Peurs et incrédulités
Récit érotique écrit par Ethelrede [→ Accès à sa fiche auteur]
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 29-06-2024 dans la catégorie Entre-nous, les femmes
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Peurs et incrédulités
Je ne pouvais pas, chaque fois que la voyais, ne pas ressentir confusément ce même sentiment de peur. Léger, insidieux pour commencer, il s’amplifiait rapidement pour confiner à la panique. Cela avait commencé le jour où je l’avais reçue en entretien d’embauche. J’en souffrais silencieusement depuis car, n’étant pas spécialement craintive ni peureuse, je ne comprenais pas d’où me venait ce profond mal être.
Iona n’était pourtant pas redoutable, oh, non. Elle n’était pas une tigresse, un gragon, loin s’en faut ! En général, la toute première impression qui se dégageait d’elle était sa fragilité, sa vulnérabilité. Iona avait vingt-cinq ans, était grande, un mètre soixante-quinze sans doute, très menue, d’une incroyable finesse, et je ne jurerais pas que son poids dépassât les quarante-six ou huit kilos. Ses attaches étaient tellement fines que, de mon pouce rejoignant l’index dans le signe "tout va bien" des plongeurs, je pourrais sans aucun doute lui faire un bracelet plus que confortable pour son joli poignet.
Outre sa finesse et sa douceur, il émanait d’elle une sensualité gracieuse toute naturelle. Lire l’heure à sa montre était une chorégraphie saisissante de grâce, un ballet de son bras. Tenez ! Manger une cerise est un acte banal qui n’intéresse personne, hormis peut-être un merle ou un étourneau ! Chez elle, la façon dont elle saisissait le fruit du bout de deux de ses fins doigts, sa manière de le porter à sa bouche, de l’entre-ouvrir à peine suffisamment, sa langue rose venant à sa rencontre pour l’accompagner entre ses dents, de le pousser délicatement d’un doigt entre ses lèvres qu’elle refermait lentement avant le mâcher, oui, tout était d’une sensualité envoûtante.
À ce tableau de grâce et de sensualité, il faut ajouter ce regard…Ses yeux d’un bleu allant du myosotis lors de ses moments d’émotion au ciel d’un soir d’été lorsqu’elle était prise de colère, mais toujours empreint d’une totale innocence. Son visage était ovale, encadré de longs cheveux noirs, elle avait un nez bien droit, court, légèrement relevé ce qui lui donnait un air juvénile, et des lèvres naturellement rouges, s’ornant le plus souvent d’un sourire craquant.
Oui, Iona était une très jolie jeune femme d’une extrême gentillesse, toujours prête à rendre service, solide comme un roc mais qui donnait un peu l’impression qu’on pouvait la casser rien qu’en la regardant ! Pourtant, personne ne l’avait jamais cassée, en tout cas pas depuis deux années qu’elle travaillait dans la même entreprise que moi, où elle était ingénieur en recherche et développement et moi aux ressources humaines, comme vous l’aurez compris. Personne ne lui connaissait de relation, de compagnon ni compagne : elle était d’une discrétion de tombe sur ce sujet. Ses collègues essayaient parfois, sans succès, de la faire parler d’elle : elle souriait simplement, sans répondre, et semblait s’en accommoder.
Alors, dans un tel contexte, je me demandais toujours d’où pouvait me venir cette appréhension, cette crainte infondée que je ressentais toujours avec la même acuité lorsque nous nous rencontrions, lors des petites cérémonies de déport en retraite ou en expatriation, ou plus simplement lorsque nous allions prendre un verre au bar le plus proche des bureaux pour terminer la semaine.
Je m’en étais ouvert à Jo, mon compagnon depuis déjà presque trois ans. Mais ça le faisait rire. Ah, ça, c’était bien des trucs de nanas, de s’appesantir sur de vagues impressions, comme ça, jusqu’à s’en pourrir la vie ! Bon, il faut bien admettre que Jo, lui ne se posait pas ce genre de questions… Il vivait, bien tranquillement, sans grands soucis. Il rentrait le soir, ouvrait le frigo, cherchait de quoi manger un morceau et se branchait sur son ordinateur pour jouer deux ou trois heures.
Il faut préciser que notre relation est devenue du genre alimentaire et organique… Je crois qu’il vient chez moi surtout par habitude, pour se nourrir et satisfaire ses besoins sexuels. Lorsque je rentre, souvent tard, la mine défaite par la fatigue, il a parfois une pulsion de libido : c’est généralement signe qu’il perd, dans ses jeux. Alors, il se livre à un périlleux exercice qui, à ses yeux, doit représenter le summum de la séduction :
- Ce que tu es belle, Namia !
- Tu trouves ?
- Ah oui, je ne sais pas comment tu fais ça, tu deviens chaque jour plus belle que la veille…
Après quoi, l’air satisfait, il me prend par la taille et m’embrasse, me fait des mamours et des papouilles sans réelle sincérité, auxquels je ne crois pas une seconde. Alors, me direz-vous, il n’y a aucune raison que je lui cède… Mais voilà, je ne sais pas pourquoi, dans ces cas-là, le plus souvent, je le laisse faire et ça se termine invariablement par une saillie sans aucune séduction, parfois brutale, toujours rapide. Si j’ai de la chance, il me fait m’allonger sur le dos, assez gentiment. Sourires, baisers sur les lèvres, caresses quinze secondes sur les seins, puis c’est crac-crac. Si j’en ai moins, de chance, il me fait brutalement tomber à plat ventre sur le lit, une bonne claque sur les fesses et passe par la porte de service, comme il dit avec son esprit subtil. Ça fait mal, je n’aime pas du tout ça mais en général, ça va encore vite, alors, je supporte stoïquement : j’y gagne sur la durée ! Si je souris parfois juste après, c’est parce que j’imagine un cow-boy faisant une encoche sur la crosse de son revolver… tandis que moi, couteau en main, j’attends encore de pouvoir y faire ma première entaille…
Car s’il est une chose bien claire : monsieur est très attaché à son propre plaisir mais ne se soucie pas franchement de savoir si j’en ai pris ma part… C’est à peine s’il me prend la main, la serre fort en mode "je t’aime à la folie" et soit s’endort comme un sac, soit retourne aussitôt à ses jeux.
Oui, je vis dans l’antichambre du paradis, j’en ai conscience… Et c’est comme ça depuis toujours, pour moi. De copain bidon en compagnon indélicat… Jamais, encore, je n’ai eu la chance de tomber sur un homme, un vrai, avec toutes les options… Des yeux pour me regarder, un cœur pour y héberger des sentiments, de l’empathie pour me sentir, me faire partager le plaisir qu’il prend. Jamais encore un seul ne m’a réellement fait jouir. Du plaisir, oui, mais prospectif, inabouti. Les seuls vrais orgasmes de ma vie, je me les suis donnés moi-même…
Bien souvent je me remémore ma grand-mère qui disait qu’il vaut mieux être seule que mal accompagnée… C’est vrai : je devrais songer à le virer de chez-moi, un jour… Le jarreter, comme disent mes plus jeunes collègues ! Le grand ménage, quoi, que quand il arrive, un soir, il trouve toutes ses affaires dans des sacs sur le palier… C’est un assez bon projet, il faut que j’y réfléchisse : des sacs poubelles, tiens ! Ce serait assez représentatif de ce que je ressens pour lui !
En attendant, ce n’est pas lui qui m’aide à comprendre l’origine de ce ressenti lorsque je me retrouve auprès d’Iona. Et cela me mine…
Et puis arrive le jour -il y en a toujours un, rien n’est éternel- le fameux jour où tout se bouscule, où tout bascule dans un nouveau monde inconnu. Allez savoir quel diablotin a, dans un coin bien caché, appuyé sur un bouton pour que tout change ainsi ?
C’est un vendredi soir, nous avons quitté le bureau tard, à cause d’une de ces grand-messes organisationnelles comme les hiérarques pompeux de tous les grands groupes industriels les aiment tant, où ils émettent des bruits de bouche dont la signification profonde nous échappe mais dont la philosophie est généralement assez simple à percevoir : on va tous se faire avoir (certains utilisent d’autres mots)… Je travaille aux ressources humaines, je sais de quoi je parle !
Nous nous sommes retrouvés à une quinzaine au "Bar à vins", c’est tout près de la tour où se trouvent nos bureaux et là, nous avons retiré la soupape de la cocotte minute… Un joli lâcher de pression. Iona était là, à deux tables de moi et, chaque fois que je regardais dans sa direction, je voyais aussitôt son regard s’évader, partir vers un autre centre d’intérêt quelconque, ailleurs. Oui mais un quart de seconde plus tôt, c’est bien moi qu’elle fixait… Qu’est-ce qu’elle était jolie, dans son tailleur gris perle…
Mon voisin rigole en faisant de grands gestes, il balaye la table de sa manche et fait tomber mon téléphone par terre. Je me baisse aussitôt pour le ramasser. Sous la table, furieuse ; je ne peux pas me retenir de regarder vers Iona… J’aperçois ses longues jambes gainées de bas anthracite, sa jupe grise légèrement remontée sur les cuisses, avec, tout au fond, un string minimaliste qui luit légèrement dans la pénombre. Je saisis mon téléphone et remonte à la surface, écarlate, fusille mon voisin du regard en le traitant de maladroit : il ne sait plus où se mettre.
- Ah, ça, Henri, c’est pas top de faire ça à ta RH… juste avant la campagne des entretiens annuels… Très maladroit, même !
Gros rires… Moi aussi je ris, mais le rouge ne quitte pas mes joues. Quelques verres plus tard, l’heure de rentrer se faisant sentir pour certains, notre petit groupe s’est effiloché, nous ne sommes plus que trois, Le maladroit Henri, Iona et moi. Le jeune homme se confond en excuses une fois de plus : je le rassure.
- Ça va, il n’y a pas mort d’homme. Mais tout de même, tu devrais faire attention quand tu vois un ou deux verres !
Il se lève et s’en va après une ultime salve d’excuses. Iona me regarde intensément, nous sommes seules elle et moi, me souris timidement :
- Ça te dirait que nous dînions ici, Namia ? La cuisine est bonne et ils ferment à vingt-deux heures : nous ne rentrerons pas trop tard chez nous…
Ma gorge se noue, la panique recommence à m’envahir, je me sens comme incapable de trouver de l’air, de respirer. Une indicible envie de fuir me taraude et malgré tout, je m’entends lui répondre :
- Oui, c’est une super idée, Iona avec plaisir…
Je me suis aussitôt fait la remarque in petto : Il va falloir assumer, maintenant, ma petite…
Bien, il faut tout de même que je me présente ! Je m’appelle Namia, j’ai trente-cinq ans. Certains me trouvent plutôt mignonne et je me suis toujours demandé d’où ils tiraient ça. Moi, je me trouve au mieux quelconque et certains jours, carrément vilaine. Trop gros nez, lèvres trop minces, pommettes trop saillantes, teint trop mat… Il faut dire que mon arrière-grand-père paternel était Égyptien, genre bien coloré. Je suis élancée, oui, avec mon presque un mètre quatre-vingts, et si ma taille est fine (ça j’en suis fière !) Je trouve que j’ai de trop grosses fesses, deux fois trop larges, et qui tombent lamentablement, vous savez, comme ces jambons qu’on voit pendre au plafond des boutiques espagnoles. Il n’y a juste pas la petite coupelle ramasse graisse en dessous ! Quant à ma poitrine, mieux vaut ne pas en parler : ce n’est pas charitable de dire du mal des absents… Je n’ai que des soucis avec… à cause de mes tétons d’une sensibilité exacerbée, qui doublent de volume à la moindre émotion… et déjà, au repos, ils sont volumineux, alors... Obligation de les planquer derrière des coquilles, ce qui fait que je porte des soutiens-gorge alors que j’ai horreur de ça et n’en ai nullement besoin. Bon, ça me confère aussi une sorte de normalité et je sens que sens, on me prendrait pour une allumeuse… Je m’en fais une raison. Toutefois, je dois admettre que je n’ai jamais rencontré de réelles difficultés à me procurer des amants... j’ai toujours pensé qu’ils étaient malvoyants, ou au minimum mal regardants. D’ailleurs, ce n’est jamais moi qu’ils regardent, c’est mon corps…
Et, donc, comme je l’ai déjà expliqué, la présence de cette jolie Iona me plonge toujours dans un abîme d’inquiétude et de peurs irraisonnées… C’est encore le cas ce soir.
Iona est venue s’asseoir à côté de moi : nous n’avons ainsi pas trop besoin de nous regarder face à face. C’est aussi pour pouvoir lire la carte ensemble, choisir nos menus et boissons. Elle pose sa main sur la mienne :
- Oh, Namia, aimes-tu le poisson ? Ils font un filet de sandre au beurre blanc qui est un régal.
- Le nom sonne bien, mais je ne suis pas très poisson d’eau douce. Et j’ai vu des rognons de veau sauce madère, j’en suis friande !
- Alors faisons comme ça, nous pourrons nous faire goûter nos plats mutuellement !
Le sommelier nous recommande un Saint Nicolas de Bourgueil, vin rouge, certes mais qui, comme pas mal de rouges de Loire, accompagnent aussi bien les poissons que les viandes. La commande est lancée, nous attendons !
La main de ma voisine n’a pas quitté la mienne…et j’avoue qu’étrangement, ce contact me rassérène, m’aide à dissiper cette peur insidieuse. Près de moi, un murmure :
- Ça va, Namia, la pression commence à tomber ?
Au prix d’un effort surhumain, je parviens à formuler une phrase et à l’articuler sans bafouiller :
- De quoi parles-tu ?
- De toi, quand je suis proche… Tu sais, cela fait deux ans que je te côtoie, maintenant, et j’ai bien remarqué que dès que tu m’aperçois, ton visage se ferme, tu n’es plus la même femme. Une jolie femme, d’ailleurs. C’est pour cela que j’ai souhaité rester avec toi ce soir. Pour vider cet abcès… pour pouvoir te dire que je nous souhaiterais amies. Je ne sais pas pourquoi, je ressens que tu as peur de moi.
- Iona…
- Chttt J’ai développé une grande estime pour toi, au fil des semaines, des mois depuis que nous nous connaissons. Et je souffre que nous soyons si distantes. Je suis certaine que nous aurions, en tant qu’amies, une très belle complicité, beaucoup de choses en commun, à partager.
- Iona, tu as raison, je ne sais pas pourquoi, je ressens toujours une grande peur en ta présence, j’en souffre également, c’est très dur à vivre.
- Tu sais, je suis certaine que tu n’auras plus cette peur quand tu auras accepté que nous soyons amies.
La main d’Iona avait quitté mon poignet pour se glisser sous la mienne. Je sentis ses doigts rechercher les miens, s’entrecroiser avec eux. Instinctivement, je les serrai, fort, en prenant une profonde respiration : toute cette chape d’inquiétude venait de soudainement s’alléger au contact de ses doigts, devenant presque supportable.
Nous avons mangé avec plaisir, dans la douceur de cette paix qui, graduellement, s’installait en moi, échangeant des morceaux de nos mets, comparant leurs saveurs, tout en dégustant notre vin, parfaitement adapté en effet. Nous ne parlions pas, ou peu. Parfois, souvent même, Iona posait ses couverts et prenait ma main. Parfois, c’est moi qui, plus timidement il est vrai, prenais la sienne.
Le repas achevé, addition réglée par mes soins (j’ai la carte de crédit mon entité, et je n’en ai jamais abusé, alors, pour une fois…) nous sommes sorties marcher un peu sous le clair de lune de La Défense. Il faisait doux, spontanément, nos mains se sont recherchées, trouvées, entrecroisées ; nous avons longuement marché, sans rien dire. Ma peur n’était pas tout à fait partie, partiellement remplacée par celle que ce moment prenne fin. Je repoussai enfin la boule qui obstruait ma gorge :
- Je vis tout près d’ici, Iona. Voudrais-tu venir chez moi prendre une infusion avant de rentrer ? Où habites-tu ?
- Avec joie, Namia ! J’ai un petit studio rue des acacias, tu sais, au métro Argentine, ce n’est pas loin du tout non plus. Je peux même rentrer à pied.
J’aimais beaucoup sa façon de prononcer mon nom, avec un i très long "Namiia" Nous avons un peu forcé le pas pour gagner mon nid. Je n’avais que l’appréhension de l’accueil que Jo allait nous faire et, surtout, de l’état dans lequel il aurait laissé les lieux. Sur la table basse de mon petit salon, un papier déchiré dans une enveloppe. "Coucou Namia, je doit partir faire un job sur Perpignan, j’en ai pour 15 jour. Je m’excuse pour le bordel dans la chambre, j’ai eut l’info trés tard. Oups, le frigo est vide, tanpi, tu fera régime hihihi… A bientôt, je t’aime come un dingue, bisou Jo"
Je froissai le papier et le jetai calmement à la poubelle : Iona avait eu le temps de le lire. Je la regardai, reprenant sa main :
- C’est une erreur de casting, Iona, pas top, pour une RH ! Il ne sait même pas écrire correctement le français… Mais je vais corriger ça très vite, j’ai un plan.
Nous nous sommes assises sur le canapé, tout au bord, d’un petit quart de fesse, silencieuses, laissant nos yeux et nos mains parler pour nous. Qu’allait-il se passer, maintenant ? Ma bouche était sèche, comme au temps de la peur, mais je savais que, cette fois, c’était tout différent. Je nageais en plein centre d’un océan d’inconnu. Moi qui avais toujours été d’une parfaite "orthodoxie" quant à mon orientation sexuelle, comme on dit de nos jours, moi qui n’avais jamais eu d’attirance que pour des mâles, parfois d’éducation et de moralité douteuses, j’étais en train de réaliser que ces picotements que je ressentais ici et là depuis le début du repas, c’étaient, ni plus ni moins, les mêmes signes de désir que me provoquaient ces messieurs, parfois, lorsqu’ils parvenaient à me séduire… J’avais envie d’une femme, d’Iona en l’occurrence. Mais qu’allait-elle faire dans cette galère… l’ombre de Molière passa au dessus de nous en ricanant sournoisement ! Cela ne m’informait en rien sur ce qui allait se passer, sur ce que je devais faire…
À la faveur d’une flexion de mon buste pour ramasser un vêtement abandonné au sol par Jo, je reçus, émanant de sous ma robe, une bouffée de l’odeur entêtante de mon désir : ma jolie voisine pouvait-elle également la sentir ? Je compris que oui à la manière dont elle accentua la pression de ses doigts sur ma main. Regards sans un mot, tout au fond des yeux … la loi de l’attraction universelle, sans doute, nos visages se rapprochent, souffles qui se mêlent, effleurement de lèvres…éclair en plein cœur. Petit recul pour se regarder : ne surtout rien faire, rien dire qui puisse gâter la mémoire de ce tout premier baiser… Nouvel effleurement, appui plus marqué, vrai baiser qui commence à germer sur nos lèvres brûlantes, à y croître, à les envahir.
Iona lâche ma main et saisit mes deux joues, les serrant très tendrement entre ses paumes, ses fins doigts caressant sur mes tempes les petits cheveux si fins qui forment des boucles. Je passe mes deux bras derrière son cou et la serre doucement contre moi. Ce qu’il est beau, notre premier baiser ! Mais beau ! Nous le recommençons. Comment ça, il ne peut pas y avoir deux premiers baisers ? Hé bien si : la preuve. Nous échangeons notre deuxième premier baiser : je lui avais donné l’un, elle me donne l’autre. Ce qu’il est beau, notre premier baiser bis ! Mais beau !
Vous savez, les petits canetons, à peine sortis de l’œuf, sont capables d’aller sur la mare et d’y nager. Ils savent le faire, d’instinct. L’amour, c’est pareil ! Iona et moi n’avons jamais fait cela, nous n’y avons même jamais pensé. Pourtant, c’est avec un naturel qui nous étonne l’une comme l’autre que nous abordons, la mare des canards. Nous nous sommes levées et enlacées, là devant ce canapé, laissons nos mains faire ce que bon leur semblent. Et elles en ont fait !
Nous n’avons décollé nos lèvres que pour ôter ma robe, qui tomba mollement à nos pieds. Un pas de côté, c’est le tailleur d’Iona qui mit sa tache perle au sol, un autre pas, son chemisier… Tel deux petits Poucets, nous avons ainsi semé nos vêtements jusqu’au pied de mon lit, où les bas d’Iona se sont rendus, déposant les armes sans combattre. Et c’est toutes deux en string que nous avons roulé, corps à corps éperdu, sur mon lit. Ce qu’il est beau, notre premier câlin ! Mais beau !
Nous n’avons, qu’une seule idée en tête, elle comme moi : jouir, jouir enfin… Mais pas tout de suite, pas trop vite, en mode Juliette Gréco… Pousser le désir dans ses derniers retranchements, le charger d’une telle tension que l’explosion sensuelle finale soit le souvenir majuscule de notre vie…
Dos de mon index qui caresse un téton de la belle : elle frémit et sa jolie petite fraise se dresse, encore plus fière. Souffle d’une narine sur le mien, aussitôt pincé entre deux lèvres gourmandes : le voilà qui s’enfle, bondit en avant, pénètre cette jolie bouche, va à la rencontre de sa langue. Anneau labial resserré autour de la mûre gourmande avec une délicieuse succion, tandis qu’une main secourable vient calmer la jalousie de son jumeau qui roule entre des doigts aimants. Râle de bonheur. Iona se redresse sur ses genoux, me regarde des deux braises qui lui servent d’yeux, en caressant ses seins d’une main, son pubis de l’autre, la langue humectant ses lèvres.
- Namia, tu me fascines, tu… tu… J’ai envie de toi.
Elle reprend mes petits seins entre ses lèvres, descend ses baisers sur mon sternum, mon ventre, joue quelques instants avec mon nombril en léchant le petit brillant fiché en lui, vient perdre sa langue dans le dédale de la douce toison terminant la plaine, juste au bord de la profonde vallée de mes cuisses, mon canyon intime. Les yeux dans les yeux, elle a fait passer ses genoux entre mes jambes, assise sur ses talons. Elle refait tout ce chemin, de ma poitrine au mont de Vénus bouillant d’impatience. Ses deux jolies mains, aux doigts si agiles, si fins, si doux, viennent caresser ma toison, la peigner. Caresses sur le plus sensible de mes cuisses, en remontant vers la source de cet embaument de mon désir. Deux pouces qui écartent mes grandes puis petites lèvres… deux index qui suivent le sillon, de part et d’autre… Jamais elle ne va y venir, si ?
Si ! Deux lèvres douces sont là, enfin… J’attendais ses doigts… dans mon idée… Mais là… quelle merveille de douceur, léger souffle et lèvres qui effleurent. Supplice encore ! Et arrive la pitié : un petit bout de langue entre enfin dans la danse, descend tout en bas avant de remonter le sillon jusqu’à la confluence, tout en haut, là où se cache une petite perle savamment emmaillotée… La langue n’a hésité qu’un bref instant, elle lape maintenant l’expression de mon envie, de mon désir envahissant, coulant en un suave torrent jusqu’à mon autre entrée. Elle descend encore et déguste ici aussi mon nectar avant de remonter… Petit cri, mes cuisses se tétanisent, mon ventre en fait de même, je suis posée comme une arche sur le lit ne tenant que par mes talons et mes épaules. Je m’effondre enfin, Iona étendue sur moi chuchotant un mot unique : Amour.
Elle est toute petite, recroquevillée, les genoux serrés entre ses bras, contre ses seins magnifiques… Elle me regarde avec dans les yeux la même peur que je ressentais, un peu plus tôt… Elle est belle… Si belle ! Mais l’eau monte à ses jolis yeux ; elle pleure doucement. Je m’allonge derrière son dos, seule partie de son corps accessible, contact qu’elle semble pourtant vouloir éviter. Incrédulité, questions qui se bousculent dans ma tête… Baisers tendres sur ses cheveux, dans son cou, sur ses épaules, caresses, sur ses bras, ses genoux, paroles douces et aimantes…
- Là, là, Iona chérie, tout va bien…
Elle a un petit sursaut, à mon "Iona chérie". Là serait donc le point douloureux ? Étonnement, incrédulité encore. Je redouble de tendresse.
- Qu’ai-je fait, Namia ? Quelle folie m’a saisie ? Je t’ai… je t’ai…
Sanglots redoublés, elle ne parvient pas à formuler qu’elle vient de faire jouir majestueusement, m’offrant le véritable premier orgasme, intense, magnifique, de toute ma vie.
- N’as-tu pas aimé ?
- Oh ! Si, j’ai adoré… C’est bien ce qui m’effraie.
- En quoi cela est-il effrayant ? Tu m’as donné un immense plaisir, comme jamais de toute ma vie je n’en avais ressenti… Tu es l’amour personnifié…
- Mais… Tu es une fille, Namia… Et moi aussi.
- J’avais remarqué ça, tu sais… Tu ne m’apprends rien !
- Tu te moques…
- Non, jamais, ma belle, jamais je ne moquerai de toi ! Tu te souviens de mes peurs ? Je suis sûre maintenant que c’était ça, leur origine. Toi, tu viens de murmurer le mot amour tout autour de mon visage… C’est lui qui te bloque en puisant dans ta structure mentale pour le refuser. C’est éducationnel, ma belle Iona, ce n’est pas ta personne qui bloque, c’est la société qui t’a faite ainsi. Rejette tout ce carcan judéo-chrétien, accorde-toi le droit de vivre ta vie, de jouir comme tu l’entends, de donner ton amour à la personne que tu en juges digne. Ne te laisse pas guider par la désapprobation de telle ou tel cul pincé. Tu n’as pas de vie B, ma belle Iona, tu n’en a qu’une, charge à toi de la réussir, de la vivre pleinement.
Entre mes bras, la boule de peurs et de muscles tétanisés se détend légèrement. Les genoux se détachent de la poitrine. Un vague murmure me parvient.
- Mais, Namia, nous ne pouvons pas… C’est mal… Nous devrons toujours nous cacher… c’est…
- Ah non ! Ça, jamais !
J’ai bondi, quitté la tendre position de consolation que j’avais adoptée, me lovant le long de son dos, pour la réchauffer, la couvrir de caresses. À genoux près d’elle, j’explose :
- Jamais ! Tu m’entends ? Dès le moment où je dis que je t’aime, alors c’est au grand jour. Il n’est pas question de se cacher, de baisser le front, de passer sous les fourches caudines de la bienpensance moyenâgeuse sévissant encore de nos jours. Je veux être fière de tout ce que je fais ! Tu m’entends ? Fière de tout, à commencer par toi.
- Et... c’est à quel moment, que tu dis que tu m’aimes ?
- C’est là, maintenant tout de suite et dans chaque seconde qu’il me reste à vivre, Iona d’amour : je t’aime et j’en suis fière !
Iona se redresse doucement, assise avec ses jambes repliées avec grâce à côté de ses fesses, comme la petite sirène de Copenhague… elle se blottit dans mes bras, m’enlace, tête contre ma poitrine, comme si elle écoutait mon cœur pour s’assurer que je lui ai bien dit la vérité. Elle se détend. Je m’allonge, la faisant venir avec moi, à mon côté, sa tête sur mon épaule gauche, tout près du cœur. Ma jambe droite vient sur la sienne, s’introduit, soulève son genou gauche. Les jambes légèrement écartées laissent enfin fuser la fragrance de son désir qui monte jusqu’à nos narines et nous enivre encore davantage. De ma main libre, je caresse doucement ses cheveux, son visage. Ses seins sont la douceur même, je ne peux me retenir de les caresser suavement, agaçant parfois un téton de mon ongle, faisant venir une peau toute piquée de petites aspérités rugueuses sur ses aréoles rétrécies. Chaque fois, elle pousse un petit gémissement qui m’encourage. J’arrive sur son entrecuisse, Ma belle bascule sur son dos, ôte son joli petit string qui avait vaillamment résisté jusque là, se veut totalement offerte. Sur la jolie proéminence du bas de son ventre, la toison, de la même couleur que ses cheveux de jais, est délicatement taillée en forme de cœur dont la pointe vient judicieusement indiquer l’endroit de tous les plaisirs.
Mon coude gauche pointé dans le matelas, je soutiens ma tête pour regarder la fille de tous mes désirs. Je ne quitte la pose que pour descendre lui donner de voluptueux baisers. Ma main s’est emparée de sa fleur d’amour, en lisse délicatement les pétales, les faisant frémir, comme l’orchidée sous le poids d’une abeille. Un doigt vient flatter le pistil puis se joint à un second pour s’en aller à la quête du nectar… Et quel nectar ! Abondant, suave, à la fois salé, alliacé avec une pointe de miel, je sens l’addiction s’installer en moi de ce bouquet qu’il me tarde de déguster à la source. Mes deux doigts entrent et ressortent en une cadence qui va crescendo, alignée sur la respiration de la belle jouisseuse. Mes lèvres se soudent aux siennes au moment où la grande crispation la gagne, où le désir cède la place au plaisir, où elle visite la voie lactée du bonheur physique.
J’ai mis à profit les spasmes qui la traversent pour changer de position et suis venue m’agenouiller à côté d’elle, lui tournant le dos. Je peux ainsi, en me penchant, incruster ma tête entre les deux ravissants fuseaux de ses cuisses, humer son plaisir et le savourer d’une langue impatiente. Jusqu’à cet instant magique, je m’étais toujours refusée à goûter mon propre plaisir, trouvant cela sale, dégoûtant, vicieux, même… Je découvre que c’est sans aucune hésitation et même avec une avidité inattendue que mes lèvres se jettent sur la précieuse liqueur. Deux mains agrippent ma large croupe, ma jambe gauche, la font passer de l’autre côté de son corps et nous voilà en train de nous rendre la politesse…
Je sens sa tête trembler : je bascule doucement sur le côté, lui offrant ma cuisse en guise d’oreiller pour y poser sa tête. Elle approuve et à son tour tend une cuisse en avant pour reposer la mienne. Nous restons ainsi de longues minutes à nous donner du plaisir par salves très denses, parfois trois orgasmes enchainés… Ce qu’il est beau, notre premier soixante-neuf ! Mais beau !
Quatre heures du matin… Il est un peu tard pour que ma Iona chérie rentre chez elle. Et en plus, c’est le weekend, il n’y a pas école ! Nous endormons enlacées, nues, repues d’amour et de jouissance.
Sept heures, mon horloge interne a mis fin à mon sommeil, la lumière du jour filtre faiblement à travers les persiennes. Près de moi, je vois la magnifique poitrine de ma belle, son corps tout entier, si désirable ; mon cœur se gonfle à la limite de l’explosion. Elle respire calmement. Ce qu’elle est belle, ma chérie ! Mais belle !…
Je me lève sans à-coup, ramasse une culotte dans la pénombre, l’enfile : zut c’est la sienne… Tant pis, ça fera l’affaire. Je repasse ma robe d’hier, trouvée à tâtons, pas trop sûre de n’avoir pas boutonné lundi avec mardi : je passe une veste pour cacher la misère. Dans la corbeille du bureau, je découvre l’autre moitié de l’enveloppe utilisée par cet imbécile de Jo pour son message… je gribouille à la hâte : "Je reviens tout de suite, mon amour"… Je dessine deux croissants dessous et ajoute "Je t’aime, et j’en suis fière ! " Je pose mon message sur l’oreiller à côté de son merveilleux visage qui, décidément, ne m’inspire plus aucune peur, puis je sors.
Iona n’était pourtant pas redoutable, oh, non. Elle n’était pas une tigresse, un gragon, loin s’en faut ! En général, la toute première impression qui se dégageait d’elle était sa fragilité, sa vulnérabilité. Iona avait vingt-cinq ans, était grande, un mètre soixante-quinze sans doute, très menue, d’une incroyable finesse, et je ne jurerais pas que son poids dépassât les quarante-six ou huit kilos. Ses attaches étaient tellement fines que, de mon pouce rejoignant l’index dans le signe "tout va bien" des plongeurs, je pourrais sans aucun doute lui faire un bracelet plus que confortable pour son joli poignet.
Outre sa finesse et sa douceur, il émanait d’elle une sensualité gracieuse toute naturelle. Lire l’heure à sa montre était une chorégraphie saisissante de grâce, un ballet de son bras. Tenez ! Manger une cerise est un acte banal qui n’intéresse personne, hormis peut-être un merle ou un étourneau ! Chez elle, la façon dont elle saisissait le fruit du bout de deux de ses fins doigts, sa manière de le porter à sa bouche, de l’entre-ouvrir à peine suffisamment, sa langue rose venant à sa rencontre pour l’accompagner entre ses dents, de le pousser délicatement d’un doigt entre ses lèvres qu’elle refermait lentement avant le mâcher, oui, tout était d’une sensualité envoûtante.
À ce tableau de grâce et de sensualité, il faut ajouter ce regard…Ses yeux d’un bleu allant du myosotis lors de ses moments d’émotion au ciel d’un soir d’été lorsqu’elle était prise de colère, mais toujours empreint d’une totale innocence. Son visage était ovale, encadré de longs cheveux noirs, elle avait un nez bien droit, court, légèrement relevé ce qui lui donnait un air juvénile, et des lèvres naturellement rouges, s’ornant le plus souvent d’un sourire craquant.
Oui, Iona était une très jolie jeune femme d’une extrême gentillesse, toujours prête à rendre service, solide comme un roc mais qui donnait un peu l’impression qu’on pouvait la casser rien qu’en la regardant ! Pourtant, personne ne l’avait jamais cassée, en tout cas pas depuis deux années qu’elle travaillait dans la même entreprise que moi, où elle était ingénieur en recherche et développement et moi aux ressources humaines, comme vous l’aurez compris. Personne ne lui connaissait de relation, de compagnon ni compagne : elle était d’une discrétion de tombe sur ce sujet. Ses collègues essayaient parfois, sans succès, de la faire parler d’elle : elle souriait simplement, sans répondre, et semblait s’en accommoder.
Alors, dans un tel contexte, je me demandais toujours d’où pouvait me venir cette appréhension, cette crainte infondée que je ressentais toujours avec la même acuité lorsque nous nous rencontrions, lors des petites cérémonies de déport en retraite ou en expatriation, ou plus simplement lorsque nous allions prendre un verre au bar le plus proche des bureaux pour terminer la semaine.
Je m’en étais ouvert à Jo, mon compagnon depuis déjà presque trois ans. Mais ça le faisait rire. Ah, ça, c’était bien des trucs de nanas, de s’appesantir sur de vagues impressions, comme ça, jusqu’à s’en pourrir la vie ! Bon, il faut bien admettre que Jo, lui ne se posait pas ce genre de questions… Il vivait, bien tranquillement, sans grands soucis. Il rentrait le soir, ouvrait le frigo, cherchait de quoi manger un morceau et se branchait sur son ordinateur pour jouer deux ou trois heures.
Il faut préciser que notre relation est devenue du genre alimentaire et organique… Je crois qu’il vient chez moi surtout par habitude, pour se nourrir et satisfaire ses besoins sexuels. Lorsque je rentre, souvent tard, la mine défaite par la fatigue, il a parfois une pulsion de libido : c’est généralement signe qu’il perd, dans ses jeux. Alors, il se livre à un périlleux exercice qui, à ses yeux, doit représenter le summum de la séduction :
- Ce que tu es belle, Namia !
- Tu trouves ?
- Ah oui, je ne sais pas comment tu fais ça, tu deviens chaque jour plus belle que la veille…
Après quoi, l’air satisfait, il me prend par la taille et m’embrasse, me fait des mamours et des papouilles sans réelle sincérité, auxquels je ne crois pas une seconde. Alors, me direz-vous, il n’y a aucune raison que je lui cède… Mais voilà, je ne sais pas pourquoi, dans ces cas-là, le plus souvent, je le laisse faire et ça se termine invariablement par une saillie sans aucune séduction, parfois brutale, toujours rapide. Si j’ai de la chance, il me fait m’allonger sur le dos, assez gentiment. Sourires, baisers sur les lèvres, caresses quinze secondes sur les seins, puis c’est crac-crac. Si j’en ai moins, de chance, il me fait brutalement tomber à plat ventre sur le lit, une bonne claque sur les fesses et passe par la porte de service, comme il dit avec son esprit subtil. Ça fait mal, je n’aime pas du tout ça mais en général, ça va encore vite, alors, je supporte stoïquement : j’y gagne sur la durée ! Si je souris parfois juste après, c’est parce que j’imagine un cow-boy faisant une encoche sur la crosse de son revolver… tandis que moi, couteau en main, j’attends encore de pouvoir y faire ma première entaille…
Car s’il est une chose bien claire : monsieur est très attaché à son propre plaisir mais ne se soucie pas franchement de savoir si j’en ai pris ma part… C’est à peine s’il me prend la main, la serre fort en mode "je t’aime à la folie" et soit s’endort comme un sac, soit retourne aussitôt à ses jeux.
Oui, je vis dans l’antichambre du paradis, j’en ai conscience… Et c’est comme ça depuis toujours, pour moi. De copain bidon en compagnon indélicat… Jamais, encore, je n’ai eu la chance de tomber sur un homme, un vrai, avec toutes les options… Des yeux pour me regarder, un cœur pour y héberger des sentiments, de l’empathie pour me sentir, me faire partager le plaisir qu’il prend. Jamais encore un seul ne m’a réellement fait jouir. Du plaisir, oui, mais prospectif, inabouti. Les seuls vrais orgasmes de ma vie, je me les suis donnés moi-même…
Bien souvent je me remémore ma grand-mère qui disait qu’il vaut mieux être seule que mal accompagnée… C’est vrai : je devrais songer à le virer de chez-moi, un jour… Le jarreter, comme disent mes plus jeunes collègues ! Le grand ménage, quoi, que quand il arrive, un soir, il trouve toutes ses affaires dans des sacs sur le palier… C’est un assez bon projet, il faut que j’y réfléchisse : des sacs poubelles, tiens ! Ce serait assez représentatif de ce que je ressens pour lui !
En attendant, ce n’est pas lui qui m’aide à comprendre l’origine de ce ressenti lorsque je me retrouve auprès d’Iona. Et cela me mine…
Et puis arrive le jour -il y en a toujours un, rien n’est éternel- le fameux jour où tout se bouscule, où tout bascule dans un nouveau monde inconnu. Allez savoir quel diablotin a, dans un coin bien caché, appuyé sur un bouton pour que tout change ainsi ?
C’est un vendredi soir, nous avons quitté le bureau tard, à cause d’une de ces grand-messes organisationnelles comme les hiérarques pompeux de tous les grands groupes industriels les aiment tant, où ils émettent des bruits de bouche dont la signification profonde nous échappe mais dont la philosophie est généralement assez simple à percevoir : on va tous se faire avoir (certains utilisent d’autres mots)… Je travaille aux ressources humaines, je sais de quoi je parle !
Nous nous sommes retrouvés à une quinzaine au "Bar à vins", c’est tout près de la tour où se trouvent nos bureaux et là, nous avons retiré la soupape de la cocotte minute… Un joli lâcher de pression. Iona était là, à deux tables de moi et, chaque fois que je regardais dans sa direction, je voyais aussitôt son regard s’évader, partir vers un autre centre d’intérêt quelconque, ailleurs. Oui mais un quart de seconde plus tôt, c’est bien moi qu’elle fixait… Qu’est-ce qu’elle était jolie, dans son tailleur gris perle…
Mon voisin rigole en faisant de grands gestes, il balaye la table de sa manche et fait tomber mon téléphone par terre. Je me baisse aussitôt pour le ramasser. Sous la table, furieuse ; je ne peux pas me retenir de regarder vers Iona… J’aperçois ses longues jambes gainées de bas anthracite, sa jupe grise légèrement remontée sur les cuisses, avec, tout au fond, un string minimaliste qui luit légèrement dans la pénombre. Je saisis mon téléphone et remonte à la surface, écarlate, fusille mon voisin du regard en le traitant de maladroit : il ne sait plus où se mettre.
- Ah, ça, Henri, c’est pas top de faire ça à ta RH… juste avant la campagne des entretiens annuels… Très maladroit, même !
Gros rires… Moi aussi je ris, mais le rouge ne quitte pas mes joues. Quelques verres plus tard, l’heure de rentrer se faisant sentir pour certains, notre petit groupe s’est effiloché, nous ne sommes plus que trois, Le maladroit Henri, Iona et moi. Le jeune homme se confond en excuses une fois de plus : je le rassure.
- Ça va, il n’y a pas mort d’homme. Mais tout de même, tu devrais faire attention quand tu vois un ou deux verres !
Il se lève et s’en va après une ultime salve d’excuses. Iona me regarde intensément, nous sommes seules elle et moi, me souris timidement :
- Ça te dirait que nous dînions ici, Namia ? La cuisine est bonne et ils ferment à vingt-deux heures : nous ne rentrerons pas trop tard chez nous…
Ma gorge se noue, la panique recommence à m’envahir, je me sens comme incapable de trouver de l’air, de respirer. Une indicible envie de fuir me taraude et malgré tout, je m’entends lui répondre :
- Oui, c’est une super idée, Iona avec plaisir…
Je me suis aussitôt fait la remarque in petto : Il va falloir assumer, maintenant, ma petite…
Bien, il faut tout de même que je me présente ! Je m’appelle Namia, j’ai trente-cinq ans. Certains me trouvent plutôt mignonne et je me suis toujours demandé d’où ils tiraient ça. Moi, je me trouve au mieux quelconque et certains jours, carrément vilaine. Trop gros nez, lèvres trop minces, pommettes trop saillantes, teint trop mat… Il faut dire que mon arrière-grand-père paternel était Égyptien, genre bien coloré. Je suis élancée, oui, avec mon presque un mètre quatre-vingts, et si ma taille est fine (ça j’en suis fière !) Je trouve que j’ai de trop grosses fesses, deux fois trop larges, et qui tombent lamentablement, vous savez, comme ces jambons qu’on voit pendre au plafond des boutiques espagnoles. Il n’y a juste pas la petite coupelle ramasse graisse en dessous ! Quant à ma poitrine, mieux vaut ne pas en parler : ce n’est pas charitable de dire du mal des absents… Je n’ai que des soucis avec… à cause de mes tétons d’une sensibilité exacerbée, qui doublent de volume à la moindre émotion… et déjà, au repos, ils sont volumineux, alors... Obligation de les planquer derrière des coquilles, ce qui fait que je porte des soutiens-gorge alors que j’ai horreur de ça et n’en ai nullement besoin. Bon, ça me confère aussi une sorte de normalité et je sens que sens, on me prendrait pour une allumeuse… Je m’en fais une raison. Toutefois, je dois admettre que je n’ai jamais rencontré de réelles difficultés à me procurer des amants... j’ai toujours pensé qu’ils étaient malvoyants, ou au minimum mal regardants. D’ailleurs, ce n’est jamais moi qu’ils regardent, c’est mon corps…
Et, donc, comme je l’ai déjà expliqué, la présence de cette jolie Iona me plonge toujours dans un abîme d’inquiétude et de peurs irraisonnées… C’est encore le cas ce soir.
Iona est venue s’asseoir à côté de moi : nous n’avons ainsi pas trop besoin de nous regarder face à face. C’est aussi pour pouvoir lire la carte ensemble, choisir nos menus et boissons. Elle pose sa main sur la mienne :
- Oh, Namia, aimes-tu le poisson ? Ils font un filet de sandre au beurre blanc qui est un régal.
- Le nom sonne bien, mais je ne suis pas très poisson d’eau douce. Et j’ai vu des rognons de veau sauce madère, j’en suis friande !
- Alors faisons comme ça, nous pourrons nous faire goûter nos plats mutuellement !
Le sommelier nous recommande un Saint Nicolas de Bourgueil, vin rouge, certes mais qui, comme pas mal de rouges de Loire, accompagnent aussi bien les poissons que les viandes. La commande est lancée, nous attendons !
La main de ma voisine n’a pas quitté la mienne…et j’avoue qu’étrangement, ce contact me rassérène, m’aide à dissiper cette peur insidieuse. Près de moi, un murmure :
- Ça va, Namia, la pression commence à tomber ?
Au prix d’un effort surhumain, je parviens à formuler une phrase et à l’articuler sans bafouiller :
- De quoi parles-tu ?
- De toi, quand je suis proche… Tu sais, cela fait deux ans que je te côtoie, maintenant, et j’ai bien remarqué que dès que tu m’aperçois, ton visage se ferme, tu n’es plus la même femme. Une jolie femme, d’ailleurs. C’est pour cela que j’ai souhaité rester avec toi ce soir. Pour vider cet abcès… pour pouvoir te dire que je nous souhaiterais amies. Je ne sais pas pourquoi, je ressens que tu as peur de moi.
- Iona…
- Chttt J’ai développé une grande estime pour toi, au fil des semaines, des mois depuis que nous nous connaissons. Et je souffre que nous soyons si distantes. Je suis certaine que nous aurions, en tant qu’amies, une très belle complicité, beaucoup de choses en commun, à partager.
- Iona, tu as raison, je ne sais pas pourquoi, je ressens toujours une grande peur en ta présence, j’en souffre également, c’est très dur à vivre.
- Tu sais, je suis certaine que tu n’auras plus cette peur quand tu auras accepté que nous soyons amies.
La main d’Iona avait quitté mon poignet pour se glisser sous la mienne. Je sentis ses doigts rechercher les miens, s’entrecroiser avec eux. Instinctivement, je les serrai, fort, en prenant une profonde respiration : toute cette chape d’inquiétude venait de soudainement s’alléger au contact de ses doigts, devenant presque supportable.
Nous avons mangé avec plaisir, dans la douceur de cette paix qui, graduellement, s’installait en moi, échangeant des morceaux de nos mets, comparant leurs saveurs, tout en dégustant notre vin, parfaitement adapté en effet. Nous ne parlions pas, ou peu. Parfois, souvent même, Iona posait ses couverts et prenait ma main. Parfois, c’est moi qui, plus timidement il est vrai, prenais la sienne.
Le repas achevé, addition réglée par mes soins (j’ai la carte de crédit mon entité, et je n’en ai jamais abusé, alors, pour une fois…) nous sommes sorties marcher un peu sous le clair de lune de La Défense. Il faisait doux, spontanément, nos mains se sont recherchées, trouvées, entrecroisées ; nous avons longuement marché, sans rien dire. Ma peur n’était pas tout à fait partie, partiellement remplacée par celle que ce moment prenne fin. Je repoussai enfin la boule qui obstruait ma gorge :
- Je vis tout près d’ici, Iona. Voudrais-tu venir chez moi prendre une infusion avant de rentrer ? Où habites-tu ?
- Avec joie, Namia ! J’ai un petit studio rue des acacias, tu sais, au métro Argentine, ce n’est pas loin du tout non plus. Je peux même rentrer à pied.
J’aimais beaucoup sa façon de prononcer mon nom, avec un i très long "Namiia" Nous avons un peu forcé le pas pour gagner mon nid. Je n’avais que l’appréhension de l’accueil que Jo allait nous faire et, surtout, de l’état dans lequel il aurait laissé les lieux. Sur la table basse de mon petit salon, un papier déchiré dans une enveloppe. "Coucou Namia, je doit partir faire un job sur Perpignan, j’en ai pour 15 jour. Je m’excuse pour le bordel dans la chambre, j’ai eut l’info trés tard. Oups, le frigo est vide, tanpi, tu fera régime hihihi… A bientôt, je t’aime come un dingue, bisou Jo"
Je froissai le papier et le jetai calmement à la poubelle : Iona avait eu le temps de le lire. Je la regardai, reprenant sa main :
- C’est une erreur de casting, Iona, pas top, pour une RH ! Il ne sait même pas écrire correctement le français… Mais je vais corriger ça très vite, j’ai un plan.
Nous nous sommes assises sur le canapé, tout au bord, d’un petit quart de fesse, silencieuses, laissant nos yeux et nos mains parler pour nous. Qu’allait-il se passer, maintenant ? Ma bouche était sèche, comme au temps de la peur, mais je savais que, cette fois, c’était tout différent. Je nageais en plein centre d’un océan d’inconnu. Moi qui avais toujours été d’une parfaite "orthodoxie" quant à mon orientation sexuelle, comme on dit de nos jours, moi qui n’avais jamais eu d’attirance que pour des mâles, parfois d’éducation et de moralité douteuses, j’étais en train de réaliser que ces picotements que je ressentais ici et là depuis le début du repas, c’étaient, ni plus ni moins, les mêmes signes de désir que me provoquaient ces messieurs, parfois, lorsqu’ils parvenaient à me séduire… J’avais envie d’une femme, d’Iona en l’occurrence. Mais qu’allait-elle faire dans cette galère… l’ombre de Molière passa au dessus de nous en ricanant sournoisement ! Cela ne m’informait en rien sur ce qui allait se passer, sur ce que je devais faire…
À la faveur d’une flexion de mon buste pour ramasser un vêtement abandonné au sol par Jo, je reçus, émanant de sous ma robe, une bouffée de l’odeur entêtante de mon désir : ma jolie voisine pouvait-elle également la sentir ? Je compris que oui à la manière dont elle accentua la pression de ses doigts sur ma main. Regards sans un mot, tout au fond des yeux … la loi de l’attraction universelle, sans doute, nos visages se rapprochent, souffles qui se mêlent, effleurement de lèvres…éclair en plein cœur. Petit recul pour se regarder : ne surtout rien faire, rien dire qui puisse gâter la mémoire de ce tout premier baiser… Nouvel effleurement, appui plus marqué, vrai baiser qui commence à germer sur nos lèvres brûlantes, à y croître, à les envahir.
Iona lâche ma main et saisit mes deux joues, les serrant très tendrement entre ses paumes, ses fins doigts caressant sur mes tempes les petits cheveux si fins qui forment des boucles. Je passe mes deux bras derrière son cou et la serre doucement contre moi. Ce qu’il est beau, notre premier baiser ! Mais beau ! Nous le recommençons. Comment ça, il ne peut pas y avoir deux premiers baisers ? Hé bien si : la preuve. Nous échangeons notre deuxième premier baiser : je lui avais donné l’un, elle me donne l’autre. Ce qu’il est beau, notre premier baiser bis ! Mais beau !
Vous savez, les petits canetons, à peine sortis de l’œuf, sont capables d’aller sur la mare et d’y nager. Ils savent le faire, d’instinct. L’amour, c’est pareil ! Iona et moi n’avons jamais fait cela, nous n’y avons même jamais pensé. Pourtant, c’est avec un naturel qui nous étonne l’une comme l’autre que nous abordons, la mare des canards. Nous nous sommes levées et enlacées, là devant ce canapé, laissons nos mains faire ce que bon leur semblent. Et elles en ont fait !
Nous n’avons décollé nos lèvres que pour ôter ma robe, qui tomba mollement à nos pieds. Un pas de côté, c’est le tailleur d’Iona qui mit sa tache perle au sol, un autre pas, son chemisier… Tel deux petits Poucets, nous avons ainsi semé nos vêtements jusqu’au pied de mon lit, où les bas d’Iona se sont rendus, déposant les armes sans combattre. Et c’est toutes deux en string que nous avons roulé, corps à corps éperdu, sur mon lit. Ce qu’il est beau, notre premier câlin ! Mais beau !
Nous n’avons, qu’une seule idée en tête, elle comme moi : jouir, jouir enfin… Mais pas tout de suite, pas trop vite, en mode Juliette Gréco… Pousser le désir dans ses derniers retranchements, le charger d’une telle tension que l’explosion sensuelle finale soit le souvenir majuscule de notre vie…
Dos de mon index qui caresse un téton de la belle : elle frémit et sa jolie petite fraise se dresse, encore plus fière. Souffle d’une narine sur le mien, aussitôt pincé entre deux lèvres gourmandes : le voilà qui s’enfle, bondit en avant, pénètre cette jolie bouche, va à la rencontre de sa langue. Anneau labial resserré autour de la mûre gourmande avec une délicieuse succion, tandis qu’une main secourable vient calmer la jalousie de son jumeau qui roule entre des doigts aimants. Râle de bonheur. Iona se redresse sur ses genoux, me regarde des deux braises qui lui servent d’yeux, en caressant ses seins d’une main, son pubis de l’autre, la langue humectant ses lèvres.
- Namia, tu me fascines, tu… tu… J’ai envie de toi.
Elle reprend mes petits seins entre ses lèvres, descend ses baisers sur mon sternum, mon ventre, joue quelques instants avec mon nombril en léchant le petit brillant fiché en lui, vient perdre sa langue dans le dédale de la douce toison terminant la plaine, juste au bord de la profonde vallée de mes cuisses, mon canyon intime. Les yeux dans les yeux, elle a fait passer ses genoux entre mes jambes, assise sur ses talons. Elle refait tout ce chemin, de ma poitrine au mont de Vénus bouillant d’impatience. Ses deux jolies mains, aux doigts si agiles, si fins, si doux, viennent caresser ma toison, la peigner. Caresses sur le plus sensible de mes cuisses, en remontant vers la source de cet embaument de mon désir. Deux pouces qui écartent mes grandes puis petites lèvres… deux index qui suivent le sillon, de part et d’autre… Jamais elle ne va y venir, si ?
Si ! Deux lèvres douces sont là, enfin… J’attendais ses doigts… dans mon idée… Mais là… quelle merveille de douceur, léger souffle et lèvres qui effleurent. Supplice encore ! Et arrive la pitié : un petit bout de langue entre enfin dans la danse, descend tout en bas avant de remonter le sillon jusqu’à la confluence, tout en haut, là où se cache une petite perle savamment emmaillotée… La langue n’a hésité qu’un bref instant, elle lape maintenant l’expression de mon envie, de mon désir envahissant, coulant en un suave torrent jusqu’à mon autre entrée. Elle descend encore et déguste ici aussi mon nectar avant de remonter… Petit cri, mes cuisses se tétanisent, mon ventre en fait de même, je suis posée comme une arche sur le lit ne tenant que par mes talons et mes épaules. Je m’effondre enfin, Iona étendue sur moi chuchotant un mot unique : Amour.
Elle est toute petite, recroquevillée, les genoux serrés entre ses bras, contre ses seins magnifiques… Elle me regarde avec dans les yeux la même peur que je ressentais, un peu plus tôt… Elle est belle… Si belle ! Mais l’eau monte à ses jolis yeux ; elle pleure doucement. Je m’allonge derrière son dos, seule partie de son corps accessible, contact qu’elle semble pourtant vouloir éviter. Incrédulité, questions qui se bousculent dans ma tête… Baisers tendres sur ses cheveux, dans son cou, sur ses épaules, caresses, sur ses bras, ses genoux, paroles douces et aimantes…
- Là, là, Iona chérie, tout va bien…
Elle a un petit sursaut, à mon "Iona chérie". Là serait donc le point douloureux ? Étonnement, incrédulité encore. Je redouble de tendresse.
- Qu’ai-je fait, Namia ? Quelle folie m’a saisie ? Je t’ai… je t’ai…
Sanglots redoublés, elle ne parvient pas à formuler qu’elle vient de faire jouir majestueusement, m’offrant le véritable premier orgasme, intense, magnifique, de toute ma vie.
- N’as-tu pas aimé ?
- Oh ! Si, j’ai adoré… C’est bien ce qui m’effraie.
- En quoi cela est-il effrayant ? Tu m’as donné un immense plaisir, comme jamais de toute ma vie je n’en avais ressenti… Tu es l’amour personnifié…
- Mais… Tu es une fille, Namia… Et moi aussi.
- J’avais remarqué ça, tu sais… Tu ne m’apprends rien !
- Tu te moques…
- Non, jamais, ma belle, jamais je ne moquerai de toi ! Tu te souviens de mes peurs ? Je suis sûre maintenant que c’était ça, leur origine. Toi, tu viens de murmurer le mot amour tout autour de mon visage… C’est lui qui te bloque en puisant dans ta structure mentale pour le refuser. C’est éducationnel, ma belle Iona, ce n’est pas ta personne qui bloque, c’est la société qui t’a faite ainsi. Rejette tout ce carcan judéo-chrétien, accorde-toi le droit de vivre ta vie, de jouir comme tu l’entends, de donner ton amour à la personne que tu en juges digne. Ne te laisse pas guider par la désapprobation de telle ou tel cul pincé. Tu n’as pas de vie B, ma belle Iona, tu n’en a qu’une, charge à toi de la réussir, de la vivre pleinement.
Entre mes bras, la boule de peurs et de muscles tétanisés se détend légèrement. Les genoux se détachent de la poitrine. Un vague murmure me parvient.
- Mais, Namia, nous ne pouvons pas… C’est mal… Nous devrons toujours nous cacher… c’est…
- Ah non ! Ça, jamais !
J’ai bondi, quitté la tendre position de consolation que j’avais adoptée, me lovant le long de son dos, pour la réchauffer, la couvrir de caresses. À genoux près d’elle, j’explose :
- Jamais ! Tu m’entends ? Dès le moment où je dis que je t’aime, alors c’est au grand jour. Il n’est pas question de se cacher, de baisser le front, de passer sous les fourches caudines de la bienpensance moyenâgeuse sévissant encore de nos jours. Je veux être fière de tout ce que je fais ! Tu m’entends ? Fière de tout, à commencer par toi.
- Et... c’est à quel moment, que tu dis que tu m’aimes ?
- C’est là, maintenant tout de suite et dans chaque seconde qu’il me reste à vivre, Iona d’amour : je t’aime et j’en suis fière !
Iona se redresse doucement, assise avec ses jambes repliées avec grâce à côté de ses fesses, comme la petite sirène de Copenhague… elle se blottit dans mes bras, m’enlace, tête contre ma poitrine, comme si elle écoutait mon cœur pour s’assurer que je lui ai bien dit la vérité. Elle se détend. Je m’allonge, la faisant venir avec moi, à mon côté, sa tête sur mon épaule gauche, tout près du cœur. Ma jambe droite vient sur la sienne, s’introduit, soulève son genou gauche. Les jambes légèrement écartées laissent enfin fuser la fragrance de son désir qui monte jusqu’à nos narines et nous enivre encore davantage. De ma main libre, je caresse doucement ses cheveux, son visage. Ses seins sont la douceur même, je ne peux me retenir de les caresser suavement, agaçant parfois un téton de mon ongle, faisant venir une peau toute piquée de petites aspérités rugueuses sur ses aréoles rétrécies. Chaque fois, elle pousse un petit gémissement qui m’encourage. J’arrive sur son entrecuisse, Ma belle bascule sur son dos, ôte son joli petit string qui avait vaillamment résisté jusque là, se veut totalement offerte. Sur la jolie proéminence du bas de son ventre, la toison, de la même couleur que ses cheveux de jais, est délicatement taillée en forme de cœur dont la pointe vient judicieusement indiquer l’endroit de tous les plaisirs.
Mon coude gauche pointé dans le matelas, je soutiens ma tête pour regarder la fille de tous mes désirs. Je ne quitte la pose que pour descendre lui donner de voluptueux baisers. Ma main s’est emparée de sa fleur d’amour, en lisse délicatement les pétales, les faisant frémir, comme l’orchidée sous le poids d’une abeille. Un doigt vient flatter le pistil puis se joint à un second pour s’en aller à la quête du nectar… Et quel nectar ! Abondant, suave, à la fois salé, alliacé avec une pointe de miel, je sens l’addiction s’installer en moi de ce bouquet qu’il me tarde de déguster à la source. Mes deux doigts entrent et ressortent en une cadence qui va crescendo, alignée sur la respiration de la belle jouisseuse. Mes lèvres se soudent aux siennes au moment où la grande crispation la gagne, où le désir cède la place au plaisir, où elle visite la voie lactée du bonheur physique.
J’ai mis à profit les spasmes qui la traversent pour changer de position et suis venue m’agenouiller à côté d’elle, lui tournant le dos. Je peux ainsi, en me penchant, incruster ma tête entre les deux ravissants fuseaux de ses cuisses, humer son plaisir et le savourer d’une langue impatiente. Jusqu’à cet instant magique, je m’étais toujours refusée à goûter mon propre plaisir, trouvant cela sale, dégoûtant, vicieux, même… Je découvre que c’est sans aucune hésitation et même avec une avidité inattendue que mes lèvres se jettent sur la précieuse liqueur. Deux mains agrippent ma large croupe, ma jambe gauche, la font passer de l’autre côté de son corps et nous voilà en train de nous rendre la politesse…
Je sens sa tête trembler : je bascule doucement sur le côté, lui offrant ma cuisse en guise d’oreiller pour y poser sa tête. Elle approuve et à son tour tend une cuisse en avant pour reposer la mienne. Nous restons ainsi de longues minutes à nous donner du plaisir par salves très denses, parfois trois orgasmes enchainés… Ce qu’il est beau, notre premier soixante-neuf ! Mais beau !
Quatre heures du matin… Il est un peu tard pour que ma Iona chérie rentre chez elle. Et en plus, c’est le weekend, il n’y a pas école ! Nous endormons enlacées, nues, repues d’amour et de jouissance.
Sept heures, mon horloge interne a mis fin à mon sommeil, la lumière du jour filtre faiblement à travers les persiennes. Près de moi, je vois la magnifique poitrine de ma belle, son corps tout entier, si désirable ; mon cœur se gonfle à la limite de l’explosion. Elle respire calmement. Ce qu’elle est belle, ma chérie ! Mais belle !…
Je me lève sans à-coup, ramasse une culotte dans la pénombre, l’enfile : zut c’est la sienne… Tant pis, ça fera l’affaire. Je repasse ma robe d’hier, trouvée à tâtons, pas trop sûre de n’avoir pas boutonné lundi avec mardi : je passe une veste pour cacher la misère. Dans la corbeille du bureau, je découvre l’autre moitié de l’enveloppe utilisée par cet imbécile de Jo pour son message… je gribouille à la hâte : "Je reviens tout de suite, mon amour"… Je dessine deux croissants dessous et ajoute "Je t’aime, et j’en suis fière ! " Je pose mon message sur l’oreiller à côté de son merveilleux visage qui, décidément, ne m’inspire plus aucune peur, puis je sors.
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3 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
très belle écriture, merci !
C est doux,
C est beau 😍
Bravo
Nico
C est beau 😍
Bravo
Nico
C est doux,
C est beau 😍
Bravo
Nico
C est beau 😍
Bravo
Nico