Quel gâchis!
Récit érotique écrit par PP06 [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 09-06-2022 dans la catégorie Entre-nous, hommes et femmes
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Quel gâchis!
- Et maintenant, on fait quoi ?
- …
- A toi de décider… Alors… On fait quoi ?
- Ben…
- On se sépare et tu vas le retrouver ?
- Mais non, je ne veux pas te quitter. Je t’aime. Lui, je ne l’ai jamais aimé.
Ça y est, c’est dit. Valérie n’en pouvait plus, elle ne dormait plus, elle y pensait toute la journée, les remords la torturaient. Même si elle avait rompu avec Jérôme il y a quelques jours, la culpabilité l’envahissait. Elle n’osait plus regarder son mari en face et quand il la prenait dans ses bras, elle avait encore l’impression de le trahir. Elle le fuyait.
L’attitude de sa femme n’était pas habituelle. Antoine avait des doutes, il la pressait de questions. Elle aurait pu continuer à lui mentir, droit dans les yeux, comme avant. Il l’aime, il aurait fini par la croire. Pour être honnête, au moins une fois, elle a préféré tout lui avouer. Lui dire la vérité l’a libérée.
Doucement, en choisissant ses mots, elle a essayé de minimiser, le dire sans trop le dire … Antoine s’est figé, ça y est, il a compris. Il s’est décomposé, il est devenu tout blanc. Pourtant elle lui a tout de suite dit qu’elle avait rompu, elle lui a dit qu’elle n’aimait que lui, que l’autre ne comptait pas, qu’il n’y a jamais eu de sentiment entre eux, qu’elle regrettait. Elle implorait son pardon, mais il n’écoutait plus, il ne l’entendait plus. C’est là qu’il lui a demandé « Et maintenant, on fait quoi ? ».
Le silence s’est installé, la tristesse d’Antoine faisait peur à Valérie. Elle regrettait déjà d’avoir été trop franche. Pour le protéger, pour ne pas le faire souffrir, n’aurait-elle pas dû mentir une fois de plus et assumer seule sa culpabilité ?
Sans rien dire, ni la regarder, il s’est levé et est parti dans leur chambre.
Elle respire. Il doit vouloir réfléchir seul. Ça n’a pas été facile, mais elle n’aurait jamais pu vivre avec cette trahison qui la ronge. Il va lui pardonner, elle en est certaine. Maintenant, ils vont pouvoir repartir ensemble sur des bases plus saines.
La porte de leur chambre s’ouvre, Antoine est allé chercher sa veste.
Il sort sans dire un mot. La porte claque, le silence n’en est que plus profond. L’émotion, les nerfs lâchent, Valérie ne peut retenir ses larmes. Toute la soirée, elle pleure, se traite d’idiote, de conne. Jamais elle n’aurait dû. Elle s’en veut. Elle regrette d’avoir trompé son mari, elle regrette le mal qu’elle lui fait.
Elle avait rencontré Jérôme à la soirée des anciens, celle où Antoine n’avait pas voulu l’accompagner. Il y avait Sylvain, son ex qui l’avait laissé tomber du jour au lendemain. Elle a voulu le rendre jaloux en flirtant avec Jérôme, un mec sympa qu’elle ne connaissait pas. Sylvain la suivait des yeux, elle avait atteint son but, il crevait de jalousie. Mais Jérôme s’est fait des illusions. Après avoir beaucoup dansé, beaucoup bu, elle s’est retrouvée dans sa chambre. Là, elle a compris qu’elle était en train de faire une bêtise. Comment dire non ? Elle aurait pu, elle ne l’a pas dit. Après, elle est partie rapidement, honteuse, se jurant que jamais plus. En rentrant, elle voulait être honnête, tout raconter à son mari. Il dormait. Le lendemain, elle n’a plus osé. Elle voulait oublier. Ce n’était que le dérapage d’un soir, Antoine ne le saurait jamais.
Deux jours après, Jérôme est venu l’attendre à la sortie de son bureau. Comment a-t-il réussi à la convaincre ? Elle lui a dit cent fois que c’était une erreur, qu’elle aimait son mari, pourtant elle l’a suivi. C’est le soir où Valérie a téléphoné à Antoine pour lui dire que son patron avait un travail urgent à terminer. Premier mensonge d’une longue série.
Cette aventure a duré quelques mois. C’est drôle, mais Valérie n’avait pas l’impression de tromper son mari. C’était comme ça, un plus dans sa vie. Cela ne changeait en rien les sentiments qu’elle éprouvait pour Antoine, ni l’envie de fonder une famille avec lui. Jérôme faisait partie de sa vie, autrement. Et puis un jour, après avoir passé l’après-midi avec lui, elle a eu comme un flash, à quoi jouait-elle ? A partir de cet instant, plus rien n’a été possible. Elle culpabilisait en voyant Antoine, elle allait voir Jérôme à reculons. Ça ne pouvait plus durer, sa décision était prise. Au rendez-vous suivant, elle lui a dit que c’était fini, bien fini. Il a voulu la faire changer d’avis, elle a été inflexible. Ils se sont quittés bons amis. Mais les remords ne sont pas si faciles à effacer.
Antoine aurait fini par l’apprendre à un moment ou à un autre. Certainement ses mensonges lui avaient mis la puce à l’oreille. Ses questions étaient de plus en plus précises. Elle a préféré prendre les devants, pour libérer sa conscience, espérant son pardon. Faute avouée…
Il est tard quand il rentre, minuit passé. De toute évidence il a trop bu, il titube se raccrochant aux meubles. Valérie ne le quitte pas des yeux, heureuse de le voir de retour, mais anxieuse :
- Mais, tu as bu ?
- Comme tu vois… comme tous les cocus.
- Oh !
Valérie ne relève pas, elle ne veut pas envenimer la situation :
- Viens t’asseoir mon chéri.
Comme un automate, il s’écroule sur le canapé. Elle s’assoit à côté de lui, prend ses mains dans les siennes. Elle lui parle doucement, tendrement, en reniflant après chaque mot :
- Mon chéri, pardonne-moi, j’ai perdu la tête, je ne voulais pas te faire souffrir. Je regrette, je regrette tellement… C’est la première fois que je te vois dans cet état.
- Moi aussi, c’est la première fois que je te vois comme ça.
- Je me faisais du souci. Qu’as-tu fait ?
- Ça t’intéresse ? …J’ai été de bar en bar pour oublier.
- Tu as bu toute la soirée ?
- … Mais aussi.
- …
- Je suis allé voir une pute.
- Quoi ?
- Ne me regarde pas comme ça ! Oui une pute… Rassure toi, je ne l’aime pas, c’était juste pour le sexe.
- Oh !
- Elle était gentille, et au moins elle, elle est honnête. Elle fait ça pour de l’argent, par pour assouvir son besoin de bites.
Valérie baisse les yeux, honteuse. C’est sa faute, elle le sait, mais qu’Antoine soit allé voir une prostituée, ça la dégoûte.
Elle l’aide à regagner leur chambre, le déshabille, et le pousse sous la douche. Autant pour le faire dessaouler que de le laver de cette souillure.
Valérie veut se rattraper, se faire pardonner, elle veut reconquérir son mari. Une fois au lit, elle le cajole, l’embrasse dans le cou, se frotte à lui. Encore sous l’effet de l’alcool, Antoine se laisse faire, il la prend machinalement dans les bras et la caresse en l’embrassant. Elle dépose des baisers sur son visage, sur son ventre, prend son sexe entre ses lèvres. Elle le suce avec entrain, espérant lui faire oublier, oublier son amant, oublier cette femme.
Alcool et sexe ne font pas bon ménage. Antoine ne bande pas malgré les efforts de Valérie.
Il est vexé. Pour lui, c’est elle la fautive, il la repousse sans ménagement, et cherche à la blesser :
- Dis donc, ton Jérôme, il n’a pas dû rigoler tous les jours. Tu n’es même pas capable de me faire bander.
Valérie accuse le coup. Elle ne sait plus quoi dire, plus quoi faire.
Antoine passe la nuit dans son bureau, enfin sur un canapé dans la pièce qui lui sert de bureau, en attendant de devenir la chambre de bébé. C’est prévu pour l’an prochain, enfin c’était prévu.
Les jours suivants, il ne lui parle pas, ou si peu. Elle aurait aimé qu’il l’engueule, qu’il soit violent, qu’il la gifle, preuve qu’il l’aimait encore. Mais cette indifférence, c’est pire que tout.
Quand il va dans la salle de bain, il s’enferme à clé. Une fois, elle est sortie de la douche quand il est entré par mégarde, il s’est excusé, et a vite refermé la porte. S’excuser de la voir nue, quelle humiliation !
Leur anniversaire arrive. Ils fêtaient tous les ans le jour de leur rencontre, ou plus précisément le jour où ils se sont embrassés pour la première fois. C’était sur le quai du métro, elle allait dans un sens, lui dans l’autre. Il l’a accompagné sur son quai, laissant passer dix métros avant de la laisser partir.
D’habitude, il arrive le soir un gros bouquet de fleurs à la main et a réservé une table dans un bon restaurant. Cette année, que fera-t-il ? Valérie se prépare, juste un peu sexy, pour ne pas le provoquer. Elle se trouve belle. Elle a mis un bouquet sur la table pour l’accueillir.
Quand il rentre ce soir-là, il la voit, il comprend, il ne dit rien. Il regarde fixement le bouquet de fleurs pendant quelques secondes, le regard triste. Il doit penser à leur première fois et aux années passées.
Sans un mot pour Valérie, il prend une bouteille de whisky et se sert un verre. Un verre, puis deux, il boit toute la soirée. Mais c’est leur anniversaire, Valérie ne veut pas laisser passer sa chance, elle se fait câline, se blottit contre lui, l’embrasse dans le cou, lui mordille l’oreille. Lentement, elle se met nue et se frotte contre lui.
Les yeux embués par l’alcool, il la laisse le déshabiller. Cette fois il est en forme, Valérie sourit, elle le retrouve. Elle s’allonge sur leur canapé, offerte, heureuse. Rapidement, sans aucun geste de tendresse, il la pénètre et éjacule sans se soucier d’elle. Elle n’a pas le temps de jouir, mais c’est un premier pas, elle ne lui fait aucun reproche.
Il la regarde méprisant, et cherche à se justifier de manière blessante :
- Tu aimes baiser non ? Je t’ai baisé. Tu devrais me dire merci… pas de sentiment n’est-ce pas ?
C’est à partir de ce jour-là qu’il s’est mis à boire. A boire beaucoup, boire trop.
Valérie voyait bien qu’Antoine s’enfonçait tous les jours un peu plus dans les vapeurs de l’alcool. Mais elle ne pouvait rien lui dire, c’était elle la coupable.
Elle essaie de cacher les bouteilles, en vain. Whisky, vin, pastis, bière, tout lui est bon. Le matin en se levant, le soir dans son fauteuil.
Il rentre tard, de plus en plus tard. Les soirées se multiplient où elle mange face à sa chaise vide. Où a-t-il passé la soirée ? Dans les bars, avec une femme ? Elle n’ose lui poser la question.
Un autre jour, c’est lui qui la prend dans ses bras. Elle ne s’est pas méfiée, il est ivre et ne sait plus ce qu’il dit :
- Viens ici. Je suis bon bougre, viens baiser, je veux bien de toi.
Elle s’enfuit, morte de honte.
Comment lui dire, il n’écoute rien. Elle espère toujours que sa tendresse va revenir, qu’il pardonnera, qu’il arrêtera de boire. Malgré tout, elle l’aime.
Ils sont invités un soir à dîner chez des amis. Ceux-ci ne savent rien, elle veut encore sauver les apparences, le protéger, se protéger. Peu enclin à étaler son infortune, Antoine accepte de ne rien boire.
Au grand soulagement de Valérie, Il respecte son engagement, il est à jeun depuis la veille. Mais un apéritif en appelle un autre. Leurs amis remarquent que ce soir Antoine a la descente facile, enfin étudiants, ils en ont vu d’autres. Cela fait un bon moment qu’il n’a rien dit, il ne participe pas vraiment à la conversation. Valérie tremble, elle redoute sa réaction.
A la fin du repas bien arrosé, un verre à la main, il se lève en se tenant à la table, et d’une voix trop forte, il porte un toast :
- A nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent.
Il se laisse retomber lourdement sur sa chaise, en riant, d’un rire gras, plein de sous-entendus.
Valérie ne sait plus où se mettre. Elle essaie de l’excuser auprès de leurs amis, qui ont compris que rien ne va plus entre eux. Elle n’a qu’une hâte, rentrer chez eux, fuir pour ne pas avoir à s’excuser, ni à expliquer.
Il la touche de moins en moins, juste les jours où il a moins bu. Il ne fait plus de réflexion, mais ces étreintes vite faites ne peuvent les satisfaire ni l’un ni l’autre. Il doit sûrement se branler quand il est seul. Va-t-il encore voir des prostitués ? Peut-être. Valérie ne lui demande rien, mais ça la rend triste.
Elle aussi se caresse, le corps à ses besoins. En se faisant jouir, pense-t-elle à son mari ou à Jérôme ? Elle ne sait plus.
Ce qui devait arriver arriva, Antoine perd son travail. Licencié pour faute professionnelle, il a reçu un client complètement ivre. Il n’a rien dit à sa femme, elle l’a appris en s’inquiétant auprès de sa secrétaire qui a eu du mal à lui dire la vérité.
Il passe ses journées à ne rien faire. Il traîne dans la maison, ne sort plus. Valérie pense aux fins de mois… que vont-ils devenir ?
Un soir, Valérie regarde une série à la télé, Antoine toujours affalé dans son fauteuil un verre à la main. Il n’a pourtant pas bu plus que de coutumes. Tout à coup, le regard fixe, il lève la tête et l’interpelle, d’une voix à peine audible :
- Déjà rentrée ? … Pas d’heures supplémentaires ce soir ? Pas de sortie avec tes copines, ces salopes ?
Elle sursaute :
- Alors, il baise bien ? … Il a bon goût ?
- Quoi ?
- Son foutre, il est bon ? Tu aimes quand il jouit dans ta bouche ? Tu le préfères au mien ? Tu avales ?
Antoine ne s’adresse pas réellement à sa femme, il se parle à lui-même comme si elle n’était pas là. Valérie a honte, honte des images qui passent dans la tête de son mari, honte des images qui lui reviennent à l’esprit.
Comment a-t-elle pu ? Son mari a été le premier homme à jouir dans sa bouche après plusieurs années de vie commune. C’est le seul, alors pourquoi avec Jérôme ? Elle ne peut se l’expliquer, c’est comme ça.
- Et sa bite ? Assez grosse pour te satisfaire, plus grosse que la mienne ? Tu sais quand il s’enfonce en toi, tu jouis bien… Plus qu’avec moi ? … Tu préfères baiser avec lui… hurle-t-il accompagné d’un rire gras, obscène.
Puis, il se tait. Mais son esprit continue à remuer les images qu’il a construites petit à petit pendant ses nuits d’insomnie. Des images de sa femme avec un autre, des images qui lui font mal, qui le détruisent à petit feu.
Brusquement, après avoir fini son verre, il hausse encore le ton :
- En levrette aussi, dis-moi ? En levrette aussi ? Oh ! Non, t’as pas fait ça. Si bien sûr, tu en redemandes…
Valérie se bouche les oreilles de ses deux mains pour ne plus l’entendre. Il faut qu’il s’arrête où elle va devenir folle. Mais il ne s’arrête pas :
- Comment ? Raconte-moi. A quatre pattes sur le lit, et vlan dans le cul ? … Il te baise comme tu aimes, pas de sentiment, que de la bite. Celui que tu aimes, c’est moi bien sûr, ton mari, tu me le répètes assez… facile à dire avec la bite d’un autre dans le cul.
Antoine regarde fixement son verre qu’il vient à nouveau de remplir, se dodelinant d’avant en arrière comme un automate. Il baragouine des mots sans queue ni tête, la bouche pâteuse. Il vit un rêve éveillé.
Valérie aimerait le prendre dans ses bras, lui dire qu’elle regrette, lui demander pardon. Elle aimerait lui dire que tout ça n’est pas vrai, qu’il a rêvé. Que c’était pour du faux.
Puis le silence… rompu par la chute de son verre, et l’alcool qui se répand sur le tapis. Antoine est effondré sur son fauteuil, les bras ballants, la tête en arrière, la bouche ouverte, le regard dans le vide. Il ne bouge plus.
Valérie se précipite :
- Antoine… Antoine, réponds-moi mon chéri, lui dit-elle affolé en le secouant.
Antoine ne l’entend pas.
Paniquée, elle appelle les Urgences. Dans l’ambulance qui l’emmène à l’hôpital, elle lui tient la main. Elle a du mal à retenir ses larmes en le voyant inanimé, sous perfusion.
Anxieuse, elle a hâte de voir l’interne qui l’a reçu. Que lui font-ils ? Elle voudrait le voir, lui dire qu’elle regrette, qu’elle l’aime… mais tout ça, elle lui a déjà dit cent fois.
Enfin voilà l’interne :
- Votre mari est dans la chambre 104, vous pouvez aller le voir mais il dort.
- Dites-moi, comment va-t-il ?
- Il a fait un coma éthylique, il aurait pu mourir, vous avez appelé les secours à temps. Vous l’avez sauvé.
- Merci mon dieu !
- Je l’ai mis sous sédatif. Il va dormir au moins 24 heures.
- Mais… il s’en sortira ?
- Oui, à condition qu’il arrête de boire. Il avait une sacrée dose d’alcool dans le sang. On lui fait des analyses, je pense que son foie doit être dans un sale état, on en saura plus demain. Il faudra prévoir une cure de désintoxication, s’il accepte... Il y a longtemps qu’il boit ?
Valérie est obligée de raconter pourquoi Antoine boit depuis quelques semaines. L’interne la regarde, la juge-t-il ? Ce n’est pas son rôle.
- Je comprends. Il a fait une grosse dépression, c’est grave, il aurait pu mettre fin à ses jours. En buvant, il a essayé de se détruire. Vous savez madame, le chagrin fait faire de telle chose.
- C’est ma faute. Que dois-je faire ?
- Vous, rien. Il faudrait qu’il voit un psychiatre. Il a besoin de parler, de mettre des mots sur sa souffrance.
- Je suis là moi, il peut tout me dire.
- Je ne crois pas madame que vous soyez justement la bonne personne, celle auprès de qui il voudra s’épancher.
- Oh !
Six mois ont passé, Valérie est allée voir Antoine toutes les semaines dans le centre de désintoxication. Au début, il refusait de la voir, puis petit à petit il a accepté sa présence, aidé par les séances régulières avec le psy du centre.
Enfin, il est guéri, les médecins la convoquent :
- Il va beaucoup mieux, il va pouvoir sortir. Il est maintenant sevré, son addiction à l’alcool est totalement terminée. Mais attention, il est encore très fragile, il peut rechuter et avoir des pensées suicidaires. Il faudrait qu’il puisse continuer ses séances avec notre psychiatre, c’est possible en consultation privée.
Le lendemain, Valérie va le chercher, pleine d’espoir. Ils se retrouvent chez eux :
- Je suis heureuse que tu ailles mieux mon chéri. Tout est de ma faute. Je m’en veux, si tu savais comme je m’en veux.
- …
- Tu aurais pu mourir, j’ai eu si peur.
Est-ce l’effet des médicaments qu’il prend encore régulièrement, Antoine est calme, très calme. Il parle d’une voix posée, sans émotion :
- J’aurais mieux fait… J’aurais préféré… Mais je n’ai pas eu ce courage.
- Oh ! Mon chéri, dis pas ça.
- Je ne sais pas, je ne sais plus. Je revois encore les images qui m’ont hanté tous les jours pendant des mois, toi avec lui.
- …
- Je t’en veux surtout de tes mensonges, tes sorties entre copines, tes absences du bureau à midi quand je te téléphonais, tes heures sup, tes réunions qui s’éternisaient le soir, tes excuses bidon. Pendant un an.
- Non, à peine 10 mois.
- Ok 10 mois, ça change quoi ?
- …
- Tu l’as revu ?
- Non, j’ai rompu avant de tout t’avouer. Je culpabilisais. J’avais des remords. C’est pour ça que j’ai préféré te le dire, je ne pouvais plus vivre avec ce poids.
- Maintenant, c’est moi qui dois vivre avec. J’aurais préféré ne jamais rien savoir.
- Je regrette tellement. J’ai été faible, je m’en veux. Maintenant plus jamais, je te le jure... Je serais ton épouse, à toi rien qu’à toi.
- Tu n’as pas compris.
- Quoi donc ?
- Je suis guéri. Je ne veux plus vivre ça, jamais plus. J’ai assez souffert.
- Q… quoi ?
- J’ai beaucoup réfléchi. Nous ne pouvons plus vivre ensemble. Je n’ai plus envie de te toucher, je n’ai plus envie d’avoir un enfant avec toi, de fonder une famille avec toi. Tu as détruit l’amour que j’avais pour toi.
- Je ne veux pas te perdre, pardonne-moi.
- Bien sûr, je te pardonne. C’est ta vie, tu l’as choisie comme ça, je la respecte, mais ce n’est pas la mienne. Ce n’est pas la conception que j’ai du couple. On se sépare bons amis, tu as ta vie, moi la mienne…
- Noon. Ne me quitte pas.
- Tu vas pouvoir le retrouver sans aucune contrainte. Lui ou un autre.
- Mais non, c’est toi que j’aime, lui ne compte pas. Il n’a jamais compté pour moi.
- Il a trop compté pour moi, trop longtemps.
Antoine semble cassé, fatigué. Il part se coucher, laissant Valérie en pleurs dans le salon.
Le matin, il se réveille en sentant la bonne odeur du café. Après l’avoir bu, il lui dit avec un pâle sourire :
- Merci pour le café.
Ce simple merci la blesse plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer.
Ils partagent le même lit, mais Antoine ne la touche plus. Quelques jours plus tard, il a rempli deux valises et mis son ordinateur dans son sac à dos. Valérie comprend qu’il va partir. Malgré ses supplications, elle n’arrive pas à le retenir.
Pas besoin d’avocat, ils étaient pacsés, la procédure est rapide. Antoine ne veut plus aucun souvenir de sa vie passée, il lui laisse l’appartement, il n’emporte rien.
Mis au courant de la situation, tous leurs amis ont tourné le dos à Valérie. Surtout ses bonnes amies, celles qui lui servaient d’alibi. Elles lui ont reprochée ouvertement sa conduite, les salopes.
Elle n’a plus que sa famille, et encore elle n’a pas osé leur dire pourquoi Antoine était parti.
Antoine a voulu s’éloigner, tout oublier, tout recommencer. Après quelques semaines chez son frère, Il est allé s’installer au Canada, il avait trouvé un job à Vancouver. Là, il a fait la connaissance d’une américaine, Kathleen. Ils se sont rapidement mis ensemble. Elle était gentille et calme, le calme qu’il recherchait. Elle ne pouvait pas avoir d’enfant, elle en souffrait, Antoine ne lui en a jamais tenu rigueur.
Quelques années plus tard, ils sont retournés chez elle à Denver, la vie américaine lui plaisait bien. Kathleen n’a jamais compris sa jalousie excessive, alors que rien dans son attitude ne pouvait lui être reproché. Peut-être un signe d’amour, typique du tempérament français qu’elle connaissait mal.
Kathleen est tombée malade, une de ces maladies dont l’issue fatale est connue d’avance. Il l’a soignée avec tendresse et dévouement pendant plus de trois ans, et elle est partie un matin dans ses bras. C’est là qu’il a décidé de rentrer au pays, pour vieillir et mourir chez lui.
Rentrant en France, Antoine repense à sa jeunesse. Cela fait plus de 32 ans qu’il est parti, sans jamais revenir, même pour le décès de ses parents.
Qu’est devenue Valérie ? A-t-elle refait sa vie ? Il n’a plus eu de nouvelles. Lui non plus n’en a pas donné, il aurait pu. Maintenant c’est un peu tard, leur couple c’est de l’histoire ancienne.
Il va traîner dans la rue où ils ont vécu heureux. L’appartement au quatrième de leur immeuble, celui avec le petit balcon. Les boutiques où ils allaient faire leurs courses en amoureux. Le quartier a peu changé, un peu tout de même. Une bouffée de nostalgie l’envahit.
Il est trop tard pour regretter, ils étaient jeunes. Aurait-il pu oublier ? Continuer avec elle, comme si rien n’était arrivé, était au-dessus de ses forces. Il avait voulu mourir pour ne plus souffrir, il a pensé au suicide, sans jamais en avoir le courage. Alors, il s’est réfugié dans la boisson, c’est Valérie qui l’a sauvé. En pensant à elle, il ne peut effacer son image avec cet autre, mais d’autres images, plus souriantes se superposent, celles de Valérie quand ils se sont connus, de son sourire qui l’avait fait craquer, de leur bonheur passé, des projets qu’ils avaient.
Ses pas le mènent vers le petit restaurant où ils allaient souvent manger quand le frigo était vide. Il est midi. Est-ce la faim ou cette douce nostalgie qui le porte à pousser la porte ? Rien n’a changé. Le décor est le même, le patron est le même, pas la serveuse elle est bien trop jeune.
Il se souvient. Sa table, leur table est libre, il ne peut s’empêcher de s’asseoir à la même place.
Valérie n’a jamais refait sa vie, elle s’est construit une existence de femme seule, pas vraiment une vie de célibataire. Elle s’est investie dans des associations. Toujours joyeuse, d’humeur égale pour les autres, la bonne copine. Mais le soir, elle se sent bien seule, et repense souvent à sa vie d’avant, à sa vie de femme mariée, et aux enfants qu’elle n’a jamais eus. Elle a accueilli la ménopause comme une délivrance.
Cela fait 32 ans, que régulièrement elle va déjeuner dans leur restaurant, seul souvenir qui lui reste d’Antoine. Elle s’assoit toujours à la même table, leur table. Dix fois, cent fois elle s’est jurée de ne plus y retourner, ça lui fait toujours un peu mal, mais c’est plus fort qu’elle, elle en a besoin pour tenir.
Zut ! Aujourd’hui, leur table est déjà occupée. Tant pis, une autre fera l’affaire. Mais, mais… Valérie n’en croit pas ses yeux, c’est à peine si elle le reconnaît. C’est vrai qu’il porte la barbe maintenant. Antoine, c’est bien lui. Elle tremble, ses jambes se dérobent sous elle. S’enfuir ou aller le voir ? Elle a dû vieillir elle aussi. Va-t-il la reconnaître ?
Elle s’avance vers lui au moment où il lève la tête du menu pour appeler la serveuse. Leurs yeux se croisent. Il n’a aucun doute, la surprise se lit sur son visage. Avec un grand sourire, il fait signe à Valérie de s’asseoir, comme deux vieux amis qui se retrouvent.
Comme une automate, sans le quitter des yeux, Valérie prend place face à lui. Sans savoir quoi dire, elle regarde machinalement le menu :
- Tu as déjà commandé ?
- Non… je t’attendais.
Valérie et Antoine sourient à cette réflexion.
Après une certaine gêne passée, plus aucune animosité ne les sépare. Ils se racontent, surtout lui, son aventure canadienne et américaine. Elle l’écoute comme si le temps s’était arrêté. De son côté, elle n’a pas grand-chose à dire, sa vie a été monotone.
Ils reprennent deux cafés, faisant ainsi reculer le moment où ils devront se quitter. Son regard le trouble, Antoine comprend qu’elle ne l’a pas oublié, qu’elle ne l’a pas remplacé, d’ailleurs c’est lui qui est parti.
En glissant vers lui un regard empreint de regret, Valérie pose délicatement sa main sur la sienne. Après quelques secondes, avec un pâle sourire, il la retire lentement :
- C’est trop tard maintenant. Dommage…Tu sais… Je souffrais de t’imaginer avec un autre… J’ai essayé, mais je ne pouvais pas… Je t’aimais trop…
- Moi aussi je n’ai jamais cessé de t’aimer. Il n’était rien, juste une erreur… Cela fait plus de 30 ans que je regrette le mal que je t’ai fait.
- Je t’en ai longtemps voulu d’avoir détruit notre couple. Maintenant, je t’ai pardonné. C’est le passé, nous étions sans expérience. Trop jeune pour une telle épreuve... Il n’y a rien à regretter. C’est la vie qui veut ça.
Valérie ne sait quoi répondre. Comme Antoine l’a toujours fait, il se lève pour aller payer l’addition au comptoir. En revenant à sa table, elle n’a pas bougé, seule sa respiration qui s’accélère témoigne de son trouble.
Sans se rasseoir, il dépose un baiser sur sa joue :
- Au revoir Valérie … J’ai été heureux de déjeuner avec toi…
En le voyant s’éloigner, une larme furtive coule sur sa joue. Elle se souvient de cette soirée où sa vie a basculé « tout ça, pour avoir voulu rendre jaloux mon ex. Quel gâchis ! »
Valérie reviendra souvent déjeuner dans leur restaurant, avec l’espoir qu’un jour… peut-être…
- …
- A toi de décider… Alors… On fait quoi ?
- Ben…
- On se sépare et tu vas le retrouver ?
- Mais non, je ne veux pas te quitter. Je t’aime. Lui, je ne l’ai jamais aimé.
Ça y est, c’est dit. Valérie n’en pouvait plus, elle ne dormait plus, elle y pensait toute la journée, les remords la torturaient. Même si elle avait rompu avec Jérôme il y a quelques jours, la culpabilité l’envahissait. Elle n’osait plus regarder son mari en face et quand il la prenait dans ses bras, elle avait encore l’impression de le trahir. Elle le fuyait.
L’attitude de sa femme n’était pas habituelle. Antoine avait des doutes, il la pressait de questions. Elle aurait pu continuer à lui mentir, droit dans les yeux, comme avant. Il l’aime, il aurait fini par la croire. Pour être honnête, au moins une fois, elle a préféré tout lui avouer. Lui dire la vérité l’a libérée.
Doucement, en choisissant ses mots, elle a essayé de minimiser, le dire sans trop le dire … Antoine s’est figé, ça y est, il a compris. Il s’est décomposé, il est devenu tout blanc. Pourtant elle lui a tout de suite dit qu’elle avait rompu, elle lui a dit qu’elle n’aimait que lui, que l’autre ne comptait pas, qu’il n’y a jamais eu de sentiment entre eux, qu’elle regrettait. Elle implorait son pardon, mais il n’écoutait plus, il ne l’entendait plus. C’est là qu’il lui a demandé « Et maintenant, on fait quoi ? ».
Le silence s’est installé, la tristesse d’Antoine faisait peur à Valérie. Elle regrettait déjà d’avoir été trop franche. Pour le protéger, pour ne pas le faire souffrir, n’aurait-elle pas dû mentir une fois de plus et assumer seule sa culpabilité ?
Sans rien dire, ni la regarder, il s’est levé et est parti dans leur chambre.
Elle respire. Il doit vouloir réfléchir seul. Ça n’a pas été facile, mais elle n’aurait jamais pu vivre avec cette trahison qui la ronge. Il va lui pardonner, elle en est certaine. Maintenant, ils vont pouvoir repartir ensemble sur des bases plus saines.
La porte de leur chambre s’ouvre, Antoine est allé chercher sa veste.
Il sort sans dire un mot. La porte claque, le silence n’en est que plus profond. L’émotion, les nerfs lâchent, Valérie ne peut retenir ses larmes. Toute la soirée, elle pleure, se traite d’idiote, de conne. Jamais elle n’aurait dû. Elle s’en veut. Elle regrette d’avoir trompé son mari, elle regrette le mal qu’elle lui fait.
Elle avait rencontré Jérôme à la soirée des anciens, celle où Antoine n’avait pas voulu l’accompagner. Il y avait Sylvain, son ex qui l’avait laissé tomber du jour au lendemain. Elle a voulu le rendre jaloux en flirtant avec Jérôme, un mec sympa qu’elle ne connaissait pas. Sylvain la suivait des yeux, elle avait atteint son but, il crevait de jalousie. Mais Jérôme s’est fait des illusions. Après avoir beaucoup dansé, beaucoup bu, elle s’est retrouvée dans sa chambre. Là, elle a compris qu’elle était en train de faire une bêtise. Comment dire non ? Elle aurait pu, elle ne l’a pas dit. Après, elle est partie rapidement, honteuse, se jurant que jamais plus. En rentrant, elle voulait être honnête, tout raconter à son mari. Il dormait. Le lendemain, elle n’a plus osé. Elle voulait oublier. Ce n’était que le dérapage d’un soir, Antoine ne le saurait jamais.
Deux jours après, Jérôme est venu l’attendre à la sortie de son bureau. Comment a-t-il réussi à la convaincre ? Elle lui a dit cent fois que c’était une erreur, qu’elle aimait son mari, pourtant elle l’a suivi. C’est le soir où Valérie a téléphoné à Antoine pour lui dire que son patron avait un travail urgent à terminer. Premier mensonge d’une longue série.
Cette aventure a duré quelques mois. C’est drôle, mais Valérie n’avait pas l’impression de tromper son mari. C’était comme ça, un plus dans sa vie. Cela ne changeait en rien les sentiments qu’elle éprouvait pour Antoine, ni l’envie de fonder une famille avec lui. Jérôme faisait partie de sa vie, autrement. Et puis un jour, après avoir passé l’après-midi avec lui, elle a eu comme un flash, à quoi jouait-elle ? A partir de cet instant, plus rien n’a été possible. Elle culpabilisait en voyant Antoine, elle allait voir Jérôme à reculons. Ça ne pouvait plus durer, sa décision était prise. Au rendez-vous suivant, elle lui a dit que c’était fini, bien fini. Il a voulu la faire changer d’avis, elle a été inflexible. Ils se sont quittés bons amis. Mais les remords ne sont pas si faciles à effacer.
Antoine aurait fini par l’apprendre à un moment ou à un autre. Certainement ses mensonges lui avaient mis la puce à l’oreille. Ses questions étaient de plus en plus précises. Elle a préféré prendre les devants, pour libérer sa conscience, espérant son pardon. Faute avouée…
Il est tard quand il rentre, minuit passé. De toute évidence il a trop bu, il titube se raccrochant aux meubles. Valérie ne le quitte pas des yeux, heureuse de le voir de retour, mais anxieuse :
- Mais, tu as bu ?
- Comme tu vois… comme tous les cocus.
- Oh !
Valérie ne relève pas, elle ne veut pas envenimer la situation :
- Viens t’asseoir mon chéri.
Comme un automate, il s’écroule sur le canapé. Elle s’assoit à côté de lui, prend ses mains dans les siennes. Elle lui parle doucement, tendrement, en reniflant après chaque mot :
- Mon chéri, pardonne-moi, j’ai perdu la tête, je ne voulais pas te faire souffrir. Je regrette, je regrette tellement… C’est la première fois que je te vois dans cet état.
- Moi aussi, c’est la première fois que je te vois comme ça.
- Je me faisais du souci. Qu’as-tu fait ?
- Ça t’intéresse ? …J’ai été de bar en bar pour oublier.
- Tu as bu toute la soirée ?
- … Mais aussi.
- …
- Je suis allé voir une pute.
- Quoi ?
- Ne me regarde pas comme ça ! Oui une pute… Rassure toi, je ne l’aime pas, c’était juste pour le sexe.
- Oh !
- Elle était gentille, et au moins elle, elle est honnête. Elle fait ça pour de l’argent, par pour assouvir son besoin de bites.
Valérie baisse les yeux, honteuse. C’est sa faute, elle le sait, mais qu’Antoine soit allé voir une prostituée, ça la dégoûte.
Elle l’aide à regagner leur chambre, le déshabille, et le pousse sous la douche. Autant pour le faire dessaouler que de le laver de cette souillure.
Valérie veut se rattraper, se faire pardonner, elle veut reconquérir son mari. Une fois au lit, elle le cajole, l’embrasse dans le cou, se frotte à lui. Encore sous l’effet de l’alcool, Antoine se laisse faire, il la prend machinalement dans les bras et la caresse en l’embrassant. Elle dépose des baisers sur son visage, sur son ventre, prend son sexe entre ses lèvres. Elle le suce avec entrain, espérant lui faire oublier, oublier son amant, oublier cette femme.
Alcool et sexe ne font pas bon ménage. Antoine ne bande pas malgré les efforts de Valérie.
Il est vexé. Pour lui, c’est elle la fautive, il la repousse sans ménagement, et cherche à la blesser :
- Dis donc, ton Jérôme, il n’a pas dû rigoler tous les jours. Tu n’es même pas capable de me faire bander.
Valérie accuse le coup. Elle ne sait plus quoi dire, plus quoi faire.
Antoine passe la nuit dans son bureau, enfin sur un canapé dans la pièce qui lui sert de bureau, en attendant de devenir la chambre de bébé. C’est prévu pour l’an prochain, enfin c’était prévu.
Les jours suivants, il ne lui parle pas, ou si peu. Elle aurait aimé qu’il l’engueule, qu’il soit violent, qu’il la gifle, preuve qu’il l’aimait encore. Mais cette indifférence, c’est pire que tout.
Quand il va dans la salle de bain, il s’enferme à clé. Une fois, elle est sortie de la douche quand il est entré par mégarde, il s’est excusé, et a vite refermé la porte. S’excuser de la voir nue, quelle humiliation !
Leur anniversaire arrive. Ils fêtaient tous les ans le jour de leur rencontre, ou plus précisément le jour où ils se sont embrassés pour la première fois. C’était sur le quai du métro, elle allait dans un sens, lui dans l’autre. Il l’a accompagné sur son quai, laissant passer dix métros avant de la laisser partir.
D’habitude, il arrive le soir un gros bouquet de fleurs à la main et a réservé une table dans un bon restaurant. Cette année, que fera-t-il ? Valérie se prépare, juste un peu sexy, pour ne pas le provoquer. Elle se trouve belle. Elle a mis un bouquet sur la table pour l’accueillir.
Quand il rentre ce soir-là, il la voit, il comprend, il ne dit rien. Il regarde fixement le bouquet de fleurs pendant quelques secondes, le regard triste. Il doit penser à leur première fois et aux années passées.
Sans un mot pour Valérie, il prend une bouteille de whisky et se sert un verre. Un verre, puis deux, il boit toute la soirée. Mais c’est leur anniversaire, Valérie ne veut pas laisser passer sa chance, elle se fait câline, se blottit contre lui, l’embrasse dans le cou, lui mordille l’oreille. Lentement, elle se met nue et se frotte contre lui.
Les yeux embués par l’alcool, il la laisse le déshabiller. Cette fois il est en forme, Valérie sourit, elle le retrouve. Elle s’allonge sur leur canapé, offerte, heureuse. Rapidement, sans aucun geste de tendresse, il la pénètre et éjacule sans se soucier d’elle. Elle n’a pas le temps de jouir, mais c’est un premier pas, elle ne lui fait aucun reproche.
Il la regarde méprisant, et cherche à se justifier de manière blessante :
- Tu aimes baiser non ? Je t’ai baisé. Tu devrais me dire merci… pas de sentiment n’est-ce pas ?
C’est à partir de ce jour-là qu’il s’est mis à boire. A boire beaucoup, boire trop.
Valérie voyait bien qu’Antoine s’enfonçait tous les jours un peu plus dans les vapeurs de l’alcool. Mais elle ne pouvait rien lui dire, c’était elle la coupable.
Elle essaie de cacher les bouteilles, en vain. Whisky, vin, pastis, bière, tout lui est bon. Le matin en se levant, le soir dans son fauteuil.
Il rentre tard, de plus en plus tard. Les soirées se multiplient où elle mange face à sa chaise vide. Où a-t-il passé la soirée ? Dans les bars, avec une femme ? Elle n’ose lui poser la question.
Un autre jour, c’est lui qui la prend dans ses bras. Elle ne s’est pas méfiée, il est ivre et ne sait plus ce qu’il dit :
- Viens ici. Je suis bon bougre, viens baiser, je veux bien de toi.
Elle s’enfuit, morte de honte.
Comment lui dire, il n’écoute rien. Elle espère toujours que sa tendresse va revenir, qu’il pardonnera, qu’il arrêtera de boire. Malgré tout, elle l’aime.
Ils sont invités un soir à dîner chez des amis. Ceux-ci ne savent rien, elle veut encore sauver les apparences, le protéger, se protéger. Peu enclin à étaler son infortune, Antoine accepte de ne rien boire.
Au grand soulagement de Valérie, Il respecte son engagement, il est à jeun depuis la veille. Mais un apéritif en appelle un autre. Leurs amis remarquent que ce soir Antoine a la descente facile, enfin étudiants, ils en ont vu d’autres. Cela fait un bon moment qu’il n’a rien dit, il ne participe pas vraiment à la conversation. Valérie tremble, elle redoute sa réaction.
A la fin du repas bien arrosé, un verre à la main, il se lève en se tenant à la table, et d’une voix trop forte, il porte un toast :
- A nos femmes, à nos chevaux et à ceux qui les montent.
Il se laisse retomber lourdement sur sa chaise, en riant, d’un rire gras, plein de sous-entendus.
Valérie ne sait plus où se mettre. Elle essaie de l’excuser auprès de leurs amis, qui ont compris que rien ne va plus entre eux. Elle n’a qu’une hâte, rentrer chez eux, fuir pour ne pas avoir à s’excuser, ni à expliquer.
Il la touche de moins en moins, juste les jours où il a moins bu. Il ne fait plus de réflexion, mais ces étreintes vite faites ne peuvent les satisfaire ni l’un ni l’autre. Il doit sûrement se branler quand il est seul. Va-t-il encore voir des prostitués ? Peut-être. Valérie ne lui demande rien, mais ça la rend triste.
Elle aussi se caresse, le corps à ses besoins. En se faisant jouir, pense-t-elle à son mari ou à Jérôme ? Elle ne sait plus.
Ce qui devait arriver arriva, Antoine perd son travail. Licencié pour faute professionnelle, il a reçu un client complètement ivre. Il n’a rien dit à sa femme, elle l’a appris en s’inquiétant auprès de sa secrétaire qui a eu du mal à lui dire la vérité.
Il passe ses journées à ne rien faire. Il traîne dans la maison, ne sort plus. Valérie pense aux fins de mois… que vont-ils devenir ?
Un soir, Valérie regarde une série à la télé, Antoine toujours affalé dans son fauteuil un verre à la main. Il n’a pourtant pas bu plus que de coutumes. Tout à coup, le regard fixe, il lève la tête et l’interpelle, d’une voix à peine audible :
- Déjà rentrée ? … Pas d’heures supplémentaires ce soir ? Pas de sortie avec tes copines, ces salopes ?
Elle sursaute :
- Alors, il baise bien ? … Il a bon goût ?
- Quoi ?
- Son foutre, il est bon ? Tu aimes quand il jouit dans ta bouche ? Tu le préfères au mien ? Tu avales ?
Antoine ne s’adresse pas réellement à sa femme, il se parle à lui-même comme si elle n’était pas là. Valérie a honte, honte des images qui passent dans la tête de son mari, honte des images qui lui reviennent à l’esprit.
Comment a-t-elle pu ? Son mari a été le premier homme à jouir dans sa bouche après plusieurs années de vie commune. C’est le seul, alors pourquoi avec Jérôme ? Elle ne peut se l’expliquer, c’est comme ça.
- Et sa bite ? Assez grosse pour te satisfaire, plus grosse que la mienne ? Tu sais quand il s’enfonce en toi, tu jouis bien… Plus qu’avec moi ? … Tu préfères baiser avec lui… hurle-t-il accompagné d’un rire gras, obscène.
Puis, il se tait. Mais son esprit continue à remuer les images qu’il a construites petit à petit pendant ses nuits d’insomnie. Des images de sa femme avec un autre, des images qui lui font mal, qui le détruisent à petit feu.
Brusquement, après avoir fini son verre, il hausse encore le ton :
- En levrette aussi, dis-moi ? En levrette aussi ? Oh ! Non, t’as pas fait ça. Si bien sûr, tu en redemandes…
Valérie se bouche les oreilles de ses deux mains pour ne plus l’entendre. Il faut qu’il s’arrête où elle va devenir folle. Mais il ne s’arrête pas :
- Comment ? Raconte-moi. A quatre pattes sur le lit, et vlan dans le cul ? … Il te baise comme tu aimes, pas de sentiment, que de la bite. Celui que tu aimes, c’est moi bien sûr, ton mari, tu me le répètes assez… facile à dire avec la bite d’un autre dans le cul.
Antoine regarde fixement son verre qu’il vient à nouveau de remplir, se dodelinant d’avant en arrière comme un automate. Il baragouine des mots sans queue ni tête, la bouche pâteuse. Il vit un rêve éveillé.
Valérie aimerait le prendre dans ses bras, lui dire qu’elle regrette, lui demander pardon. Elle aimerait lui dire que tout ça n’est pas vrai, qu’il a rêvé. Que c’était pour du faux.
Puis le silence… rompu par la chute de son verre, et l’alcool qui se répand sur le tapis. Antoine est effondré sur son fauteuil, les bras ballants, la tête en arrière, la bouche ouverte, le regard dans le vide. Il ne bouge plus.
Valérie se précipite :
- Antoine… Antoine, réponds-moi mon chéri, lui dit-elle affolé en le secouant.
Antoine ne l’entend pas.
Paniquée, elle appelle les Urgences. Dans l’ambulance qui l’emmène à l’hôpital, elle lui tient la main. Elle a du mal à retenir ses larmes en le voyant inanimé, sous perfusion.
Anxieuse, elle a hâte de voir l’interne qui l’a reçu. Que lui font-ils ? Elle voudrait le voir, lui dire qu’elle regrette, qu’elle l’aime… mais tout ça, elle lui a déjà dit cent fois.
Enfin voilà l’interne :
- Votre mari est dans la chambre 104, vous pouvez aller le voir mais il dort.
- Dites-moi, comment va-t-il ?
- Il a fait un coma éthylique, il aurait pu mourir, vous avez appelé les secours à temps. Vous l’avez sauvé.
- Merci mon dieu !
- Je l’ai mis sous sédatif. Il va dormir au moins 24 heures.
- Mais… il s’en sortira ?
- Oui, à condition qu’il arrête de boire. Il avait une sacrée dose d’alcool dans le sang. On lui fait des analyses, je pense que son foie doit être dans un sale état, on en saura plus demain. Il faudra prévoir une cure de désintoxication, s’il accepte... Il y a longtemps qu’il boit ?
Valérie est obligée de raconter pourquoi Antoine boit depuis quelques semaines. L’interne la regarde, la juge-t-il ? Ce n’est pas son rôle.
- Je comprends. Il a fait une grosse dépression, c’est grave, il aurait pu mettre fin à ses jours. En buvant, il a essayé de se détruire. Vous savez madame, le chagrin fait faire de telle chose.
- C’est ma faute. Que dois-je faire ?
- Vous, rien. Il faudrait qu’il voit un psychiatre. Il a besoin de parler, de mettre des mots sur sa souffrance.
- Je suis là moi, il peut tout me dire.
- Je ne crois pas madame que vous soyez justement la bonne personne, celle auprès de qui il voudra s’épancher.
- Oh !
Six mois ont passé, Valérie est allée voir Antoine toutes les semaines dans le centre de désintoxication. Au début, il refusait de la voir, puis petit à petit il a accepté sa présence, aidé par les séances régulières avec le psy du centre.
Enfin, il est guéri, les médecins la convoquent :
- Il va beaucoup mieux, il va pouvoir sortir. Il est maintenant sevré, son addiction à l’alcool est totalement terminée. Mais attention, il est encore très fragile, il peut rechuter et avoir des pensées suicidaires. Il faudrait qu’il puisse continuer ses séances avec notre psychiatre, c’est possible en consultation privée.
Le lendemain, Valérie va le chercher, pleine d’espoir. Ils se retrouvent chez eux :
- Je suis heureuse que tu ailles mieux mon chéri. Tout est de ma faute. Je m’en veux, si tu savais comme je m’en veux.
- …
- Tu aurais pu mourir, j’ai eu si peur.
Est-ce l’effet des médicaments qu’il prend encore régulièrement, Antoine est calme, très calme. Il parle d’une voix posée, sans émotion :
- J’aurais mieux fait… J’aurais préféré… Mais je n’ai pas eu ce courage.
- Oh ! Mon chéri, dis pas ça.
- Je ne sais pas, je ne sais plus. Je revois encore les images qui m’ont hanté tous les jours pendant des mois, toi avec lui.
- …
- Je t’en veux surtout de tes mensonges, tes sorties entre copines, tes absences du bureau à midi quand je te téléphonais, tes heures sup, tes réunions qui s’éternisaient le soir, tes excuses bidon. Pendant un an.
- Non, à peine 10 mois.
- Ok 10 mois, ça change quoi ?
- …
- Tu l’as revu ?
- Non, j’ai rompu avant de tout t’avouer. Je culpabilisais. J’avais des remords. C’est pour ça que j’ai préféré te le dire, je ne pouvais plus vivre avec ce poids.
- Maintenant, c’est moi qui dois vivre avec. J’aurais préféré ne jamais rien savoir.
- Je regrette tellement. J’ai été faible, je m’en veux. Maintenant plus jamais, je te le jure... Je serais ton épouse, à toi rien qu’à toi.
- Tu n’as pas compris.
- Quoi donc ?
- Je suis guéri. Je ne veux plus vivre ça, jamais plus. J’ai assez souffert.
- Q… quoi ?
- J’ai beaucoup réfléchi. Nous ne pouvons plus vivre ensemble. Je n’ai plus envie de te toucher, je n’ai plus envie d’avoir un enfant avec toi, de fonder une famille avec toi. Tu as détruit l’amour que j’avais pour toi.
- Je ne veux pas te perdre, pardonne-moi.
- Bien sûr, je te pardonne. C’est ta vie, tu l’as choisie comme ça, je la respecte, mais ce n’est pas la mienne. Ce n’est pas la conception que j’ai du couple. On se sépare bons amis, tu as ta vie, moi la mienne…
- Noon. Ne me quitte pas.
- Tu vas pouvoir le retrouver sans aucune contrainte. Lui ou un autre.
- Mais non, c’est toi que j’aime, lui ne compte pas. Il n’a jamais compté pour moi.
- Il a trop compté pour moi, trop longtemps.
Antoine semble cassé, fatigué. Il part se coucher, laissant Valérie en pleurs dans le salon.
Le matin, il se réveille en sentant la bonne odeur du café. Après l’avoir bu, il lui dit avec un pâle sourire :
- Merci pour le café.
Ce simple merci la blesse plus qu’elle n’aurait pu l’imaginer.
Ils partagent le même lit, mais Antoine ne la touche plus. Quelques jours plus tard, il a rempli deux valises et mis son ordinateur dans son sac à dos. Valérie comprend qu’il va partir. Malgré ses supplications, elle n’arrive pas à le retenir.
Pas besoin d’avocat, ils étaient pacsés, la procédure est rapide. Antoine ne veut plus aucun souvenir de sa vie passée, il lui laisse l’appartement, il n’emporte rien.
Mis au courant de la situation, tous leurs amis ont tourné le dos à Valérie. Surtout ses bonnes amies, celles qui lui servaient d’alibi. Elles lui ont reprochée ouvertement sa conduite, les salopes.
Elle n’a plus que sa famille, et encore elle n’a pas osé leur dire pourquoi Antoine était parti.
Antoine a voulu s’éloigner, tout oublier, tout recommencer. Après quelques semaines chez son frère, Il est allé s’installer au Canada, il avait trouvé un job à Vancouver. Là, il a fait la connaissance d’une américaine, Kathleen. Ils se sont rapidement mis ensemble. Elle était gentille et calme, le calme qu’il recherchait. Elle ne pouvait pas avoir d’enfant, elle en souffrait, Antoine ne lui en a jamais tenu rigueur.
Quelques années plus tard, ils sont retournés chez elle à Denver, la vie américaine lui plaisait bien. Kathleen n’a jamais compris sa jalousie excessive, alors que rien dans son attitude ne pouvait lui être reproché. Peut-être un signe d’amour, typique du tempérament français qu’elle connaissait mal.
Kathleen est tombée malade, une de ces maladies dont l’issue fatale est connue d’avance. Il l’a soignée avec tendresse et dévouement pendant plus de trois ans, et elle est partie un matin dans ses bras. C’est là qu’il a décidé de rentrer au pays, pour vieillir et mourir chez lui.
Rentrant en France, Antoine repense à sa jeunesse. Cela fait plus de 32 ans qu’il est parti, sans jamais revenir, même pour le décès de ses parents.
Qu’est devenue Valérie ? A-t-elle refait sa vie ? Il n’a plus eu de nouvelles. Lui non plus n’en a pas donné, il aurait pu. Maintenant c’est un peu tard, leur couple c’est de l’histoire ancienne.
Il va traîner dans la rue où ils ont vécu heureux. L’appartement au quatrième de leur immeuble, celui avec le petit balcon. Les boutiques où ils allaient faire leurs courses en amoureux. Le quartier a peu changé, un peu tout de même. Une bouffée de nostalgie l’envahit.
Il est trop tard pour regretter, ils étaient jeunes. Aurait-il pu oublier ? Continuer avec elle, comme si rien n’était arrivé, était au-dessus de ses forces. Il avait voulu mourir pour ne plus souffrir, il a pensé au suicide, sans jamais en avoir le courage. Alors, il s’est réfugié dans la boisson, c’est Valérie qui l’a sauvé. En pensant à elle, il ne peut effacer son image avec cet autre, mais d’autres images, plus souriantes se superposent, celles de Valérie quand ils se sont connus, de son sourire qui l’avait fait craquer, de leur bonheur passé, des projets qu’ils avaient.
Ses pas le mènent vers le petit restaurant où ils allaient souvent manger quand le frigo était vide. Il est midi. Est-ce la faim ou cette douce nostalgie qui le porte à pousser la porte ? Rien n’a changé. Le décor est le même, le patron est le même, pas la serveuse elle est bien trop jeune.
Il se souvient. Sa table, leur table est libre, il ne peut s’empêcher de s’asseoir à la même place.
Valérie n’a jamais refait sa vie, elle s’est construit une existence de femme seule, pas vraiment une vie de célibataire. Elle s’est investie dans des associations. Toujours joyeuse, d’humeur égale pour les autres, la bonne copine. Mais le soir, elle se sent bien seule, et repense souvent à sa vie d’avant, à sa vie de femme mariée, et aux enfants qu’elle n’a jamais eus. Elle a accueilli la ménopause comme une délivrance.
Cela fait 32 ans, que régulièrement elle va déjeuner dans leur restaurant, seul souvenir qui lui reste d’Antoine. Elle s’assoit toujours à la même table, leur table. Dix fois, cent fois elle s’est jurée de ne plus y retourner, ça lui fait toujours un peu mal, mais c’est plus fort qu’elle, elle en a besoin pour tenir.
Zut ! Aujourd’hui, leur table est déjà occupée. Tant pis, une autre fera l’affaire. Mais, mais… Valérie n’en croit pas ses yeux, c’est à peine si elle le reconnaît. C’est vrai qu’il porte la barbe maintenant. Antoine, c’est bien lui. Elle tremble, ses jambes se dérobent sous elle. S’enfuir ou aller le voir ? Elle a dû vieillir elle aussi. Va-t-il la reconnaître ?
Elle s’avance vers lui au moment où il lève la tête du menu pour appeler la serveuse. Leurs yeux se croisent. Il n’a aucun doute, la surprise se lit sur son visage. Avec un grand sourire, il fait signe à Valérie de s’asseoir, comme deux vieux amis qui se retrouvent.
Comme une automate, sans le quitter des yeux, Valérie prend place face à lui. Sans savoir quoi dire, elle regarde machinalement le menu :
- Tu as déjà commandé ?
- Non… je t’attendais.
Valérie et Antoine sourient à cette réflexion.
Après une certaine gêne passée, plus aucune animosité ne les sépare. Ils se racontent, surtout lui, son aventure canadienne et américaine. Elle l’écoute comme si le temps s’était arrêté. De son côté, elle n’a pas grand-chose à dire, sa vie a été monotone.
Ils reprennent deux cafés, faisant ainsi reculer le moment où ils devront se quitter. Son regard le trouble, Antoine comprend qu’elle ne l’a pas oublié, qu’elle ne l’a pas remplacé, d’ailleurs c’est lui qui est parti.
En glissant vers lui un regard empreint de regret, Valérie pose délicatement sa main sur la sienne. Après quelques secondes, avec un pâle sourire, il la retire lentement :
- C’est trop tard maintenant. Dommage…Tu sais… Je souffrais de t’imaginer avec un autre… J’ai essayé, mais je ne pouvais pas… Je t’aimais trop…
- Moi aussi je n’ai jamais cessé de t’aimer. Il n’était rien, juste une erreur… Cela fait plus de 30 ans que je regrette le mal que je t’ai fait.
- Je t’en ai longtemps voulu d’avoir détruit notre couple. Maintenant, je t’ai pardonné. C’est le passé, nous étions sans expérience. Trop jeune pour une telle épreuve... Il n’y a rien à regretter. C’est la vie qui veut ça.
Valérie ne sait quoi répondre. Comme Antoine l’a toujours fait, il se lève pour aller payer l’addition au comptoir. En revenant à sa table, elle n’a pas bougé, seule sa respiration qui s’accélère témoigne de son trouble.
Sans se rasseoir, il dépose un baiser sur sa joue :
- Au revoir Valérie … J’ai été heureux de déjeuner avec toi…
En le voyant s’éloigner, une larme furtive coule sur sa joue. Elle se souvient de cette soirée où sa vie a basculé « tout ça, pour avoir voulu rendre jaloux mon ex. Quel gâchis ! »
Valérie reviendra souvent déjeuner dans leur restaurant, avec l’espoir qu’un jour… peut-être…
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4 avis des lecteurs et lectrices après lecture : Les auteurs apprécient les commentaires de leurs lecteurs
Les avis des lecteurs
Tres joli texte quoi que un peu dure … elle a fauté puis s’est repentie… et sur la fin , très bien ! Pas besoin de suite … elle se suffit a elle même! Elle a foiré sa vie et lui a continué a vivre
Vous êtes un très très bon chauffeur de bus quand arrive la destination et que la personne ne veuille plus descendre la c est trop fort en attendant peut être une suite mille et une merci
Ces épouses ont une curieuse façon, ou une curieuse interprétation de l'amour à leur époux!! 10 mois de trahisons!! & elle aime toujours son mari... pourquoi vivre avec un(e) partenaire pour se laisser aller à trahir! Encore un merveilleux récit de PP06, merci à lui.
arnojan
arnojan
Une suite ??