Peurs et incrédulités 3

- Par l'auteur HDS Ethelrede -
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Récit libertin : Peurs et incrédulités 3 Histoire érotique Publiée sur HDS le 06-07-2024 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Peurs et incrédulités 3
Comme elle était belle, ma douce Iona ! Je la regardais par la fenêtre de notre tour… Elle s’en éloignait pour aller acheter une bricole au centre commercial et, de mon troisième étage, je voyais ses longues jambes en mouvement, sa démarche gracieuse… Amoureuse j’étais.
Vous connaissez ces sortes de nacelles, pendues au bout de câbles, qu’on utilise pour nettoyer les vitres de ces immenses tours ? Il y en avait une à trois ou quatre fenêtres de mon bureau et le vent soufflait très violemment, ce matin-là. Des ouvriers avaient laissé une grande planche de bois posée sur les bords de la nacelle. J’ai soudainement vu cette planche soufflée par le vent, prendre les airs en tournoyant. Elle a commencé par monter un peu, puis est tombée en mode rotor d’hélicoptère.

L’horreur me glaça. Sans un bruit, la planche descendait tout droit sur ma belle… Impossible d’ouvrir ces fichues fenêtres pour lui crier de fuir… La planche a heurté le sol tout près d’elle, puis, dans un ultime tournoiement, est venue la frapper avec une violence inouïe dans le dos et le cou. J’ai vu mon amour tomber et ne plus se relever. J’ai bondi en hurlant :
- Appelez le 18, les pompiers, ils sont juste à côté, accident devant le tour. Une femme blessée, c’est Iona…

Puis je suis descendue comme une folle, par les escaliers du fait de la lenteur des ascenseurs. Les secours sont arrivés avant moi, ils repartaient quand j’ai enfin rejoint le lieu de l’accident. J’ai éclaté en sanglots… Même pas eu le temps de la voir, de demander où on me l’emmenait…

Urgences de l’hôpital Foch, à Suresnes : un jeune interne examine la jeune femme blessée, Il s’appelle François Vinotier et semble très ému par cette jeune accidentée. Il y a quelques ecchymoses dans le dos, sur la nuque, rien de bien méchant. Une vilaine écharde, échappée de la planche, s’est profondément enfoncée sous une omoplate. Pas très grave mais certainement douloureux. Il entreprend de l’extraire à l’aide de pinces… Signes négatifs de la tête : il va devoir inciser, de peur de la casser et d’en laisser un morceau… bien mal placé. Anesthésie locale, petite incision, extraction du corps étranger ; quelques points de suture, cela ira, on ne verra pas grand-chose !

L’examen des radios est plus problématique ; Il y a deux vertèbres fêlées, légèrement, certes, en C3 et C4. Là, c’est potentiellement plus sérieux, la patiente risque déguster… Il faudra peut-être immobiliser. Si c’est le cas, la jeune femme va connaître les joies de la minerve. Le chir doit encore confirmer, il ne va pas faire le diagnostic lui-même, pas encore, même s’il est à peu près sûr de lui. Dans son esprit, ce sont des fêlures peu préoccupantes ! Le jeune médecin se relève enfin : il vient de passer trois heures sur ce cas. Contrairement à ses habitudes, il ne la laisse pas partir, emportée par un brancardier : son service est fini, il l’accompagne au second étage, à la chambre qui lui est réservée. S’assied dans un fauteuil près d’elle et la regarde.

Mon Dieu que cette fille est belle ! Pourquoi faut-il que des tas de salopards nuisibles coulent des jours heureux et sans aucun souci et que de telles beautés soient victimes de telles horreurs ? François a une grosse boule dans la gorge. Il la regarde encore, intensément. Un frémissement sur son visage : la belle jeune femme ouvre les yeux.
- Ne bougez pas, mademoiselle ! Vous avez quelques blessures, pas trop graves, rassurez-vous, mais nous attendons le verdict du chirurgien pour savoir si nous devons immobiliser votre colonne cervicale.
- Qui êtes-vous ? Où suis-je ? Que fais-je ici ?
- Vous êtes à l’hôpital Foch de Suresnes, mademoiselle Martin. Vous avez reçu une planche tombée d’une nacelle… Elle aurait pu vous tuer ! Et moi, je suis le docteur François Vinotier, interne à Foch, je vous ai soignée dès votre arrivée avec les pompiers.
- Merci Docteur… Comment m’avez-vous appelée ?
- Martin, Iona Martin, c’est le nom qui figure sur vos papiers. Vous allez bien ?
- C’est étrange… Ce nom ne me dit rien. Mais j’ai beau faire tous les efforts, je ne parviens pas à vous dire mon nom, je l’ai au bout de la langue…

L’interne a pris son téléphone et appelle. Oui, Mademoiselle Iona Martin. Une amnésie traumatique, probablement… D’accord, je vous attends en 223.

C’est le chirurgien qui est arrivé le premier. Une petite claque sur l’épaule de l’interne : alors, toi, qu’en dis-tu ? Moi ? Je pense fêlures peu préoccupantes… Donc, perso, je n’immobiliserais pas… Et tu as tout bon ! Ceci dit, on en reparlera quand elle aura cinquante ou soixante ans… Ce sont des nids à problèmes ces accidents-là, à arthrose, notamment… Il faudra aider à reminéraliser tout ça ! Le chir sort, continue sa tournée tandis que le jeune interne se rengorge : Yes ! J’ai vu juste.

Le psychiatre est venu ; il a posé de nombreuses questions à Iona, lui a fait passer plusieurs tests. C’est étonnant… Il ne lui semble pas que le choc de la planche soit directement impliqué. Il a comme un feeling, comme il dit. Amnésie pas nécessairement liée au choc physique. Peut-être chercher un traumatisme psycho plus ancien… Verdict, la mémoire devrait revenir, avec un stimulus idoine… Mais ça peut prendre un peu de temps !

Mauvaise nuit : François Vinotier n’a pas bien dormi, hanté par l’image de cette si belle femme qu’il a soignée la veille. Il ne comprend pas bien. Usuellement, les choses ne se passent pas comme ça. Son éthique professionnelle prend toujours le dessus… Et là, toc, en plein dans le mil… Il a beau retourner la chose dans tous les sens, il doit se rendre à la raison. Elle n’a pas fait que lui taper dans l’œil, cette fille : elle l’a harponné ! Et sans rien faire… C’est lui qui s’est jeté dans… dans quoi, d’ailleurs ? Elle n’était pas même consciente : Il ne peut pas dire qu’elle l’a séduit… Ouais, bon, t’es cuit, mon vieux François, ça s’appelle le coup de foudre… Tu n’avais qu’à t’acheter un paratonnerre !

Longue journée, urgences plus ou moins urgentes : le papi qui s’est servi un verre de Perrier juste après que la mamie ait récupéré une vieille bouteille pour diluer son eau de Javel (pas beaucoup d’odorat, le papi !), le gamin qui a avalé une pièce de monnaie et la traditionnelle réponse de l’entérologue : tu feras une radio face et profil du pot de chambre demain matin !

Vingt heures : au lieu de retirer sa blouse et filer à la maison, François monte à la chambre 223… trois petits coups discrets, il entre. La belle est endormie ; il s’assied à côté du lit, lui prend délicatement la main gauche, joue machinalement avec cet annulaire où il redoutait tant de trouver une alliance… imperceptible murmure
- Iona, Iona… un si joli nom, pour une si belle fille… Iona si seulement tu pouvais entrouvrir ne serait-ce qu’un instant le jardin secret de ta mémoire, me laisser découvrir la belle âme qui t’habite… Iona, que m’arrive-t-il ? Où est mon éthique médicale ? Je suis tombé victime du plus insidieux coup de foudre, je deviens plus amoureux de toi à chaque bouffée d’air que je respire auprès de toi Mon Dieu que tu es belle, Iona, comment voudrais-tu que je ne sois pas amoureux de toi ? Ah, mon pauvre François, je crois que tu es fou à lier, c’est toi qui aurais besoin du psychiatre bien plus que la belle que voilà…

Les lèvres d’Iona remuent faiblement, François s’approche, écoute…
- Je ne le crois pas, moi. Vous n’êtes pas du tout fou… Je ne sais pas qui vous êtes mais ce que vous dites est d’une telle douceur, d’une telle gentillesse… Cela me touche beaucoup.

François repose précipitamment la main qu’il avait mise au chaud dans le sienne et caressait depuis déjà un bon moment.
- Non ! Je vous en prie ! Laissez votre main. Elle me fait du bien. Elle m’aide, je crois.

François reprend la main dans la sienne.
- Avant cet accident…
- Vous vous souvenez d’un accident ?
- Oui, un grand bruit derrière moi, une grande douleur au cou, au dos, puis plus rien…

François serre un peu plus fort la main de la jeune femme.
- Avant mon accident, je crois, il me semble, que j’étais en train de vivre une histoire d’amour. J’ai l’impression de la revivre au contact de votre main. Mais tout cela est tellement ténu. Je ne suis plus sûre de rien… Je suppose que vous ne vous attendez pas à ce que je réponde positivement à vos attentes… Je ne sais même pas qui je suis…

Iona se redresse légèrement, les deux coudes plantés dans le matelas, elle regarde le jeune médecin.
- Merci Docteur, merci François pour tout ce que vous faites pour moi. Il m’est difficile de vous dire cela, mais j’espère que vous êtes conscient que vous allez terriblement souffrir si la mémoire me revient et que je découvre que j’aime déjà quelqu’un… Pourtant, si ce n’était pas le cas, vous êtes tellement bon, doux, prévenant, que je serais bien capable de vous trouver du charme…

Iona se rallonge, referme les yeux. Ce petit discours l’a épuisée. Elle a besoin de se reposer.
- Iona, il ne m’appartient plus de décider : Cupidon a déjà fait son travail ! Si je dois souffrir, je souffrirai, ne vous en souciez point, je ferai en sorte que cela ne vous apparaisse jamais. Reposez-vous. Je reviendrai vous voir demain, promis. Dormez bien.


- Oui, madame Faltis, madame Iona Martin a bien été emmenée à Foch, à Suresnes, je vous en prie, au revoir madame…

Namia sait enfin, après deux jours, où sa belle Iona a été conduite après cet accident complètement insensé. Le temps de déposer une demande d’une demi-journée de congés, la voilà partie.
Arrivée à l’hôpital… recherche de la patiente… passage de service en service… reçue, finalement, par le jeune interne François Vinotier.
- Madame, vous cherchez ?
- Je voudrais des nouvelles de madame Iona Martin, accidentée il y a deux jours à la Défense.
- Oui, la planche… Alors, elle va bien… Mais…
- Mais ?
- Elle souffre d’amnésie. Qui êtes vous ? Je veux dire, vis-à-vis d’elle ?
- Heuh… c'est-à-dire…Bon… Je suis sa compagne. Hé ! vous allez bien, docteur ?

L’interne avait subitement pâli, regardait sans la voir la femme qui lui parlait, la mine défaite. Le médecin se reprend :
- Tout va bien, Madame. Pour votre amie, soyez rassurée, elle va très bien. Quelques bobos sans grande gravité, elle a eu énormément de chance. Par contre, elle doit rester au clame absolu quelques jours pendant lesquels nous tentons de solliciter sa mémoire. J’espère que vous le comprendrez.
- Oui, bien sûr. On ne peut même pas la voir ? Ne serait-ce qu’un petit moment ?
- Il est préférable de ne pas la brusquer, Madame. Je vous tiendrai informée, laissez-moi votre téléphone, je n’y manquerai pas, je vous le promets.

En rentrant chez lui, ce soir-là, François se trouve quand même assez malpropre… Un sentiment d’avoir tout simplement trahi son éthique… Amour, quand tu nous tiens…

Iona ne dort pas quand François vient la voir au petit matin, avant d’attaquer sa journée. Elle a l’air plus vif, elle est toute fraîche, le teint rosé, elle sourit même à son entrée.
- Bonjour François !
- Hou-là ! François… J’ai droit à tous les honneurs ! Bonjour Iona, je suis ravi de vous voir dans d’aussi bonnes dispositions. Vous récupérez très vite.
- François, j’ai beaucoup réfléchi depuis hier. Et je suis arrivée à cette conclusion que si, quand vous me teniez la main, cela faisait remonter en moi des bribes de souvenir, il faudrait que nous recommencions quelque chose d’intime. Voudriez-vous m’embrasser ?
- Mais… Iona… Savez-vous à quoi cela nous expose ? Je… Non… Enfin, je…
- François, embrassez-moi, s’il vous plaît, aidez-moi encore…

Le jeune homme s’approche du lit, se penche et, avec une infinie lenteur, vient déposer ses lèvres sur celles de sa patiente. Juste un effleurement, l’aile d’un papillon. Iona passe ses bras derrière son cou et l’invite à un baiser plus appuyé. C’est elle encore qui glisse une toute petite pointe de langue entre ses lèvres pour venir humecter celles du jeune médecin. En quelques minutes, le baiser est devenu charnel, intense, d’une immense émotion. Chaque fois que François fait mine de reculer, Iona le retient. Le garçon finit par s’asseoir sur le bord du lit et, finalement, s’abandonne : advienne que pourra.
- François, aimez-moi, je vous en prie, je sais que c’est ce qui va me permettre de vaincre ce blocage au fond de moi… Guérissez-moi, je vous en prie.
- Iona, vous m’en demandez un peu trop, ne pensez-vous pas ? Lorsque la mémoire vous reviendra, que vous retrouverez votre vie d’avant, n’aurez-vous pas de regret d’avoir trahi un possible serment, vis-à-vis de la personne dont vous partagez la vie ? Et puis, pensez-vous à ce qu’il adviendra de moi, qui ai eu la faiblesse de vous laisser entendre les sentiments que vous m’inspirez ?
- François, venez auprès de moi, aimez-moi, je vous en conjure. Voulez-vous que je vous le demande à genoux ? En pleurant ?

Les yeux de la jeune femme étaient suppliants. François se pencha vers son oreille et lui chuchota quelques mots. Il se redressa, écarlate ; Iona avait le visage éclairé d’un immense sourire et les yeux pleins de lumière.
- À ce soir, belle Iona, je t’aime !

C’est en tout début de nuit, après le passage des soins, que François s’introduisit dans la chambre. Rapidement il s’assit au bord du lit. Non, Iona n’a pas changé d’idée, oui, elle veut toujours. Alors, le jeune médecin s’allonge auprès d’elle, ôte ses vêtements et se glisse dans le lit.
- Soyez doux, François, tout doux.

Caresses, toutes tendres, lèvres qui suivent les courbes de ce corps parfait, humectent les mamelons, narines qui hument les fragrances de désir en remontant vers leur source, langue qui donne des frissons et reçoit sa récompense de divin nectar…
- Viens, dis… maintenant.

Baiser, lèvres soudées, François hésite à peine, son sexe est juste au portique du temple inondé de rosée. Les deux coudes plantés dans le matelas, il avance millimètre par millimètre, continuant son doux baiser, jusqu’à sentir sur toute la longueur de sa hampe, la chaleur de la grotte aimée. Immobilité… Dans le silence, fusent simultanément deux "Je t’aime". De lents va-et-vient se mettent en route, ondulation du bassin, soupirs qui montent en un divin crescendo et s’achèvent dans un tout petit cri, tandis que François sent le ventre de sa partenaire traversé de saccades, de spasmes merveilleux accompagnant son propre déversement en longs jets crémeux.
- Reste encore un peu… S’il te plaît.
- Je ne pourrai pas rester toute la nuit… J’en suis tellement triste…
- François, tu sais, je suis Iona Martin, j’ai vingt-cinq ans, je vis avec Namia Faltis, une collègue de mon travail…
- C’est revenu ? Ta mémoire ?
- Tu m’as guérie ! J’ai eu raison d’insister…
- Je suis heureux pour toi, belle Iona. Tu vas bientôt sortir et retrouver ton amoureuse. Maintenant, va commencer l’enfer, pour moi.
- Non ! Laisse-moi te parler…

Iona raconte, se raconte… Ce que c’est dur, de réaliser qu’on a enfoui sous des strates de faux bonheur, les miasmes d’une enfance volée. Dur de réaliser qu’on a eu ce bref moment magique entre enfance et adolescence, celui où un œil regarde encore le regretté Père Noël et la Belle au bois dormant, l’autre se tournant vers la vraie vie, détruit par la concupiscence d’un oncle… Une mère qui n’a jamais soupçonné ce qu’avait fait son frère. Dur de réaliser que son désintérêt pour les garçons, pour les hommes, ne venait que de ces quelques minutes dévastatrices. Dur de devoir supporter ces rêves, ces cauchemars de toilette où elle lave, le visage baigné de larmes, ses cuisses sanglantes et gluantes…
François la serre dans ses bras ; lui aussi pleure, mais, en même temps, dans sa poitrine, son cœur est gonflé de tendresse. Il y en a largement pour deux. Les mots ? Quels mots ? Que peut-on dire face à l’indicible ? Si, trois… Trois petits mots :
- Je t’aime…
- Moi aussi, François. Je te veux.
- Et Namia ?
- Je l’aime aussi, mais je sais maintenant que ce n’est pas pareil. Elle est comme moi, elle a une vie avec des accidents. C’est ce qui nous a jetées dans les bras l’une de l’autre, mais avant, ni elle ni moi n’avions eue d’attirance pour les femmes ! Je vais faire mon possible pour l’aider à ouvrir ses yeux sur ses émotions. Rechercher avec elle sa véritable quête, en amour. Et puis, elle m’aime, elle m’adore. Si je suis heureuse, je suis convaincue qu’elle prendra sa part de ce bonheur.


Réception de l’hôpital, Namia attend sagement. C’est la fin de semaine, tout se bouscule, il faut attendre le bon de sortie. L’interne l’a signé mais Kevin Rousseau, le psychiatre qui a suivi Iona doit encore donner le feu vert. C’est lui qui vient la voir :
- Madame Faltis ?
- Oui. Alors, docteur, Iona va-t-elle sortir bientôt ?
- Oui ! Soyez rassurée : elle sort ce soir même. Elle va bien, très bien. Elle a recouvré sa mémoire… bien plus qu’elle l’aurait imaginé, figurez-vous. Vous allez la trouver… changée.

Le médecin regarde Namia. Jolie femme ! Un petit air levantin charmant, une taille, hmm, sympathique. Petite poitrine, mais diantre, quelle sensibilité ! Ces deux pointes sous son chemisier en disent long… très long ! Un sourire apparait sur ses lèvres.
- Heuh, docteur… pourriez-vous cesser de me regarder avec ces yeux-là ?
- C’est que… je n’en ai pas d’autres…
- C’est malin !
- Pardonnez-moi : c’est que je vous trouve… charmante ! Dites, Faltis… c’est un patronyme étrange… Et avec votre teint, je me demande… n’auriez-vous pas des ascendances de l’autre côté de la Méditerranée ? Il y a bien des années, j’ai fait un VIE en Égypte, dans une petite boite, à Maadi. J’avais connu une personne qui s’appelait Faltas…
- Bien vu ! J’ai en effet des origines en Égypte… Mon arrière-grand-père a fait la légion étrangère, Il s’appelait Wafik Faltas. Il y a eu une erreur de translittération en passant de l’arabe à l’alphabet latin…
- Ah, on aura mis un ia à la place d’un alif…
- Oh, vous connaissez l’arabe ? C’est incroyable… En fait, c’est plutôt une fatha qui a été remplacée par une qasra, je crois… Les voyelles brèves, vous savez ? Cela arrive souvent parce que les gens ne les écrivent pratiquement jamais. Je suis épatée que vous sachiez écrire l’arabe… moi-même ne l’ai appris que parce que mon grand-père y tenait beaucoup… Vous avez appris là-bas ?
- Un petit peu… Chouaïa… Qaliloun djiddan (un peu... un tout petit peu) si vous préférez…
- Pas mal ! Vous avez un très joli qaf, c’est difficile à prononcer pour les occidentaux… Et vous pratiquez un arabe littéral, très pur… Bravo !
- Merci. Je commence à comprendre ce qui m’attire en vous, vous avez un charme tout oriental !
Namia avait rosi. Qu’elle l’admette ou non, cette salve de compliments, venant d’un homme sensible à sa culture d’origine l’avait quelque peu remuée.
- Allez, ça suffit, docteur…
- Bien, Suivez-moi.
Dans la chambre, Iona se tient debout à côté de François… Tout près de François. Sitôt entrée, Namia ressent, comprend qu’il s’est produit quelque chose. Ne dit rien… Prend Iona dans ses bras, la serre.
- Iona, ma chérie, ce que j’ai eu peur…
- Namia chérie… moi aussi… Tu es là, je suis heureuse.
Baiser rapide. François prend la main d’Iona… ses yeux croisent ceux de Namia qui brillent.
- Namia, je…
- Ne dites-rien, docteur. J’ai tout compris.
Sourire adressé à Iona, puis à François… Pas forcé, le sourire, sincère, même. Mais les yeux ne sourient pas, eux, et s’ils brillent, c’est autant pour saluer l’amour qu’elle devine naissant entre ces deux tourtereaux-là que pour la peine qu’elle ressent au fond d’elle.

Kevin, tousse discrètement derrière Namia, se rapproche insensiblement… Sa main cherche celle de la jeune femme désemparée : c’est maintenant qu’elle risque d’en avoir besoin. Il la prend avec délicatesse, la serre doucement. Namia se retourne, le regarde, étonnée. Ses yeux sont maintenant prêts à déborder… Kevin cherche dans sa tête quels mots dire…
- Ouhibbouki, ya Namia… (je t’aime, Namia…)
- Hal hazha sahih, ya tabib ? (c’est vrai, docteur ?)
- Naahm, aïwa, ouhibbouki ! (oui, oui, je t’aime !)
- Mon Dieu, que m’arrive-t-il aujourd’hui ?
Namia lui tend son autre main.
Fin

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