VERTIGES FERROVIAIRES
Récit érotique écrit par Emile [→ Accès à sa fiche auteur]
Auteur homme.
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Histoire érotique Publiée sur HDS le 06-03-2015 dans la catégorie A dormir debout
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VERTIGES FERROVIAIRES
-- ATTENTION HISTOIRE FICTIVE POUR LECTEURS AVERTIS --
Ce matin-là, Géraldine reprend le travail avec plus d'allant que d'habitude. Est-ce l'effet de se sentir différente dans ces nouveaux uniformes, si seyants, qui fleurent bon le grand couturier? Lors d'un dernier coup d’œil dans la glace du vestiaire, elle apprécie la classe de cet ensemble pétrole et gris plus près du corps que les anciennes tenues. La casquette "rétro-1900" lui permet, pour la première fois de mettre en valeur ses longs cheveux bruns roulés en une tresse épaisse et son teint légèrement hâlé. Est-ce le résultat de la négociation qui a suivi la grande grève, et la promesse d'une réduction du temps de travail à 120 heures par mois? Cela lui permettra d'être plus présente auprès de sa fille. Dur métier que celui d’agent commercial roulant chez "Europe-Rail SA"!
Elle est fière de naviguer sur les nouveaux Trains Rapides Inter-régionaux à technologie pendulaire. Son T.R.I. du jour est "l'arc atlantique" qui relie en moins de dix heures Brest à La Corogne (La Corunha), via Nantes, Bordeaux, Bilbao et Oviedo. La concurrence avec l'avion, et le développement de l'axe économique unissant ces régions côtières, ont permis un forte expansion quantitative et qualitative du transport ferroviaire. L'implantation de l'usine de production des trains pendulaires à La Rochelle a donné à cette ligne un statut expérimental intéressant. Le confort de ces nouveaux engins de transport en a été considérablement amélioré. Le financement des investissements par les conseils régionaux et les gouvernements provinciaux concernés a permis un développement du rail que la directive européenne sur le ferroutage est venue compléter. Le transport de marchandises, et des camions, a été considérablement amélioré par les techniques mises au point dans le transport de voyageurs. Tout ceci fait la fierté des salariés d'E-R SA.
Depuis la naissance de sa fille, Géraldine a conservé un look attrayant. Certes sa taille a quelque peu épaissi et ses fesses sont devenues plus rondes, mais l'aspect général de sa silhouette est restée juvénile. Sa légère augmentation de poids lui a permis de conserver des joues rebondies. Elles mettent en valeur de hautes pommettes qui trahissent des origines slaves et contrastent avec l'influence méditerranéenne qui marque le reste de ses traits. Sous des sourcils finement dessinés, de grands yeux bruns en amande, légèrement asymétriques, pétillent de malice et d'intelligence. Un nez aquilin, élégant et bien proportionné donne de la personnalité aux expressions du visage. Le menton est délicat et nettement marqué. Il met en valeur un cou long, assez massif, à l'arrondi parfait. La poitrine ferme et discrète, le galbe des reins bien marqué, l'élégance des mollets bien dessinés, la finesse des bras, des épaules et des pieds, complètent un ensemble qui attire l’œil de plus d'un homme.
Ce matin, Géraldine se sent en pleine possession de ses moyens. A son arrivée sur le quai, elle est saluée par les traditionnelles plaisanteries admiratives de ses collègues. Parmi elles et eux, une très jolie blonde au regard d’acier et au corps élancé nouvelle sur la ligne. « Olga » se présente-t-elle. Elle est moulée dans son uniforme au point que son anatomie ne doit être un secret pour personne. Géraldine est étonnée par le magnétisme qui se dégage de sa collègue et de son apparente autorité naturelle. Elle cherche désespérément le défaut de ce physique de mannequin. Au premier mouvement elle lui trouve la poitrine tombante. A la réflexion elle remarque également son nez un peu long et très légèrement épaté. Pour le reste, elle a un port de reine. « On verra ça après le premier accouchement » se dit-elle, vaguement jalouse!
Le travail commence tranquillement par les habituelles demandes de renseignements des voyageurs. A l'arrivée des personnels du wagon restaurant, elle remarque l'apparition tardive et précipitée de son collègue et ami Vasco Omeyade. Depuis plusieurs mois ils cultivent tous deux une amitié tendre et ambiguë. Plus âgé qu'elle, Vasco a l'aspect musclé des hommes du sud. Son corps souple et noueux, ne traduit ses 40 ans que par un léger embonpoint au niveau de l'estomac. Fier de ses lointaines et nobles origines syro-castillanes, il entretient son physique et sa manière d'être au point de dégager une certaine majesté dans sa gestuelle. Sa blondeur, ses traits réguliers, son teint clair ou cuivré selon les saisons évoquent plus les plaines du nord que les rivages de la Méditerranée. Ancien professeur de philosophie dans un lycée Niortais, il cultive tant en français qu'en castillan un langage châtié et un accent neutre presque précieux. Son anglais, appris par nécessité à bord des trains, est moins élégant dans sa diction mais s'efforce à l'académisme. Géraldine apprécie les longues discussions avec Vasco dont la sagesse et la culture ne cessent de l'étonner. Il a publié à compte d'auteur, il y a quelques années, une version revisitée de sa thèse de doctorat intitulée "Averroès, fondateur de la laïcité", en hommage au grand philosophe arabo-andalou du douzième siècle.
C’est l’un des éléments qui rapproche considérablement Géraldine de Vasco. Après une thèse de doctorat en histoire de l’art sur "le symbole de l’oiseau dans l’architecture religieuse des XI° et XII° siècles en basse Auvergne", elle avait galéré dans différents "petits boulots" à caractère touristique. Faute de débouché dans le professorat, elle avait fini par se résoudre à accepter un emploi suffisamment bien rémunéré qui lui permette d’attendre des jours meilleurs. Elle envisage maintenant de trouver un poste de chef de produit chez Europe-Arts-et-Culture, l’agence de voyages de E-R SA, spécialisée dans le tourisme culturel sur le vieux continent.
Les passagers se font rares ce matin-là. Géraldine laisse vagabonder sa pensée. Elle revoit son récent survol, lors de son retour des Antilles, de la côte nord de l’Espagne qu’elle va rejoindre dans quelques heures. Elle y associe sa fille Charlotte qui participait au voyage. Celle-ci passe actuellement ses vacances chez son père qui profite généralement de l’occasion pour la pourrir de cadeaux. Géraldine déteste ce dernier pour la compétition qu’il lui impose ainsi. La petite profite assez naturellement de cette rivalité pour en tirer le meilleur bénéfice.
Contrairement à l’habitude le mécanicien a changé au dernier moment. Géraldine voit sans plaisir arriver ce "pierrot lunaire" de Miguel Ituria, plus préoccupé de la prochaine corrida de Pampelune que de conduire correctement sa rame. Géraldine a eu une curieuse aventure avec lui et en garde un souvenir paradoxal: troublant et malsain. Il faut dire que « le bougre » l’avait surprise dans les douches désertes du dépôt ferroviaire de Santander à demi dénudée. En quelques secondes ses mains avaient pris possession de chaque recoin du corps de la jeune femme, de chaque centimètre carré de son anatomie jusqu’à sa plus profonde intimité, sans qu’elle aie la force d’esquisser le moindre geste de défense. Après plus d’une demi-heure d’un tourbillon effréné, il avait disparu la laissant ainsi entièrement nue dans une position grotesque et indécente, son intimité exhibée par la large porte des douches grande ouverte sur le couloir des chambres. Il n’avait par la suite rien tenté de nouveau ni procédé à aucune allusion sur cet instant. On dit qu’il est actuellement en plein divorce, au bord de la dépression, et mène une vie affective perturbée. Lors d’un transport récent, il a dû se hasarder à une peu orthodoxe marche arrière car il avait oublié une gare. Il salue familièrement l’équipe de contrôleurs d’un « ça va les businessmen? » avant d’investir sa cabine de pilotage.
Juste derrière lui arrive l’éternelle mamie angoissée par la peur de rater son arrêt. Le front de notre héroïne se barre d’une ride de mécontentement vite effacée par son habituel sourire commercial. "Oui, je vous préviendrai lorsque nous arriverons à Bordeaux... Non, le train pour Marseille n’a pas changé de quai et se gare toujours sur le même que le nôtre... Non, aucun voyageur n’a été victime d’une agression sur cette ligne depuis sa création... Oui, les contrôleurs sont reliés par radio au mécanicien et à la police ferroviaire... par téléphone également... Bien sûr je vais vous aider à mettre votre valise dans son casier..." Très vite, les autres voyageurs commencent à arriver, avec l’habituelle cohorte de questions concernant la garde des enfants confiés à l’accompagnatrice, les correspondances, le passage du train dans telle ou telle gare... Géraldine est vite dans le ton professionnel et rassurant.
Au moment du départ du train, l’habituel voyageur en retard court sur le quai et se confond en remerciements et en excuses d’avoir contraint la contrôleuse à ouvrir à nouveau les portières. Le train prend rapidement de la vitesse et les agents commerciaux commencent leur tournée d’un bout à l’autre de leur rame. Un grand jeune homme de type méditerranéen au charme aussi indéfinissable que ténébreux l’interpelle en castillan:
« Où dois-je changer de train pour Pamplona?
San Sébastian, Monsieur.
Merci beaucoup! »
Ce court échange lui laisse une impression surréaliste. Son interlocuteur lui a parlé avec un accent sud-américain mâtiné de tonalités gutturales germaniques. Elle se demande un moment qui il peut bien être. L’inconnu a une tête de premier de la classe, de fines lunettes assorties et des traits d’une finesse presque féminine. Son corps musclé, ses fesses étroites, ses cheveux courts, noirs et crépus, n’échappent pas à notre héroïne intriguée. Un aryen du sud pense Géraldine dans un sourire.
Mais elle est vite reprise par le quotidien depuis les billets non compostés jusqu’aux annonces obligatoires de sécurité. Il est maintenant 9 heures 30, et le train roule sans difficultés particulières depuis plus d’une heure. Géraldine se rend à la voiture bar pour se détendre un peu. A son arrivée dans ce local elle est surprise de trouver Vasco en conversation animée avec le « beau ténébreux ». Ils semblent en désaccord profond. Géraldine se rue au secours de son ami pensant l’aider à se débarrasser d’un voyageur irascible. Aussi, quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle voit le voyageur se calmer brutalement et s’écarter de quelques pas à son approche? Il lance discrètement à Vasco, d’une voix autoritaire, toujours en Castillan:
« Si quelqu’un me demande, dites-lui de venir me voir au wagon-restaurant. »
Elle est autant interloquée par l’académisme du langage de ce curieux personnage que par l’apparente soumission à celui-ci qu’elle lit dans les yeux de son ami. Qui Vasco est sensé lui envoyer et pourquoi? Quelle relation existe entre les deux hommes? Devant son regard interrogateur elle obtient cette réponse: « Un emmerdeur, comme d’habitude! ». Pendant tout son temps de pause elle va observer le barman tout en dégustant son petit déjeuner. Elle croise plusieurs fois son regard. Il se veut rassurant mais semble anxieux.
Elle est vite reprise par les obligations de son emploi. Elle contrôle les billets, annonce les gares, verbalise les contrevenants, calme un groupe de jeunes un peu remuant, aide une jeune mère à nourrir son enfant dans de bonnes conditions de confort, rassure à nouveau la mamie de service... Vers une heure, le train a passé La Rochelle et chemine dans le marais côtier. Le beau ténébreux n’a pas reparu. Géraldine attend seule dans le compartiment des contrôleurs la fin du rush de midi pour aller déjeuner lorsque le train ralentit brutalement. Elle se rue sur le téléphone intérieur pour questionner le mécanicien. Ce dernier est à l’évidence hors d’usage. Seul un souffle ténu est émis par l’appareil. Pendant ce temps le train finit de s’immobiliser assez silencieusement en surplomb des terres gorgées d’eau. Elle remarque distraitement que le printemps précoce a ramené les cigognes dans leur nid maraîchin. A quelques mètres du bord de la voie, une famille de ragondins est occupée par sa toilette au sortir du bain. Seul un gros mâle est encore dans l’eau. Consciente de l’insolite de la situation, Géraldine s’essaie sans succès à utiliser le réseau sonore interne pour passer une annonce aux passagers. Il est lui aussi hors d’usage. Elle se précipite sur la porte, constate que celle-ci est fermée et qu’elle n’est plus en possession de sa clé électronique. Un instant la panique la submerge et elle tambourine à la porte en suppliant que l’on la lui ouvre. Elle se rend rapidement compte de l’inutilité de cette démarche.
Lorsque le signal d’annonce sonore retentit, elle est à peine étonnée d’entendre sa propre voix signaler aux passagers qu’un accident écologique majeur vient de se produire au large des côtes européennes. Elle précise que le train, hermétiquement clos, constitue une protection efficace contre la contamination et qu’il est demandé aux passagers de rester le plus possible à leur place. Elle annonce également que les wagons de la rame ont été isolés les uns des autres par la fermeture des portes étanches de sécurité et que le personnel, comme les passagers est dans l’incapacité de circuler. Les informations seront donc données sur le réseau interne qui permet également aux agents commerciaux et au mécanicien d’entendre tout ce qui se passe à chaque instant. Géraldine se demande comment une imitation aussi fidèle de sa voix peut avoir été réalisée avant de sombrer dans l’inconscience...
Lorsqu’elle se réveille, elle sort d’un rêve ou des militaires sadiques lui imposent des tortures qui l’entraînent au comble de l’angoisse. Sa tête bourdonne et n’est que douleur, comme enserrée par un étau. Elle met un long moment à reprendre ses esprits et à s’apercevoir qu’elle est allongée, entièrement nue, les mains liées à la taille et les pieds entravés par de larges et solides bandes de tissus. Lorsqu’elle essaye de bouger, elle se rend vite compte que le tout est solidement fixé à la banquette sur laquelle elle est installée. Une main légère lui caresse le front et une voix féminine lui intime fermement de se calmer. Elle tourne la tête et se trouve face à face avec Olga. Cette dernière a quitté son uniforme et revêtu une combinaison claire et moulante. Elle est agenouillée prés d’elle, l’oeil éclairé d’une étrange lueur. Géraldine essaie encore de bouger sans succès comme si ses liens ne faisaient que renforcer une camisole chimique annihilant sa volonté.
Olga s’arme d’une seringue et lui injecte un produit translucide dans une veine d’un avant-bras déjà marqué d’autres piqûres. Très vite sa migraine passe. Lorsque sa compagne la détache, elle est toujours dans l’impossibilité de se mouvoir. Olga commence alors à lui masser doucement les avant-bras, puis les bras comme pour effacer les traces d’aiguille. Géraldine est tout d’abord révulsée par ce contact contraint. Bientôt le massage devient caresse et atteint les épaules et le buste: elle commence alors à se détendre. A l’extérieur du train, des bruits sourds l’intriguent. Elle essaie encore de bouger sans succès. Elle croise le regard de sa compagne et y lit le désir qui l’habite. Ses deux mains ont pris possession de sa poitrine et provoquent une tension importante de celle-ci. Après un long moment de douce torture, elles glissent lentement vers le ventre de la victime et provoquent de légers spasmes de plaisir très perceptibles malgré la camisole chimique. Lorsqu’elles écartèlent les cuisses, en massent la paroi interne et s’intéressent au sexe grand ouvert, l’humidité sourd des grandes lèvres. Petit à petit, Géraldine commence à frissonner puis à obtenir de légers mouvements de ses muscles. Alors que son cerveau résiste encore à ce contact qui bouscule sa conception de la relation amoureuse, son corps semble le souhaiter. Bien plus il le facilite, y participe, et toutes ses terminaisons nerveuses s'y appliquent. Lorsqu’un doigt agile la pénètre, ses sens sont en révolution. Quelques habiles mouvements du poignet permettent à Olga de l’amener à un orgasme d’une rare intensité.
La tension retombée, Géraldine se sent atrocement coupable de ce qui vient de se passer. Elle n’a jamais connu de relation homosexuelle. Elle pense que le produit injecté a diminué sa capacité de discernement. Elle se sent sale, violée. Lorsqu’elle essaie de se soustraire à son emprise, Olga l’immobilise fermement d’une prise de self défense et parvient à l’attacher à nouveau. Elle quitte le compartiment après avoir rectifié son maquillage et remis de l'ordre dans sa tenue. De longues heures passent et Géraldine finit par s’assoupir. De retour dans son rêve militaire, elle est accusée d’avoir trahi son camp par amour de Lesbos et se voit affecter comme putain dans un bordel militaire de campagne. Son premier client sera un sergent-chef alcoolique, sale et ventripotent, aux exigences perverses. Lorsqu’il la touche, elle hurle de dégoût et... se réveille.
C’est maintenant le beau ténébreux qui est de garde à son chevet. Lui aussi a revêtu cette étrange combinaison sable qui met en valeur son teint halé. Lorsqu’elle lui demande de pouvoir se vêtir, il refuse car il ne peut ni ne veut lui faire confiance. En cas d’évasion, sa nudité ralentira sa progression dans ce marais froid et humide. Il lui explique que ce train transporte des valeurs incommensurables qui ont été prises en otage par une équipe dont il est le chef. Miguel, Olga et Vasco en font partie. Une vingtaine de ses hommes armés de lance-roquettes bouclent les chemins de terre permettant l’accès au train. Elle ne doit sa présence consciente en ce lieu, à ce qu'il dit, qu’à l’évocation par Miguel de sa sensualité et de ses qualités d’amante. L’homosexualité d’Olga les prive tous pendant la sans doute longue négociation avec les autorités de relations affectives et sexuelles. Dans l’ignorance du devenir des autres voyageurs, elle ne sait si elle doit se réjouir de cette situation. Son geôlier la libère des entraves et lui enfile une paire de bottes en caoutchouc. Ses poignets sont toujours liés à une ceinture de toile épaisse que enserre fermement sa taille. Il l’aide à se lever et lui intime l’ordre de le suivre, ce qu’elle fait gênée de s’exhiber ainsi en public.
A leur descente du train, elle ne trouve que les trois complices manquants. Vasco fuit son regard interrogateur. Le train est maintenant éteint et les traces sur les berges peuvent laisser penser que les voyageurs ont été évacués vers d’autres lieux. Pourtant les wagons semblent encore peuplés d'ombres. S'agit-il des cadavres des voyageurs? Comment le savoir? Olga interpelle, sous le nom de Karl, le chef quant aux indices laissées. Il affirme que la pluie violente à venir va les réduire à néant. Géraldine commence à en sentir les premières gouttes sur son corps nu. La petite troupe s’ébranle alors en direction d’une grotte distante de quelques centaines de mètres. Olga jette sur ses épaules une légère couverture de survie et en noue deux extrémités autour de son cou. A ce moment Géraldine est ravie de susciter ainsi l’intérêt de celle-ci.
Ils sont à peine arrivés dans une immense grotte aménagée par d’antiques troglodytes lorsqu’un violent orage commence à crépiter. Notre héroïne est libérée de ses liens et de sa couverture et enfermée dans une pièce aménagée, pourvue d’une lourde porte percée d’un œilleton. Le mobilier en est rudimentaire: une paillasse, quelques couvertures, une tinette, une table et un petit banc taillés à même le roc. Plusieurs anneaux scellés dans le mur confirment que ce local a toujours été dédié à la rétention de quelque captif. La température y est paradoxalement élevée et Géraldine se sent bien malgré l’absence de tout vêtement. Dans la pièce à côté des voix inconnues se font entendre. La langue utilisée par ses geôliers lui semble être le catalan car les mots lui sont parfois compréhensibles. Pourtant elle ne parvient pas à appréhender le sens du discours car le bruit violent de la pluie domine.
Après un repas frugal, elle finit par s’endormir sans percer le secret des conversations. Ses rêves militaires reprennent. Elle se repose dans le dortoir de son peloton entourée de recrues toutes aussi inquiétantes les unes que les autres. Elle lutte contre le sommeil sans y arriver. Elle est agressée dans son demi-sommeil par ses compagnes occupées à lui arracher son frêle vêtement de nuit. Elles entravent ses mains et ses pieds et commencent à la violenter en alternant brutalités et attouchements intrusifs. Elle essaie de mordre un de ses bourreaux à la main et... est réveillée par une gifle violente. Face à elle Karl grimace de douleur et vocifère des mots incompréhensibles. Elle est attachée aux chaînes de son cachot et entourée de plusieurs hommes aux intentions peu équivoques. Miguel est de la partie. C’est lui qui immobilise ses bras lorsqu’elle essaie de résister. Deux inconnus revêtus des uniformes clairs déjà décrits s’emparent de ses jambes et les écartent fermement. Karl la frappe violemment au sternum et hurle un ordre dans une langue inconnue d’elle. Alors qu’elle essaie de reprendre son souffle, son visage est rapidement recouvert d’un sac plastique translucide serré à son cou qui lui ôte toute vision de ses bourreaux. Son corps nu est pétri par des mains masculines jusque dans son ultime intimité. La peur commence à la submerger. La grossièreté des gestes et des mots la révulsent. Elle commence à suffoquer et toute résistance devient impossible. Elle se laisse aller et à consentir à leur désir pour éviter la mort. Elle est alors présentée à ses bourreaux à genoux, jambes écartées, les fesses en l’air, le visage et les épaules plaquées au sol. Elle ressent passivement une totale humiliation et s’attend à être ainsi violentée... Heureusement, le bruit sourd d’une violente explosion met fin à son calvaire. Tout le monde se rue hors de la pièce. Dehors des cris, des bruits de voix, de pas rapides, de courses effrénées et le brutal claquement d’une serrure, des cris lointains... puis le calme.
De longues minutes passent puis la porte de sa cellule s’entrouvre précédée d’un bruit de clef plus doux qu’a l’habitude. Olga entre et referme précautionneusement la porte. Elle ôte le sac plastique, lui détache un pied et commence a masser doucement la marque du fer. Géraldine, tout d’abord contractée et hostile finit par se détendre. Sa compagne détache alors les autres liens et continue un massage sans aucune ambiguïté. Elle obtient une confiance grandissante qui amène la prisonnière à se pelotonner contre elle puis, lorsqu’elle s’allonge à ses cotés, à poser tendrement sa tête sur son épaule. Elles restent un long moment ainsi enlacées à même le sol. Après quelques minutes, la respiration de la victime devient de plus en plus régulière. Olga ne cesse de s’excuser de ne pas avoir été présente pour s’opposer à cette odieuse scène. Elle limite sa pudique caresse à la tête aux chevilles et aux poignets tuméfiés par les liens. Le contact est presque maternel et s’accompagne de légers baisers sur les joues. La main glisse dans les cheveux, apaisante. Le bras la serre contre elle tendrement. Plus d'une heure passe ainsi ponctuée de bruits légers, comme des coups de feu, au dehors. Chacun retrouve son calme.
Géraldine finit par ressentir viscéralement le besoin de toucher à nouveau cette peau dont elle a perçu le grain si délicat lors de l’épisode du train. Elle commence doucement à faire glisser la fermeture de la combinaison et laisse sa main s’aventurer à l’intérieur. Une épaule, un sein, un ventre plat, des fesses délicates, puis des cuisses émouvantes et un sexe imberbe, mobilisent ses sens. Elle ôte successivement la combinaison et les sous-vêtements qui freinent sa progression jusqu’à dénuder totalement le corps d’albâtre, complètement épilé. Un petit tatouage sur une épaule, un ou deux grains de beauté sont là pour attendrir le spectateur. Seuls le sein un peu lourd et un bassin aux reliefs saillants semblent démentir l’aspect infantile de l’ensemble. Sa blondeur imberbe et longiligne contraste magnifiquement avec les rondeurs halées de sa compagne. Le sentiment de contrainte du premier contact a totalement disparu. Olga est quasi immobile. Elle ne bouge que pour aider la progression de son amante dans ses découvertes laissant toute initiative à celle-ci. Elle laisse monter en elle l’émotion grandissante qu’elle perçoit chez sa nouvelle amie. Elle murmure « mon doux agneau » tout en s’étirant lascivement. Géraldine en profite pour prendre un peu plus possession de son intimité. Bras et jambes continuent à s’écarter livrant les derniers secrets de son anatomie. Doucement les caresses se font plus intimes et pénétrantes jusqu’à obtenir les signaux d’un orgasme long et doux. Olga s’autorise alors à rendre les caresses et les deux amantes connaissent le plaisir à plusieurs reprises. Peau contre peau, et dans un corps à corps superbe, elles vont composer un tableau digne des plus belles scènes d’amour jamais filmées. Après un long moment de détente, elles quittent ensemble la cellule. Après avoir récupéré quelques vêtements, elles sortent de la grotte et se fondent dans la nuit persuadées que rien n’est plus important que leur nouvelle et intime complicité.
Au loin dans la nuit, les bruits et les éclairs caractéristiques d’un combat à l’arme automatique emplit l’horizon. Géraldine craintive se saisit de la main de sa nouvelle amie. Elles courent ensemble vers la rame du T.R.I. faiblement éclairée. Personne ne la garde. Lorsqu'elles montent à bord, elles sont surprises de retrouver les passagers vivants et inconscients comme saisis brutalement par le sommeil en plein mouvement. Soucieuses de survivre à l'événement, les deux jeunes femmes décident de quitter le théâtre des opérations en utilisant le train. Elles devraient être ainsi créditées d'avoir protégé la vie des passagers. Ceci peut s'avérer précieux pour le devenir d'Olga. Elles investissent la cabine de pilotage et Géraldine s'exerce à répéter les gestes qu'elle a vu pratiquer tant de fois. Après quelques essais infructueux, la lourde machine s'ébranle brutalement, jetant quelques passagers à terre. Olga récupère un uniforme de contrôleuse et commence à aller rassurer ceux qui se réveillent. Quelques centaines de mètres plus loin, la dépression créée par l'engin plaque au sol un petit groupe de paramilitaires toujours vêtus de cette combinaison de couleur sable si particulière. Lorsque les uniformes bleus de la police locale apparaissent, Géraldine freine brutalement et parvient à arrêter son véhicule sans essuyer de coups de feu. Forces de l'ordre et pompiers investissent alors le train et évacuent les passagers vers un hôpital de campagne proche.
Lors de l'assaut, les dirigeants du groupe de ravisseurs sont tués, notamment Karl et Miguel. Vasco est retrouvé mort dans la grotte, sans doute éliminé par ses complices. Jamais Géraldine ne comprendra comment celui qu'elle considère toujours comme un ami a pu se laisser entraîner dans un tel projet. Toute sa vie, elle gardera le secret sur le rôle joué par Olga, tant par affection que par reconnaissance. Elles créeront ensemble une petite agence de voyage spécialisée dans les séjours intra-européens. La jeune Charlotte considérera Olga, souvent investie dans un rôle de père de substitution, comme sa tante. Pour autant, les deux femmes vivront séparément, en apparence, leur vie privée sans jamais entretenir de relation amoureuse stable avec quiconque. Souvent, Charlotte va se poser la question de l'ambiguïté des rapports entre les deux femmes sans jamais pouvoir vérifier la moindre de ses hypothèses.
Ce matin-là, Géraldine reprend le travail avec plus d'allant que d'habitude. Est-ce l'effet de se sentir différente dans ces nouveaux uniformes, si seyants, qui fleurent bon le grand couturier? Lors d'un dernier coup d’œil dans la glace du vestiaire, elle apprécie la classe de cet ensemble pétrole et gris plus près du corps que les anciennes tenues. La casquette "rétro-1900" lui permet, pour la première fois de mettre en valeur ses longs cheveux bruns roulés en une tresse épaisse et son teint légèrement hâlé. Est-ce le résultat de la négociation qui a suivi la grande grève, et la promesse d'une réduction du temps de travail à 120 heures par mois? Cela lui permettra d'être plus présente auprès de sa fille. Dur métier que celui d’agent commercial roulant chez "Europe-Rail SA"!
Elle est fière de naviguer sur les nouveaux Trains Rapides Inter-régionaux à technologie pendulaire. Son T.R.I. du jour est "l'arc atlantique" qui relie en moins de dix heures Brest à La Corogne (La Corunha), via Nantes, Bordeaux, Bilbao et Oviedo. La concurrence avec l'avion, et le développement de l'axe économique unissant ces régions côtières, ont permis un forte expansion quantitative et qualitative du transport ferroviaire. L'implantation de l'usine de production des trains pendulaires à La Rochelle a donné à cette ligne un statut expérimental intéressant. Le confort de ces nouveaux engins de transport en a été considérablement amélioré. Le financement des investissements par les conseils régionaux et les gouvernements provinciaux concernés a permis un développement du rail que la directive européenne sur le ferroutage est venue compléter. Le transport de marchandises, et des camions, a été considérablement amélioré par les techniques mises au point dans le transport de voyageurs. Tout ceci fait la fierté des salariés d'E-R SA.
Depuis la naissance de sa fille, Géraldine a conservé un look attrayant. Certes sa taille a quelque peu épaissi et ses fesses sont devenues plus rondes, mais l'aspect général de sa silhouette est restée juvénile. Sa légère augmentation de poids lui a permis de conserver des joues rebondies. Elles mettent en valeur de hautes pommettes qui trahissent des origines slaves et contrastent avec l'influence méditerranéenne qui marque le reste de ses traits. Sous des sourcils finement dessinés, de grands yeux bruns en amande, légèrement asymétriques, pétillent de malice et d'intelligence. Un nez aquilin, élégant et bien proportionné donne de la personnalité aux expressions du visage. Le menton est délicat et nettement marqué. Il met en valeur un cou long, assez massif, à l'arrondi parfait. La poitrine ferme et discrète, le galbe des reins bien marqué, l'élégance des mollets bien dessinés, la finesse des bras, des épaules et des pieds, complètent un ensemble qui attire l’œil de plus d'un homme.
Ce matin, Géraldine se sent en pleine possession de ses moyens. A son arrivée sur le quai, elle est saluée par les traditionnelles plaisanteries admiratives de ses collègues. Parmi elles et eux, une très jolie blonde au regard d’acier et au corps élancé nouvelle sur la ligne. « Olga » se présente-t-elle. Elle est moulée dans son uniforme au point que son anatomie ne doit être un secret pour personne. Géraldine est étonnée par le magnétisme qui se dégage de sa collègue et de son apparente autorité naturelle. Elle cherche désespérément le défaut de ce physique de mannequin. Au premier mouvement elle lui trouve la poitrine tombante. A la réflexion elle remarque également son nez un peu long et très légèrement épaté. Pour le reste, elle a un port de reine. « On verra ça après le premier accouchement » se dit-elle, vaguement jalouse!
Le travail commence tranquillement par les habituelles demandes de renseignements des voyageurs. A l'arrivée des personnels du wagon restaurant, elle remarque l'apparition tardive et précipitée de son collègue et ami Vasco Omeyade. Depuis plusieurs mois ils cultivent tous deux une amitié tendre et ambiguë. Plus âgé qu'elle, Vasco a l'aspect musclé des hommes du sud. Son corps souple et noueux, ne traduit ses 40 ans que par un léger embonpoint au niveau de l'estomac. Fier de ses lointaines et nobles origines syro-castillanes, il entretient son physique et sa manière d'être au point de dégager une certaine majesté dans sa gestuelle. Sa blondeur, ses traits réguliers, son teint clair ou cuivré selon les saisons évoquent plus les plaines du nord que les rivages de la Méditerranée. Ancien professeur de philosophie dans un lycée Niortais, il cultive tant en français qu'en castillan un langage châtié et un accent neutre presque précieux. Son anglais, appris par nécessité à bord des trains, est moins élégant dans sa diction mais s'efforce à l'académisme. Géraldine apprécie les longues discussions avec Vasco dont la sagesse et la culture ne cessent de l'étonner. Il a publié à compte d'auteur, il y a quelques années, une version revisitée de sa thèse de doctorat intitulée "Averroès, fondateur de la laïcité", en hommage au grand philosophe arabo-andalou du douzième siècle.
C’est l’un des éléments qui rapproche considérablement Géraldine de Vasco. Après une thèse de doctorat en histoire de l’art sur "le symbole de l’oiseau dans l’architecture religieuse des XI° et XII° siècles en basse Auvergne", elle avait galéré dans différents "petits boulots" à caractère touristique. Faute de débouché dans le professorat, elle avait fini par se résoudre à accepter un emploi suffisamment bien rémunéré qui lui permette d’attendre des jours meilleurs. Elle envisage maintenant de trouver un poste de chef de produit chez Europe-Arts-et-Culture, l’agence de voyages de E-R SA, spécialisée dans le tourisme culturel sur le vieux continent.
Les passagers se font rares ce matin-là. Géraldine laisse vagabonder sa pensée. Elle revoit son récent survol, lors de son retour des Antilles, de la côte nord de l’Espagne qu’elle va rejoindre dans quelques heures. Elle y associe sa fille Charlotte qui participait au voyage. Celle-ci passe actuellement ses vacances chez son père qui profite généralement de l’occasion pour la pourrir de cadeaux. Géraldine déteste ce dernier pour la compétition qu’il lui impose ainsi. La petite profite assez naturellement de cette rivalité pour en tirer le meilleur bénéfice.
Contrairement à l’habitude le mécanicien a changé au dernier moment. Géraldine voit sans plaisir arriver ce "pierrot lunaire" de Miguel Ituria, plus préoccupé de la prochaine corrida de Pampelune que de conduire correctement sa rame. Géraldine a eu une curieuse aventure avec lui et en garde un souvenir paradoxal: troublant et malsain. Il faut dire que « le bougre » l’avait surprise dans les douches désertes du dépôt ferroviaire de Santander à demi dénudée. En quelques secondes ses mains avaient pris possession de chaque recoin du corps de la jeune femme, de chaque centimètre carré de son anatomie jusqu’à sa plus profonde intimité, sans qu’elle aie la force d’esquisser le moindre geste de défense. Après plus d’une demi-heure d’un tourbillon effréné, il avait disparu la laissant ainsi entièrement nue dans une position grotesque et indécente, son intimité exhibée par la large porte des douches grande ouverte sur le couloir des chambres. Il n’avait par la suite rien tenté de nouveau ni procédé à aucune allusion sur cet instant. On dit qu’il est actuellement en plein divorce, au bord de la dépression, et mène une vie affective perturbée. Lors d’un transport récent, il a dû se hasarder à une peu orthodoxe marche arrière car il avait oublié une gare. Il salue familièrement l’équipe de contrôleurs d’un « ça va les businessmen? » avant d’investir sa cabine de pilotage.
Juste derrière lui arrive l’éternelle mamie angoissée par la peur de rater son arrêt. Le front de notre héroïne se barre d’une ride de mécontentement vite effacée par son habituel sourire commercial. "Oui, je vous préviendrai lorsque nous arriverons à Bordeaux... Non, le train pour Marseille n’a pas changé de quai et se gare toujours sur le même que le nôtre... Non, aucun voyageur n’a été victime d’une agression sur cette ligne depuis sa création... Oui, les contrôleurs sont reliés par radio au mécanicien et à la police ferroviaire... par téléphone également... Bien sûr je vais vous aider à mettre votre valise dans son casier..." Très vite, les autres voyageurs commencent à arriver, avec l’habituelle cohorte de questions concernant la garde des enfants confiés à l’accompagnatrice, les correspondances, le passage du train dans telle ou telle gare... Géraldine est vite dans le ton professionnel et rassurant.
Au moment du départ du train, l’habituel voyageur en retard court sur le quai et se confond en remerciements et en excuses d’avoir contraint la contrôleuse à ouvrir à nouveau les portières. Le train prend rapidement de la vitesse et les agents commerciaux commencent leur tournée d’un bout à l’autre de leur rame. Un grand jeune homme de type méditerranéen au charme aussi indéfinissable que ténébreux l’interpelle en castillan:
« Où dois-je changer de train pour Pamplona?
San Sébastian, Monsieur.
Merci beaucoup! »
Ce court échange lui laisse une impression surréaliste. Son interlocuteur lui a parlé avec un accent sud-américain mâtiné de tonalités gutturales germaniques. Elle se demande un moment qui il peut bien être. L’inconnu a une tête de premier de la classe, de fines lunettes assorties et des traits d’une finesse presque féminine. Son corps musclé, ses fesses étroites, ses cheveux courts, noirs et crépus, n’échappent pas à notre héroïne intriguée. Un aryen du sud pense Géraldine dans un sourire.
Mais elle est vite reprise par le quotidien depuis les billets non compostés jusqu’aux annonces obligatoires de sécurité. Il est maintenant 9 heures 30, et le train roule sans difficultés particulières depuis plus d’une heure. Géraldine se rend à la voiture bar pour se détendre un peu. A son arrivée dans ce local elle est surprise de trouver Vasco en conversation animée avec le « beau ténébreux ». Ils semblent en désaccord profond. Géraldine se rue au secours de son ami pensant l’aider à se débarrasser d’un voyageur irascible. Aussi, quelle n’est pas sa surprise lorsqu’elle voit le voyageur se calmer brutalement et s’écarter de quelques pas à son approche? Il lance discrètement à Vasco, d’une voix autoritaire, toujours en Castillan:
« Si quelqu’un me demande, dites-lui de venir me voir au wagon-restaurant. »
Elle est autant interloquée par l’académisme du langage de ce curieux personnage que par l’apparente soumission à celui-ci qu’elle lit dans les yeux de son ami. Qui Vasco est sensé lui envoyer et pourquoi? Quelle relation existe entre les deux hommes? Devant son regard interrogateur elle obtient cette réponse: « Un emmerdeur, comme d’habitude! ». Pendant tout son temps de pause elle va observer le barman tout en dégustant son petit déjeuner. Elle croise plusieurs fois son regard. Il se veut rassurant mais semble anxieux.
Elle est vite reprise par les obligations de son emploi. Elle contrôle les billets, annonce les gares, verbalise les contrevenants, calme un groupe de jeunes un peu remuant, aide une jeune mère à nourrir son enfant dans de bonnes conditions de confort, rassure à nouveau la mamie de service... Vers une heure, le train a passé La Rochelle et chemine dans le marais côtier. Le beau ténébreux n’a pas reparu. Géraldine attend seule dans le compartiment des contrôleurs la fin du rush de midi pour aller déjeuner lorsque le train ralentit brutalement. Elle se rue sur le téléphone intérieur pour questionner le mécanicien. Ce dernier est à l’évidence hors d’usage. Seul un souffle ténu est émis par l’appareil. Pendant ce temps le train finit de s’immobiliser assez silencieusement en surplomb des terres gorgées d’eau. Elle remarque distraitement que le printemps précoce a ramené les cigognes dans leur nid maraîchin. A quelques mètres du bord de la voie, une famille de ragondins est occupée par sa toilette au sortir du bain. Seul un gros mâle est encore dans l’eau. Consciente de l’insolite de la situation, Géraldine s’essaie sans succès à utiliser le réseau sonore interne pour passer une annonce aux passagers. Il est lui aussi hors d’usage. Elle se précipite sur la porte, constate que celle-ci est fermée et qu’elle n’est plus en possession de sa clé électronique. Un instant la panique la submerge et elle tambourine à la porte en suppliant que l’on la lui ouvre. Elle se rend rapidement compte de l’inutilité de cette démarche.
Lorsque le signal d’annonce sonore retentit, elle est à peine étonnée d’entendre sa propre voix signaler aux passagers qu’un accident écologique majeur vient de se produire au large des côtes européennes. Elle précise que le train, hermétiquement clos, constitue une protection efficace contre la contamination et qu’il est demandé aux passagers de rester le plus possible à leur place. Elle annonce également que les wagons de la rame ont été isolés les uns des autres par la fermeture des portes étanches de sécurité et que le personnel, comme les passagers est dans l’incapacité de circuler. Les informations seront donc données sur le réseau interne qui permet également aux agents commerciaux et au mécanicien d’entendre tout ce qui se passe à chaque instant. Géraldine se demande comment une imitation aussi fidèle de sa voix peut avoir été réalisée avant de sombrer dans l’inconscience...
Lorsqu’elle se réveille, elle sort d’un rêve ou des militaires sadiques lui imposent des tortures qui l’entraînent au comble de l’angoisse. Sa tête bourdonne et n’est que douleur, comme enserrée par un étau. Elle met un long moment à reprendre ses esprits et à s’apercevoir qu’elle est allongée, entièrement nue, les mains liées à la taille et les pieds entravés par de larges et solides bandes de tissus. Lorsqu’elle essaye de bouger, elle se rend vite compte que le tout est solidement fixé à la banquette sur laquelle elle est installée. Une main légère lui caresse le front et une voix féminine lui intime fermement de se calmer. Elle tourne la tête et se trouve face à face avec Olga. Cette dernière a quitté son uniforme et revêtu une combinaison claire et moulante. Elle est agenouillée prés d’elle, l’oeil éclairé d’une étrange lueur. Géraldine essaie encore de bouger sans succès comme si ses liens ne faisaient que renforcer une camisole chimique annihilant sa volonté.
Olga s’arme d’une seringue et lui injecte un produit translucide dans une veine d’un avant-bras déjà marqué d’autres piqûres. Très vite sa migraine passe. Lorsque sa compagne la détache, elle est toujours dans l’impossibilité de se mouvoir. Olga commence alors à lui masser doucement les avant-bras, puis les bras comme pour effacer les traces d’aiguille. Géraldine est tout d’abord révulsée par ce contact contraint. Bientôt le massage devient caresse et atteint les épaules et le buste: elle commence alors à se détendre. A l’extérieur du train, des bruits sourds l’intriguent. Elle essaie encore de bouger sans succès. Elle croise le regard de sa compagne et y lit le désir qui l’habite. Ses deux mains ont pris possession de sa poitrine et provoquent une tension importante de celle-ci. Après un long moment de douce torture, elles glissent lentement vers le ventre de la victime et provoquent de légers spasmes de plaisir très perceptibles malgré la camisole chimique. Lorsqu’elles écartèlent les cuisses, en massent la paroi interne et s’intéressent au sexe grand ouvert, l’humidité sourd des grandes lèvres. Petit à petit, Géraldine commence à frissonner puis à obtenir de légers mouvements de ses muscles. Alors que son cerveau résiste encore à ce contact qui bouscule sa conception de la relation amoureuse, son corps semble le souhaiter. Bien plus il le facilite, y participe, et toutes ses terminaisons nerveuses s'y appliquent. Lorsqu’un doigt agile la pénètre, ses sens sont en révolution. Quelques habiles mouvements du poignet permettent à Olga de l’amener à un orgasme d’une rare intensité.
La tension retombée, Géraldine se sent atrocement coupable de ce qui vient de se passer. Elle n’a jamais connu de relation homosexuelle. Elle pense que le produit injecté a diminué sa capacité de discernement. Elle se sent sale, violée. Lorsqu’elle essaie de se soustraire à son emprise, Olga l’immobilise fermement d’une prise de self défense et parvient à l’attacher à nouveau. Elle quitte le compartiment après avoir rectifié son maquillage et remis de l'ordre dans sa tenue. De longues heures passent et Géraldine finit par s’assoupir. De retour dans son rêve militaire, elle est accusée d’avoir trahi son camp par amour de Lesbos et se voit affecter comme putain dans un bordel militaire de campagne. Son premier client sera un sergent-chef alcoolique, sale et ventripotent, aux exigences perverses. Lorsqu’il la touche, elle hurle de dégoût et... se réveille.
C’est maintenant le beau ténébreux qui est de garde à son chevet. Lui aussi a revêtu cette étrange combinaison sable qui met en valeur son teint halé. Lorsqu’elle lui demande de pouvoir se vêtir, il refuse car il ne peut ni ne veut lui faire confiance. En cas d’évasion, sa nudité ralentira sa progression dans ce marais froid et humide. Il lui explique que ce train transporte des valeurs incommensurables qui ont été prises en otage par une équipe dont il est le chef. Miguel, Olga et Vasco en font partie. Une vingtaine de ses hommes armés de lance-roquettes bouclent les chemins de terre permettant l’accès au train. Elle ne doit sa présence consciente en ce lieu, à ce qu'il dit, qu’à l’évocation par Miguel de sa sensualité et de ses qualités d’amante. L’homosexualité d’Olga les prive tous pendant la sans doute longue négociation avec les autorités de relations affectives et sexuelles. Dans l’ignorance du devenir des autres voyageurs, elle ne sait si elle doit se réjouir de cette situation. Son geôlier la libère des entraves et lui enfile une paire de bottes en caoutchouc. Ses poignets sont toujours liés à une ceinture de toile épaisse que enserre fermement sa taille. Il l’aide à se lever et lui intime l’ordre de le suivre, ce qu’elle fait gênée de s’exhiber ainsi en public.
A leur descente du train, elle ne trouve que les trois complices manquants. Vasco fuit son regard interrogateur. Le train est maintenant éteint et les traces sur les berges peuvent laisser penser que les voyageurs ont été évacués vers d’autres lieux. Pourtant les wagons semblent encore peuplés d'ombres. S'agit-il des cadavres des voyageurs? Comment le savoir? Olga interpelle, sous le nom de Karl, le chef quant aux indices laissées. Il affirme que la pluie violente à venir va les réduire à néant. Géraldine commence à en sentir les premières gouttes sur son corps nu. La petite troupe s’ébranle alors en direction d’une grotte distante de quelques centaines de mètres. Olga jette sur ses épaules une légère couverture de survie et en noue deux extrémités autour de son cou. A ce moment Géraldine est ravie de susciter ainsi l’intérêt de celle-ci.
Ils sont à peine arrivés dans une immense grotte aménagée par d’antiques troglodytes lorsqu’un violent orage commence à crépiter. Notre héroïne est libérée de ses liens et de sa couverture et enfermée dans une pièce aménagée, pourvue d’une lourde porte percée d’un œilleton. Le mobilier en est rudimentaire: une paillasse, quelques couvertures, une tinette, une table et un petit banc taillés à même le roc. Plusieurs anneaux scellés dans le mur confirment que ce local a toujours été dédié à la rétention de quelque captif. La température y est paradoxalement élevée et Géraldine se sent bien malgré l’absence de tout vêtement. Dans la pièce à côté des voix inconnues se font entendre. La langue utilisée par ses geôliers lui semble être le catalan car les mots lui sont parfois compréhensibles. Pourtant elle ne parvient pas à appréhender le sens du discours car le bruit violent de la pluie domine.
Après un repas frugal, elle finit par s’endormir sans percer le secret des conversations. Ses rêves militaires reprennent. Elle se repose dans le dortoir de son peloton entourée de recrues toutes aussi inquiétantes les unes que les autres. Elle lutte contre le sommeil sans y arriver. Elle est agressée dans son demi-sommeil par ses compagnes occupées à lui arracher son frêle vêtement de nuit. Elles entravent ses mains et ses pieds et commencent à la violenter en alternant brutalités et attouchements intrusifs. Elle essaie de mordre un de ses bourreaux à la main et... est réveillée par une gifle violente. Face à elle Karl grimace de douleur et vocifère des mots incompréhensibles. Elle est attachée aux chaînes de son cachot et entourée de plusieurs hommes aux intentions peu équivoques. Miguel est de la partie. C’est lui qui immobilise ses bras lorsqu’elle essaie de résister. Deux inconnus revêtus des uniformes clairs déjà décrits s’emparent de ses jambes et les écartent fermement. Karl la frappe violemment au sternum et hurle un ordre dans une langue inconnue d’elle. Alors qu’elle essaie de reprendre son souffle, son visage est rapidement recouvert d’un sac plastique translucide serré à son cou qui lui ôte toute vision de ses bourreaux. Son corps nu est pétri par des mains masculines jusque dans son ultime intimité. La peur commence à la submerger. La grossièreté des gestes et des mots la révulsent. Elle commence à suffoquer et toute résistance devient impossible. Elle se laisse aller et à consentir à leur désir pour éviter la mort. Elle est alors présentée à ses bourreaux à genoux, jambes écartées, les fesses en l’air, le visage et les épaules plaquées au sol. Elle ressent passivement une totale humiliation et s’attend à être ainsi violentée... Heureusement, le bruit sourd d’une violente explosion met fin à son calvaire. Tout le monde se rue hors de la pièce. Dehors des cris, des bruits de voix, de pas rapides, de courses effrénées et le brutal claquement d’une serrure, des cris lointains... puis le calme.
De longues minutes passent puis la porte de sa cellule s’entrouvre précédée d’un bruit de clef plus doux qu’a l’habitude. Olga entre et referme précautionneusement la porte. Elle ôte le sac plastique, lui détache un pied et commence a masser doucement la marque du fer. Géraldine, tout d’abord contractée et hostile finit par se détendre. Sa compagne détache alors les autres liens et continue un massage sans aucune ambiguïté. Elle obtient une confiance grandissante qui amène la prisonnière à se pelotonner contre elle puis, lorsqu’elle s’allonge à ses cotés, à poser tendrement sa tête sur son épaule. Elles restent un long moment ainsi enlacées à même le sol. Après quelques minutes, la respiration de la victime devient de plus en plus régulière. Olga ne cesse de s’excuser de ne pas avoir été présente pour s’opposer à cette odieuse scène. Elle limite sa pudique caresse à la tête aux chevilles et aux poignets tuméfiés par les liens. Le contact est presque maternel et s’accompagne de légers baisers sur les joues. La main glisse dans les cheveux, apaisante. Le bras la serre contre elle tendrement. Plus d'une heure passe ainsi ponctuée de bruits légers, comme des coups de feu, au dehors. Chacun retrouve son calme.
Géraldine finit par ressentir viscéralement le besoin de toucher à nouveau cette peau dont elle a perçu le grain si délicat lors de l’épisode du train. Elle commence doucement à faire glisser la fermeture de la combinaison et laisse sa main s’aventurer à l’intérieur. Une épaule, un sein, un ventre plat, des fesses délicates, puis des cuisses émouvantes et un sexe imberbe, mobilisent ses sens. Elle ôte successivement la combinaison et les sous-vêtements qui freinent sa progression jusqu’à dénuder totalement le corps d’albâtre, complètement épilé. Un petit tatouage sur une épaule, un ou deux grains de beauté sont là pour attendrir le spectateur. Seuls le sein un peu lourd et un bassin aux reliefs saillants semblent démentir l’aspect infantile de l’ensemble. Sa blondeur imberbe et longiligne contraste magnifiquement avec les rondeurs halées de sa compagne. Le sentiment de contrainte du premier contact a totalement disparu. Olga est quasi immobile. Elle ne bouge que pour aider la progression de son amante dans ses découvertes laissant toute initiative à celle-ci. Elle laisse monter en elle l’émotion grandissante qu’elle perçoit chez sa nouvelle amie. Elle murmure « mon doux agneau » tout en s’étirant lascivement. Géraldine en profite pour prendre un peu plus possession de son intimité. Bras et jambes continuent à s’écarter livrant les derniers secrets de son anatomie. Doucement les caresses se font plus intimes et pénétrantes jusqu’à obtenir les signaux d’un orgasme long et doux. Olga s’autorise alors à rendre les caresses et les deux amantes connaissent le plaisir à plusieurs reprises. Peau contre peau, et dans un corps à corps superbe, elles vont composer un tableau digne des plus belles scènes d’amour jamais filmées. Après un long moment de détente, elles quittent ensemble la cellule. Après avoir récupéré quelques vêtements, elles sortent de la grotte et se fondent dans la nuit persuadées que rien n’est plus important que leur nouvelle et intime complicité.
Au loin dans la nuit, les bruits et les éclairs caractéristiques d’un combat à l’arme automatique emplit l’horizon. Géraldine craintive se saisit de la main de sa nouvelle amie. Elles courent ensemble vers la rame du T.R.I. faiblement éclairée. Personne ne la garde. Lorsqu'elles montent à bord, elles sont surprises de retrouver les passagers vivants et inconscients comme saisis brutalement par le sommeil en plein mouvement. Soucieuses de survivre à l'événement, les deux jeunes femmes décident de quitter le théâtre des opérations en utilisant le train. Elles devraient être ainsi créditées d'avoir protégé la vie des passagers. Ceci peut s'avérer précieux pour le devenir d'Olga. Elles investissent la cabine de pilotage et Géraldine s'exerce à répéter les gestes qu'elle a vu pratiquer tant de fois. Après quelques essais infructueux, la lourde machine s'ébranle brutalement, jetant quelques passagers à terre. Olga récupère un uniforme de contrôleuse et commence à aller rassurer ceux qui se réveillent. Quelques centaines de mètres plus loin, la dépression créée par l'engin plaque au sol un petit groupe de paramilitaires toujours vêtus de cette combinaison de couleur sable si particulière. Lorsque les uniformes bleus de la police locale apparaissent, Géraldine freine brutalement et parvient à arrêter son véhicule sans essuyer de coups de feu. Forces de l'ordre et pompiers investissent alors le train et évacuent les passagers vers un hôpital de campagne proche.
Lors de l'assaut, les dirigeants du groupe de ravisseurs sont tués, notamment Karl et Miguel. Vasco est retrouvé mort dans la grotte, sans doute éliminé par ses complices. Jamais Géraldine ne comprendra comment celui qu'elle considère toujours comme un ami a pu se laisser entraîner dans un tel projet. Toute sa vie, elle gardera le secret sur le rôle joué par Olga, tant par affection que par reconnaissance. Elles créeront ensemble une petite agence de voyage spécialisée dans les séjours intra-européens. La jeune Charlotte considérera Olga, souvent investie dans un rôle de père de substitution, comme sa tante. Pour autant, les deux femmes vivront séparément, en apparence, leur vie privée sans jamais entretenir de relation amoureuse stable avec quiconque. Souvent, Charlotte va se poser la question de l'ambiguïté des rapports entre les deux femmes sans jamais pouvoir vérifier la moindre de ses hypothèses.
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