T'as vu ? Sans les mains (9) - histoire érotique

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Gianfranco, il y a 15 jours

- Mais c’est qui, ce mec… Nico ? Et il est gay ?
- Non, il est hétéro, mais tu me connais, j’aime les défis… Evidemment qu’il l’est, Gian ! C’est un garçon gentil, timide et doux, intelligent, hyper-cultivé, surtout il ne râle pas quand je le traîne voir un film en VOST, lui.
- Ouais… Genre ton truc coréen de deux heures avec le couple qui se tourne autour sans rien faire, avec la musique chiante…
- In the Mood for Love est hong-kongais…
- Avec ton Nicolas, vous avez déjà ken, ou vous vous frôlez juste avec des violons en bruit de fond, vous aussi ? Mais en fait, tu as déjà… genre… eu combien de mecs avant lui ?
- Alors, déjà, lui, je ne l’ai pas… genre, eu, comme tu dis. Mais sinon, juste un petit truc en one-shot, ai-je dit en omettant de préciser le détail des jumeaux, ‘’puis Thomas qui était vraiment trop nul et Leo, tu l’as vu une fois et tu avais décidé direct qu’il n’était pas assez bien pour moi, alors que justement, il m’a fait du bien… sauf qu’au final c’était presque… juste… professionnel, quoi.’’
- Professionnel ? Un escort ? Tu le payais ? N’importe nawak, t’es pas terrible mais tu vaux quand même mieux que ça, Jérémini.
- Merci pour le ‘pas terrible’, sympa ! Mais non, je ne payais pas, c’était… plutôt… l’inverse. Enfin, pas vraiment non plus, juste que…
- Juste que quoi ?
- Ben, c’était… rémunéré, quoi.

(…)

- Attends, non, c’est juste pas possible, pas toi, t’as pas… Comment il t’a persuadé de faire ça ? T’es… Putain, Jérémie, je te connais, tu es trop… pas… puis timide, sans vraiment… enfin, disons que t’es…
- Le fric ! Je limite déjà mes sorties au minimum à cause de mon cursus qui me bouffe un temps bête, au point de limiter mes heures à la supérette. C’était juste pour me remettre à flot niveau finances. Puis euuuh… je suis quoi ? Le mec un peu noob, puis asexuel, c’est ce que tu veux dire ?
- Non ! Oui…Bon, un peu. Mais pas vraiment...
- ‘Pas vraiment’, là, ça veut rien dire.
- Juste que tu n’as jamais eu de copine, et je capte clair pourquoi, puis t’es pas trop genre… chaipas… culture du corps, et t’es tout fin, et…
- Qu’est-ce qui te gêne le plus ? Que je sois gay, en déficit musculaire, ou que j’aie fait du porn ? ‘fin… du mauvais porn bon marché, s’il faut être honnête…
- Je sais même pas… Pas que tu sois… gay, et peut-être que j’ai même pu un peu le penser avant que tu me le dises, puis ma mère le soupçonnait aussi, et depuis qu’elle sait, elle m’a assez mis en boîte à me dire que tu aurais été un meilleur choix que mes copines précédentes, merci beaucoup. Mais de là à apprendre que tu as montré ta petite tcholle sur le net… ça me troue le cul, mec ! Enfin… sans jeu de mot pourri, hein…
- Je voulais juste être honnête avec toi, il y avait genre, zéro chance que tu l’aies un jour découvert, mais on ne sait jamais, les langues de pute, toussa… Alors voilà, quoi.
- …
- Mais le truc, c’est que c’était juste avec lui, puis là, j’ai arrêté, hein !

Il semble perdu, mais se reprend vite.

- T’as vraiment un goût de chiotte pour choisir tes mecs, tu sais. Mais sinon, tu me files le lien ?
- Mais nooon, jamais ! ai-je glapi.
- Putain ! Je le crois pas, toi sur un site de boules, à prendre… Attends, tu prends ou tu te prends… ?
- Tu sais que tu es blindé de clichés, comme mec ? Les gays ne sont pas forcément binaires et…
- Tsssss ! Réponds, quand vous baisiez, tu le niquais ou tu prenais dans ton bîîîp ?
- C’était pas de la baise, c’était… mieux, ai-je grogné.

Déjà, pourquoi les hétéros imaginent les gays dans un schéma figé actif-passif ? Peut-être parce que c’est plus simple, et admissible par leur cerveau basique, mâle et femelle, fiche et prise, écrou et boulon… Sans que l’inverse, ou une alternative, soit imaginable.

Puis, lorsque je lui faisais l’amour, ce qu’il m’autorisait à faire, lui ! puis peut-être un peu stupidement, ou par fierté de mâle légèrement déplacée, parce qu’il prenait un plaisir évident à l’invasion de son corps, j’ai cru sincèrement aimer Leo. Et croyez-moi, voir ses abdominaux gonfler à chacun de mes mouvements dans le sien était un plaisir supérieur à celui finalement futile de jouir en lui.

Sauf qu’il avait raison au final, on n’avait plus que ça, alors parler d’amour…

- Hey ! J’ai déjà regardé du porno gay, tu sais !

Ah ! Oui, Gianfranco, j’étais un peu ailleurs…

- Alors, déjà, non, je vois pas pourquoi le mec le plus hétéro du monde aurait…
- T’en sais rien, oh !
- Gian ! Tu es juste une caricature abusée du mec 50% macho Sicilien, et surtout 125% straight qui aura toujours zéro notion de ce que c’est d’être gay ! Et c’est pas grave, hein ! Je te pardonne, c’est un autre monde pour toi, on n’en parle plus, mais s’il te plait, ne joue pas au pote hyper-compréhensif qui veut… je sais pas… partager un moment, t’est juste pas crédible.

Je me suis levé et j’ai tapé mon front contre la vitre.

- Jérémini…

Ce que ce putain de surnom m’énerve ! Ça nous ramène à notre enfance, où je le voyais comme le grand frère que je n’avais pas. Mais qui me manquait tout le temps.

- Je voulais pas te fâcher, juste comprendre. Enfin, pas tes… préférences, j’ai capté ça, tu le sais, ça ne change rien pour moi. Puis ton ex nocif, si j’avais soupçonné son existence, je t’aurais dit moi-même de le benner bien plus tôt, pas que tu aurais admis pour autant, tu m’aurais fait la gueule un moment mais tu aurais peut-être compris plus vite qu’il l’était, puis t’aurais capté que je l’aurais fait parce que je t’aime comme mon meilleur…
- Je sais, t’inquiète, et tu aurais pu le dire, de toi, j’accepte tout.
- Même le fait que…
- Oui, même le fait que je ne puisse jamais t’aimer comme je le voudrais, et je te dis, c’est pas grave, on n’en parle plus, tu as Aurélie, je lui ai un peu menti sur le fait que je n’ai jamais pensé à toi, mais j’ai été honnête sur le fait que je n’attendrai jamais rien, et j’espère juste que tu es aussi bien pour elle qu’elle l’est pour toi. Puis… un peu… comme tu l’as toujours été pour moi…
- Tu es sincère, Jey ?
- Oui, vraiment.
- OK, mais heureux ?
- Tom était nocif, Leo, bien mieux sauf que... Et là, tu vois, c’est juste que, personne, je m’y préparais pour un temps, mais pourquoi j’aurais plus le droit d’y croire ? Croire qu’il y a quelqu’un pour moi ? Pas être seul…
- T’est con, il y a moi, puis Auré, elle t’aime bien.
- Je sais, mais c’est pas la même chose. Alors, Nico, peut-être…

Il m’a fallu ça pour vraiment réaliser que je n’ai jamais été seul, en fait, et que j’avais de la chance…

- Dis… Tu me la montres, cette vidéo ?
- Gian ! Mais nooon, jamais !

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Lucrezia-pas-Borgia-mais-presque, il y a quinze jours

- Nicolas, c’est mon petit frère, sauf qu’un blond, ça ferait tache dans ma famille, mais on dira… Je l’ai adopté, et il n’est pas assez solide pour le monde, je le protège. Si tu lui fais du mal, je… Je sais pas vers où tu penches, Jérémie, mais dans le doute, je t’émascule ET je te suture le trou de cul à l’agrafeuse, sans anesthésie, je suis un peu claire ?
- Inutile de me menacer, Lucrezia, je ne me suis jamais abaissé à blesser un mec pour me venger de ce que certains m’ont fait… Et je peux même t’amener des témoins de moralité… Dont la copine de mon best, tiens ! Elle a capté que j’ai été croc de lui, et de base elle est plutôt jalouse, mais elle est pourtant devenue mon amie. Question impartialité...
- Hmmm… J’avoue… Les meufs sont infiniment plus fiables niveau jugement, alors la fille qui a pu t’imaginer en train de sucer son mec et qui te tolère malgré tout à moins de cent mètres de lui… OK, c’est juste que Nico… il est candide, il veut être amoureux, il est limite… amoureux de l’idée d’être amoureux. Voilà, c’est ça, il idéalise le truc et…
- Et toi pas, Lucrezia ?
- Hein ?
- Ben oui… Bon, story time, puis je l’ai déjà dit à Nicolas donc… A part un truc vite fait vite oublié, j’ai juste connu… vraiment… deux garçons, deux de trop et en même temps c’est pas beaucoup pour un gay, à vingt et un ans, je t’assure. Et je ne les regrette pas vraiment, mais ce que je ne veux jamais oublier, c’est le sentiment que j’ai éprouvé de courts moments, le sentiment d’être amoureux, et je suis arrivé à le dissocier d’eux, à… l’isoler si tu veux… et ça… ça me rend heureux, je ne veux jamais perdre ça.
- Arrête, tu vas me tirer une larme, a-t-elle dit avant de me taper un poing sur l’épaule ‘’Mais ouais, je capte un peu’’.
- L’autre truc, c’est qu’ils n’existent plus, ni regrets ni rancune, j’ai tourné la page, j’ai même fermé les livres. Et j’aimerais vraiment en ouvrir un autre avec Nicolas, un qui finirait bien.
- Stooop ! Quand je pleure, j’ai les paupières gonflées et je deviens moche, a-t-elle ajouté en levant à nouveau le poing, mais avec un demi sourire, cette fois.
- Après, je dois quand même te dire, si je soutiens cette conversation par moments embarrassante, et si à terme je cours le risque de perdre l’usage d’un bras, c’est surtout que j’ai besoin de toi.
- Oooh ! J’adore tenir les mecs suspendus à mon bon vouloir, elle a dit, avec un rictus sadique ‘’Vas-y, demande toujours…’’
- Le quatorze, ce sera l’anniv’ de Nicolas, il ne voulait même pas me le dire, j’ai dû gratter dans l’intranet de la fac… En fait, il dit vraiment très peu. T’as une idée de cadeau ? Un truc qui lui ferait plaisir, mais personnalisé, quoi.

Elle a penché la tête, posé un doigt sur les lèvres et a regardé quelques instants dans le vide en émettant un long ‘Mmmmmmm’ songeur. Bien trop long…

- Tu sais que tu es théâtrale à l’abus ? Pire que certains gays vraiment très follasses, et j’en connais quelqu…
- Les renards !
- Gné ?
- Je pense que, petit, il a dû se perdre dans un bois et a été recueilli par une meute et…
- Les renards ne vivent pas en meute.
- Fais pas chier, Jérémiade… Bref, tout ce qui touche aux renards, il kiffe.

Oh ! J’ai sorti mon phone, hopopop ! L’appli mobile de docti, mon profil… ‘’Tadaaa’’ j’ai dit, en lui montrant mon avatar.

- Attends, le…livre…dejeremie, c’est quoi, ça ? Ton pseudo sur la toile ? So lame… Beaucoup de bouquins dans ta vie, on dirait, ceux que tu as fermés, celui que tu veux entamer avec le petit, celui-ci apparemment ouvert en permanence…
- Lucreziaaaaa ! C’était juste pour te montrer l’avatar… C’est un signe, non ?
- Teins-toi en roux…
- Tu te fous de moi ? Et pourquoi pas porter un plug avec une fausse queue touffue et orange ?
- Ne sois donc pas égoïste, Jérémie, voyons ! On parle de faire plaisir à Nico, pas de t’en donner à toi en te calant un truc entre tes jolies fesses, petit pervers.
- Roooh, diiiiis ! Je sais pas comment il te supporte.
- Il n’a pas le choix, puis il a un peu peur de moi, tu devrais, toi aussi, a-t-elle dit, avant de s’éloigner en chantonnant.

Je suis à peine plus avancé, là. Je vais pas lui acheter une peluche, quand même. Ni un renard vivant, d’ailleurs où je pourrais trouv… Hey ! Mais oui… Les voisins dans notre village, ceux qui ont accueilli pendant plusieurs années, pour un mois de soi-disant ‘vacances de santé’, Kyrill l’Ukrainien, né longtemps après Tchernobyl, dix doigts, un seul zizi, et même pas phosphorescent dans le noir, je le sais, je l’ai vu de très près dans leur cave obscure… J’ai secoué la tête. ‘Focalise-toi, Jérémie’ ! Dooonc, Manu, notre voisin… Ouais, bon plan !

Comme par magie, Nicolas s’est matérialisé à vingt mètres, apparemment fasciné par un truc invisible au plafond… Encore un peu flou, comme si la télétransportation n’était pas achevée, à moins que son état vaporeux – sinon clairement effacé - soit à peu près permanent…

- Salut, toi.
- Oh ! Salut, il a soufflé ‘’Tu parlais avec Lucrezia, je voulais pas déranger’’
- C’est ton truc, ça, ne pas déranger, non ? Et si je te disais que j’aimerais bien que tu me déranges, parfois ? Puis même souvent.
- Je pourrais… essayer… parfois.
- J’aimerais.
- Dans quelles limites ? a-t-il murmuré.
- Nicolas, je… Pas de limites, surtout pas celles que tu t’imposes peut-être un peu trop toi-même, et que tu pourrais largement dépasser sans jamais risquer d’atteindre les miennes.

Il a rougi, et juste parce que c’est lui, je me suis retenu de l’embrasser dans le couloir, puis même de le serrer très fort, je me suis contenté de taper le bras sur ses épaules et de lui offrir une étreinte qui paraîtrait aussi virile qu’innocente, si quelqu’un nous avait regardés.

- Sinon, vous parliez de quoi ?
- Lucrezia me menaçait de… euh… de castration au taille-haie si je te faisais du mal, et autant elle me terrorise toujours un peu, autant j’admets que celui qui t’en ferait le mériterait, et je lui donnerais même un coup de main pour la sentence.
- T’es bête…
- Le truc, c’est que même moi, j’accepterais le châtiment, sauf que je ne le risquerai jamais. Et si… tu me fais confiance, je te le prouverai.
- Ou-i, il a finalement soufflé, hésitant.

C’est quoi, ça ? Oh ! Juste mon cœur qui redémarre, après avoir raté quatre battements à attendre sa réponse. Il m’autorise à rêver un plus possible, déjà là, qu’il m’accepte près de lui – et le monstre en spaghetti volant sait que m’en contenterais, faute de mieux – je finirai par le lui dire ! Ça, puis aussi lui avouer un autre truc légèrement plus embarrassant, en fait…

Mais pas maintenant, on a apparemment atteint ses limites, pour le moment, du moins… Pour la seconde fois en deux minutes, je me suis morigéné pour avoir pensé à la métaphore débile de Marc sur le faon pris dans les phares d’une voiture, mais c’était exactement ça ! Et même si j’avais été un sale c**, serial fucker, prêt à tout pour ajouter un nom à mon carnet de chasse, le mix de fragilité, de sensibilité, de timidité… ferait que j’abandonnerais mes noirs desseins.
Oh, Nico, je ne te ferais jamais de mal…
- Tu sais, j’ai terriblement envie de te serrer, là, et te dire qu’il ne t’arrivera jamais rien que je puisse empêcher, mais je suis plutôt un genre de… crypto-gay pas du tout revendicateur, pas terriblement expansif en public, puis pas beaucoup plus expressif en privé…
- Moi non plus, a-t-il soufflé.
- J’ai compris ça, t’inquiète. Puis même en privé, je ne saute pas sur les garçons qui me plaisent, mais… On a deux heures blanches, là et… Il y a tant de toi que je ne sais pas, puis toi à mon sujet, alors… Je loge à la résidence universitaire, et c’est moche, puis impersonnel, mais c’est pas loin, et c’est ce qui ressemble le plus à un chez-moi dans le coin, alors… si tu veux voir…
- Ta chambre ?

Eeet… retour des yeux du faon hypnotisé. Je me bafferais.

- Désolé, je ne voulais pas te brusquer, c’était juste pour te montrer… Non, laisse tomber.

Il a pris une grande inspiration, puis a demandé ‘’Me montrer quoi ?’’

- Déjà, mon goût désastreux pour la déco, ma housse de couette pikachu, puis les bouteilles d’alcool vides et les cendriers pleins qui traînent… Non, je rigole… Plutôt les livres qui m’accompagnent partout, et peut-être un truc qui pourrait te plaire… Mais on peut demander à Lucrezia de venir, hein !
- J’adore Lucrezia, mais je pense que… Oui, bon, autant elle a surement kiffé avoir l’impression de te… terroriser, autant elle aime penser que j’ai besoin d’elle h24. J’ai envie de lui donner tort…

J’ai souri, mon plan de séduction douce semblait fonctionner…