour que deux filles comme elles se rencontrent ! Ça ressemble à quoi ? aux scénarios un peu gnangnan qu’on voit au cinéma ! Meg Ryan et Tom Hanks, Julia Roberts et Richard Gere … Euh … il est où le mec, ici ? Pas là ! Pas de mec ! Au ciné, c’est rarement deux filles ! Et pourtant, c’est pareil, non ? la même histoire … hétéro, homo, quelle importance !
Aurélie a fait un peu de ménage pendant que Ludivine était dans la salle de bains, un peu honteuse du désordre qui régnait dans sa chambre. Elle a arrangé la couette, retapé les oreillers, rangé les affaires qui traînaient un peu partout, sur le dossier de ses deux chaises et parterre, a lavé dans l’évier la vaisselle de la veille et du matin, a débarrassé la petite table et rangé son bureau.
Souvent elle portait la main à sa joue où le coup qu’elle avait reçu la lançait, se frottait la hanche où elle avait elle aussi reçu un coup de pied des brutes qui les avaient agressés.
Elle guettait le retour de Ludivine, s’inquiétait du temps qu’elle mettait. N’y tenant plus, elle a frappé à la porte :
— Ça va ?
Pas de réponse.
— Ludivine ? Je vais entrer …
Elle a entrebâillé la porte, jeté un coup d’œil, est entrée en voyant Ludivine prostrée, assise sur le carrelage dos au mur en face du lavabo, les deux bras fermés sur ses jambes repliées, le front appuyé sur ses genoux.
— Eh … ça va pas ? T’as mal ?
Ludivine n’était plus vêtue que de ses dessous et de son chemiser ouvert. Ses joues étaient mouillées de larmes quand elle a levé le visage vers Aurélie, en se forçant à sourire :
— Ça va aller … t’en fais pas … je récupère …
— T’as mal ?
— Un peu partout … Je ... tu pourrais aussi me prêter une culotte ?
Elle essayait un pauvre sourire en s’essuyant la joue du plat de la main :
— C'est ... j'ai eu peur ... j'ai honte ...
— C'est rien ! T'en fais pas. Je vais t'en chercher une, bouge pas.
Elle l’a aidée à s’habiller, en se retournant quand Ludivine a changé de petite culotte et en faisant bien attention à ne pas effleurer sa peau ensuite, toute rougissante, et ça ne lui ressemblait pas, à la voir quasi nue et tellement jolie qu’elle préférait détourner les yeux des longues jambes et des fesses sous le nylon léger de la culotte un peu trop grande pour elle qu'elle lui avait prêtée, la plus jolie qu'elle ait trouvée dans ses affaires. Elle lui murmurait des bêtises à l’oreille pour essayer de la faire rire, et surtout pour ne pas trop penser, ne pas trop rêver ; ce n'était pas vraiment le bon moment.
Sur le quai de la gare, Aurélie se moquait gentiment de l’allure de Ludivine, qui marchait à petits pas hésitants pour soulager sa jambe, en pantalon de zouave et chaussures à talons, les mains cachées dans les manches trop longues du pull tricoté en grosse laine.
Aurélie ? toute la semaine, repensait aux yeux malheureux pleins de larmes dans la salle de bain, , au parfum dans son cou quand elle la consolait d’une bise sur la joue et la berçait en disant des bêtises … aussi aux longues jambes bronzées et aux jolies fesses quand elle s'était changée. Elle n’avait pas osé. Ni dire ni montrer. Intimidée, empruntée, elle qui n’a pourtant aucune honte à aimer les filles.
Ludivine ? Elle n’a raconté qu’à Luce. Elle a dit son « aventure », a ri avec elle, un peu, s’est sentie gênée, et en colère du snobisme stupide et du mépris affiché par Luce pour « cette rouquine, une gouine sans doute !», qui l’avait attifée de ce ridicule accoutrement.
Elle se souvenait trop bien des joues rouges et des taches de rousseur sur le nez plissé d’inquiétude, des regards vite détournés.
Il ne s’était rien passé … et ce rien sonnait comme un regret, un vide, un manque qu’elle ne s’expliquait pas, un rien qui pourtant rendait impossibles et laides les caresses vides de sens dont elle s’accommodait avant avec Luce.
Le samedi suivant à ses parents Ludivine a dit rester au pensionnat, aux sœurs elle a dit passer le samedi chez ses parents, à Aurélie au téléphone elle a dit je te ramène tes affaires demain.
A ses amies Aurélie a dit « Pas demain, je travaille », a passé la soirée du vendredi à laver, ranger son studio, s’est appliquée le matin après sa toilette à domestiquer les épis sur sa tête, et depuis la première fois depuis longtemps s’est essayée à maquiller ses joues et ses yeux, s’est parfumée dans le cou.
Toute une semaine à penser l’une à l’autre aux moments les plus inattendus, à s’étonner de ces pensées, les a faites timides à se revoir, à échanger une bise sur le seuil du studio.
Ludivine a vu le changement, le petit bouquet sur la table basse, et le ricil aux paupières. Aurélie a rougi quand Ludivine lui a dit avec un petit sourire « tu es toute jolie ».
Elles ont parlé de la manif, Aurélie disait « … c’est ma faute, je t’avais déguisée … », Ludivine répondait d’une petite voix « … comme ça on se connaît … ».
Aurélie a parlé de la fac de droit, Ludivine du pensionnat, chacune mesurant ce qui les séparait et incapables des mots ou des gestes qui les rapprocheraient.
Il y avait des blancs dans la conversation, une gêne qu’elles n’arrivaient pas à dépasser.
Aurélie savait ce qu’elle ressentait et était paralysée, Ludivine ne savait pas très bien ce qui lui arrivait et en était perturbée.
Il a fallu une course pour prendre le métro en retournant à la gare pour que Ludivine prenne la main d’Aurélie pour l’entraîner en riant derrière elle, cette main qu’Aurélie n’a pas lâchée dans le wagon de métro et les couleurs à leurs joues en échangeant un regard, la chaleur de leurs joues à la bise sur le quai de gare pour qu’elles sachent l’une et l’autre que ce contact allait leur manquer. « Tu reviens quand tu veux … », « D’accord , samedi prochain ? ».
Leurs sourires étaient lumineux, leurs yeux brillaient.
Aurélie savait, Ludivine toujours pas.
Toujours pas, mais le soir où Luce après sa toilette de nuit s’est approchée de son lit en battant des cils outrancièrement, leur code en prélude à leurs caresses, elle a trouvé un prétexte pour ne pas lui ouvrir ses draps. Elle ne voulait pas de ses froides caresses, si ternes et déplacées, des gestes qui aujourd’hui lui semblaient pathétiques.
En lui tournant le dos elle savait « Si c’était Aurélie … », et pour la première fois ce jeu sous les draps prétexte à confidences, initiatique et provocateur, perversion en réaction aux valeurs imposées, n’étaient plus un jeu mais un désir véritable, né d’un sentiment diffus qu’elle croyait réservé et dû à celui qui partagerait la vie qu’on préparait pour elle.
Le samedi suivant, leur troisième rencontre, Ludivine sent ses joues piquer et ses seins durcir à la seule vue du sourire qui fait briller les grands yeux bleus d’Aurélie qui l’attend en bout de quai.
Elle a 18 ans.
Elle sait l’attrait que peut avoir l’interdit, combien la transgression peut enflammer le corps et l’esprit, elle y a réfléchi toute la semaine, et chaque fois de grands yeux bleus venaient balayer ces pensées froides.
Elle a 18 ans et vit toute étonnée les premiers émois de son cœur, riant de l’hypocrite permissivité de son éducation qui admet que deux filles se livrent à des jeux dans la nuit, puisqu’on est « entre soi », mais renie tout sentiment.
Malgré cela, Ludivine accepte, sans aucune retenue, accepte d’être attirée … amoureuse ? d’une fille ?
Aurélie était inquiète d’aimer sans retour. Ludivine, elle, est passée directement des questions à l’intention. C’est elle qui après une bise sur la joue d’Aurélie a effleuré sa bouche de ses lèvres, a ri de l’éclair de surprise dans les yeux en haussant les épaules, a murmuré en collant sa joue à la joue d’Aurélie « J’ai beaucoup pensé à toi … », elle riait en songeant toute étonnée « Luce, je ne l’ai jamais embrassée comme ça ! ».
— Où on va ?
Ludivine a glissé son bras sous le bras d’Aurélie, l’a suivie sans se poser de question, juste occupée de suivre son pas.
— Je sais pas … où tu veux. Tu repars à quelle heure ?
Ludivine riait de la voir si troublée :
— Tu veux déjà que je m’en aille ? Chez toi !
Elles s’étaient assises sur la banquette-lit, s’étaient adossées au mur, après avoir enlevé leurs chaussures.
Ludivine a tendu la main vers son sac à main, elle se mordait la lèvre en jouant avec la fermeture du sac, et s’est décidée à l’ouvrir. Elle a jeté un coup d’œil vers Aurélie a sorti du sac une petite culotte rose en dentelle et une brosse à dents :
— J’ai pris le minimum vital …
Aurélie mordait un énorme sourire à pleines dents.
D’un élan, Ludivine s’est assise à califourchon sur les genoux d’Aurélie en retroussant bien haut sa jupe trop étroite pour l’encadrer de ses genoux et a pris les joues entre ses mains pour l’embrasser, de petits baisers qui piquaient ses lèvres, presque brusque, comme affamée d’avoir si longtemps refoulé son envie. Elles riaient.
— … depuis le premier jour … dans le bar … je pense à toi sans arrêt …
— Et tu m’as sauvée des méchants !
— Si je t’avais pas entraînée avec moi … il te serait rien arrivé …c’est ma faute !
— Je te connaîtrais pas, ce serait bête …
Tous les mots entrecoupés de petits baisers. Une main qui caresse une joue. Une mèche de cheveux repoussée d’un doigt sur le front de l’autre. Un rire quand Ludivine étire un épi de cheveux roux sur la tête d’Aurélie. Un rire forcé, un sourire tremblé. La main sur un bras. Les doigts croisés aux doigts de l’autre. Les tâches de rousseur balayées du pouce sur les joues d’Aurélie, un doigt sur les lèvres, mordu, pris entre les dents et gardé, embrassé, sucé. Elles se sont racontées, le bien le moins bien, tout.
Surprise ? Aurélie ? Oui ! Une fille « de … », un milieu social si éloigné du sien, elle qui drague les filles et parle fort et rit et qui se classe dans les « peur de rien », curieusement cette fille l’intimide. Pour la première fois de sa vie, elle qui a toujours tout assumé avec hargne et désinvolture, Aurélie se sent « vilain petit canard ».
Elle, la première, n’aurait pas osé. Elle va rester ! Une petite culotte et une brosse à dents en promesse de rester avec elle. Elle y croit ? A peine ! Le chemisier ouvert, la jupe remontée haut sur les cuisses … invitation … Trop beau, trop attendu, trop espéré ? Et ce sourire qu’elle a ! Pas provoquant, juste … juste doux. Et ce regard ! Quoi ? Une pointe d’inquiétude ? Elle ?
Un murmure, des mots soufflés, elle comprend ? Elle a dit … vraiment ?
Aurélie en tremble, elle la rugueuse, la battante, elle tremble devant cette fille assise sur ses genoux qui murmure qu’elle rêve d’elle, qu’elle veut ses baisers et ses caresses, qui dit qu’elle sait pas, que peut-être, peut-être elle est amoureuse, qui dit « explique-moi », qui a l’air si sérieuse tout d’un coup en se trémoussant sur ses genoux. Mais … elles se connaissent si peu !
Ludivine se penche, rampe sur ses cuisses et se colle tout contre elle, passe ses bras autour de son cou et niche son nez dans son cou, et serre, serre fort ses bras en se collant contre elle, tourne la tête pour susurrer des mots doux à son oreille … et Aurélie, les deux bras autour de la taille de Ludivine serre, serre elle aussi, ferme les yeux, brûlante, des papillons dans la tête la poitrine et le ventre.
Une éternité à se serrer dans les bras l’une de l’autre, joues brûlantes et souffles tremblés entre les baisers, plein de baisers, des baisers et des mots, pour retarder ? et puis allongées l’une contre l’autre, jambes nouées, Aurélie et son jean’s, son sweat sous lequel une main se glisse pendant un baiser, Ludivine jupe en chiffon, son chemisier ouvert aux mains qui piquent sa peau et la font se cambrer.
Et … elles ont reculé ? pris leur temps ? patience et jeunesse ne vont pourtant pas toujours bien ensemble ! Des mots encore. Leur famille, leurs amies, Aurélie ses amours de filles, Ludivine sa relation bizarre avec Luce, ses cousins et cousines un hiver, parlé comme pour se libérer d’un avant, le balayer, s’en laver pour être entière et neuve pour l’autre.
Ceux qui les ont croisées ce soir-là auraient parié que ces deux filles se connaissaient depuis longtemps, complices et amoureuses, un couple. Beaucoup ont pensé « … j’aimerais qu’on me regarde comme ça … », un peu jaloux ? un peu … et puis ils se retournaient pour les suivre des yeux en souriant, parce que c’était deux bien jolies filles, parce que c’était deux filles.
Elles ont mangé dans un MacDo, se sont promenées à la nuit tombée sans but, plutôt sans autre but que de retarder le moment que pourtant elles attendaient toutes les deux, empruntées, timides à faire le premier pas ? le premier geste ? dans l’intimité du studio ? lèvres mordues, regards évités, soupirs, main dans la main doigts serrés, indifférentes aux regards surpris ou amusés de ceux qu’elles croisaient.
Ludivine s’est arrêtée sur le trottoir :
— Ça m’est jamais arrivé avant … être … crispée, tendue, et en même temps toute molle, liquide … des frissons tout le temps … je suis folle …
— Folle ? Pourquoi tu dis ça ? Tu … Tu sais, on peut …
— Viens !
Elle a tirée Aurélie à sa suite dans la petite impasse encombrée de grandes poubelles sur roulettes où les habitants de l’immeuble avaient garé deux scooters, des vélos, s’est collée le dos au mur et a attiré Aurélie contre elle, ses mains autour de son visage pour un baiser.
— Maintenant. S’il te plaît, maintenant !
Aurélie la regardait étonnée, fronçait les sourcils :
— Maintenant quoi ?
Ludivine se mordait la lèvre inférieure à pleines dents, les yeux écarquillés. Elle a pris une main d’Aurélie dans la sienne pour la tirer sur son ventre :
— J’ai jamais été comme ça …
— On ferait mieux de rentrer !
— Non ! Maintenant … Avec … avec Luce on se met au lit et … et c’est moche ! pas avec toi, pas pareil … avec elle c’est … froid … c’est triste … Toi c’est différent ! Après ! On se mettra au lit après ! Je sens … je sens qu’avec toi … j’ai envie, envie vraiment … je suis amoureuse tu crois ? Moi je sais pas. Plus tard. Je veux pas que ce soit pareil. Je veux pas ! Ce serait trop … trop je sais pas quoi. Je suis un peu folle ?
Elle s’est redressée, l’air malheureuse, les yeux un peu mouillés.
Aurélie d’une main entre ses seins l’a repoussée contre le mur, a gardé sa main appuyée fort contre elle :
— Folle ? Alors je suis aussi folle que toi !
Pas un instant Aurélie n’a regardé autour d’elle, jeté un regard vers la rue qu’elles venaient de quitter. A deux mains elle a troussée la jupe de Ludivine sur sa taille. A deux mains elle a baissé la culotte aux genoux. Sans un instant quitter des yeux le visage de Ludivine, ses yeux écarquillés, ses joues brûlantes, et sa bouche grande ouverte, ses lèvres étirées d’un sourire tremblé.
D’une main entre ses seins elle la plaquait contre le mur de brique, l’autre glissait sur le ventre, doigts ouverts en peigne qui plongent dans l’épaisse toison blonde que Ludivine n’a jamais voulue couper, résistant aux remarques moqueuses de Luce, plonge entre les cuisses ouvertes en vé, tendues, muscles tellement bandés qu’elle les sent trembler.
Bouche grande ouverte, sourcils froncés, Aurélie la sait toute proche, continue, continue, rythme lent, balaie de sa main à plat la tige dure sous ses doigts, étouffe le râle de plaisir d’un baiser de toute sa bouche, bloque la caresse et soutient d’un bras autour de sa taille Ludivine qui tremble et dont les jambes faiblissent, attend, qu’elle reprenne son souffle, qu’elle rende le baiser, et reprend, plus vite, plus fort.
Elles ont couru jusqu’au studio, ont couru tout au long des six étages. Porte claquée dans leur dos, un regard, ont fait la course en riant à la première qui soit nue.
C’est fini ? Cette histoire je ne sais pas … pour elles ça commence à peine.
Peut-être … peut-être que je parlerai encore un peu de Ludivine et d’Aurélie …
Misa-04/2016
Bon voyons ça autrement : un pensionnat pour jeune-filles de bonnes familles, des soeurs, son amie Luce ;ensemble elles ont découverts le sexe entre filles à 14 ans ; à 16 ans, avec un petit cousin de Luce, elles ont appris ce qui plaît aux garçons ... c'est mieux?
Je m'en doutais ! Dès que ça devient un peu cochon ...
Depuis deux mois l'Ecole grondait d'indignation, le scandale du monde en avait franchi les portes : le mariage pour tous ! Indignation et horreur !
A l'Ecole, les amitiés particulières entre filles étaient monnaie courante ... mais ... c'était différent !
Mais que des gays veuillent se marier ... entre eux, quelle honte ! Le mariage ! C’est sacré le mariage ! C’est pas pour les … Les soeurs en étaient toutes retournées ! Ludivine ? Cette manif ? L'occasion d'une sortie ...
La liaison était mauvaise, entrecoupée. Elle a compris "...l'Etincelle ... bar ...", le lieu de rendez-vous avec Luce et son fiancé, celui que sa famille avait choisi pour elle, la Banque épousant le vin de Bordeaux.
L'Etincelle. Ludivine n'était pas inquiète, il faisait un temps magnifique : elle trouverait.
Beaucoup dans le métro se sont retournés sur cette grande fille blonde aux cheveux courts et épais, doucement ondulés, une silhouette de mannequin dans un tailleur bleu marine près du corps.
Ils se sont retournés parce qu'elle est fraîche et jolie, toute jeune, qu'elle sourit en croisant les regards, ce qui déjà est étonnant à Paris, convenons-en !
Ils ont remarqué l'élégance et la finesse des jambes, les hauts talons qui claquaient dans les couloirs du métro. Quelques-uns dans le wagon ont levés les sourcils en voyant au revers de la veste la croix épinglée, à l'autre revers le badge rose de la "manif pour tous". D'autres préféraient admirer les fesses moulées par la jupe sous la veste courte. Comment en vouloir à ceux-là ? Ludivine est une bien jolie fille !
Elle n'avait pas pu noter l'arrondissement, n'avait pas compris le nom de la rue, elle s'est fiée à l'application sur son téléphone portable.
Deux fois elle a vérifié l’enseigne du café, peu rassurée de ce qu'elle devinait de l'intérieur au travers des baies vitrées et cherchant en vain un visage connu.
Elle est entrée.
Devant le comptoir, elle fouillait la salle du regard sans reconnaître personne, ne voyait ni Luce ni Jean-Charles.
Parce que toutes les tables étaient prises et qu’elle voulait guetter l’arrivée de ses amis, elle a commandé un chocolat chaud et est restée près de l’entrée au comptoir, au milieu de passage … Certains l’écartaient d’une main sur l’épaule, et quelques-uns la bousculaient sans un mot d’excuse.
Une nouvelle fois bousculée pendant qu’elle portait la tasse de chocolat à ses lèvres, elle s’est retournée pour faire une remarque acerbe, et s’est retrouvée nez-à-nez avec une fille de son âge qui se tenait tout contre elle, elle-même poussée dans le dos par un serveur : des cheveux roux en épis, des yeux bleus pleins de rire, des tâches de rousseur semées sur le nez et les joues rebondies d’un grand sourire. Comment se fâcher ? Impossible !
Une si jolie frimousse ! Elle a souri en retour à la jeune-fille qui lui adressait une mimique d’excuse en riant :
— Désolée … c’est moi qui ai fait ça ?
La fille a levé la main pour effacer sur la lèvre de Ludivine la mousse du chocolat qui s’y était collée quand elle l’avait bousculée :
— Oups ! Ça te faisait une moustache !
Quelqu’un venait à nouveau de pousser la fille et elle se retrouvait plaquée contre Ludivine.
Elle riait, se retenait d’une main au comptoir, de l’autre main sur l’épaule de Ludivine, ne faisait aucun effort pour s’écarter, au contraire a plongé son nez dans son cou :
— Je fais pas exprès … mais c’est pas désagréable, et puis tu sens drôlement bon ! Marco ? Tu me fais un demi, s’il te plaît ?
Ludivine qui était jusque-là très préoccupée de ne pas voir ses amis, a enfin compris ce qui depuis le début la mettait mal-à-l’aise : elle a vu les banderoles et les foulards arc-en –ciel, compris les regards étonnés et les sourcils froncés quand ils se posaient sur elle, a rougi en entendant celui à qui elle venait d’écraser les orteils dire d’un ton moqueur :
— Ben dis-donc, Aurélie, tu nous a pêché un drôle de poisson !
Ludivine se rendait bien compte que c’était elle le drôle de poisson, avec son petit tailleur et le gros badge de la « Manif pour tous » épinglé au revers !
— J’avais rendez-vous avec des amis … j'ai dû me tromper.
— Ah ça ! Y a des chances ! T’inquiète pas ! Si tes amis sont comme toi, on les repèrera facilement ! Moi, c’est Aurélie ! Et toi ?
— Ludivine.
En mordant un sourire amusé, un peu moqueur, Aurélie la dévisageait, baissait les yeux sur le tailleur et le petit foulard, la croix épinglée au col d’un côté, le badge de l’autre, la jupe étroite et les hauts talons :
Elle riait franchement en bousculant le badge « Manif pour tous » du bout de l’index tendu :
— T’inquiète pas ! On est pas sectaires ! On te mettra sur la route ! D’ailleurs on part bientôt ! T’es quand même gonflée !
Deux fois Ludivine a essayé de joindre ses amis au téléphone : pas de réponse.
Quelqu’un a donné le signal du départ et le café s’est vidé. Tous se sont rassemblés dans la rue, ont déplié leur banderoles et sont partis en cortège.
Plusieurs d’entre eux fronçaient les sourcils en se retournant vers Ludivine. Aurélie l’a retenue pour qu’ils marchent en queue, lui a mis son duffle-coat sur les épaules pour cacher sa tenue qui faisait tache au milieu de leur troupe, a enroulé un foulard arc-en-ciel autour de son cou dont un pan masquait le badge « ennemi » au col de la veste de son tailleur, et a pris son bras sous le sien pour suivre la troupe.
— C’est juste pour un moment, tu me les rendras quand je te mettrai sur ta route !
Elle n’en a pas eu l’occasion.
Leur troupe approchait de République quand un groupe de jeunes a débouché d’une rue en criant : « Barrez-vous les pédés, pas de ça chez nous ! ».
Tout le monde courait. Tout le monde criait.
Pantalons noirs, blousons rembourrés, des bâtons, des rangers.
Ludivine était figée. Elle n’a pas couru, ne s’est pas enfuie quand le groupe s’est éparpillé.
On l’a bousculée, elle est tombée. Des coups, sur le dos, la tête, des coups de pieds, dans les reins, dans le ventre et la poitrine. Un poids sur elle, son visage caché. Des cris.
Quelques secondes à peine, une éternité. Le silence.
— Ça va ?
— Je sais pas … non …
Aurélie l’a aidée à s’asseoir.
Un peu plus loin un garçon était à quatre pattes, tête basse, il geignait. Elles deux. Et la rue vide et silencieuse.
Elles sont entrées dans un bar pour se passer le visage sous l’eau dans les toilettes et remettre un peu d’ordre à leur tenue. Ludivine avait du mal à marcher, Aurélie la soutenait d’un bras autour de la taille.
Ludivine pleurait doucement en tenant son bras droit contre elle au bout duquel sa main tremblait.
De la main gauche elle a arraché de son col le badge rose et l’a jeté au fond de la salle.
Aurélie avait voulu l’emmener aux urgences, mais Ludivine a énergiquement refusé.
Elle a essayé sans succès de joindre ses amis, ceux qu’elle aurait dû retrouver en début d’après-midi, a parlé de reprendre le train pour Le Mans :
— Tu peux pas rentrer comme ça ! Ta veste est déchirée au coude, ta jupe a un accroc … il faut te changer.
— J'ai rien pris pour me changer.
— Elle habite où, ton amie ?
— Chez son fiancé … Elle est à la manif.
— Bien protégée par les salauds qui nous sont tombés dessus ?
— Je sais pas, Aurélie, je savais pas qu’il y avait des types comme eux.
— Ça va … je te confonds pas avec ces mecs. En attendant, on va chez moi.
Un studio tout petit, au sixième, de grandes toiles de couleurs chaudes agrafées aux murs pour réchauffer l’ambiance. Un petit nid douillet.
— Voilà mon palais. Ne regarde pas le désordre. Personne ne vient jamais, alors …
Ludivine ne regardait rien, elle tremblait. Elle avait tenu jusque-là, mais arrivée au studio d’Aurélie, ses nerfs lâchaient.
— Va faire un brin de toilette, et puis tes fringues sont dans un sale état, enlève-les, je te prépare de quoi te changer, va !
Pas de réponse. Ludivine tremblait, les yeux dans le vague, gémissait en se balançant d’avant en arrière.
Aurélie a fouillé son armoire, n’a trouvé dans ses affaires qu’un pantalon de zouave noir qui pourrait aller à Ludivine, a ajouté un grand pull tricoté par sa mère. Elle a aidé Ludivine à se lever et l’a conduite à la salle de bain où Ludivine l’a suivie sans un mot, comme hébétée.
Hasard, destin, il faut tellement de détails, d’évènements improbables pour que deux filles comme elles se rencontrent ! Ça ressemble à quoi ? aux scénarios un peu gnangnan qu’on voit au cinéma ! Meg Ryan et Tom Hanks, Julia Roberts et Richard Gere … Euh … il est où le mec, ici ? Pas là ! Pas de mec ! Au ciné, c’est rarement deux filles ! Et pourtant, c’est pareil, non ? la même histoire … hétéro, homo, quelle importance !
Aurélie a fait un peu de ménage pendant que Ludivine était dans la salle de bains, un peu honteuse du désordre qui régnait dans sa chambre. Elle a arrangé la couette, retapé les oreillers, rangé les affaires qui traînaient un peu partout, sur le dossier de ses deux chaises et parterre, a lavé dans l’évier la vaisselle de la veille et du matin, a débarrassé la petite table et rangé son bureau.
Souvent elle portait la main à sa joue où le coup qu’elle avait reçu la lançait, se frottait la hanche où elle avait elle aussi reçu un coup de pied des brutes qui les avaient agressés.
Elle guettait le retour de Ludivine, s’inquiétait du temps qu’elle mettait. N’y tenant plus, elle a frappé à la porte :
— Ça va ?
Pas de réponse.
— Ludivine ? Je vais entrer …
Elle a entrebâillé la porte, jeté un coup d’œil, est entrée en voyant Ludivine prostrée, assise sur le carrelage dos au mur en face du lavabo, les deux bras fermés sur ses jambes repliées, le front appuyé sur ses genoux.
— Eh … ça va pas ? T’as mal ?
Ludivine n’était plus vêtue que de ses dessous et de son chemiser ouvert. Ses joues étaient mouillées de larmes quand elle a levé le visage vers Aurélie, en se forçant à sourire :
— Ça va aller … t’en fais pas … je récupère …
— T’as mal ?
— Un peu partout … Je ... tu pourrais aussi me prêter une culotte ?
Elle essayait un pauvre sourire en s’essuyant la joue du plat de la main :
— C'est ... j'ai eu peur ... j'ai honte ...
— C'est rien ! T'en fais pas. Je vais t'en chercher une, bouge pas.
Elle l’a aidée à s’habiller, en se retournant quand Ludivine a changé de petite culotte et en faisant bien attention à ne pas effleurer sa peau ensuite, toute rougissante, et ça ne lui ressemblait pas, à la voir quasi nue et tellement jolie qu’elle préférait détourner les yeux des longues jambes et des fesses sous le nylon léger de la culotte un peu trop grande pour elle qu'elle lui avait prêtée, la plus jolie qu'elle ait trouvée dans ses affaires. Elle lui murmurait des bêtises à l’oreille pour essayer de la faire rire, et surtout pour ne pas trop penser, ne pas trop rêver ; ce n'était pas vraiment le bon moment.
Sur le quai de la gare, Aurélie se moquait gentiment de l’allure de Ludivine, qui marchait à petits pas hésitants pour soulager sa jambe, en pantalon de zouave et chaussures à talons, les mains cachées dans les manches trop longues du pull tricoté en grosse laine.
Aurélie ? toute la semaine, repensait aux yeux malheureux pleins de larmes dans la salle de bain, , au parfum dans son cou quand elle la consolait d’une bise sur la joue et la berçait en disant des bêtises … aussi aux longues jambes bronzées et aux jolies fesses quand elle s'était changée. Elle n’avait pas osé. Ni dire ni montrer. Intimidée, empruntée, elle qui n’a pourtant aucune honte à aimer les filles.
Ludivine ? Elle n’a raconté qu’à Luce. Elle a dit son « aventure », a ri avec elle, un peu, s’est sentie gênée, et en colère du snobisme stupide et du mépris affiché par Luce pour « cette rouquine, une gouine sans doute !», qui l’avait attifée de ce ridicule accoutrement.
Elle se souvenait trop bien des joues rouges et des taches de rousseur sur le nez plissé d’inquiétude, des regards vite détournés.
Il ne s’était rien passé … et ce rien sonnait comme un regret, un vide, un manque qu’elle ne s’expliquait pas, un rien qui pourtant rendait impossibles et laides les caresses vides de sens dont elle s’accommodait avant avec Luce.
Le samedi suivant à ses parents Ludivine a dit rester au pensionnat, aux sœurs elle a dit passer le samedi chez ses parents, à Aurélie au téléphone elle a dit je te ramène tes affaires demain.
A ses amies Aurélie a dit « Pas demain, je travaille », a passé la soirée du vendredi à laver, ranger son studio, s’est appliquée le matin après sa toilette à domestiquer les épis sur sa tête, et depuis la première fois depuis longtemps s’est essayée à maquiller ses joues et ses yeux, s’est parfumée dans le cou.
Toute une semaine à penser l’une à l’autre aux moments les plus inattendus, à s’étonner de ces pensées, les a faites timides à se revoir, à échanger une bise sur le seuil du studio.
Ludivine a vu le changement, le petit bouquet sur la table basse, et le ricil aux paupières. Aurélie a rougi quand Ludivine lui a dit avec un petit sourire « tu es toute jolie ».
Elles ont parlé de la manif, Aurélie disait « … c’est ma faute, je t’avais déguisée … », Ludivine répondait d’une petite voix « … comme ça on se connaît … ».
Aurélie a parlé de la fac de droit, Ludivine du pensionnat, chacune mesurant ce qui les séparait et incapables des mots ou des gestes qui les rapprocheraient.
Il y avait des blancs dans la conversation, une gêne qu’elles n’arrivaient pas à dépasser.
Aurélie savait ce qu’elle ressentait et était paralysée, Ludivine ne savait pas très bien ce qui lui arrivait et en était perturbée.
Il a fallu une course pour prendre le métro en retournant à la gare pour que Ludivine prenne la main d’Aurélie pour l’entraîner en riant derrière elle, cette main qu’Aurélie n’a pas lâchée dans le wagon de métro et les couleurs à leurs joues en échangeant un regard, la chaleur de leurs joues à la bise sur le quai de gare pour qu’elles sachent l’une et l’autre que ce contact allait leur manquer. « Tu reviens quand tu veux … », « D’accord , samedi prochain ? ».
Leurs sourires étaient lumineux, leurs yeux brillaient.
Aurélie savait, Ludivine toujours pas.
Toujours pas, mais le soir où Luce après sa toilette de nuit s’est approchée de son lit en battant des cils outrancièrement, leur code en prélude à leurs caresses, elle a trouvé un prétexte pour ne pas lui ouvrir ses draps. Elle ne voulait pas de ses froides caresses, si ternes et déplacées, des gestes qui aujourd’hui lui semblaient pathétiques.
En lui tournant le dos elle savait « Si c’était Aurélie … », et pour la première fois ce jeu sous les draps prétexte à confidences, initiatique et provocateur, perversion en réaction aux valeurs imposées, n’étaient plus un jeu mais un désir véritable, né d’un sentiment diffus qu’elle croyait réservé et dû à celui qui partagerait la vie qu’on préparait pour elle.
Le samedi suivant, leur troisième rencontre, Ludivine sent ses joues piquer et ses seins durcir à la seule vue du sourire qui fait briller les grands yeux bleus d’Aurélie qui l’attend en bout de quai.
Elle a 18 ans.
Elle sait l’attrait que peut avoir l’interdit, combien la transgression peut enflammer le corps et l’esprit, elle y a réfléchi toute la semaine, et chaque fois de grands yeux bleus venaient balayer ces pensées froides.
Elle a 18 ans et vit toute étonnée les premiers émois de son cœur, riant de l’hypocrite permissivité de son éducation qui admet que deux filles se livrent à des jeux dans la nuit, puisqu’on est « entre soi », mais renie tout sentiment.
Malgré cela, Ludivine accepte, sans aucune retenue, accepte d’être attirée … amoureuse ? d’une fille ?
Aurélie était inquiète d’aimer sans retour. Ludivine, elle, est passée directement des questions à l’intention. C’est elle qui après une bise sur la joue d’Aurélie a effleuré sa bouche de ses lèvres, a ri de l’éclair de surprise dans les yeux en haussant les épaules, a murmuré en collant sa joue à la joue d’Aurélie « J’ai beaucoup pensé à toi … », elle riait en songeant toute étonnée « Luce, je ne l’ai jamais embrassée comme ça ! ».
— Où on va ?
Ludivine a glissé son bras sous le bras d’Aurélie, l’a suivie sans se poser de question, juste occupée de suivre son pas.
— Je sais pas … où tu veux. Tu repars à quelle heure ?
Ludivine riait de la voir si troublée :
— Tu veux déjà que je m’en aille ? Chez toi !
Elles s’étaient assises sur la banquette-lit, s’étaient adossées au mur, après avoir enlevé leurs chaussures.
Ludivine a tendu la main vers son sac à main, elle se mordait la lèvre en jouant avec la fermeture du sac, et s’est décidée à l’ouvrir. Elle a jeté un coup d’œil vers Aurélie a sorti du sac une petite culotte rose en dentelle et une brosse à dents :
— J’ai pris le minimum vital …
Aurélie mordait un énorme sourire à pleines dents.
D’un élan, Ludivine s’est assise à califourchon sur les genoux d’Aurélie en retroussant bien haut sa jupe trop étroite pour l’encadrer de ses genoux et a pris les joues entre ses mains pour l’embrasser, de petits baisers qui piquaient ses lèvres, presque brusque, comme affamée d’avoir si longtemps refoulé son envie. Elles riaient.
— … depuis le premier jour … dans le bar … je pense à toi sans arrêt …
— Et tu m’as sauvée des méchants !
— Si je t’avais pas entraînée avec moi … il te serait rien arrivé …c’est ma faute !
— Je te connaîtrais pas, ce serait bête …
Tous les mots entrecoupés de petits baisers. Une main qui caresse une joue. Une mèche de cheveux repoussée d’un doigt sur le front de l’autre. Un rire quand Ludivine étire un épi de cheveux roux sur la tête d’Aurélie. Un rire forcé, un sourire tremblé. La main sur un bras. Les doigts croisés aux doigts de l’autre. Les tâches de rousseur balayées du pouce sur les joues d’Aurélie, un doigt sur les lèvres, mordu, pris entre les dents et gardé, embrassé, sucé. Elles se sont racontées, le bien le moins bien, tout.
Surprise ? Aurélie ? Oui ! Une fille « de … », un milieu social si éloigné du sien, elle qui drague les filles et parle fort et rit et qui se classe dans les « peur de rien », curieusement cette fille l’intimide. Pour la première fois de sa vie, elle qui a toujours tout assumé avec hargne et désinvolture, Aurélie se sent « vilain petit canard ».
Elle, la première, n’aurait pas osé. Elle va rester ! Une petite culotte et une brosse à dents en promesse de rester avec elle. Elle y croit ? A peine ! Le chemisier ouvert, la jupe remontée haut sur les cuisses … invitation … Trop beau, trop attendu, trop espéré ? Et ce sourire qu’elle a ! Pas provoquant, juste … juste doux. Et ce regard ! Quoi ? Une pointe d’inquiétude ? Elle ?
Un murmure, des mots soufflés, elle comprend ? Elle a dit … vraiment ?
Aurélie en tremble, elle la rugueuse, la battante, elle tremble devant cette fille assise sur ses genoux qui murmure qu’elle rêve d’elle, qu’elle veut ses baisers et ses caresses, qui dit qu’elle sait pas, que peut-être, peut-être elle est amoureuse, qui dit « explique-moi », qui a l’air si sérieuse tout d’un coup en se trémoussant sur ses genoux. Mais … elles se connaissent si peu !
Ludivine se penche, rampe sur ses cuisses et se colle tout contre elle, passe ses bras autour de son cou et niche son nez dans son cou, et serre, serre fort ses bras en se collant contre elle, tourne la tête pour susurrer des mots doux à son oreille … et Aurélie, les deux bras autour de la taille de Ludivine serre, serre elle aussi, ferme les yeux, brûlante, des papillons dans la tête la poitrine et le ventre.
Une éternité à se serrer dans les bras l’une de l’autre, joues brûlantes et souffles tremblés entre les baisers, plein de baisers, des baisers et des mots, pour retarder ? et puis allongées l’une contre l’autre, jambes nouées, Aurélie et son jean’s, son sweat sous lequel une main se glisse pendant un baiser, Ludivine jupe en chiffon, son chemisier ouvert aux mains qui piquent sa peau et la font se cambrer.
Et … elles ont reculé ? pris leur temps ? patience et jeunesse ne vont pourtant pas toujours bien ensemble ! Des mots encore. Leur famille, leurs amies, Aurélie ses amours de filles, Ludivine sa relation bizarre avec Luce, ses cousins et cousines un hiver, parlé comme pour se libérer d’un avant, le balayer, s’en laver pour être entière et neuve pour l’autre.
Ceux qui les ont croisées ce soir-là auraient parié que ces deux filles se connaissaient depuis longtemps, complices et amoureuses, un couple. Beaucoup ont pensé « … j’aimerais qu’on me regarde comme ça … », un peu jaloux ? un peu … et puis ils se retournaient pour les suivre des yeux en souriant, parce que c’était deux bien jolies filles, parce que c’était deux filles.
Elles ont mangé dans un MacDo, se sont promenées à la nuit tombée sans but, plutôt sans autre but que de retarder le moment que pourtant elles attendaient toutes les deux, empruntées, timides à faire le premier pas ? le premier geste ? dans l’intimité du studio ? lèvres mordues, regards évités, soupirs, main dans la main doigts serrés, indifférentes aux regards surpris ou amusés de ceux qu’elles croisaient.
Ludivine s’est arrêtée sur le trottoir :
— Ça m’est jamais arrivé avant … être … crispée, tendue, et en même temps toute molle, liquide … des frissons tout le temps … je suis folle …
— Folle ? Pourquoi tu dis ça ? Tu … Tu sais, on peut …
— Viens !
Elle a tirée Aurélie à sa suite dans la petite impasse encombrée de grandes poubelles sur roulettes où les habitants de l’immeuble avaient garé deux scooters, des vélos, s’est collée le dos au mur et a attiré Aurélie contre elle, ses mains autour de son visage pour un baiser.
— Maintenant. S’il te plaît, maintenant !
Aurélie la regardait étonnée, fronçait les sourcils :
— Maintenant quoi ?
Ludivine se mordait la lèvre inférieure à pleines dents, les yeux écarquillés. Elle a pris une main d’Aurélie dans la sienne pour la tirer sur son ventre :
— J’ai jamais été comme ça …
— On ferait mieux de rentrer !
— Non ! Maintenant … Avec … avec Luce on se met au lit et … et c’est moche ! pas avec toi, pas pareil … avec elle c’est … froid … c’est triste … Toi c’est différent ! Après ! On se mettra au lit après ! Je sens … je sens qu’avec toi … j’ai envie, envie vraiment … je suis amoureuse tu crois ? Moi je sais pas. Plus tard. Je veux pas que ce soit pareil. Je veux pas ! Ce serait trop … trop je sais pas quoi. Je suis un peu folle ?
Elle s’est redressée, l’air malheureuse, les yeux un peu mouillés.
Aurélie d’une main entre ses seins l’a repoussée contre le mur, a gardé sa main appuyée fort contre elle :
— Folle ? Alors je suis aussi folle que toi !
Pas un instant Aurélie n’a regardé autour d’elle, jeté un regard vers la rue qu’elles venaient de quitter. A deux mains elle a troussée la jupe de Ludivine sur sa taille. A deux mains elle a baissé la culotte aux genoux. Sans un instant quitter des yeux le visage de Ludivine, ses yeux écarquillés, ses joues brûlantes, et sa bouche grande ouverte, ses lèvres étirées d’un sourire tremblé.
D’une main entre ses seins elle la plaquait contre le mur de brique, l’autre glissait sur le ventre, doigts ouverts en peigne qui plongent dans l’épaisse toison blonde que Ludivine n’a jamais voulue couper, résistant aux remarques moqueuses de Luce, plonge entre les cuisses ouvertes en vé, tendues, muscles tellement bandés qu’elle les sent trembler.
Bouche grande ouverte, sourcils froncés, Aurélie la sait toute proche, continue, continue, rythme lent, balaie de sa main à plat la tige dure sous ses doigts, étouffe le râle de plaisir d’un baiser de toute sa bouche, bloque la caresse et soutient d’un bras autour de sa taille Ludivine qui tremble et dont les jambes faiblissent, attend, qu’elle reprenne son souffle, qu’elle rende le baiser, et reprend, plus vite, plus fort.
Elles ont couru jusqu’au studio, ont couru tout au long des six étages. Porte claquée dans leur dos, un regard, ont fait la course en riant à la première qui soit nue.
C’est fini ? Cette histoire je ne sais pas … pour elles ça commence à peine.
Peut-être … peut-être que je parlerai encore un peu de Ludivine et d’Aurélie …
Misa-04/2016
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8 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
vous avez un grand talent vos personnages vivent des situations que l on aimerait tant connaitredans la vie
Bonjour misa. Moi je suis sûrement la plus jeune de tes lectrices, et j'aimerai te dire quelque mot. J'admire véritablement tes récits. Ils retranscrivent tellement bien les sentiments, les émotions de tes personnages. Tu nous happes complètement dans tes histoires, c'est pas juste une histoire de sexe brute, mais bien de la littérature érotique, et c'est magnifique. Voilà je voulais juste te dire merci.
C'est du Misa dans le texte.
Rien à ajouter sauf encore, encore !
Rien à ajouter sauf encore, encore !
Une jolie histoire ... écrite avec beaucoup de sensibilité ... un régal !
Merci Misa !
Merci Misa !
Les filles, les gars, c'est pas pareil
Moi, j'aime beaucoup Misa mais ces histoires de filles que raconte Misa ne m'émeuvent pas tant que ça.
Moi j'aime la castagne, les histoires sérieuses de bite, de bandaison solide et d'aube claire en saillie généreuse.
Les textes de Misa sont toujours un régal de littérature mais, j'avoue, c'est pas trop mon truc.
Finalement, les mecs et les gonzesses, c'est pas la même longueur d'onde.
Moi, j'aime beaucoup Misa mais ces histoires de filles que raconte Misa ne m'émeuvent pas tant que ça.
Moi j'aime la castagne, les histoires sérieuses de bite, de bandaison solide et d'aube claire en saillie généreuse.
Les textes de Misa sont toujours un régal de littérature mais, j'avoue, c'est pas trop mon truc.
Finalement, les mecs et les gonzesses, c'est pas la même longueur d'onde.
Exemple quasi d'anthologie du pouvoir de suggestion des mots: hommage d'un vieux routier... d'une écriture pas du tout coquine mais qui se soigne.
C’est beau, c’est tendre, c’est doux et fort … c’est merveilleux !!
Et si bien écrit !
Mille mercis Misa.
Et si bien écrit !
Mille mercis Misa.
Oh Misa, Misa ! Les deux premiers chapitres étaient bons, comme l'est toujours ton écriture, mais celui ci est absolument exceptionnel ! Bravo ! Merci ! Encore ?! :)